All language subtitles for Antony.And.Cleopatra.1972.1080p.BluRay.x264.MACALA

- Enobarbus.
- Qu'y a-t-il, Eros, mon ami ?

Où est Marc Antoine ?

II se promène dans les jardins.

Il y a d'étranges nouvelles.

Il aimerait vous voir.

Je vous conduis à lui.

Si c'est de l'amour, dites-moi,
quel degré d'amour ?

C'est un amour bien pauvre,
celui que l'on peut calculer.

Je veux établir d'une limite
jusqu'où je puis être aimée.

Alors il te faudra découvrir
un nouveau ciel et une nouvelle terre.

Ce fol amour de notre général
passe la mesure.

Son cœur de guerrier, qui brisa
sur son sein les boucles de sa cuirasse,

dément sa trempe.
Il est devenu

l'éventail qui apaise
les impudiques désirs d'une Égyptienne.

Tu verras en lui
la troisième colonne de l'univers

devenue le jouet d'une prostituée.

Des nouvelles de Rome,
seigneur.

Des nouvelles de Rome ?

Que Rome se fonde dans le Tibre,

que le vaste portique
de l'empire s'écroule !

C'est ici qu'est mon univers.

Les royaumes sont argile. Notre globe
fangeux nourrit aussi la brute et l'homme.

Le noble emploi de la vie, c'est ceci.

Ne nous parle pas.

Marc Antoine fait-il donc si peu de cas
de César ?

Oui, quelquefois,
quand il n'est plus Marc Antoine,

il s'écarte trop de ce caractère
qui devrait toujours l'accompagner.

Alexas.

Cher Alexas, où est le devin
que vous avez tant vanté à la reine ?

Devin !

Est-ce cet homme ?

Est-ce vous
qui connaissez les choses ?

Dans le livre immense
des secrets de la nature...

je sais lire un peu.

Montrez-lui votre main.

Mon bon monsieur,
donnez-moi une bonne fortune.

Je ne la fais pas, mais je la devine.

Eh bien, je vous prie,
devinez-m'en une bonne.

- Vous serez encore plus belle.
- Il veut dire en embonpoint.

Allons, écoutez.

Voyons, maintenant,
quelque bonne aventure.

Que j'épouse trois rois dans une matinée,
que je devienne veuve de tous trois,

que j'ai à cinquante ans un fils,

que je me marie avec Octave César,
et que je marche l'égale de ma maîtresse.

Vous survivrez à la reine
que vous servez.

Merveilleux. J'aime bien mieux
une longue vie que des figues.

Vous avez éprouvé une meilleure fortune

que celle qui vous attend.

Tais-toi, insensé !

Je te pardonne
car tu es sorcier.

- Et ensuite ?
- Fulvie s'est avancée sur le champ.

Contre mon frère Lucius ?

Et ils ont réuni leurs forces contre César,

qui bientôt les chassa
tous deux de l'Italie.

As-tu plus funeste
à m'apprendre ?

Les mauvaises nouvelles sont fatales
à leur messager.

Quand elles s'adressent à un insensé
ou à un lâche. Poursuis.

Avec moi, ce qui est passé est passé.

Quiconque m'apprend une vérité, même
funeste, je l'écoute comme s'il me flattait.

Labiénus, et c'est une sinistre nouvelle,

a envahi l'Asie Mineure
avec son armée de Parthes.

Depuis l'Euphrate,
sa bannière triomphante flotte

depuis la Syrie
jusqu'à la Lydie, l'Ionie,

tandis que...

Tandis que Marc Antoine, voulais-tu dire...

- Maître.
- Parle-moi sans détour,

sans déguiser le bruit populaire.

Appelle Cléopâtre
comme à Rome.

Prends le ton ironique
de Fulvie.

Quelles nouvelles de Sicyone ?

Seigneur...

votre épouse, Fulvie...

est morte.

- Où est-elle morte ?
- A Sicyone.

Laissez-moi seul.

Voilà une grande âme partie !

Je l'ai pourtant désiré.

L'objet que nous avons repoussé
avec dédain,

nous voudrions le posséder encore !

Elle est bonne parce qu'elle n'est plus.

Il faut que je m'affranchisse
du joug de cette reine enchanteresse

ou que la sénilité me perde.

Enobarbus !

- Que voulez-vous, seigneur ?
- Je dois partir d'ici sans délai.

En ce cas,
nous tuons toutes nos femmes.

Nous voyons combien
une dureté leur est mortelle

et subir notre départ implique la mort.

Je dois partir.

Dans une occasion pressante,
que les femmes meurent !

Ce serait pitié
de les rejeter ainsi,

quoique comparées à un grand intérêt,
elles ne comptent pour rien.

Au moindre bruit de ce dessein,
Cléopâtre meurt, elle meurt aussitôt.

Je l'ai vue mourir 20 fois
pour des motifs bien plus légers.

Il y a de l'amour dans la mort,
tant elle est prompte à mourir.

Elle est rusée.
L'homme n'imagine pas.

Hélas, non, seigneur !

Ses passions sont formées
des plus purs éléments de l'amour.

Ses soupirs et ses larmes
n'ont rien des vents et des flots.

Ce sont de plus grandes tempêtes
que celles qu'on prédit.

J'aimerais
ne l'avoir jamais vue !

Seigneur, vous auriez manqué
de voir une merveille.

Fulvie est morte.

Seigneur ?

Ma femme est morte.

Fulvie ?

Morte.

Eh bien, seigneur,

offrez aux dieux un sacrifice !

S'il ne restait que Fulvie,

vous auriez alors une raison de pleurer.

Votre chagrin porte sa consolation.

Les affaires entamées à Rome
ne peuvent supporter mon absence.

Et les affaires entamées ici
ne peuvent se passer de vous,

surtout celle de Cléopâtre,

qui dépend absolument
de votre présence.

Plus de frivole réponse.
Il n'y a pas que sa mort,

des lettres de Rome
pressent aussi mon retour dans ma patrie.

Sextus Pompée a défié César,

et il tient l'empire de la mer.

L'univers pourrait être en danger.

Va promptement informer les officiers
de notre dessein.

Vous voyez, Lépide,

voici les nouvelles d'Alexandrie.

Il pêche, il boit

et les lampes de la nuit
éclairent ses débauches.

Il daigne difficilement se rappeler
qu'il a des collègues.

Vous reconnaîtrez en lui

l'abrégé des faiblesses
dont les hommes sont capables.

Noble Octave,

ses défauts sont comme les étoiles,
rendues plus éclatantes

par les ténèbres de la nuit.

Ils sont héréditaires plutôt qu'acquis,

il ne peut les corriger,
étant involontaires.

Vous êtes trop indulgent.

Accordons que ce ne soit pas un crime
de s'allonger sur la couche de Cléopâtre,

de donner un royaume
pour un sourire

et de s'asseoir pour s'enivrer
avec un esclave,

de chanceler en plein midi dans les rues et
de fréquenter des drôles trempés de sueur.

Si cette conduite lui sied bien,
il lui faut une trempe extraordinaire

pour que cela ne le desserve pas.

Mais du moins,

cela ne peut excuser ses souillures,

quand sa légèreté nous impose
un si pesant fardeau.

Voici encore des nouvelles.

Vos ordres sont exécutés,
ô noble César.

Pompée est puissant sur mer,

et il paraît aimé de tous ceux
que la crainte seule attachait à César."

Je ne devais pas m'attendre à moins.

"Nul vaisseau ne peut se montrer
qu'il ne soit pris aussitôt qu'aperçu."

Le nom seul de Pompée inspire plus
de terreur que la présence de son armée.

Marc Antoine,

quitte tes débauches et tes voluptés !

Lorsque repoussé de Mutine,

tu fus poursuivi par la famine.

Tu bus l'urine de tes chevaux

et des eaux fangeuses
qui dégoûtaient les animaux.

Tu combattis ce fléau
tel un soldat valeureux, avec

une patience plus grande
que celle des sauvages.

C'est bien dommage.

Que la honte
le ramène promptement à Rome.

Il est temps de nous montrer
sur le champ de bataille.

Pompée prospère par notre indolence.

Demain, je pourrai dire précisément
ce que je puis faire sur mer et sur terre.

C'est aussi le soin qui m'occupera
jusqu'à demain. Adieu.

Adieu, seigneur.

Si les grands dieux sont justes,

ils seconderont les armes
du parti le plus juste.

Vaillant Pompée,
les dieux sont avec vous.

Je réussirai.

Le peuple m'aime

et la mer est à moi.

Ma puissance est comme
le croissant de la lune.

Marc Antoine est à table en Egypte,

il n'en sortira jamais
pour faire la guerre.

César amasse l'argent,
perd les cœurs,

Lépide les flatte
mais ils ne s'en soucient guère.

César et Lépide sont en campagne,
flanqués de forces imposantes.

D'où tenez-vous cela ? C'est faux.

- De Silvius, seigneur.
- Il rêve.

Je sais qu'ils sont encore à Rome,
où ils attendent Marc Antoine.

Que tous les charmes de l'amour enchaîne
le débauché dans un cercle de fêtes

et échauffe sans cesse son cerveau.

- Que Cléopâtre aiguise son appétit.
- Pompée !

