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Et voilà,

pour un morceau, c'est un morceau.
On fait pas mieux.

Eh ben,

au lieu de rester là
comme une idiote, dis quelque chose.

Comment tu trouves l'objet ?

Encore plus joli au naturel
que sur les photographies.

Bien sûr,
c'est comme un agrandissement.

Et t'as pas vu l'intérieur !

- Ah ?
- Ouais, tout est du temps.

Quel temps ?

De ce temps-là, quoi !
Du temps jadis.

C'est du style du temps,

du style d'époque,
n'importe qui te le dirait.

Ce que je préfère ici, c'est le parc.

Le parc ?

Toute cette verdure...

T'as des points de vue
de ruminant, toi.

On lui montre un monument historique.
Au lieu de contempler,

elle broute.

- Vais-je enlever l'affaire ?
- Ça dépend de vous.

Si le vieux me refuse la vente,
je prends un coup de sang.

Il suffit qu'il soit de bonne humeur.

Mais n'oubliez pas ce que...

Oui, c'est pas tombé
dans l'oreille d'un sourd.

Avec un million en liquide,
je l'aurai, son château.

Sinon, j'y foutrai le feu

parce qu'avec moi,
il faut que ça pète ou que ça craque.

Tout de même !
Devant un truc pareil, moi...

je me sens Louis XIV. Mme Bovary,

passez devant votre homme !

Passez pas !

C'est moi qui cause,
comme d'habitude.

Ce sont les Rouvelon, M. Bernique ?

Chapeau ! Mes hommages, Madame.

Je vous souhaite le bonjour,
Monsieur. Chapeau !

Montez jusqu'à moi
si Dieu vous le permet.

Chapeau !

Voilà donc les personnages
qui prétendent à coup de millions

me chasser de ces lieux
où j'ai pris naissance.

Chapeau !

Pardon !

Merci.

Présentez-moi vos candidats.

Pardonnez-moi, M. le duc.

Mme Rodebois, M. Rodebois.

Rodebois ?

Cela sent son ascendance artisanale.

Auriez-vous quelque ébéniste
parmi vos ancêtres ?

Possible, mon père
tenait un café à Belleville

et mon grand-père
était chef machiniste à l'Ambigu.

Vous êtes tout excusé.

Pas de quoi,
je me suis fait moi-même.

Vous eussiez mieux fait de laisser
ce choix à madame votre mère.

Fussent-elles de petite condition,

les femmes ont plus de goût
pour ce genre de choses.

Mais, M. le Duc...

Appelez-moi Excellence,
comme tout le monde.

J'ai représenté naguère ce pays
à Constantinople.

Ma maison a toujours donné
à la France,

que ce fût celle de François 1er,
de l'Empereur,

ou de la... République,

ses ambassadeurs les plus éminents.

Nous avons toujours servi le pays
sans nous soucier

de ses gouvernements successifs
et temporels.

Comment dites-vous, la République,

ce n'est qu'un mauvais moment
à passer.

Prenez un siège, Madame.

"Chacun ses idées et les vaches
seront bien gardées", comme on dit.

Parce que vous avez des idées ?

Oui, l'idée d'acheter la maison.

C'est pas une idée.

C'est une mauvaise pensée
et une impertinence.

Impertinence ou pas, moi et ma femme,
on a le béguin pour le paysage.

Le béguin, pour employer
votre volapük, coûte cher.

Vous connaissez les conditions ?

Oui, mon Excellence.
C'est 9 millions.

Quelle époque !

Ce chiffre ne lui coûte pas
plus à dire que le mot de Cambronne.

Mais l'argent n'a pas d'odeur,
mon Excellence,

j'ai pas mis des siècles à faire
fortune, je n'ai pas eu le temps.

Mais mon argent est impeccable.
Tenez.

Un échantillon.

Un million.

Si vous me prenez
par les sentiments...

À valoir sur les 9 millions.

Ma maison a plus de 9 siècles.

Enfin...

Mon notaire sera ici demain à 5 h.

Vous pouvez disposer.

Non, ne me remerciez pas !

M. Bernique,
reconduisez ces solliciteurs.

Au revoir, mon Excellence.

- Notre excellence.
- Excellence...

Ne vous énervez pas
et gardez bien le château.

Je téléphonerai dès ce soir

pour qu'on vous restitue
à la position verticale.

- M. Récamier, s'il vous plaît.
- Qu'est-ce que c'est ?

Il est en voyage.

Sans blague !
Qu'est-ce qu'on va faire de ça ?

Qu'est-ce que c'est ?

Une motocyclette, vous voyez bien.

Je regrette,

mais M. Récamier
n'a pas laissé d'ordres.

Ah ! Eh ben nous voilà propres !

Sacrée saloperie
de salopard de foutaises !

On ne va pas recharger
par cette chaleur !

Que voulez-vous que je vous dise ?

Je sais pas quoi vous répondre.

Quand on va rentrer,
le patron va gueuler.

Elle a l'air belle, cette armoire.

Cette armoire ? C'est de l'armoire,
vous pouvez me croire !

Ça vaut combien ?

200 billets, montre en main.
Et je dois avoir du retard.

200 000 francs dans une armoire !

Qu'est-ce qu'on risque ?

Plus ça prend de l'âge,
plus ça prend de la valeur.

Votre client aurait dû laisser
une clé en partant.

Il me laisse toujours la clé.

Vous pouviez pas le dire
tout de suite ?

Allez les gars,
on va en mettre un coup.

Tant pis si on passe
à travers le pourboire.

Quel étage ?

Au 4e, et faites attention aux murs.

On a l'habitude,
ne vous en faites pas.

- Je vous rejoins.
- Oui.

Mettez ça là, en attendant.

Oui, c'est ça.

Doucement.

Voilà !

- Il s'embête pas, le locataire.
- Il a des collections,

des splendeurs.

Qu'est-ce qu'il fait ?

Il vit, c'est tout.

Ils ont de la veine,
les gens qui ont le temps de vivre.

La vie, c'est pas pour des gars
comme nous.

Je me plains pas.

Vous ne devez pas vous embêter,
avec vous.

Les autres non plus, d'ailleurs.

Vous ne passez pas la nuit
à tirer le cordon.

Si on vous le demande !

Le gosse a pas été fait tout seul.

- C'est pas fini ?
- J'ai pas commencé.

Ma concierge est plus chouette
que vous. Elle a mis un écriteau,

on est priés de dire son petit nom,
passé 22 h.

Comme ça, on est fixés.

Je m'appelle Alfred.

J'ai pas de temps à perdre.

Je vous donne un pourboire.
À parler comme vous le faites,

vous devez avoir soif.

J'accepte parce que ça vient
de vous en souvenir,

comme ça vient d'une femme,
c'est flatteur.

Passez devant, je ferme la porte.

- Allez, au revoir.
- Au revoir.

Et merci encore.

Encore vous ?

Erreur sur la personne.
Il y a deux Récamier,

un au 123, un au 223.

On vient rechercher l'armoire.

Vous alors, je vous retiens !

Heureusement que vous êtes là.

Ça fait un prétexte de vous revoir.

Les mauvais côtés
ont toujours un bon.

Vous, alors !

Cette clé, c'est pour aujourd'hui ?

Vous, alors !
Montez, je vous rejoins.

Attention, doucement les gars.

Et mon pourboire ?
Je vous ai payés de ma poche.

Vous, alors !

Sans blague,
vous ne perdez pas le nord.

On dirait qu'elle est plus lourde
que tout à l'heure.

Sans blague,
on dirait une armoire pleine.

Yes, one moment please.

La clé du 75, Madame la Baronne.

À votre service.

Two seats for the Folies Bergère
on Saturday Night ?

I shall do my best, Sir. Bye !

Monsieur ?

M. Van Bouleek, s'il vous plaît.

- Qui dois-je annoncer ?
- Olaf Christiansen.

Allô, M. Van Bouleek,
M. Christiansen est en bas.

Bien, Monsieur.

Vous pouvez monter.

Appartement 12.
L'ascenseur est à droite.

Ici, le Malridge. Oui, Madame.

Entrez, cher monsieur.
Je vous attendais.

Enchanté de faire votre connaissance.

J'ai votre affaire.

Vous allez être content.
Prenez place, je vous prie.

Ce qui m'intéresse,
ce sont les diamants bleus.

Je ne pourrais jamais
habiter l'hôtel.

Si je me marie, l'homme
aura un pavillon en banlieue.

Mon luxe est d'être seule,
de ne voir personne.

Sinon, on n'a pas le temps
de se connaître.

Évidemment.

Un œillet ?

Merci.

Valet de chambre !

Valet de chambre !