Ho, Pompée !

- Qu'y a-t-il, Varius ?
- Veuillez croire la nouvelle

Marc-Antoine est d'heure en heure
attendu à Rome.

Je n'aurais pas cru que cet insatiable
de voluptés eût mis son casque

pour une guerre aussi peu importante.

C'est un guerrier
qui en vaut deux à lui seul.

Que le bruit de notre marche arrache
des genoux de la veuve d'Egypte

ce Marc Antoine
jamais las de débauches.

Comment croire que César et Antoine
puissent s'accorder ?

Sa femme, qui vient de mourir,
a offensé César.

Son frère lui a fait la guerre.

Je ne sais pas jusqu'à quel point
la crainte que nous leur inspirons

enchaînera leurs petites discordes.

Cher Enobarbus, engage ton général
à s'expliquer avec douceur et ménagement.

Je l'engagerai à répondre comme lui-même.

Si César l'irrite,

que Marc Antoine parle
aussi fièrement que Mars.

Tu parles avec passion,
mais de grâce, ne remue pas les tisons.

Soyez le bienvenu dans Rome.

Merci.

Asseyez-vous.

Asseyez-vous, seigneur.

Ainsi donc.

Vous vous offensez de choses
qui ne sont point blâmables, ou qui

ne vous regardent pas.

Je serais ridicule si,
pour rien ou pour si peu,

je me prétendais offensé.
Mais plus ridicule encore,

de vous nommer
quand je n'en ai point à faire.

Que vous importait donc, César,
mon séjour en Egypte ?

Pas plus que mon séjour à Rome
ne vous inquiétait.

Vos femme et frère
ont pris les armes contre moi,

votre nom était leur mot d'ordre.

Vous vous méprenez.

Mon frère dirigeait également
sa guerre contre moi.

Là-dessus, mes lettres
vous ont déjà satisfait.

Pour un prétexte de querelle,
oubliez celui-ci.

Vous déguisez mal vos torts.

Non, non !
Je suis votre associé dans cette cause.

Vous avez violé un article
de vos serments...

Doucement, César.

...ce que vous n'aurez jamais
à me reprocher.

- César.
- Non, Lépide, laissez-le parler.

L'honneur dont il parle maintenant
est sacré,

en supposant que j'en ai manqué.

Voyons, César,

l'article de mon serment.

Me prêter vos armes et votre secours.

Vous m'avez refusé l'un et l'autre.

Dites plutôt négligé.

En vérité, ma femme, pour m'attirer
hors d'Egypte, vous a fait la guerre ici.

Je vous en fais toutes les excuses
où mon honneur peut descendre.

C'est noblement parler.

S'il pouvait vous plaire de ne pas pousser
plus loin vos griefs réciproques,

de les oublier tout à fait.

Il n'est pas possible
que nous restions amis.

Si je connaissais un lien assez fort
pour nous tenir unis,

je le chercherais
dans le monde entier.

Permettez-moi, César.

Parle, Agrippa.

Vous avez du côté maternel
une sœur, la belle Octavie.

Le grand Marc Antoine
est veuf maintenant.

Ne parle pas ainsi, Agrippa.

Si Cléopâtre t'entendait,

elle te reprocherait,
avec raison, ta témérité.

Je ne suis pas marié, César.

Laissez-moi entendre Agrippa.

Pour entretenir une éternelle amitié,
faire de vous deux frères

et unir vos cœurs
par un nœud indissoluble,

il faut qu'Antoine épouse Octavie.

Sa beauté réclame pour époux
le plus illustre des mortels.

Ses vertus et ses grâces disent
ce qu'elles peuvent seules exprimer.

Cet hymen dissipera
toutes ces petites jalousies,

les craintes s'évanouiront.

César veut-il parler ?

Non, jusqu'à ce qu'il sache comment
Marc Antoine reçoit cette proposition.

Quels pouvoirs aurait Agrippa

si je disais : "Agrippa, j'y consens",
pour accomplir ce qu'il propose ?

Le pouvoir de César.

Qu'un cœur fraternel
inspire notre tendresse mutuelle

et préside à nos grands desseins.

Donnez-moi votre main.

Voilà ma main.

Je vous cède une sœur aimée

comme jamais sœur ne fut aimée
de son frère.

Qu'elle vive pour unir nos empires,
nos cœurs

et que notre amitié
dure toujours.

C'est bien heureux ! Amen.

Je ne songeais pas à tirer l'épée
contre Pompée,

il m'a accablé des égards
les plus grands.

Le temps presse.

Il nous faut chercher tout de suite
Pompée, ou il va nous prévenir.

- Où est-il ?
- Près du mont Misène.

- Quelles sont ses forces ?
- Grandes sur terre,

et sur mer, il est maître absolu.

J'aurais aimé pouvoir parler avec lui.

Hâtons-nous d'y remédier.
Mais avant de nous mettre en campagne,

dépêchons l'affaire
dont nous avons parlé.

Avec
la plus grande joie.

Je vous invite à venir voir ma sœur.
Je vais vous conduire chez elle.

Soyez le bienvenu d'Egypte,
seigneur Enobarbus.

Mon honorable ami Agrippa !

Si la beauté, la sagesse et la modestie
peuvent fixer le cœur d'Antoine,

Octavie est pour lui un heureux lot.

Charmiane.

Madame ?

Donne-moi une potion de mandragore.

Pourquoi donc, madame ?

Afin que je puisse dormir tout le temps
que mon Marc Antoine sera absent.

Vous songez trop à lui.

- O trahison !
- J'espère qu'il n'en est point ainsi.

Eunuque ! Mardian !

Que puis-je, Votre Majesté ?

Je ne veux pas maintenant
t'entendre chanter.

Je ne prends aucun plaisir
à ce qui vient d'un eunuque.

As-tu des inclinations ?

- Oui, gracieuse reine.
- En vérité ?

Pas en vérité, madame,
car je ne puis rien faire en vérité.

Mais j'ai de violentes passions

et je pense à ce que Mars fit avec Vénus.

Ô Charmiane...

où crois-tu qu'il soit, à présent ?

Est-il debout ou assis ?

Se promène-t-il ?

Est-il à cheval ?

Heureux coursier, qui porte Marc Antoine !

Conduis-toi bien, cheval,

car sais-tu bien qui tu portes ?

L'Atlas qui soutient
la moitié du globe.

Alors nous devons...

Nous causerons avant de nous battre.

Il convient de commencer
par conférer ensemble.

Faites-nous savoir si nos propositions
enchaîneront votre épée

et renverront en Sicile une foule
de jeunesse, qui autrement périra ici.

C'est à vous trois
que je parle,

vous les seuls sénateurs de ce vaste
univers et les illustres agents des dieux.

C'est ce motif qui m'a porté
à équiper ma flotte.

Je veux châtier l'ingratitude

que l'injuste Rome a montrée
à mon illustre père.

Ayez la bonté de nous dire,
car tout ceci s'éloigne

des offres que nous vous avons envoyées.

- Oui, voilà le point.
- Vous m'offrez la Sicile et la Sardaigne

sous la condition que je purgerai
la mer des pirates

et que j'enverrai du froment à Rome.

Nous nous séparerons,
nos épées sans brèche.

C'est notre offre.

Sachez que je suis ici devant vous
en homme disposé à accepter vos offres.

Mais Marc Antoine
m'a un peu impatienté.

Dois-je vous rappeler
que tandis

que César et votre frère
se battaient,

votre mère se réfugia en Sicile
et y trouva un accueil amical.

J'en suis instruit, Pompée.

Et je comptais exprimer
la reconnaissance que je vous dois.

Donnez-moi votre main.

Je ne m'attendais pas
à vous rencontrer ici.

Les lits d'Orient sont doux.

En me faisant revenir plus tôt ici,
j'y ai gagné.

Satisfait de vous voir ici.

Je l'espère, Lépide.

Ainsi, nous voilà d'accord.

Fêtons-nous
avant de nous séparer.

Tirons le premier au sort.

Quel qu'il soit, votre cuisine égyptienne
l'emportera toujours.

César aurait acquis de l'embonpoint
dans cette contrée.

C'est la vérité, en effet.

Mon intention est innocente.

- J'ai ouie dire qu'Appollodore porta...
- Quoi donc ?

Une certaine reine à César
dans un matelas.

Je te reconnais à présent.
Comment te portes-tu, guerrier ?

Je ne t'ai jamais haï.

Je t'ai vu combattre
et tu m'as rendu jaloux de ta valeur.

Moi, je ne vous ai jamais beaucoup aimé
mais j'ai fait votre éloge.

Je vous invite
à bord de ma galère.

Voulez-vous me précéder, seigneurs ?

Nous venons combattre.

Je suis fâché que cela
soit changé en débauche.

Pompée, aujourd'hui,
perd sa fortune en riant.

Si cela est, pleurer ne servira à rien.

Vous l'avez dit, seigneur.

Nous ne pensions pas
le trouver ici.

Mais, je vous prie,
est-il marié à Cléopâtre ?

La sœur de César se nomme Octavie.

Oui, elle était femme
de Caus Marcellus.

Mais elle est maintenant
la femme de Marc Antoine.

- Plaît-il, seigneur ?
- Rien de plus vrai.

Les voilà donc, César et lui,
liés ensemble pour jamais.

Je ne prédirais pas ainsi.

Octavie est d'une humeur chaste,
froide et tranquille.

- Qui ne voudrait que sa femme fût ainsi ?
- Marc Antoine.

Il retournera à son plat égyptien.

Cela pourrait bien être. Allons,
seigneur, voulez-vous venir à bord ?

Ils mesurent la crue du Nil
par certains degrés.

Qu'en est-il de votre crocodile ?

Une santé à Lépide !

Lépide !

Pompée, un mot.

Parle-moi à l'oreille. Que veux-tu ?

Levez-vous, mon général, je vous
en conjure, et daignez m'entendre.

Laisse-moi. Tout à l'heure.

A la santé de César.

Je voudrais bien refuser.

Allons, va te faire pendre.
Va-t'en.

Si, au nom de mes services, vous daignez
m'entendre, levez-vous de votre siège.

Je crois que tu es fou.

Veux-tu être le seul maître de l'univers ?

Que veux-tu dire ?

Encore une fois, veux-tu être
seul maître de l'univers ?

Montre-moi par quel moyen.

Ces trois maîtres du monde,
ces rivaux sont dans ton vaisseau.

Laisse-moi couper le câble

et, quand nous serons en mer,
leur trancher la tête.

Tout sera à toi.

Ah ! Tu aurais dû le faire
et non pas me le dire.

Ce serait en moi une trahison.

De ta part, c'était un bon service.

Si tu l'avais exécuté à mon insu,

j'aurais approuvé ensuite l'action,

mais à présent, je dois la condamner.

Renonce à ton idée et va boire.

Je vous ferai raison pour lui, Pompée.

Qu'on le porte sur le rivage.

Eh bien, mon brave empereur !

Dansons à présent
les bacchanales égyptiennes.

Volontiers, brave soldat.

Marc Antoine...

l'empereur

et la reine Cléopâtre !

Que voulez-vous de plus ?

Mon cher frère, partons.

- Je vous mettrai à l'épreuve sur le rivage.
- Bonne nuit.

Seigneur, donnez-moi votre main.

Oh, Marc Antoine,
nous sommes amis.

Allons, descendez dans la chaloupe.

Prenez garde de tomber.

Lépide !

Adieu à ces grands personnages.

Vous avez là de prodigieux serpents.

Sonnez et soyez pendus !

Noble capitaine, venez.

- Faites-moi de la musique.
- La musique !

La musique...

aliment mélancolique
de ceux qui ne vivent que d'amour.

Point de musique. Allons plutôt
jouer au billard. Viens, Charmiane.

Mon bras me fait mal, vous ferez mieux
de jouer avec Mardian.

Autant jouer avec un eunuque
qu'avec une femme. Viens.

Veux-tu faire ma partie ?

Aussi bien que je pourrai, madame.

Mais je ne jouerai pas à présent.

Nous irons à la rivière.

Là, quand ma musique
se fera entendre au loin,

je tendrai des pièges aux poissons dorés

et à chaque poisson tiré hors de l'eau,
imaginant un Marc Antoine, je m'écrierai :

"Vous voilà pris."

C'était plaisant, lorsque vous fîtes
une gageure sur votre pêche

et que votre plongeur attacha
un poisson salé à sa ligne

qu'il tira de l'eau avec transport.

Ce temps-là !

O temps !

- Oh, d'Italie !
- Madame.

- Madame.
- Il est mort ?

Si tu le dis, misérable,
tu assassines ta maîtresse.

Si tu viens m'apprendre
qu'il va bien, voilà de l'or.

- Madame, il se porte bien.
- Voilà de l'or.

Mais prends garde, coquin.

Nous disons
que les morts vont bien.

Si c'est là ce que tu veux dire, je ferai
fondre cet or dans ta gorge de malheur.

Ma reine, écoutez-moi.

Allons, j'y consens. Poursuis.

Mais il n'y a rien de bon dans ta figure.

Voulez-vous m'entendre ?

J'ai envie de te frapper
avant que tu parles.

Si tu me dis que Marc Antoine
se porte bien, qu'il est ami de César

- et non pas son esclave...
- Il va bien.

- C'est bien parlé.
- Il est ami de César.

Tu es un brave.

- Ils sont plus amis que jamais.
- Tu feras ta fortune avec moi.

Mais cependant, madame...

je n'aime point ça.

De grâce, ami, verse
tout ce que tu portes dans mon oreille,

le bien et le mal à la fois.

Il est ami de César,

en pleine santé, dis-tu, et il est libre ?

Libre, non.
Je ne vous ai rien dit de semblable.

Il est lié à Octavie.

Pour quel service ?

Le meilleur, celui du lit.

Madame...

il est marié à Octavie.

Que la peste la plus
contagieuse t'atteigne !

Madame, de la patience.

Que dis-tu ?
Sors d'ici, horrible scélérat !

J'arracherai tous tes cheveux !

Tu seras fouetté avec des verges,
imprégné de saumure.

J'apporte la nouvelle
mais n'ai pas fait l'union !

Dis que ce n'est pas vrai

et je te donne une province. Tu
parviendras à la fortune la plus brillante.

- Il est marié, madame.
- Scélérat.

Tu as trop vécu !

Madame, contenez-vous !

Cet homme est innocent.

Il est des innocents
qui n'échappent pas à la foudre !

Que l'Egypte s'ensevelisse dans le Nil

et que toutes les créatures bienfaisantes
se transforment en serpents !

Rappelez cet esclave.

Malgré ma rage, je ne le mordrai point

Rappelez-le !

II a peur de revenir.

Je ne le maltraiterai point.

Ces mains s'avilissent

en frappant un malheureux
au-dessous de moi.

Approche, mon ami.

Il n'y a pas de crime,

mais il y a toujours du danger
à porter de mauvaises nouvelles.

Il est marié ? II m'est impossible de te haïr
plus que je ne fais, si tu dis encore oui.

Il est marié, madame.

Que les dieux te confondent !

- Tu oses donc persister ?
- Dois-je mentir, madame ?

J'aurais voulu, dût la moitié
de l'Egypte être submergée

et changée en citerne à serpents !

- Va, va-t'en.
- Je demande pardon à Votre Majesté.

Il est marié ?

Madame, il est marié à Octavie.

Va-t'en.

La marchandise
que tu as apportée de Rome

est trop chère pour moi.

Oh ! Iras,

Charmiane !

N'importe.

Cher Alexas, va trouver cet homme.

Qu'il te rende compte
des traits d'Octavie, de son âge.

Qu'il n'oublie pas de dire
la couleur des cheveux.

Reviens promptement m'en instruire.

Qu'il m'abandonne à jamais !

Mais non.

Mardian, recommande à Alexas
de me rapporter sa taille.

Madame.

En louant Marc Antoine,

j'ai déprécié César.

Bien des fois, madame.

J'en suis punie aujourd'hui.

Vous m'enlevez ma plus chère portion.

Veuillez la bien traiter.

Ma sœur, soyez une épouse
telle que ma pensée vous peint à mes yeux,

Que Jupiter fasse de moi,
femme faible, votre réconciliatrice !

La guerre entre vous
est comme le globe s'entrouvrant.

Marc Antoine,

que ma sœur,
devenue ainsi ciment de notre amitié,

soit aimée de nous deux.

- Ne m'offensez pas par votre défiance.
- J'ai dit.

Soit.

Les frères sont-ils séparés ?

Ils ont terminé avec Pompée,
qui vient de partir.

Nous partons pour Athènes.

Octavie pleure de quitter Rome.

César est triste

et Lépide, depuis le festin de Pompée,
est attaqué de la maladie verte.

Seigneur, pas plus loin.

Que les dieux vous gardent et fassent obéir
le cœur des Romains à vos desseins.

Adieu, ma chère sœur, sois heureuse.

Que tous les éléments te soient propices.

O mon noble frère !

Adieu.

Avril est là,
c'est le printemps de l'amour,

et ces larmes,
la pluie qui favorise son retour.

Vous recevrez des nouvelles
de votre frère.

Réjouissez-vous.

Allons, je disputerai avec vous
de tendresse pour elle.

Je vous embrasse ici et je vous quitte
en vous recommandant aux dieux.

Adieu.

Soyez heureux.

Que tous les astres du firmament

- éclairent votre route !
- Adieu.

Adieu.

Adieu.

Où est ce messager ?

II a peur de paraître devant vous.

Qu'il vienne.

Approche.

Approche-toi.

Très-gracieuse reine.

As-tu vu Octavie ?

Oui, redoutable reine.

- Où ?
- A Rome, madame.

Je l'ai regardée en face,

je l'ai vue marcher
entre son frère et Marc Antoine.

Est-elle aussi grande que moi ?

Non, madame.

L'as-tu entendue parler ?

A-t-elle la voix aiguë ou basse ?

Madame, je l'ai entendue parler.

Elle a la voix basse.

C'est mauvais.

- Il ne peut l'aimer longtemps.
- L'aimer ?

- Par Isis, cela est impossible.
- Je le crois, Charmiane.

Une langue épaisse
et une taille de naine.

A-t-elle
la démarche majestueuse ?

Souviens-t'en, si jamais tu en as vu.