Godverdomme !

Allô, Allô !

Le concierge !
Prévenez la police immédiatement.

On vient de me dévaliser. Oui.

Et te voilà, mon pauvre Alexandre,

arrivé au terme de ton voyage.

Un voyage bien court, bien modeste.

Un voyage dans un train de banlieue,

un de ces trains où l'on ne voit

que des paysages mélancoliques.

Un de ces trains
où l'on n'est jamais attendu

sur le quai par des fils,
des filles, des sœurs,

des mères, des époux, des frères.

Un de ces trains où l'on monte
sans dire au revoir,

où l'on descend sans dire bonjour.

Un de ces trains
qui ne mènent à pas grand-chose.

Cher Alexandre,

tu as vécu humblement,
sans cérémonie.

Tu savais que le bonheur
est un coin tranquille.

C'est une lie qu'on jette à l'eau

et des poissons
qu'on ne prend jamais.

C'est la première fois,
cher Alexandre,

que je te parle à cœur ouvert.

J'ai été délégué par le personnel

et je n'ai pas voulu me dérober

à cette douloureuse mission.

En ce moment,

j'ai l'impression
d'être seul avec toi.

Celle d'un soir, après la manille,
tu te souviens,

je t'accompagnais chez toi.

Eh bien, ce soir aussi,

cher Alexandre,

je t'ai accompagné.

On a fait quelques pas ensemble

et maintenant, je te quitte

devant la porte et je te dis :

à bientôt, Alexandre. À bientôt.

Bravo !

Voilà, j'ai fini.

Où sont-ils ?

- Qui ?
- Les autres.

- Partis.
- Pourquoi ?

Il pleuvait.

Je ne m'en suis pas rendu compte.

Vous êtes restée. Vous aviez
de l'amitié pour Alexandre.

C'est pour vous que je suis restée.

Ça me fait plaisir de vous entendre,
vous avez une belle voix.

On comprend les mots, même
quand on ne comprend pas les phases.

- Si on sortait ?
- Oui, rentrons.

C'était bien.

Dommage que le patron
n'était pas là pour vous entendre.

- Quelle heure est-il ?
- 11h30.

Le patron m'attend à midi.

Si vous le permettez,
nous allons aller au bureau ensemble.

Entrez.

M. Dupon.

Ça s'est bien passé ?
Vous êtes content ?

Content,

c'est beaucoup dire.

Et vous avez retardé tout le monde
avec un discours.

Et vous n'avez pas cité la maison.

Je ne me serais pas permis.

Mais vous auriez dû !

J'ai reçu votre demande
d'augmentation.

Hélas, notre chiffre d'affaires
n'est pas à la hauteur.

Vous manquez de moyens de conviction,
la clientèle vous résiste

et votre rendement
s'avère très médiocre. Enfin...

j'ai décidé de vous donner
un moyen de vous réhabiliter.

Me réhabiliter ? Tout de même !

Voilà, vous vous rendrez
cet après-midi à l'hôtel Malridge.

M. Péroni vous attend.

C'est le principal acheteur des
grands magasins d'Afrique du Nord.

Vous devriez enlever
une grosse commande.

Voilà, l'hôtel Malridge.

Péroni, chambre 404. Voilà.

- Au revoir, M. Dupon.
- Merci.

Faites en sorte
de justifier notre confiance.

Je ferai de mon mieux.

Faites davantage, si possible.

M. Péroni, s'il vous plaît.

- Qui dois-je annoncer ?
- M. Dupon.

Du Bouton béton.

M. Péroni,

Il y a là M. Dupon du Bouton béton.

Bien, Monsieur.

M. Péroni vous demande
de l'attendre un instant.

Parfait.

Merci.

Allô,

bien, Monsieur.

Monsieur vous attend dans sa chambre.

404, 4e étage.

Entrez, entrez !

Vous êtes de Bouton béton ?

Oui, le bouton en béton.

Et alors ?

Notre maison a appris
votre passage à Paris.

Ensuite ?

Et nous avons pensé que peut-être,
nos derniers modèles

vous intéresseraient.

Le Bouton béton,
comme vous le savez sans doute...

Vous vous souvenez du 124
qui m'achetait des fleurs ?

Maintenant,
il est descendu au Crillon.

Je l'ai rencontré dans la rue,
il trouve que c'est triste ici.

Que dirait-il s'il était à ma place ?

Non, ça ne m'intéresse pas.
J'ai effectué tous mes achats.

Disposez.

Quel que soit mon désir
de vous donner satisfaction...

C'est encore vous ?

Je n'ai pas de temps à perdre.

Moi qui ai préparé
votre bon de commande...

Vous ne comprenez pas le français ?

Allô, quoi ?

Ah ! C'est...

Vous avez la certitude ?

Bene, grazie.

Merci.

J'insiste.

J'insiste encore.

Il sera trop tard
et vous le regretterez.

Oui,

entendu.

Tenez.

Prenez.

160 000 francs.

C'est tout ce que j'ai.

Je savais bien que vous finiriez

par comprendre où est votre intérêt.

Je vous en prie,
signez ici le bon de commande.

Voilà.

Pardon.

Je m'excuse encore de vous avoir
dérangé dans votre toilette

et je vous remercie infiniment,
Monsieur.

Qu'est-ce qu'ils font,
à police secours ?

Il faut l'empêcher de partir.

Je ne tiens pas à me faire descendre.
Le voilà.

Monsieur désire un taxi ?

Non merci, je préfère marcher.

Les jolies fleurs !

Je voudrais m'acheter un œillet,
mademoiselle. Je l'ai bien mérité.

- Combien ?
- 50 francs.

Il a une jolie tête d'œillet.

C'est lui.

Vous faites un joli métier,
mademoiselle.

Je n'ai pas de monnaie.

Pas de scandale,

on va se mettre à table.

- Ça va.
- Je n'ai pas reçu ma monnaie !

Ah, monsieur veut se fleurir !

On va te fleurir à la maison !

Retournez-vous !

Où est-il ?

Ça alors ! Il n'est pas là.

- Non.
- C'était un vieux.

L'œil en vitrine, les moustaches en
fer à cheval et les jambes, pareil.

C'était un escroc à transformation.

Voyons un peu.

1.

Non ?

Non ?

3.

Non plus.

Là ?

Non.

Il n'est pas là ?

Remettez-les au 3.

Pas d'erreur, c'est lui.

- Ce qu'il lui ressemble !
- Lui tout craché !

Retenez-moi, M. le juge,
ou je le plante par la fenêtre !

Il aide aussi les avocats
et tout le bazar !

Qu'est-ce que ça signifie ?

- Sa voix ! C'est lui !
- Un homme dans une armoire.

J'aurais jamais cru ça.

Et pourtant, j'en ai vu passer
dans les loges.

- Mme Boissac.
- Voilà !

Le Bouton béton,
c'était sa couverture, c'est clair.

Je me suis doutée qu'il valait mieux
que ce qu'il avait l'air d'être.

Madame,

je vous demande de rassembler vos
souvenirs et de reconnaître l'escroc.

- Vous y êtes ?
- J'y suis.

Retournez-vous !

Alors ? Eh bien, ouvrez les yeux !

C'est à peu près lui.

À peu près ?

Sans moustache, ce serait lui.

- Là, c'est l'autre.
- L'autre ou lui ?

C'est lui l'autre.

Madame,
j'ai toujours porté moustaches.

Il a la même voix !

Pas de chance, chacun mise sur vous.

Le suivant.

M. le juge,
je n'ai pas une tête d'assassin.

Tout le monde a une tête d'assassin.
Face au mur !

- M. Péroni.
- Oui.

Je vous demande
d'identifier votre agresseur.

Inutile d'aller plus loin,

je le reconnais à son dos.

- C'est le 3e.
- Retournez-vous.

Alors ?

- C'est moi, je ne le nie pas.
- Il est cynique.

- Vous changez de système de défense.
- Pas du tout !

C'est bien lui qui m'a obligé
sous la menace,

à lui remettre 160 000 francs.

Je vous ai pas remis 160 000 francs ?

Si, mais pas sous la menace.

Vous m'avez signé un bon de commande.

Sous la menace !

Vous me voyez commander
160 000 francs de boutons ?

- C'est de la démarche !
- La cause est entendue.

Je crains que vous ne succombiez
sous les témoignages à charge.

Les suivants.

Je ne sais pas ce qui me retient.

Non, c'est pas lui, ça.

C'est lui.

Après tout, ça peut être lui.

C'est lui.

Et vous M. Pouzat,
qu'avez-vous à dire ?

Vous êtes son patron.

Je le connais à peine.
Il m'est un inconnu, c'est connu.