Elle se traîne.

- Sûr ?
- Oui, ou je ne m'y connais pas.

Personne ne peut en juger
mieux que lui.

Il est plein d'intelligence,
je m'en aperçois.

Il n'y a encore rien en elle.

- Cet homme a un bon jugement.
- Excellent.

Devine son âge, je te prie.

Madame, elle était veuve.

Veuve, Charmiane.

Je pense qu'elle a 30 ans.

As-tu son visage
en mémoire ?

Est-il long ou rond ?

Rond, à l'excès.

Les femmes avec ce visage
n'ont aucun esprit.

- Et ses cheveux ?
- Blonds.

Bruns, madame ! Son front est aussi bas
qu'il soit possible de le désirer.

Tiens, prends cet or.

Il ne faut pas t'offenser de mes premières
vivacités. Je veux t'employer,

je te trouve
propre aux affaires.

Va te préparer à partir,
nos lettres sont prêtes.

Un homme de sens.

Oui, en vérité.

Il semble que cette créature
n'est pas grand-chose.

Rien du tout, madame.

Cet homme a vu parfois de la majesté
et doit s'y connaître.

S'il en a vu ?

Bonne Isis !
Lui qui a été

si longtemps à votre service ?

Tout ira bien.

Le monde et ma charge importante

m'arracheront quelquefois de vos bras.

Pendant votre absence,

je fléchirai les genoux devant les dieux
et les prier pour vous.

Mon Octavie...

ne jugez point mes torts
sur les récits du monde.

J'ai quelquefois passé les bornes,
je l'avoue,

mais ma conduite
ne s'écartera plus de la règle.

Adieu, seigneur.

Adieu, chère épouse.

Lorsque tu me conjurais pour rester,
c'était alors le temps des paroles.

Tu ne parlais pas alors de départ.

L'éternité était dans nos yeux
et sur nos lèvres,

le bonheur était peint sur notre front.

Et ce, maintes fois.

Eh bien, maraud !
Voudrais-tu être encore en Egypte ?

Plût aux dieux que je n'en fusse
jamais sorti...

et que vous ne fussiez jamais venu.

Retournez au plus tôt en Egypte.

Dis-moi qui de César ou de moi
élèvera le plus haut sa fortune ?

César.

Ne reste point à ses côtés.

Ton esprit est noble, sans égal
là où celui de César n'est pas

mais près de lui, ton ange
se change en Terreur,

Ainsi donc, mets toujours
assez de distance entre lui et toi.

Ne me parle plus de cela.

Je n'en parle qu'à toi.

Je n'en parlerai jamais qu'à toi seul.

Joue avec lui à quelque jeu
que ce soit et tu es sûr de perdre.

Il a tant de bonheur
qu'il te battra, malgré tout.

Je te le répète encore :

Ton génie te gouverne avec terreur,
quand tu es près de lui.

Loin de César,
il reprend toute sa grandeur.

Va-t'en

et dis à Ventidius que je veux lui parler.

Cet homme a dit la vérité.
Les dés même obéissent à César

et, dans nos jeux, ma plus grande adresse
échoue contre son bonheur.

Ventidius !

Si je perds mon honneur,
je me perds moi-même.

- Seigneur ?
- Il faut marcher contre les Parthes.

Ta commission est prête.

Mes desseins obligent des détours,
vous gagnerez 2 jours sur moi.

Bon succès, seigneur !

Si j'accepte ce mariage,
c'est pour assurer ma paix,

mais tous mes plaisirs sont dans l'Orient.

Vous vous êtes bien trouvé en Egypte ?

Oui, Mécène.

Huit sangliers rôtis pour un déjeuner

et douze convives seulement !

Nous avions bien d'autres plats.

L'Égyptienne.

C'est une reine bien magnifique,
si la renommée dit vrai.

En voyant Marc Antoine,
elle a pris son cœur dans ses filets.

- Sur le fleuve Cydnus ?
- Elle s'est offerte à ses yeux.

Je vais vous raconter.

La galère où elle était assise,

ainsi qu'un trône éclatant,
semblait brûler sur les eaux.

La poupe était d'or massif,

les voiles de pourpre et si parfumées
que les vents s'y jouaient avec amour.

Les rames d'argent frappaient l'onde
en cadence au son des flûtes,

et les flots amoureux se pressaient
à l'envie à la suite du vaisseau.

Pour Cléopâtre,

il n'est point de mots
pour la peindre.

Couchée sous son pavillon

de tissu d'or,

elle effaçait cette Vénus fameuse où nous
voyons l'imagination surpasser la nature.

Assis à ses côtés, de jeunes et beaux
enfants, tel un groupe de riants amours

agitant des éventails
de couleurs variées

dont le vent semblait colorer les
joues délicates qu'ils rafraîchissaient,

comme produisant
cette chaleur qu'ils diminuaient.

O spectacle admirable pour Marc Antoine !

Ses femmes, comme autant de Néréides
et de Sirènes,

cherchaient à deviner ses ordres,
s'inclinaient avec grâce.

L'une des sirènes,
assise au gouvernail, dirige le vaisseau.

Les cordages de soie obéissent
à ces mains douces comme les fleurs,

qui manœuvrent avec dextérité.

Du sein de la galère s'exhalent
d'invisibles parfums

qui frappent les sens,
sur les quais adjacents.

La ville envoie tous ses habitants
au-devant d'elle

et Marc Antoine, assis sur un trône
au milieu de la place, est resté seul,

haranguant l'air, qui,
sans sa peur du vide,

eût aussi contemplé Cléopâtre
et abandonné sa place.

Prostituée royale !

Elle fit déposer au grand César
son épée sur son lit

A présent, voilà Antoine
obligé de la quitter pour toujours.

Jamais.

Il ne la quittera pas.

L'âge ne peut la flétrir,

ni l'habitude épuiser
l'infinie variété de ses appas.

Les femmes rassasient
les désirs qu'elles satisfont,

mais elle, plus elle donne,
plus elle affame

car les choses les plus viles
ont de la grâce chez elle.

Les prêtres la bénissent
au milieu de ses débauches.

Seigneur des seigneurs.

Reviens-tu en souriant après avoir échappé
au piège où le monde va se précipiter ?

O toi, astre de l'univers,

viens serrer mon cœur.

Octavie ?

Octavie.

Être obligé de t'appeler femme répudiée !

Vous ne m'avez pas appelée ainsi,
et vous n'en avez pas sujet.

La sœur de César,
l'épouse de Marc Antoine...

vous êtes venue à Rome
comme une vendeuse de marché.

- Mon bon frère.
- Ma tendre sœur.

L'adultère Marc Antoine vous a rejetée.

N'en jugez pas ainsi.

J'ai les yeux sur lui

et les vents m'apportent des nouvelles
de toutes ses démarches.

Où est-il, maintenant ?
A Athènes ?

Non, ma sœur trop indignement outragée.

Cléopâtre l'a rappelé à ses pieds.

Au mépris de Rome,
il a fait tout ceci et plus encore.

A Alexandrie, dans la place publique,

Cléopâtre et lui
se sont assis publiquement

sur des trônes d'or.

Antoine a fait don de l'Egypte
à Cléopâtre,

il l'a proclamée reine absolue.

Aux yeux du public ?

Sur la grand place
où le peuple fait ses exercices.

Instruisons Rome.

Le peuple en est instruit,
Marc Antoine l'a accusé.

Qui accuse-t-il ?

César. Il se plaint de ce qu'ayant
dépouillé Sextus Pompée de la Sicile,

je l'ai frustré de sa part de l'île.

Des vaisseaux, dit-il,
n'auraient pas été rendus.

Enfin, il se dit indigné de ce que Lépide
a été déposé du triumvirat

et s'insurge que j'ai retenu
tous ses revenus.

- Il faut lui répondre.
- C'est fait, le messager est parti.

Je dis que je lui accorde
une portion de mes conquêtes

mais je demande en retour ma part
de ses royaumes conquis.

Jamais il ne vous la cédera.

Alors je ne lui céderai pas
ce qu'il veut.

Il a abandonné son empire
à une prostituée.

O univers...

de trois loups,
tu n'en as plus que deux.

Jette au milieu d'eux
toute la nourriture que tu possèdes

et ils se dévoreront l'un l'autre.

Je m'acquitterai envers toi,
n'en doute pas.

Mais pourquoi ? Pourquoi ?

Tu t'es opposé à ce que j'assistasse
à cette guerre.

Est-ce convenable, dites-moi ?

- Pourquoi pas ?
- Déclarée contre moi,

pourquoi ne puis-je y assister ?

Votre présence doit embarrasser
Marc Antoine.

Elle prendra de son cœur, de sa tête,
de son temps, si précieux.

On dit dans Rome

que l'eunuque et vos femmes
dirigent cette guerre.

Que Rome s'abîme et que périssent
toutes ces langues !

Je porte ma part du fardeau

et, comme souveraine,
je dois remplir le rôle d'un homme.

Ne dis plus rien,
je ne resterai pas en arrière.

Je me tais, madame.

Voici l'empereur.

N'est-il pas étrange,
Canidius,

que César ait pu
traverser si rapidement la mer d'Ionie

et emporter Toryne ?
Vous l'avez appris ?

La diligence est admirée
par les paresseux.

Bonne satire de notre indolence,
qui ferait honneur

au plus brave guerrier.

Canidius, nous le combattrons sur mer.

Oui, sur mer, sans doute !

Pourquoi mon général a-t-il ce projet ?

Parce qu'il nous en a défié.

- Et défié aussi en combat singulier ?
- Oui,

et vous lui avez offert le combat à
Pharsale où César vainquit Pompée.

Mais toutes les propositions
qui le desservent,

il les rejette.
Vous devriez en faire autant.

Vos vaisseaux sont mal équipés,
vos matelots sont des muletiers.

Les marins de la flotte de César
ont combattu Pompée.

Leurs vaisseaux sont légers.

L'attaquer sur terre, pas sur mer,
n'a rien d'un déshonneur.

Sur mer, sur mer.

Mon digne seigneur, vous perdez par là toute
la supériorité que vous avez sur terre,

vous démembrez votre armée aguerrie,

perdez votre habileté
et vous exposez au hasard.

- Je veux combattre sur mer.
- J'ai 60 vaisseaux. César : Pas mieux.

Si nous perdons,
nous nous vengerons sur terre.

Canidius, tu commanderas sur terre
nos 19 légions et nos 12000 chevaux.

Nous, nous allons à notre flotte.

Que veux-tu, brave soldat ?

O noble empereur,
ne combattez point sur mer.

Ne vous fiez pas à des planches pourries.

Est-ce que vous vous défiez
de cette épée ?

Laissez aux Egyptiens et aux Phéniciens
l'art de nager.

Nous, Romains, nous vainquons
sur terre, en combattant de pied ferme.

Allons, allons, partons !

Par Hercule, je crois que j'ai raison.

Oui, soldat.

Mais notre chef

se laisse mener
et nous sommes les soldats de ces femmes.

- Agrippa.
- Mon seigneur ?

N'agis point sur terre,
ne provoque pas

le combat
que l'affaire ne soit décidée sur mer.

Ne dépasse pas les ordres
de ce parchemin,

notre fortune en dépend.

Doucement.

Halte !

Feu !

Feu !

Faites place !

Allez !

Battons en retraite,
nous nous sommes engagés trop avant.

Le vaisseau de la flotte égyptienne
tourne son gouvernail et fuit.

Fuyons !

Fuyons !

Rien.

Absolument rien.

Ne combattez point sur mer.

Notre fortune sur mer est aux abois.

Dieux et déesses !

La plus belle part de l'univers est perdue.

Des royaumes et provinces perdus
pour des baisers.

Où en est le combat ?

De notre côté, comme la peste lorsqu'on a
vu les boutons et que la mort est certaine.

Cette infâme prostituée d'Egypte,

que la lèpre saisisse.

Au fort de l'action,

telle une génisse piquée par un taon
au mois de juin,

fait hausser les voiles et fuit.

J'en ai été témoin, la vision
m'a rendu malade.

Le noble Marc Antoine

déploie les ailes de son vaisseau

et, comme un insensé, abandonne
le combat au fort de la mêlée

et fuit sur ses traces.

Je n'ai jamais vu d'action si honteuse.

Notre fortune sur mer s'abîme
de la manière la plus lamentable.

Si seulement il s'était souvenu
de ce qu'il était.

Oh ! II nous a donné bien lâchement
l'exemple de la fuite !

Oui. Ah ! En êtes-vous là ?
En ce cas, bonsoir. Adieu.

Je vais me rendre à César
avec mes légions

et mes chevaux. Six rois m'ont donné
l'exemple de la soumission.

Je veux suivre encore
la fortune chancelante de Marc Antoine

quoique la prudence
me conseille le contraire.

La terre me défend
de la fouler plus longtemps.

Elle a honte de me porter !

J'ai perdu ma route pour jamais.

Laissez-moi,

fuyez,

allez faire la paix avec César.

Fuir ? Non, pas nous.

Quittez-moi !

- La voyez-vous, seigneur ?
- Non.

Loin de moi !

Chère souveraine.

Seigneur.

Seigneur, la reine.

J'ai porté un coup mortel
à ma réputation !

O mon seigneur !

O Égyptienne, où m'as-tu conduit ?

Ah ! Seigneur, pardonnez
à mes timides vaisseaux.

J'étais loin de prévoir
que vous me suivriez.

Égyptienne, tu savais trop bien

que mon cœur était attaché
au gouvernail de ton vaisseau

et que tu me traînerais
à la remorque.

Tu le savais.

Tu savais qu'un signe de toi m'eût fait
désobéir aux ordres des dieux mêmes.

Oh ! Pardonne-moi !

Maintenant il faut que j'envoie d'humbles
propositions à ce jeune homme.

Que je supplie, que je rampe
dans tous les détours de l'humiliation.

Moi qui gouvernais, en me jouant,
la moitié de l'univers,

qui créais et anéantissais les fortunes !

Tu savais trop que tu avais
asservi mon âme

et que mon épée,
affaiblie par ma passion,

lui obéirait toujours.

Oh ! Pardonne-moi.

Pardonne-moi.

Ne pleure pas.

Une seule de tes larmes vaut tout
ce que j'ai jamais pu gagner ou perdre.

Donne-moi un baiser,

il me paye de tout.

Ma bien-aimée...

je me sens abattu.

Un peu de vin, Eros !

La fortune sait que plus elle me menace

et plus je la brave.

Qu'on fasse entrer
l'envoyé de Marc Antoine.

Le connaissez-vous ?

César, c'est son maître d'école.

Preuve qu'il est bien déplumé,

puisqu'il envoie ici une si petite plume
de son aile,

lui qui avait tant de rois pour messagers
il n'y a que quelques mois.

Approche et parle.

Tel que je suis,

je viens de la part de Marc Antoine.

J'étais, il y a peu de temps, aussi petit

dans ses desseins que la goutte de rosée
sur une feuille de myrte face à l'océan.

Il salue en toi le maître de sa destinée

et demande à vivre en Egypte.

Si tu refuses, il abaisse ses prétentions

et te prie de le laisser respirer
entre la terre et le ciel,

en simple citoyen, dans Athènes.

Pour Antoine,
je n'écoute point sa requête.

Pour la reine, j'accepte
de l'entendre et de la satisfaire

à condition qu'elle chasse
de l'Egypte son amant déshonoré ou

qu'elle lui ôte la vie.
Va, annonce ma réponse.

Thyréus !

Thyréus !

Thyréus !

Thyréus, voici le moment. Pars.

Détache Cléopâtre
des intérêts de Marc Antoine.

Promets en mon nom
tout ce qu'elle voudra.

Ajoute toi-même
des offres de ton invention.

Les femmes dans la meilleure fortune
sont faibles

mais l'infortune rendrait parjure
les vestales mêmes.

Essaye ton adresse, Thyréus.

Que faut-il faire, Enobarbus ?

Penser et mourir.

La faute est-elle à Marc Antoine
ou à moi ?

A Marc Antoine seul,

lui qui permet à sa volonté
de maîtriser sa raison.

Qu'importe que vous ayez fui.
Pourquoi vous a-t-il suivie ?

Son affection n'aurait pas dû être fatale
à sa réputation.

Au moment

où la moitié de l'univers
combattait l'autre ?

Ce fut une honte égale à sa perte
de suivre vos pavillons fuyants

et d'abandonner
sa flotte.

C'est là sa réponse ?

Oui, seigneur.

La reine sera bien accueillie
si elle veut me sacrifier.

- C'est ce qu'il a dit.
- Qu'elle le sache.

Envoyez au jeune César
cette tête grise

et il remplira de royaumes
jusqu'aux bords la coupe de vos désirs.

Votre tête, seigneur !

Retourne vers lui.

Dis-lui qu'il porte
les roses de la jeunesse,

que l'univers attend de lui
des actions extraordinaires.

Que son or, ses vaisseaux, ses légions,
appartinssent à un lâche,

que des subalternes peuvent triompher
sous un enfant comme sous César.

Je le défie de venir, en oubliant
l'inégalité de nos fortunes,

se mesurer avec moi,
déjà vieux, fer contre fer et seul à seul.

Je vais le lui écrire.
Suis-moi.

Oui...

cela est bien vraisemblable

que César ira mettre en jeu son bonheur,

et se donner en spectacle
comme un spadassin !

César...

tu as aussi vaincu sa raison.

Voici un envoyé de César.

Pas de cérémonie ?

Tu vois, ma Charmiane.

On se bouche le nez près de la rose dont
on venait à genoux admirer les boutons.

Fais-le entrer.

Mon honneur et moi
nous querellons.

La loyauté gardée à des fous
change notre constance en vraie folie,

cependant, celui qui persiste à suivre
avec fidélité un maître déchu

est le vainqueur
du vainqueur de son maître.

Que veut César ?

Venez l'entendre à l'écart.

Il n'y a ici que des amis.
Parle hardiment.

Sont-ils amis de Marc Antoine ?

II a besoin d'avoir
autant d'amis que César.

Soit.

Ainsi donc, illustre reine...

César vous exhorte
à faire fi de votre situation

et à vous souvenir seulement
qu'il est César.

Poursuis.

C'est agir loyalement.

Il vous sait attachée à Marc Antoine
moins par amour que par crainte.