Il ne se livre guère. Il arrive
au bureau, repart, revient...

C'est un passant.

C'est bien vous qui avez envoyé
Dupon le 22 juin

chez M. Péroni, au Malridge.

Je ne le nie pas.

Et est-ce sur votre ordre qu'il
s'est rendu au château de Niolles ?

Jamais de la vie ! Il faisait
un circuit Paris Nord-Ouest.

Il a pu effectuer ce déplacement
à titre privé.

Vous entendez ?
Où étiez-vous le 20 septembre ?

Et vous M. le juge,
où étiez-vous le 17 février ?

Ne faites pas de l'esprit !

C'est vrai. En voilà des manières !

On me pose un tas de questions,

on me tire à gauche, à droite,

vous avez saisi mon agenda.
Consultez-le.

Votre agenda a disparu.

Voilà, la justice perd tout !

Mais des recherches sont faites.

Comment voulez-vous que je sache
ce que j'ai fait le 20 septembre ?

Je n'ai aucune mémoire.

Mais laissez-moi passer. Arrêtez !

Arrêtez ! Cet homme est innocent !

- Quoi ?
- Parfaitement.

Le 20 septembre était un dimanche.
Nous l'avons passé ensemble.

- Où ça ?
- Chez lui.

Comme vous finirez par l'apprendre,

autant vous le dire. Gabriel et moi,

- c'est tout un...
- Non !

Il n'y a pas eu de dimanche
entre mademoiselle et moi.

Je ne peux pas accepter ce sacrifice.

N'écoutez pas cet homme !

Calmez-vous, nous vérifierons.

- M. Rodebois.
- Oui.

Vous maintenez vos affirmations ?

Vous prenez vos responsabilités ?

Réfléchissez bien.

Pardon, je n'accuse personne.

Évidemment, comme ça,
il n'a pas l'air d'un duc.

Mais comme le duc
n'était pas un vrai,

si Monsieur était d'accord...

Je dis comme vous.

Moi, j'ai rien dit.

Je vous l'ai déjà dit.

Ce qui me chiffonne,
c'est sa moustache.

Oui, j'en ai assez entendu
aujourd'hui.

Je vous convoquerai
s'il y a lieu, merci.

Disposez.

Mesdames, messieurs.

On ne photographie pas un innocent.

M. Gabriel !

Je n'osais pas espérer
que vous viendriez.

Alors, vous êtes sorti.

Ils m'ont mis à la porte.

Le juge s'est même permis
de me dire : "N'y revenez pas."

Comme si j'étais allé le chercher.

Ils sont extraordinaires,
ces gens-là.

La police,
il faut la tenir à distance.

Vous avez eu un joli geste,
vous savez,

à la confrontation.

Un geste téméraire, mais joli.

C'est naturel puisque j'ai passé
ce dimanche avec vous.

Vous n'étiez pas là,
mais à part ça...

Oui, évidemment.

Tout de même.

Qu'est-ce que vous avez ?

- Je suis marqué
- Marqué ?

Oui, par la prison.

- Vous savez, il faut rien exagérer.
- Je n'exagère pas.

Ma vie est finie.

M. Pouzat m'a remercié.

Je le savais.

Mes amis me tournent le dos.

Dans mon quartier,
les gens ne me disent plus bonjour.

On m'épie, on me suit.

Que puis-je faire de ma vie ?

Une belle mort, et encore...

Charlotte,

je voudrais être n'importe qui.

Mais vous n'êtes pas n'importe qui.

Si, parce que je ne suis pas
celui que vous croyez.

Je ne suis pas complètement idiote.

Je sais à qui j'ai affaire.

Vous ne m'avez pas crue aussi stupide

pour me sacrifier
à un honnête homme ?

Non, je veux vivre votre double vie.

Racontez-moi,

comment avez-vous cambriolé
la banque des colonies ?

Mais je n'ai pas cambriolé
la banque des colonies.

Et l'Américain,

qui l'a dévalisé ?

Charlotte...

Mais je ne suis pas de la police,
on peut tout me dire.

Je vous en supplie, allez-vous-en.
On nous observe.

Quand on a peur
de se faire remarquer,

- on a pas la conscience tranquille.
- Allez-vous-en !

Oui.

Oui, je m'en vais en attendant mieux.

Mais, regardez-moi bien, M. Gabriel.

Je sais que vous êtes un autre.

Viens, viens.

M. Dupon, M. Dupon !

Vous êtes police secours ?
Mille regrets,

je ne fais plus partie de ce monde.

Je ne suis pas de la police.

Je vous veux du bien.

Trop tard.

Soyez raisonnable. Quelqu'un
qui croit en votre innocence

veut vous offrir une belle situation.

Avenir garanti.

Mais l'avenir est à mes pieds.

Voulez-vous avoir
l'extrême obligeance

de me laisser mourir tranquillement ?

Sortez immédiatement
ou je vais vous chercher.

M. Dupon !

C'est pour vous être agréable
que je cède à la force.

- Alors ?
- S'il vous plaît.

30 000 francs par mois,

logé, nourri, blanchi pour un travail
de remplacement facile.

En quoi consiste ce travail ?

Quelle est cette profession ?

Duplicata.

Duplicata ?

D'abord qui êtes-vous, Monsieur ?

J'ai déjà vu cette tête-là
quelque part.

Vous ne vous décidez toujours pas ?

Je voudrais quelque chose
qui plaise à mes amis.

Ce que je veux, c'est un portrait

de l'idée que se font de moi les gens
qui ne me voient pas comme je suis.

Alors, j'hésite beaucoup

entre celle-ci

et ça.

- Je vous conseille celle-ci.
- Ah bon ?

Alors, ça pour la tête,

et ça pour les jambes ?

Oui, vous ferez un petit assortiment.

Ce que je désirerais avant tout,

c'est ressembler
au portrait que vous ferez de moi.

Vous avez compris.

Photographiez Madame
en pensant à Danielle Darrieux.

À vous.

Plus à gauche. Là, très bien.

L'Envers du monde.

Le journal qui ne cache rien. Oui.

Voilà, visage connu.

Vous désirez quelque chose,
Monsieur ?

Mon Dieu,

- je désirerais...
- Votre portrait peut-être ?

Peut-être, oui.

Je ne peins jamais moi-même,
mais votre visage

est si singulier et si extraordinaire

que je vais transiger
avec les principes.

- Par ici.
- Mais...

- Mais...
- Par ici.

Allez, par ici.

Profil, un peu plus à droite.

Profil un peu plus à gauche.

3/4.

- Je n'aurais jamais espéré...
- Il faut toujours espérer.

Je lis dans les visages.

Votre visage
est un ouvrage passionnant.

- Comme un roman...
- Policier.

Qui finit bien ?

Admirablement.
Le policier est tué, comme toujours.

Ici,

serrez, serrez.

Là ! Je m'excuse
de l'intensité de cet éclairage,

mais pour un portrait psychologique

- et en relief...
- Il me semble...

- Il me semble...
- Quoi ?

Il me semble vous avoir rencontré.

J'en doute.
Je ne vous aurais pas oublié.

Ce que j'aime, c'est le paysage.

Et cette photo du château de...

- Quoi ?
- De Niolles.

C'est ça.

C'est ce château qui a été vendu
dernièrement par un escroc

à un imbécile.

Je ne trouve pas
les escrocs amusants.

Oscar, de près.

- Maître.
- Feu !

Je vous remercie.

Repassez prendre les épreuves.

Je me ferai un plaisir
de vous offrir votre portrait.

Permettez-moi encore une fois,
si j'ose ainsi m'exprimer,

de me payer votre tête.

Vous connaissez le chemin.

- Nous nous reverrons.
- J'y compte bien.

- Vous avez compris ?
- Quoi ?

Inspecteur Laprune,
nous nous sommes déjà rencontrés.

- Où ça ?
- À la PJ.

C'est lui qui m'a interrogé
à mes débuts. Premier non-lieu.

M'a-t-il reconnu ?

Et s'il m'a reconnu,
sait-il que je l'ai reconnu ?

À sa place,

je remettrais à plus tard
l'affaire chez l'Argentin.

Tu deviens prudent.

Non, mais j'aime pas le poulet.

J'ai horreur de ce genre d'esprit.

- Tout est prêt, André ?
- Oui, Monsieur est servi.

Eh bien, cher Gabriel,

reprenez-vous goût à l'existence ?

Je ne sais pas, je ne sais plus.

J'étais fait pour mener une vie,

j'en mène une autre.
Je ne m'y reconnais plus.

Ne vous plaignez pas.

Vous allez renaître de vos cendres.

Une aventure rare.

À mon âge, venir au monde...