- Oh.
- Il plaint donc les atteintes

portées à votre honneur comme
des taches forcées, mais non méritées.

Il est un dieu qui sait démêler la vérité.

Mon honneur n'a point cédé,
il a été conquis par la force.

J'irai demander à Marc Antoine.

Dirai-je à César
ce que vous désirez de lui.

Il serait enchanté

que vous fissiez de sa fortune
un bâton pour vous appuyer.

Ce qui enflammerait son zèle pour vous

serait que vous quittiez Marc Antoine

et que vous vous réfugiiez
sous l'abri de sa puissance,

lui le maître de l'univers.

Quel est ton nom ?

Mon nom...

est Thyréus.

Gracieux messager...

dis au grand César
qu'en la personne de son député,

je baise sa main victorieuse.

Dis-lui que je dépose ma couronne
à ses pieds et que je m'agenouille.

Dis-lui que j'attends de sa voix souveraine
la sentence de l'Egypte.

Rien n'est plus honorable pour vous.

Laissez-moi déposer mon hommage
sur votre main.

Plus d'une fois le père de votre César,

après avoir rêvé de conquêtes,

posa ses lèvres
sur cette main indigne de lui.

Approchez ici.

Qui es-tu ?

Un homme qui exécute les ordres
du plus puissant

et du plus digne d'être obéi.

Tu seras fouetté !

Chien !

Dieux et diables !

Mon autorité s'évanouit !
Naguère, je criais "holà !"

Et tels des enfants,
des rois accouraient : "Que voulez-vous ?"

N'avez-vous point d'oreilles ?
Je suis Marc Antoine !

Saisissez-moi cet insolent et fouettez-le !

Par la lune et les étoiles !

Si vingt puissants tributaires
rendant hommage à César

avaient l'insolence
de baiser la main de cette...

Comment s'appelle-t-elle ?
Jadis, c'était Cléopâtre !

Fouettez-le jusqu'à ce
que vous le voyiez, tel un enfant,

- vous supplier.
- Marc Antoine !

Qu'on l'entraîne !

Ramenez-le une fois fouetté.

Ce valet de César
lui reportera un message.

Vous étiez à moitié flétrie
quand je vous ai connue.

Ai-je laissé dans Rome ma couche vierge
pour être trompé par une femme ?

- Mon cher seigneur...
- Vous êtes perfide.

Je vous ai trouvée comme un mets refroidi
sur la table de Jules César mort.

Vous étiez aussi un reste
de Cnéius Pompée.

Sans compter les heures souillées
de vos débauches clandestines,

- qui n'ont pas été racontées.
- Pourquoi tout cela ?

Souffrir qu'un malheureux
dise : "Dieu vous le rende" et

prenne des libertés familières
avec cette main !

- Est-il fouetté ?
- Solidement, seigneur.

- A-t-il jeté des cris ? Demandé grâce ?
- Oui, seigneur.

Si ton père vit encore, qu'il regrette
de n'avoir pas eu une fille au lieu de toi.

Repens-toi d'avoir suivi César,
puisque tu as été fouetté pour ça.

Désormais, que la blanche main d'une dame
te donne la fièvre,

tremble à sa seule vue.

Retourne à César,
apprends-lui ta réception.

Vois, dis-lui à quel point
il m'irrite contre lui

car il affecte l'orgueil
et le dédain

et s'arrête à ce que je suis,
non ce que je fus.

Il m'irrite !

Et, dans ce moment, cela est fort aisé,

les astres favorables
qui jadis étaient mes guides

ayant fui de leur orbite et précipité
leur feu dans l'abîme de l'enfer.

Allez-vous-en !

Avez-vous fini ?

Pour flatter César, vous échangez
des regards avec cet homme ?

Comme son cœur est glacé pour moi.

Cher amant,

si cela est que le ciel change
mon cœur glacé en grêle

et qu'il se dissolve avec ma vie.

Que mes braves Egyptiens
gisent tous sans tombeau

et deviennent la proie
des moucherons du Nil !

Je suis satisfait.

César veut s'établir dans Alexandrie.

C'est là que je lutterai
contre sa fortune.

Nos troupes de terre ont tenu ferme,

notre flotte dispersée s'est ralliée

et vogue encore
sous un appareil menaçant.

Où étais-tu, mon cœur ?

Entends-tu, reine ?

Si je reviens encore une fois du champ
de bataille pour baiser ces lèvres,

je reviendrai tout couvert de sang.

Mon épée et moi, nous allons
les repousser jusque dans leurs lits.

Quoi, ma belle ?

Malgré ce gris se mêlant
à ma brune chevelure,

je peux arriver au but
aussi bien que la jeunesse.

Mon cerveau nourrit encore mes nerfs.

Voilà mon courageux seigneur.

Passons encore
une nuit dans la joie !

Qu'on appelle tous mes sombres officiers,
qu'on remplisse nos coupes.

Une dernière fois,
oublions la cloche de minuit.

Nous goûterons encore le bonheur.
Venez, ma reine, il y a encore de la sève.

Au prochain combat,
je forcerai la mort à me chérir.

Allons, le voilà
qui veut surpasser la foudre.

Être furieux, c'est être vaillant
par excès de peur,

et, dans cette disposition,
la colombe attaquerait l'épervier.

Je vois que mon général
ne regagne du cœur

qu'aux dépens de sa tête.

Quand le courage usurpe
sur la raison,

il ronge l'épée avec laquelle il combat.

Je vais chercher les moyens de le quitter.

Il me traite d'enfant,
me menace,

comme s'il avait le pouvoir
de me chasser de l'Egypte.

Il me provoque à un combat singulier :
César contre Marc Antoine !

Que le vieux débauché sache
que j'ai d'autres moyens de mourir.

Lorsqu'un aussi grand homme
que Marc Antoine entre en furie,

il est aux abois.
Ne lui donnez aucun relâche.

Annoncez aux officiers, demain, nous
livrerons la dernière de nos batailles.

Nous avons ici des gens qui servaient
Marc Antoine, qui pourraient

le prendre lui-même.

Faites. Qu'on régale l'armée.

Elle a bien mérité
qu'on la traite avec profusion.

Pauvre Marc Antoine.

- Enobarbus.
- Seigneur ?

II ne veut pas se battre avec moi.

Pourquoi ?

Vingt contre un.

Demain, guerrier,
nous combattrons sur terre.

Je survivrai,

ou je laverai mon affront en mourant
dans tant de sang que ma gloire renaîtra.

Es-tu disposé à te bien battre ?

Je frapperai en criant : "tout ou rien".

Bien dit. Allons, donne-moi ta main.

Tu m'as fidèlement servi.

C'est la vérité. Tu m'as bien servi,

tu as eu des rois
pour compagnons.

Que veut dire cela ?
Voulez-vous faire pleurer vos amis ?

Bonne nuit, mon bon ami.
Demain, c'est le grand jour.

Hourra !

Hourra !

Hourra !

Belle musique.

Vous qui voulez lutter,
suivez-moi.

Je vais vous y conduire.

- Appelez Enobarbus.
- Seigneur,

il ne m'entendra pas.

- Que dis-tu ?
- Il est avec César.

Ses coffres, son argent,
il a tout laissé, seigneur.

Est-il parti ?

Rien n'est plus certain.

Eros, va. Envoie-lui son trésor.

N'en retiens pas une obole,
je te prie.

Écris-lui, je signerai la lettre.
Et fais-lui mes honnêtes adieux.

Qu'il n'ait jamais plus forte raison
pour changer de maître.

Hâte-toi.

Ma fortune a corrompu les cœurs honnêtes.

Enobarbus.

Il me quitte en brave.

Plût aux dieux que César et lui pussent
décider cette grande querelle !

Alors, Marc Antoine...

Mais, hélas !

Agrippa, marche en avant
et engage le combat.

Notre volonté est que Marc Antoine
soit pris vivant. Instruis-en nos soldats.

J'y vais, César.

Le jour de paix universelle approche.

Si cette journée
est heureuse,

l'olivier croîtra de lui-même
dans les trois parties du monde.

J'ai servi Marc Antoine.

Il était mon maître.

S'il te plaît de me prendre à ton service,

ce que je fus pour Marc Antoine,
je le serai pour César.

Enobarbus, Marc Antoine a envoyé
sur tes pas tous tes trésors.

Son messager est dans la tente,
où il décharge ses mulets.

- Je t'en fais don.
- Ne plaisante pas.

Je te dis la vérité.

Je suis le seul lâche de l'univers.

Demain, guerrier,
nous combattrons sur terre.

O Marc Antoine...

moi, combattre contre toi.

Tu m'as fidèlement servi.

Non.

Tu m'as bien servi.

Je veux aller chercher
quelque fossé pour y mourir.

Pardonne-moi, et qu'alors

le monde m'inscrive
dans le livre de mémoire

sous le nom d'un déserteur de son maître,

d'un fugitif.

Marc Antoine !

Marc Antoine !

Voilà qui est combattre !

Ils sont battus, seigneur.

S'ils nous avaient attaqués dans l'air,
dans le feu, nous aurions combattu aussi.

Regardez, seigneur !
Ils nous attaquent par ici !

Bien. Tenez-vous prêts.