Un peu de homard ?

Si, nous aimons beaucoup le homard.

Vous le décortiquez
sans dommage pour vos voisins.

Il faudrait que je fusse maladroit.

On m'a fait manger
16 homards en 8 jours.

Et un peu de Traminer.

Si, nous adorons le Traminer.

Regardez-moi, souriez, merci.

Content ? Répondez-moi !

Excusez-moi.
En vous regardant, je m'intimide.

À nous deux, nous formons
une médaille sans revers.

Je n'éprouve aucun plaisir

à me voir toujours en face de moi,
vous savez. Et puis,

quand je nous regarde...

Eh bien ?

J'ai l'impression de me répéter.

Vous êtes mon bis.

Un bis, vous n'êtes pas difficile.

Votre vie actuelle
ne vaut-elle pas mieux que l'autre ?

Oh,

justement, l'autre
me plaisait par sa discrétion.

Ma vie ne me compliquait pas
l'existence.

Mon métier, quelques livres,

des amis, 52 cartes et la pêche,

c'était mon nécessaire.

J'étais heureux

et j'ai connu la gloire.

Pourquoi se faire un nom ?

Pour quoi faire ?
J'étais né avec un nom tout fait :

Dupon.

Vous avez déjà lu le Larousse ?

C'est un recueil de noms célèbres
complètement inconnus.

Au hasard, B, Boccherini.
Je connais pas.

"Ébert Bode, Jean Bodel,
Jean Bodin, Bodlet,

"Bodmer, Bochon, Boèce."

Qui était-ce ?

"Philosophe, homme d'État,
poète, ministre,

"mis à mort par son roi." Voilà.

Il s'est donné tant de mal
à avoir fait tant de choses

pour mourir des mains de son roi,

pour finir inconnu

à la page 234 d'un dictionnaire.

Autant placer des boutons,
c'est moins fatigant.

Dupon, on sait à qui on a affaire,

mais Boèce...

Cher feu Gabriel, vous souhaitiez
une vie obscure, vous voilà servi.

Vous ne serez plus que l'ombre
de moi-même.

J'escamote Dupon. Il n'existe plus.

Vous êtes Maître Manuel Ismora.

Bonjour, Maître Manuel Ismora.

Et qu'est-ce que vous ferez
pendant ce temps-là ?

Je serai ailleurs.

Alors, je suis un alibi.
M. Alibi, c'est moi.

Pour qui me prenez-vous ?

Je vous prends pour moi.

Je vous engage pour un an,
le temps de faire votre fortune.

Vos papiers d'identité.

Non, je m'aime, je me garde,
je ne me quitterai jamais.

Vous êtes mort, mon cher Dupon.

Officiellement mort.

Il ne manque que votre cadavre.
La police le recherche.

Souhaitez-vous qu'elle le trouve ?

Nous n'avons rien de commun.

Votre proposition
ne tient pas debout.

André,

va chercher mon stylo.

Bien, patron.

Mettez-vous ici.

- Pour quoi faire ?
- Tout de suite.

J'ai bien mal à la tête.

Je vais prendre un cachet d'aspirine.

- Voilà, Patron.
- Mais non !

Erreur, André. Moi, c'est moi.

Hein ?

Le meilleur moyen
de conserver votre vie,

c'est encore de partager la mienne.

Mais Monsieur,
je suis un honnête homme.

Pas de quoi s'en vanter.

Ne cherchez pas votre moustache,
vous l'avez rasée.

Sans elle, je me sens tout nu.

Oui, comme le photographe
qui vient de naître.

Et perdez aussi cette habitude
de racler de la gorge.

Maître Ismora, allez voir vos clients

et comportez-vous suivant
mes indications.

J'ai oublié tout ce que
vous m'avez dit.

Mais non,
vous avez une très bonne mémoire.

Et que jamais l'un de nous deux
ne soit de trop,

mon cher Dupon.

Vous en prie, Maître.

- Maître...
- Plaît-il, Maître ?

Après vous, Maître.

Pauvre petit.

Il n'a aucune personnalité.

J'aimerais lui ressembler.
Un cœur sans histoires,

une âme pure, pas de tourment.

Et s'il vous dénonce ?

On viendra enquêter ici. Oscar dira
que j'ai eu une crise de boulimie

et on internera Dupon
dans un asile d'aliénés.

- Et il disparaîtrait.
- Et dans un an ?

Dans un an ?

Quand il voudra reprendre sa liberté,
comme promis.

Il y a mille façons
de tenir une promesse.

Bonjour, cher Maître.

- Bonjour, chère amie.
- Est-ce que cette pose vous plaît ?

Un instant.

Toute femme a deux profils,
un bon et un mauvais.

Vous,
vous avez deux profils parfaits,

de quoi faire un portrait admirable.

Qu'est-ce qu'un portrait?
Quelquefois un aveu, un mensonge,

souvent une dure réalité.

Vous portrait, hélas, sera

un visage pris
en flagrant délit de beauté.

Voilà, très bien.

On s'instruit toujours
en écoutant le maître.

Taisez-vous, on ne vous demande rien.

Il a de l'autorité, ça commence bien.

À votre place,
je me méfierais de Laprune.

Je remettrais la descente
chez l'Argentin à plus tard.

On ne peut rien contre mon alibi.
Regarde-le.

Il donne admirablement le change,
mon alibi.

Encore quelques retouches
et il sera parfait.

Alors ?

Le patron vous attend.

Il m'attend ?

Oui, au Feu de Bengale.
Tenue numéro 6.

Tenue numéro 6 ?

Moi qui n'avais que deux complets,
un d'été et un d'hiver.

Vous connaissez
cette jeune personne ?

Je n'ai pas ce plaisir.

Vous allez la connaître.
Ordre du patron.

C'est un ordre charmant.

Elle s'appelle Coraline.

- Caroline ou Coraline ?
- Coraline.

Coraline.

Alors à minuit, au Feu de Bengale.
Écoutez-moi bien...

L'amour n'est qu'une comédie

Dont la vedette est notre cœur

Et cette comédie

Vois-tu, c'est notre vie

Avec tous ses côtés pas drôles

Souvent, vaut mieux rendre son rôle

Quitter la scène brusquement

Il faut deux amants

Pour s'aimer longtemps

L'amour n'est qu'une comédie

N'est qu'une comédie

- Tout est prêt ?
- Oui, patron.

L'Argentin ?

De l'autre côté de la piste.
Prêt à s'amuser.

- Les domestiques.
- Partis.

- L'hôtel ?
- Désert.

Dupon ?

- Il arrive.
- Parfait.

...à la même ivresse.

L'amour n'est qu'une comédie

Rien qu'une comédie

De rue

Merci.

Comment trouves-tu
ma nouvelle chanson ?

Chérie...

C'est pas une réponse.
Comment la trouves-tu ?

Un chef-d'œuvre de stupidité.

- Il y a une idée !
- Une idée ?

Oui, quoi ?

L'amour est une comédie.
C'est une idée.

Oui, une idée d'imbécile,
mais une idée.

- L'aile ou la cuisse ?
- L'aile.

Merci.

Pourquoi te moques-tu de moi ?

Merci.

Tu es la seule
que je prenne au sérieux.

- C'est vrai ?
- Parole d'honneur.

Tu es jolie, Coraline,
et ta beauté justifie ta présence.

Et si j'étais laide ?

Je ne t'aurais jamais connue.

Tu te fiches de moi. Je suis pas
plus bête qu'une autre.

Toutes les femmes en sont là.

Pourquoi n'es-tu pas tendre
avec moi ?

Pourquoi ne me dis-tu
jamais de choses gentilles ?

"L'amour est une comédie
Les baisers des mots d'amour

"J'ai pleuré sur tes pas,
Reviens, j'attendrai

"Pars sans te retourner"

Tu es satisfaite ?

Au fond, tu es un grand timide.

Tu crains le ridicule,
tu n'as jamais 20 ans.

Pourquoi
n'as-tu jamais 20 ans avec moi ?

Tu n'as pas confiance en moi.

J'ai jamais eu 20 ans avec personne.

Tu pourrais tuer ce soir pour moi ?

Impossible, j'ai deux rendez-vous
importants demain

et je t'aime trop
pour te faire du chagrin.

Souris, tu me plais quand tu souris

sans savoir pourquoi.

Tu me trouves encore bête.

- Mais...
- Quoi donc ?

J'ai oublié d'allumer
mes feux de position.

Je reviens.

Je te parle de nous et tu penses
à tes feux de position ?

Ne me jugez pas sur les apparences.
Je suis blond et j'ai les yeux bleus.

Je suis mélancolique et sentimental
et je vous adore.

Pourquoi dites-vous ça ?

Pour que la chance
ne nous abandonne pas.

Pas trop le trac ?

On se fait à tout.

Je suis ici avec Mademoiselle ?

Coraline, 26 ans,

142, boulevard de Courcelles.

Et nous soupons ?

Dans la 3e loge, au fond, à droite.

Oui, et que lui direz-vous
en arrivant ?

Fausse alerte.
Les feux de position étaient allumés.

Soyez très réservé.

Je serai de retour dans une heure.

Si par hasard, Mlle Coraline
se prétendait fatiguée

et insistait pour que vous
la raccompagniez chez elle, trouvez

un prétexte pour retarder ce plaisir,

et soyez à 1 h au téléphone.
Compris ?

- Compris.
- Buvez modérément.

J'ai besoin de toute ma lucidité.

- À tout à l'heure.
- À tout à l'heure.

Chéri, tu permets ?

Mais oui, voyons, danse.
Plus tu danseras...

Elle aurait tout de même
pu l'attendre.

Un œillet pour ma boutonnière,
Mademoiselle.

Bien, Monsieur.

Quel étourdi je fais !

Tenez, prenez.

Il faut toujours payer ses erreurs.

Merci, Monsieur.

Gilbert est très agréable
comme danseur.

Fausse alerte, les feux
de position étaient allumés.

Je te parle de Gilbert,
alors tu détournes la conversation ?

- Quoi ?
- Eh oui !

Serais-tu jaloux ?

- Moi ?
- Oui, toi.

Pourquoi tu veux que je sois jaloux ?

J'en vaux la peine.

Je suis terriblement jaloux.

Chéri !

Tu me regardes
comme si tu ne m'avais jamais vue.

C'est un peu l'impression que j'ai.

Je voudrais...

Si c'était la première fois
que nous nous voyions...

Eh bien ?

Je ne te tutoierais pas,
je te dirais "vous".

- Eh bien !
- Je serais épatant.

Oui, Chéri, on va se dire "vous" !
Dis.

Je savais bien qu'au fond,
vous étiez un grand sentimental.

Sentimental ?

Mais oui, sentimental. Sois toi-même.

Je voudrais te connaître,
on ne sait jamais qui tu es.

- Moi ?
- Oui, toi.

- Vous voulez bien ?
- Oui.

Ce que vous dansez mal !

- N'est-ce pas ?
- Et à contretemps.

- N'est-ce pas ?
- C'est merveilleux.

Jamais vous n'avez dansé aussi mal.

Je pense qu'avant vous,
je n'avais jamais dansé.

Avec aucune autre femme, jamais ?

Avec aucune femme.

Non, alors là, tu exagères !

Vous !

Vous exagérez.

Mais c'est très gentil tout de même.

J'ai l'impression
de t'apprendre à danser.

- Si vous saviez...
- Quoi ?

J'ai 20 ans.

Vous qui disiez
que vous n'aviez jamais eu 20 ans.

- Je vous ai dit ça ?
- Oui.

Je ne pensais pas
lui ressembler à ce point-là.

Quoi ?

Une, deux, une, deux...

Une, deux, une, deux.

Je vous aime mieux comme ça.

- Vraiment ?
- Il n'y a pas comparaison.

L'ironie, j'ai horreur de ça.

On ne sait pas sur quel pied danser.

Il ne faudrait pas m'en vouloir

si par hasard,
je redevenais ce que j'étais.

Maintenant, je suis fixée.

Tu as montré le vrai bout de ton nez.

Ce ton sarcastique,
je ne m'y laisserai plus prendre.

Tchin tchin.

Tchin tchin.

Mon amour !

Coraline, pour moi,
ton nom est le plus joli.

J'aurais voulu
te connaître autrement,

dans de la campagne
et dans de la nuit.

Avec du bord de l'eau,
des arbres, le dimanche.

- Oh oui.
- J'aurais eu vraiment 20 ans.

On aurait raté le train du retour.

On aurait couché dans le foin
comme dans la chanson.

On se serait dit des tas de choses
à voix basse.

Quoi ?

On aurait regardé le ciel.

Tu m'aurais dit :
"C'est la Grande Ourse."

On se trompe mais j'aurais fait
semblant de te croire.

On aurait chanté un refrain
de café-concert.

On ne se rappelle jamais
que les deux premiers vers.

J'aurais été
représentant de commerce.

J'aurais placé
des boutons incassables

du 28, 4 trous.

Non ! Pour un homme,
c'est un métier ridicule.

- Tu crois ?
- Tu aurais été fleuriste

- ou petite main.
- Oui.

On se serait fait photographier,
à la Foire du Trône.

On aurait été heureux
comme deux imbéciles.

Les gens nous auraient regardés
en disant : "Ils s'embêtent pas."

Ça aurait été merveilleux.

- Allons-nous-en !
- Où ?

À la maison. Viens !

On s'imaginera qu'on est
dans une chambre de rien du tout.

Une chambre avec du papier à fleurs.

S'aimer comme des pauvres.

Ça doit être chic
quand on a de l'argent.

Viens.

Alors, tu viens ?

- Non, pas tout de suite.
- Pourquoi ?

Je voudrais voir l'attraction.

Parce que l'attraction,
c'est Marina ?

Et Marina ne te déplaît pas, hein ?

Mais ma chérie, je me fous de Marina.

J'ai un coup de téléphone
à donner à 1 h.

On s'en ira juste après.

Trop tard, il est 1h15.

C'est pas possible.

Tu téléphoneras demain. Viens.

Et puis après tout... Zut !

- Bonsoir.
- Comment "bonsoir" ?

- Oui, bonsoir.
- Qu'est-ce qui te prend ?

Rien. Bonne nuit.

Il ne faut pas m'en vouloir.
Dormez bien.

Tu n'as qu'une idée,
retourner au Feu de Bengale.

Tu crois que je n'ai pas remarqué ?

- Coraline !
- Alors, tu viens ?

On va pas rester sur le trottoir !

Tu es fatiguée. Va te coucher.

Toi, alors !

On t'en flanquera
des petits oiseaux et de la campagne.

Imbécile !

Ce n'est tout de même pas ma faute
si nous lui plaisons.

Maintenant,
elle est extrêmement fâchée.

Crétin !

Oh, viens !

Alors ?

Mauvaise piste, ta piste.

- Mauvaise piste, ma piste ?
- Un blanc.

Ismora n'est pour rien
dans le cambriolage de l'Argentin.

- D'après mes recoupements...
- Coïncidence, mon Toto. Merci.

Ce soir-là, Manuel Ismora

soupait au Feu de Bengale avec
sa maîtresse, une nommée Coraline.

Cent témoins te le confirmeront.
La même chose.

Quand je serai comme toi
à la retraite, je me tiendrai pénard.

Il faut toujours être dans le bain,
sans quoi on perd pied.

Depuis l'affaire Dupon,
je me tiens à carreau.

On l'a soupçonné, arrêté et passé
au laminoir, on a perdu du temps

et le pauvre imbécile en est mort.

Une balle ?

J'ai pas dit "Pan".
J'ai dit "Plouf", dans la Seine.

On n'a pas retrouvé son corps
mais c'est tout comme.

Un mort sans cadavre,
c'est intéressant.

Non, tiens-toi tranquille !
Laisse-nous faire.

De la famille ?

La seule qui s'intéressait à lui,

c'était une jeune dactylo,
une nommée Charlotte Bonheur.

Bonheur ? Je pense à Waterloo.

Vous n'êtes pas de la police ?

Est-ce que j'ai une tête à ça ?

- Vous êtes de ses amis ?
- Puisque je suis là.

Vous avez la conviction
qu'il ne s'est pas noyé ?

Lui, se noyer ? Après s'en être sorti
comme il l'a fait ?

- Sorti de quoi ?
- Des mains de la police.

Ça vous dit quelque chose ?

- Il s'est rasé les moustaches !
- Vous le reconnaissez ?

Comme 2 et 2 font 4.

Eh bien, ce n'est pas lui.

C'est un photographe.
Un photographe célèbre.

Manuel Ismora.

- Quoi ?
- Parfaitement.

Ça alors ! Comme contrefaçon...

N'est-ce pas ?

Je donnerais cher
pour les voir l'un à côté de l'autre.

Et vous êtes sûr que l'autre,
c'est pas lui ?

Certain. La police a enquêté.

Manuel Ismora exerce depuis 11 ans.
Alors...

- Êtes-vous content de votre modèle ?
- Ravi. Votre œil est un papillon

que j'espère avoir attrapé.

Et puis, vous avez un nez
extrêmement vivant.

On m'a toujours dit
que j'avais le nez expressif.