Sois rapide, Scarus.

Que Marc Antoine soit pris vivant !

Marc Antoine soit pris vivant !

L'infâme Égyptienne m'a trahi !
Ma flotte s'est rendue !

Marc Antoine !

Rends-toi, Marc Antoine !
La victoire est nôtre !

L'infâme Égyptienne m'a trahi /

O femme trois fois prostituée !

C'est toi qui m'as
vendu à ce jeune novice !

Cléopâtre !

Ce n'est plus qu'avec toi seul
que mon cœur est en guerre !

C'est de là que tout est venu. Ces cœurs
qui suivaient mes pas comme des chiens,

dont je comblais tous les désirs,

vont désormais à César.

Dis-leur de fuir !

- D'où vient ce courroux ?
- Prends ce que tu mérites !

Suivez le char de César !
Dépêchons !

- Aidez-moi, mes femmes !
- Madame, madame !

- Il est fou !
- Elle m'a vendu à ce petit Romain

et je péris victime de ses complots.

Elle mourra.

Il est fou.

Au monument.

Au monument.

Enfermez-vous là, et envoyez lui
annoncer que vous êtes morte.

Mardian, va lui annoncer
que je me suis tuée.

Dis-lui que le dernier mot
que j'ai prononcé était "Antoine".

Perfide Égyptienne !

Son regard fatal m'envoyait au combat
ou me rappelait auprès d'elle,

dont le sein était mon diadème
et le but de mes travaux...

telle une véritable Égyptienne,
elle m'a entraîné dans le fond de l'abîme

par un tour de gibecière.

Eros ! Eros !

Tu as vu quelquefois un nuage
qui ressemble à un dragon,

une vapeur qui nous représente
un ours ou un lion,

une citadelle avec des tours,
un rocher pendant,

un mont à double cime
ou un promontoire bleuâtre

couronné de forêts
qui se balancent

sur nos têtes.

- Tu as vu ces images ?
- Oui, seigneur.

Ce sont les spectacles
du sombre crépuscule.

Seigneur ?

Ce qui nous paraît un coursier
est effacé

en moins d'une pensée
et se confond avec les nuages

comme l'eau dans l'eau.

Oui, seigneur.

Eros, ton général n'est plus
qu'une de ces formes imaginaires.

Je suis encore Marc Antoine,

mais je ne puis plus garder
ce corps visible, mon serviteur.

J'ai entrepris cette guerre
pour l'Egypte et pour la reine,

dont je croyais posséder le cœur
car elle possédait le mien.

Oh ! Ta vile maîtresse !

Elle m'a volé mon épée !

Non, Marc Antoine.

Elle m'a trahi, il faut qu'elle meure.

La mort est une dette
qui se paie une fois.

Ce que vous vouliez faire est fait.

Le dernier mot
qu'elle a prononcé, c'est : "Antoine !"

Elle a expiré avec votre nom
enfoui en elle.

- Elle est morte ?
- Morte.

Ôte-moi mon armure, Eros.

La tâche de la longue journée est finie
et il est temps de dormir.

Tiens-toi pour bien payé de ton message,
puisque tu sors vivant de ces lieux.

Va-t'en.

Le septuple bouclier d'Ajax ne peut
comprimer les battements de mon cœur.

Dépêche, Eros, dépêche.

Je ne suis plus un guerrier.

Laissez-moi seul un moment.

O Cléopâtre ! Je vais te rejoindre

et implorer ton pardon.

Allons, il faut finir,

tout délai est un nouveau supplice.
Puisque la torche est éteinte,

couchons-nous et n'allons pas plus loin.

Tout est fini.

Eros !

Je viens, ô ma reine !

Eros !

Attends-moi dans ces lieux,

où les ombres reposent sur les fleurs.
Là, les mains dans les mains,

nous fixerons sur nous
les regards des ombres.

Didon et son Enée
verront leur cour déserte,

et toute la foule nous suivra.

Viens donc, Eros !

Eros !

Que veut mon maître ?

Depuis la mort de Cléopâtre,
j'ai vécu avec tant de déshonneur

que les dieux abhorrent ma bassesse.

Moi, qui avec mon épée
partageais l'univers,

qui construisit sur le dos de Neptune
des cités avec mes vaisseaux,

je m'accuse de manquer
du courage d'une femme.

Eros, tu m'as juré que,
si jamais

les circonstances l'exigeaient,
sur mon ordre, tu me tuerais.

Fais-le, le temps est venu.

Ce n'est pas moi que tu frapperas, c'est
César. Rappelle la couleur sur tes joues.

Que les dieux
m'en gardent !

Voudrais-tu donc, des fenêtres de la vaste
Rome, voir ton maître les bras croisés,

courbant son front humilié
devant César, dans son char ?

- Je ne voudrais pas.
- Approche.

Seule une blessure peut me guérir.

Allons, tire ton épée.

Ah, seigneur ! Pardonnez !

Quand je t'ai affranchi,
tu juras de m'obéir.

Obéis ou tes services passés
ne seront qu'accidents involontaires.

Tire ton épée et approche.

Détournez donc de moi ce noble visage.

Allons.

- Eros !
- Mon cher maître, mon général,

permettez qu'avant de frapper
ce coup sanglant

je vous dise adieu.

Tu l'as dit, ami.
Adieu.

Adieu, mon illustre chef.

Frapperai-je ?

A l'instant, Eros.

Eh bien, ici alors.

C'est ainsi que j'échappe à la douleur
d'immoler Marc Antoine.

Brave Eros, tu m'apprends

ce que je devrais
et ce que tu n'as pu faire.

Je serai un nouvel époux pour la mort,
volant vers elle comme vers mon amante.

Allons, c'en est fait.

Et Eros,

ton maître meurt selon ton exemple.

Voilà ce que tu m'as appris.

Pas mort ?

Pas mort encore ?

Pas mort, encore.

Ta fortune fait déserter tes amis.

Est-ce toi ?

Prends mon épée,

et frappe, que je meure.

Illustre souverain, ma maîtresse Cléopâtre
m'envoie vers toi.

Quand t'a-t-elle envoyé ?

Dans le moment, seigneur.

Où est-elle ?

Enfermée dans son monument.

Elle pressentait
ce qui est arrivé.

Craignant l'effet de la nouvelle,
elle m'envoie vous déclarer la vérité,

mais je viens trop tard.

Trop tard.

L'astre est tombé.

Sa période est achevée.

Hélas !

Non, mon brave...

ne fais pas au sort barbare
l'honneur de tes larmes.

Nous souhaitons la bienvenue aux coups
qui viennent nous frapper

et les recevons avec insouciance.

Reçois tous mes remerciements.

O Charmiane...

c'en est fait, je ne sors plus d'ici !

Consolez-vous, madame.

Je ne le veux pas.

Je meurs, reine d'Egypte, je meurs.

Cependant j'implore de la mort un moment

pour que je puisse déposer sur tes lèvres

encore un pauvre baiser,
le dernier.

Cher Marc Antoine, pardonne-moi...

mais je n'ose descendre,

je crains d'être surprise.

Je suis en sûreté.

Aidez-moi, mes femmes !

Mais viens !

Nous devons...

Sois le bienvenu auprès de moi.

Meurs là où tu as vécu,

que mes baisers te raniment.
Ah ! Si mes lèvres avaient ce pouvoir,

je les userais à force de baisers.

Je meurs, Égyptienne.

Donnez-moi un peu de vin,
que je puisse parler encore un peu.

Assurez auprès de César
votre honneur et votre sûreté.

Ces deux choses ne vont pas ensemble.

Chère Cléopâtre, écoutez-moi :

De tous ceux qui entourent César,
ne vous fiez qu'à Proculéius.

Je me fierai à ma résolution et à mes
mains, et non à aucun des amis de César.

Ne vous lamentez point sur ce déplorable
changement au terme de ma carrière,

charmez plutôt vos pensées
par le souvenir de ma fortune passée,

lorsque j'étais
le plus grand prince de l'univers,

le plus noble.
Je ne meurs pas aujourd'hui honteusement

ni lâchement, je ne cède pas mon casque
à mon compatriote.

Je suis Marc Antoine, vaincu
avec honneur par Marc Antoine.

O le plus généreux des mortels,
veux-tu donc mourir ?

Tu n'as donc plus souci de moi ?

Resterai-je dans ce monde insipide,

qui, sans toi, n'est
qu'un bourbier fangeux ?

O mes femmes, voyez !

Le roi de la terre s'anéantit.

Mon seigneur !

Le laurier de la guerre est flétri,

la colonne des guerriers est renversée.

Les enfants et les filles timides
marcheront de pair avec les hommes.

Les prodiges sont finis

et après Marc Antoine, il ne reste plus rien
de remarquable sous la clarté de la lune.

Femme !

Tais-toi, Iras.

Non, je ne suis plus qu'une femme,

servile des mêmes passions
que la servante qui trait les vaches

et exécute les plus obscurs travaux.

Il m'appartiendrait

de jeter mon sceptre aux dieux barbares

et de leur dire que cet univers
fut égal à leur Olympe

jusqu'au jour où ils m'ont enlevé
mon trésor.

O femmes, mes femmes,
voyez !

Notre flambeau est éteint !

Qu'est-ce cela ?