C'est par votre nez
que votre âme s'exprime.

Votre nez est le véritable centre
d'attraction de votre visage.

J'ai tout centré sur lui.

J'espère ne pas l'avoir trahi.

- Quand pourrais-je avoir l'épreuve ?
- Dans 8 jours.

- Parfait. Au revoir, cher Maître.
- Au revoir, chère amie.

Vous êtes complètement fou !

Cinquante plaques pour un portrait ?

Quand une cliente vous plaît,
vous gâchez du matériel.

Je travaille honnêtement.

Si vous continuez,
vous nous foutrez en faillite, voilà.

Voulez-vous me laisser seul
avec ce monsieur ?

Faites ce qu'on vous dit,
pas d'observation.

Très bien.

Mon cher,
donnez-moi votre parole d'honneur

que ce que je vais dire restera ici.

Je vous jure
sur la tombe de mon père.

Je vous dois la vérité.

Je vous avais mal jugé.
Je vous prenais pour une canaille.

Une canaille, quelle drôle d'idée !
Et pourquoi ça ?

De faux recoupements.
Le jour où je suis venu ici,

que vous m'avez photographié.

Je vous ai photographié, moi ?

Mais oui !

Vous m'aviez dit que j'avais une
physionomie comme un roman policier.

Oui, en effet.

Ce jour-là,
je vous soupçonnais d'être l'escroc

du château de Niolles.

Moi ? Par exemple !

Un cambrioleur, moi ?

- Quelle accusation !
- Une erreur.

Je suis sur la vraie piste,
la seule et unique.

- Vraiment ?
- Je vais vous épater.

L'escroc du château Niolles,

c'est le cambrioleur
d'un riche argentin

nommé Aranjuez,

qui vous ressemble comme un jumeau,
d'où mon erreur initiale.

C'est un certain Gabriel Dupon.

Dupon, Gabriel Dupon ?
Quel drôle de nom !

Un nom passe-partout.

Vous croyez ?

- Et il me ressemble ?
- Oui.

Hein ?

Vous trouvez ?

Ça saute aux yeux.
Enlevez sa moustache.

Il a l'air bien inoffensif.

C'est un innocent, croyez-moi.

La physionomie ne nous trompe pas,
nous autres photographes.

Oui, eh bien,

rendez-vous dans 3 jours
pour la confrontation.

Il s'est suicidé.

- C'est un alibi.
- Vous croyez ?

Quand on meurt,
on laisse un cadavre derrière soi.

Plus je le regarde, plus je trouve
qu'il a une tête de mort,

plus je crois à l'innocence
de ce Dupon.

Le problème est simple.
Si ce n'est pas lui, c'est vous.

Comme ce n'est pas vous,
c'est forcément lui.

Je serais curieux de voir la tête
de cet imbécile.

Regardez-vous.

Ouais...

- Quoi, patron ?
- Rien, mais j'ai une idée.

Puisque Laprune est persuadé
que Dupon...

Eh bien,

mes pauvres enfants,
vous ne pensez à rien.

Vous avez un front et rien derrière.

Du factice, des flacons vides.

Tu vas te taire ? Allez !

Ce chien ne peut pas me voir
en peinture.

Tu lui as dit du mal ?

Il sait que tu n'aimes pas
les animaux.

J'aime les chiens, cuits à point.

Inutile de jouer les cyniques,
ça ne prend plus.

Tu t'es démasqué malgré toi,
l'autre soir.

Tu es une petite fleur bleue,
mon amour.

Idiote !

J'ai joué un sketch.
J'ai voulu voir où la niaiserie

pouvait aller chez deux êtres
normalement constitués.

Toi, fous-nous la paix !

Nous posons Madame à La Cascade.

J'ai rendez-vous à 5 h précises,
pas de temps à perdre.

- Avec qui ?
- Avec moi-même.

Alors t'es pas pressé,
tu t'attendras.

Allons, pressons,
nous avons rendez-vous à 5 h.

Vous auriez pu me prévenir plus tôt.

Allez, une pochette.

Mettez ce chapeau.

- Approchez.
- Qu'allez-vous faire ?

Le patron s'est coupé ce matin.

- Mais non !
- Allez !

- Un peu de calme !
- Laissez-moi tranquille.

Alors,
si le patron se crevait un œil...

Il y aurait 2 borgnes de plus.

- Mais non !
- Vous ne sentirez absolument rien.

Quel métier !

Là ! Allez, c'est fini.

Mettez de l'eau de Cologne.

Je n'ai rien senti du tout.
Je vous remercie beaucoup.

Il est 4h50,
l'accident est à 5h30 précises.

Vous me jurez
que je m'en tirerai sain et sauf ?

Naturellement, le patron ne tient pas
à se couper une jambe.

Allez, pressons !

Il est là.

- Alors, qu'est-ce qu'on fait ?
- Un tour en attendant 5h30.

Et vous pensez
que ça se passera bien ?

Un accident, on ne sait jamais.

Moi je sais, j'ai l'habitude.

Pas de défaut, la pureté même.

- Je vois.
- C'est une très belle pièce.

- Ça fait combien ?
- Dix carats.

Oui.

- Évidemment.
- Regardez cet éclat.

Je préférerais
deux pierres identiques.

Je vais voir dans le coffre.

- Vous trouvez des pareilles ?
- Bien sûr.

Tiens, ma montre est arrêtée.

Est-ce l'heure exacte ?

Nous avançons de 4 quatre minutes.
Il est 17h26.

Déjà ?

Laissez-moi réfléchir
jusqu'à demain matin.

Certainement, Monsieur.

- M. Sorbier.
- Oui.

Avez-vous pris les trois pierres ?

Non, pourquoi ?

Je vous demande pardon, Monsieur.

Vous n'auriez pas par inadvertance

pris les trois brillants ?

- À qui croyez-vous parler ?
- Ils étaient là.

C'est possible, mais je ne suis pas
kleptomane et vos questions

sont pour le moins impertinentes.
Regardez par terre.

Non, Monsieur ! Ici, les diamants
ne roulent pas par terre.

Pour éviter un scandale inutile,

reposez-les où vous les avez pris.

Ce sera mieux pour vous.

Quelle est cette plaisanterie ?

Voulez-vous appeler police secours ?

Mais si vous maintenez
votre accusation,

je vous poursuivrai en diffamation.

D'ailleurs, voilà justement un agent.

M. l'agent,
on a besoin de vos services.

Qu'est-ce qu'il y a ?

Cet homme vient de voler trois
brillants. Je vous prie de l'arrêter.

Notez que Monsieur
vient de me traiter de voleur.

Je vous prie de le fouiller !

On le fouillera au commissariat.

Vous, gardez le magasin.

Alors, que préférez-vous ?

Un platane, une vitrine
ou un kiosque à journaux ?

Je n'ai pas de préférence.

Alors, un bec de gaz !

- Ça va mieux ?
- Vous avez mal ?

Il faut faire une radio.

- Ce n'est pas utile.
- Que se passe-t-il ?

- Ça ne se voit pas ?
- Un accident ?

Demandez plutôt à l'agent.

- Racontez.
- Il était 17h30.

Quand une voiture rencontre
un bec de gaz...

Oui, bien sûr. Je suis content.

C'est pas grave ? Vous souffrez ?

Pas trop, plus de peur que de mal.

Vous permettez ? Je vous présente

Mlle Charlotte Bonheur

qui a très bien connu
votre contrefacteur.

Mon Dieu ! Il est passé !

- Désolé.
- Vous n'y êtes pour rien.

- Alors ?
- Il y a de ça,

mais Dupon a plus de sex appeal

et ils n'ont pas la même peau.

- Je voudrais téléphoner.
- Je vous en prie.

Allô, la police judiciaire ?

Poste 327. Merci.

Allô, Marco ? Ici Laprune.

Dès que tu m'as téléphoné,

j'ai joint Charlotte
et j'ai bondi chez qui tu sais.

Il n'a pu voler les diamants
rue de la paix,

vu qu'à cette heure-là,
il était accidenté rue de Longchamp.

Tu te fous dedans, mon vieux.

Tu te fous dedans.

- Ça va mieux ?
- Merci, oui.

Je vous demande pardon
pour cette absence.

C'est indiscutable.

Tu auras le procès-verbal.

Et s'il portait moustache,

il n'y a qu'une hypothèse possible.
C'est encore Dupon.

Entendu.

Dupon a accompli un exploit ?

- Oui.
- Une banque ?

- Non, une bijouterie.
- Merveilleux !

C'est quelqu'un !

Jamais on mettra la main dessus !
Je vous le dis.

Alors, tout s'est bien passé ?

Bon, surveille Dupon.

On va au cinéma en attendant la nuit.

On rentrera quand ça sera plus calme.

- Qu'est-ce qu'il dit ?
- Tout va bien.

- Il parle pour lui.
- De quoi vous plaignez-vous ?

Moi, je voudrais être mort.

- Patience, ça viendra.
- J'ai bonne mine.

"Quel métier faites-vous ?" "Alibi."

Si ma pauvre mère me voyait...

C'est de sa faute.

- Comment ça ?
- Elle devait vous faire autrement.

Ah !

Il paraît que je lui ressemble
aussi beaucoup.

Vous avez la spécialité
de ressembler à tout le monde.

Voilà,
le dîner de Monsieur est servi.

Je vais juste jusqu'au garage.
Ne bougez pas d'ici.

Avec la tête que j'ai,
je n'en ai pas l'intention.

Que n'es-tu double, toi aussi ?

On pourrait être si heureux,
tous les quatre.

Joli sourire,

regard mélancolique.

On se serait dit des tas de choses
à voix basse.

Les gens nous auraient regardés
en disant :

"Ils s'embêtent pas ces deux-là."

Coraline, je bois à toi.

Je bois à notre soirée.

À notre soirée au Feu de Bengale

qui n'a duré
que l'espace d'un feu de Bengale.

Te voilà, mon vieux !

Chéri, toi vivant !

Vivant, comme je suis heureuse !

Tu ne souffres pas ?

Comment est-ce arrivé ?
Tu as failli te tuer.

Tu sais ce que c'est avec le gaz
et l'automobile.

J'étais folle
quand j'ai appris ton accident.

Lui aussi est bien content.

Il s'est réconcilié avec toi.

Dire que vous ne pouviez pas
vous sentir !

Mais on s'adore.
N'est-ce pas, mon vieux ?

On s'adore. Tiens, mon vieux.

Je m'en voulais de t'avoir quitté
sans un mot tendre,

que tu sois mort fâché.

Moi ? Tu es là, je suis là,

et il est là. Il ne manque personne.

Il ne manque que mon couvert.

Je te demande pardon, chérie.

Tu n'as pas dîné ?

Tu es gentil, ce soir.

Si gentil que je voudrais
que tu te tues tous les jours.

- Tu es si méchant quand tu veux.
- Non !

J'ai des moments
où je te détesterais !

Écoute-moi bien, Coraline.

La prochaine fois
que je te parlerai durement,

n'hésite pas, flanque-moi
une paire de claques !

- Non !
- Si, de toutes tes forces !

Chéri, tu n'es tout de même pas
un homme à ça !

Pardon.

Bonjour, André, mettez-nous
deux bouteilles au frais.

Bien.

Eh bien ?

Il y a longtemps
que mademoiselle est arrivée ?

Si on vous le demande !

Bien, Mademoiselle.

Arrêtez de me regarder comme ça !

Non, oui, Mademoiselle.

Voyons André, ne lambinez pas !

Qu'est-ce qu'il a ?
Il n'a pas l'air normal.

Le front, il conduisait...

Il est malade ?

Peut-être qu'il boit en cachette.

Tu crois ?

Je ne sais pas
et je m'en moque éperdument.

Embrasse-moi.

Vous pourriez frapper.

Vous seriez entré
5 minutes plus tard...

Je prie Mademoiselle de m'excuser.

Et le champagne ?

Je vais déboucher cette bouteille.

Mettez-en une autre dans la glace.

Ne vous le faites pas
répéter deux fois, André.

Bien, Monsieur.

Ah, Monsieur est monsieur...

- Je me disais aussi...
- Comment ?

Je me comprends.

Vous êtes ivre, mon pauvre ami.

Mais, Mademoiselle !

Allez nous chercher
une autre bouteille.

Et allez vous coucher ! Montez !

Vous en avez le plus grand besoin.

Filez !

Monsieur regrettera ses paroles.

- Pauvre type.
- Allez-y.

- Chéri !
- Oui.

- Viens par ici.
- Oui.

Je t'adore.

Si tu savais
ce que je me fous de tout.

J'aurais eu ma minute dans ma vie.

Ma minute, ma petite minute.
Quelle minute !

Je voudrais, je voudrais...

Va voir ce qu'il fait,
qu'on soit enfin tranquilles.

- Oui.
- Va !

André ! André !

Je suis désolé, Mademoiselle.
Monsieur vient de se trouver mal.

Dès que Monsieur ira mieux,
il vous téléphonera.

Que racontez-vous ?

- La vérité, Mademoiselle.
- Où est-il ?

Quoi ? Je veux le voir !

- Impossible.
- Ça, par exemple !

Je ne m'en irai pas sans l'embrasser.

Mais si, Mademoiselle,
j'ai l'habitude.

Monsieur est très faible.

Monsieur a besoin de solitude.

Monsieur repose.

D'ailleurs, vous voyez ?
La porte de sa chambre fermée à clé.

Par ici, Mademoiselle.

Vous, mon petit ami,
je vous pincerai !

Tout le plaisir sera pour moi.

Mon sac !

Mademoiselle, vous oubliez
encore quelque chose.

- Dis donc !
- Quoi ?

Je te trouve...

Quoi ?

Plutôt bien. Toi, fiche-lui la paix !

Alors maintenant,
tu files à l'anglaise ?

Où vas-tu ? Tu vas retrouver qui ?

Qu'est-ce qui t'a pris,
tout d'un coup ?

Continue, tu m'intéresses. Alors ?

Alors ?

J'en ai plein mon sac,
de tes caprices. Entendu ?

Ou tu seras toujours gentil
comme ce soir

ou on se sépare !
Pourquoi tu fiches le camp ?

Pourquoi ?

Veux-tu poursuivre ce récit
en criant moins fort ?

Explique-moi d'abord tes...

Quoi ?

Tes changements à vue.

Parle, dis quelque chose !

Tu ne t'en rends pas compte, mais
en ce moment, tu es dans ton lit.

Tu rêves

que nous nous rencontrons
devant chez moi.

Et moi, je travaille
dans mon cabinet. Tu vois ?

J'allume l'électricité.

Réveille-toi au lieu de rester là !

Idiot !

Voilà la preuve qu'en cet instant,
tu rêves.

Dans la réalité,
tu n'oserais pas me gifler

car tu aurais déjà reçu
une correction impériale.

Va vite dans ta chambre.

Ne t'agite pas dans ton lit.
Tu montres ton derrière.

Adieu. Toi et moi, c'est fini. Fini.

Cette claque,

quand je saurai ce qu'elle signifie,
je lui en rendrai la monnaie.

Salope !

Reconnaissons notre erreur.
Nous avons été mal inspirés

en sauvant la vie de Dupon.

C'est évident.

Cet imbécile

avait des relations absurdes,
avec une Charlotte, qui va nous

compliquer l'existence.

Inutile. Deuxièmement,

ce crétin, sans le savoir,
a éveillé les soupçons de Laprune.

Si on n'y met pas de l'ordre,
Laprune peut trouver la vérité.

Qui dit vérité dit justice,
et qui dit justice...

Troisièmement,

il a joué auprès de Coraline un rôle
qui me fait le plus grand tort.

Il me déplairait qu'elle préférât
ce grotesque.

Conclusion : va me chercher Dupon.

Je vais lui signifier son congé.

J'ai horreur des solutions brutales,
mais le cadavre de Dupon

est un objet de première nécessité.

Il faut ramener Dupon à son point
de départ, renoyer le poisson.

Laprune, vous aurez le cadavre
d'un innocent sur la conscience.

Bonjour, Dupon ! Nourrissez-vous !

Feu Dupon, j'ai une excellente
nouvelle à vous annoncer.

Je vais vous rendre votre liberté.

- Vous me renvoyez ?
- Oui, Dupon.

Vous n'êtes pas content
de mon travail ?

Si, mais je n'ai plus besoin
de votre gracieux concours.

Qu'est-ce que je vais devenir ?

Comment ça ?

Oui, la police me cherche.

Quand on me croyait mort,
je ne craignais rien,

mais à présent...

Dupon, je vais vous sauver.

Vous allez écrire à la police.

Pour quoi faire ?

Pour reconnaître la paternité
de mes cambriolages

et autres plaisanteries.

Enfin, jamais ! Vous entendez ?
Jamais. Jamais !

Votre complicité est indéniable.
Un peu plus, un peu moins.

Vous reconnaîtrez aussi
que votre suicide était feint.

Parce que vous en prévoyez
un second ?

Bien sûr.
Aussi effectif que le premier.

Avec de faux papiers et de l'argent,
vous filerez au Mexique.

Vous serez reçu comme un frère.