Qui es-tu ?

- Que dis-tu ?
- Je dis à César que Marc Antoine est mort.

La chute de si grand homme
aurait dû faire plus de bruit.

La terre aurait dû lâcher les lions dans
les rues et les habitants dans les antres.

Il est mort, César,

non par la main d'un fer emprunté.

Voilà son épée,

tu la vois teinte encore de son noble sang.

Vous avez l'air triste, mes amis.

Que les dieux me retirent leur faveur,

si ces nouvelles ne sont pas faites
pour faire pleurer les rois.

César s'attendrit.

Quand un si grand miroir est offert
à ses yeux, il faut bien qu'il se voie.

O Marc Antoine !

Je t'ai poursuivi jusque-là !

Nous ne pouvions habiter ensemble
dans l'univers.

- D'où viens-tu ?
- Je ne suis encore qu'un pauvre Égyptien.

La reine, ma maîtresse, confinée
dans son seul asile, dans son tombeau,

désire être instruite de vos intentions.

Elle apprendra bientôt.

Proculéius.

Mon désespoir commence à se calmer.

C'est un pauvre honneur que d'être César.

Il n'est pas la fortune,
mais seulement son esclave.

Cléopâtre !

César m'envoie saluer la reine d'Egypte

et vous demander quels désirs
vous voulez qu'il vous accorde.

Si ton maître est jaloux
de voir une reine

à ses pieds, dis-lui
que je demande un royaume.

Je lui dirai ceci, noble reine.

Prenez courage,

car je sais que votre sort
touche celui qui l'a causé.

Arrêtez,
n'exercez pas sur vous cette fureur

car je ne veux que vous secourir
et non vous trahir.

O mort, où es-tu ? Viens !

Viens, et frappe une reine.

Calmez-vous, madame.

Je ne mangerai pas, je ne boirai pas,
je ne dormirai pas non plus.

César a beau faire,
je saurai détruire cette prison mortelle.

Je dirai à César
tout ce dont vous me chargerez.

Dis que je veux mourir.

Illustre reine,
vous avez entendu parler de moi.

Je n'en sais rien.

Sûrement, vous me connaissez.

Quel est votre nom ?

Je me nomme Proculéius.

Marc Antoine m'a parlé de toi...

m'a dit que je pouvais
avoir confiance.

Mais qu'importe.
Je n'ai aucun usage

à faire de la confiance.

Madame.

Peu importe, seigneur,
ce que j'ai connu ou entendu.

J'ai rêvé qu'il était un empereur
nommé Marc Antoine.

Que le ciel m'accorde
encore un pareil sommeil,

où je puisse revoir encore
un pareil mortel !

- S'il vous plaisait...
- Son visage était comme les cieux,

on y voyait un soleil et une lune,
qui, dans leur cours,

éclairaient le petit O
qu'on appelle la terre.

- Parfaite créature...
- Ses jambes, sur les deux rives de l'océan,

son bras étendu,
qui servait de cimier au monde,

sa voix, s'adressant à ses amis,
avait l'harmonie des sphères.

Seulement avec ses amis.

Car lorsqu'il voulait menacer
et ébranler le globe,

elle ressemblait au tonnerre.

Sa générosité ne connaissait point d'hiver.

C'était un automne qui devenait plus riche
à chaque récolte.

Les couronnes et les diadèmes
portaient sa livrée.

Des royaumes et des îles tombaient
de sa poche comme des pièces d'argent.

Cléopâtre !

Croyez-vous qu'il ait existé,

ou qu'il puisse exister, un homme
comme celui de mes songes ?

Non, aimable reine.

Vous mentez, et les dieux vous entendent.

Ecoutez-moi, madame.

Votre perte est, comme vous, inestimable.

Je vous remercie, seigneur.

Savez-vous ce que César
veut faire de moi ?

J'hésite à vous le dire, malgré mon désir.

Parlez, seigneur, je vous prie.

Quoique César soit généreux...

- Il veut me traîner en triomphe ?
- Oui, je le sais.

C'est l'empereur, madame.

Où est la reine d'Egypte ?

Levez-vous, ne vous agenouillez point.

Je vous en prie, levez-vous,

reine d'Egypte.

Seigneur, les dieux le veulent ainsi.

Il faut que j'obéisse à mon maître,
à mon souverain.

N'ayez point de si sombres idées.

Le souvenir de vos outrages est effacé,
le hasard seul est coupable.

- Seul arbitre du monde.
- Cléopâtre...

sachez que si vous répondez à nos vues,

pleines de bonté pour vous, vous trouverez
de l'avantage dans ce changement

Mais suivez les traces de Marc Antoine
et vous vous priverez de mes bienfaits.

- Je prends congé de vous.
- L'univers est vôtre et s'ouvre devant vous.

Et nous, vos trophées,
serons attachés au lieu où il vous plaira.

Non, chère reine, l'intérêt et la pitié
que vous inspirez

vous donnent un ami
dans César.

- Ainsi, adieu.
- O mon maître et mon souverain !

Non, non. Adieu.

Il me flatte, mes filles,

il me flatte de belles paroles

pour me faire oublier
ce que je dois à ma gloire.

Qu'en penses-tu ?

Tu seras donc promenée dans Rome
comme une marionnette d'Egypte.

Les esclaves, avec leurs tabliers crasseux,
nous soulèveront pour nous montrer.

- Madame.
- Cela est certain.

Les histrions étaleront aux yeux du peuple
nos fêtes nocturnes d'Alexandrie.

Marc Antoine, ivre, sera amené
sur la scène,

et moi je verrai quelque écolier
représenter Cléopâtre,

et avilir ma grandeur sous
le rôle d'une prostituée.

Jamais je ne verrai cela,

car je suis sûre que mes ongles
sont plus forts que mes yeux.

C'est là, le moyen.

Finissez, madame...

le jour brillant est passé,

et nous entrons dans les ténèbres.

C'est toi, Charmiane !

Allons, mes femmes, parez-moi en reine.

Apportez mes plus brillants atours.

Je vais encore sur les bords du Cydnus,
au-devant de Marc Antoine.

Allons, Iras, obéis.

Après cette dernière tâche, tu pourras
te reposer jusqu'au jour du jugement.

Apporte ma couronne, n'oublie rien.

Tu m'apportes la liberté.

Ma résolution est prise.

Maintenant, la lune inconstante

n'est plus ma planète.

As-tu là ce joli reptile du Nil
qui tue sans douleur ?

Oui, vraiment...

je l'ai.

- Sa morsure est immortelle.
- En connais-tu qui en soient morts ?

Plusieurs.

Des hommes et des femmes, aussi.

Il n'y a, ma foi,
rien de bon à attendre du ver.

Ne t'inquiète pas,

on y prendra garde.

Allons, laisse-moi.

Ma foi.

Adieu.

Je vous souhaite beaucoup de plaisir
avec ce ver.

Donne-moi ma robe,

mets-moi ma couronne.

Je sens en moi
des désirs impatients d'immortalité.

C'en est fait, le vin d'Egypte
n'humectera plus ces lèvres.

Je crois entendre Marc Antoine
m'appeler.

Je le vois se lever
pour louer mon acte de courage.

Il se moque de la fortune de César,

bonheur donné aux hommes
pour se faire pardonner leur colère future.

Mon époux...

je viens.

Je suis de feu...

et d'air.

Je rends à la terre grossière
mes autres éléments.

Alors...

avez-vous fini ?

Venez donc,

- tendre Charmiane.
- Madame.

Iras.

Quoi, tu tombes ?

Tu dis ainsi au monde qu'il ne vaut
pas la peine de lui faire nos adieux.

Viens, mortel aspic,

que ta dent aiguë tranche d'un seul coup
ce nœud compliqué de la vie.

Oh ! Que ne peux-tu parler,

pour que je puisse t'entendre appeler
le grand César un âne impolitique !

O astre de l'Orient !

Cesse, cesse tes plaintes.

Ne vois-tu pas

mon enfant sur mon sein ?

Brise-toi !

Brise-toi, mon cœur !

Qui endort sa nourrice en tétant ?

Doux comme l'air...

suave comme un baume...

tendre.

Pourquoi rester plus longtemps...

dans ce monde odieux ?

Maintenant, vante-toi, mort !

Tu as en ta possession
une beauté sans égale.

Votre couronne est dérangée.

Je veux la redresser

et après jouer aussi mon rôle.

- Où est la reine ?
- Parlez bas,

- ne l'éveillez point.
- César a envoyé...

Un messager trop lent.

Hâte-toi.

Qu'est-ce que tout ceci, Charmiane ?

Est-ce bien fait ?

C'est bien fait

et c'est digne d'une princesse.

Soldat !

Seigneur, vous êtes un devin trop habile.

Ce que vous craigniez est arrivé.

Brave jusqu'à la fin,

elle a pénétré notre dessein
et en souveraine, elle a suivi sa volonté.

Elle semble s'être endormie

comme si elle voulait attirer un autre
Marc Antoine dans les filets de ses grâces.

Enlevez-la dans son lit.

Elle sera ensevelie
auprès de son Marc Antoine

et nulle autre tombe sur la terre
n'aura renfermé un couple aussi fameux.

SubTitles : Paulo Lopes