Mais c'est impossible !
Je ne parle pas le mexicain.

Il faut choisir entre le Mexique
et les travaux forcés.

Et vous ?

Mon cher, demain,
je serai loin, très loin.

Et Mlle Coraline ?

Elle part avec moi.
Pourquoi ? Elle vous intéresse ?

- Elle valait mieux que...
- Que qui ?

Que nous.

Les femmes ne valent que par
les désirs qu'elles nous inspirent.

Écrivez : "Monsieur
le Procureur de la République".

Avec un grand P.

La majuscule est un coup
de chapeau calligraphique.

"Monsieur le Procureur
de la République..."

J'ai l'impression
d'écrire mon testament.

Du courage, Dupon !

- Alors, on part quand ?
- Cette nuit.

Vous êtes sûrs qu'il n'y aura pas
d'incidents à la frontière ?

Certain. Avec le passeport
qu'on est en train de fabriquer,

Saint-Pierre lui-même
vous laisserait entrer au paradis.

- J'aurais bien aimé...
- Quoi ?

Aller faire un petit tour dans Paris,

revoir les Champs Élysées,
la Seine...

La Seine, vous la reverrez ce soir.

Rien qu'un petit tour, tout seul,
comme autrefois,

quand j'étais comme les autres.

Allez, pressons !

Où allez-vous ?

J'aimerais aussi me raser avant
de sortir, ma dernière toilette.

Je vais m'en occuper.

Pas bouger.

- Vous aimez les courants d'air ?
- Non.

Puis-je vous demander...

Quoi donc ? Dites un peu.

Combien me prendriez-vous
pour me permettre de revoir...

Coraline ? Non. Des clous.

Vous sortirez d'ici pour monter
en voiture et filer en Espagne.

- André.
- Oui ?

Tu pars avec le patron ?

Oui, je l'attends en bas.
On va chez Coraline.

Ah, les femmes !

Coraline est en main.

Hé !

- Te voilà. Tu sais où on va ?
- Chez Mademoiselle.

Et vite, pas de salades !

- Madame est là ?
- Oui, monsieur.

Madame va venir tout de suite.

Te voilà, mon vieux !

Tu as très bonne mine.

Tiens, tu arrives.
Je pensais justement à toi.

On part toujours cette nuit ?

Cette nuit ? Oui.

- Après ton autopsie ?
- Mon autopsie ?

Tu m'as dit que tu allais
en photographier

pour les documents criminels.

Oui, bien sûr ! Mon autopsie.

Tu aurais bien pu te faire remplacer
par un confrère.

Pour ces choses, on trouve
difficilement un remplaçant.

Tu aurais un verre d'eau ?

J'ai la gorge toute sèche.

Ça va pas ? T'es tout drôle.

Drôle, drôle... Oui.

Merci.

Encore.

Merci.

Encore ?

Merci.

Coraline.

Coraline, je voudrais t'embrasser.

As-tu ton permis sur toi ?

Et voilà une bonne chose de faite.

Il y a une minute, j'espérais
t'embrasser et depuis 30 secondes,

cet espoir n'est plus qu'un souvenir.

On peut recommencer très vite.

Quoi qu'il advienne,
je ne t'oublierai jamais.

Dans quelques instants,
je serai parti et cette minute

sera tombée dans la nuit des temps.

Le temps devrait changer de vitesse
dans certaines circonstances.

Quand on est heureux,

il devrait s'attarder un peu,
marquer le pas.

Ça ne l'intéresse pas, il file.
Coraline,

si ce soir, je suis un peu nerveux,
fais semblant

de ne pas t'en apercevoir,
c'est parce que

j'aurai raté mon autopsie.

Et plus tard,
si je suis brutal avec toi,

pense que certains soirs,
j'ai été tendre et alors,

en souvenir de moi,
tu lui pardonneras.

Qu'est-ce que tu racontes ?
De qui parles-tu ?

Je t'aimerai, je t'aimerai sans toi.

N'essaie pas de me comprendre.

Tu m'as dit un jour qu'il y avait
deux hommes en moi.

C'est vrai,
il y a un malin et un imbécile.

Je vais tout te dire. Tout !

Tu permets ?
C'est pour mon passeport.

Allô !

Quoi ?

Comment ? Toi ?

Oui, c'est moi.
Tu me reconnais pas ? Ma voix ?

Quoi ?

Si je reconnais ta voix ?

Dis-moi, au fait...

Non, rien.

Oui, je viens. Oui.

Je viens, je viens.
Tu peux en être sûr.

- Encore ?
- Encore.

Sais-tu qui vient de me téléphoner ?

- Non.
- Toi.

Moi ?

Oui.

Tu connais ça, toi,
le maître photographe Ismora ?

Ismora ?

Tu as compris ?

J'ai fait mon choix.

- Ce que j'aimais en toi...
- C'était lui.

Voilà, tu t'es servi de moi.

Je ne t'en veux pas,
tu jouais ton jeu, mais j'ai gagné.

Je ne te livrerai pas à la police.

J'ai toujours été flicophobe.

Mais comme il faut tout prévoir,
même ton arrestation,

tu vas délivrer à Gabriel
un certificat de bonne vie et mœurs.

Je ne suis pas très qualifié.

Et dresser sur ce papier timbré
la liste de tes méfaits.

Oui, une reconnaissance
de dette à la société.

Je ne te demande pas de la payer.

Je ne veux pas avoir
à rembourser tes victimes.

En somme, c'est la révolte
de l'ombre. Compliments, Dupon !

J'espère faire mieux
la prochaine fois.

Alors, tu écris ?

Je ne sais pas si tout tiendra
sur cette petite feuille.

Écris : "Monsieur le Procureur
de la République."

Avec un P majuscule.

Je n'ai rien à vous refuser,
mon cher Dupon.

Vous êtes armés,
vous avez fermé les portes à clé.

Je suis à votre merci.

- Combien de balles avez-vous ?
- Six.

Je m'incline
devant la force et la duplicité

de Coraline.

Le patron, où est le patron ?

Je viens de me réveiller.
Dupon s'est enfui en m'assommant.

- T'as ton revolver ?
- Oui.

Je vais t'expliquer, mon vieux.

Et voilà.
J'espère n'avoir rien oublié.

On dirait une facture de plombier,
mes œuvres complètes.

J'aurais pu m'occuper paisiblement,
j'ai préféré vivre un peu à côté.

J'aurais pu finir plus mal.

Autant.

Et rendez-moi mon autographe.

Merci.

- Tu permets ?
- Ça recommence !

Pas bouger, et adieu,
très heureux de vous avoir connus.

Adieu, Coraline.

- Laisse-lui la vie.
- Elle ne vaut pas ma liberté.

Je viendrais avec toi.

Surtout avec son cadavre
entre nous deux.

Laprune va arriver
d'un moment à l'autre

et nous lui dirons,
n'est-ce pas Coraline,

que Dupon a voulu profiter
de notre ressemblance pour

s'introduire ici et me cambrioler.
Je l'ai abattu. Dupon,

si vous voulez dire le mot de la fin
à Coraline, c'est le moment.

Dupon !

Vas-y, Dupon veut tuer le patron !

Je vous adore.

J'ai perdu. Vous avez gagné.

On n'est jamais si bien trahi
que par soi-même.

C'est moi qui meurs,
mais celui qui va disparaître,

c'est Dupon.

Maître Ismora a eu ma peau.

Qu'il la garde.

Je la lui souhaite bonne et heureuse.

Bravo, Maître.
Vous êtes arrivé à temps.

Je connais Dupon.

Il eut vidé votre coffre-fort
comme un lapin.

Tout est bien qui finit mal.

Assassin !

Te voilà arrivé
au terme de ton voyage.

Un court et modeste voyage

dans un de ces trains de banlieue

où l'on n'est jamais attendu
par personne.

Tu ne sors de l'ombre,
mon pauvre Dupon,

que pour entrer dans la nuit.

Qu'est-ce que tu as ?

Est-ce bien toi ?

Tu connais l'histoire
des jumeaux de Mark Twain ?

De Mark Twain ?

"Nous étions deux jumeaux,

"et nous nous ressemblions tellement
que pour nous distinguer,

"notre maman nous attachait
autour du cou

"des rubans de couleurs différentes.

"Un matin, on nous oublia
dans la baignoire,

"les rubans se dénouèrent
et l'un de nous se noya.

"Depuis ce jour-là,

"on n'a jamais su lequel
de nous deux avait survécu.

"Lui ou moi."

Embrasse-moi quand même,
à tout hasard.

Alors, je sais.

- Tu sais ?
- Oui.

- C'est bien toi.
- Tu crois ?

La fin, c'est la fin.

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