All language subtitles for 2012 - Romanzo di una strage (fr)

PADOUE - 1969

- Vous l'avez ?
- Oui.

- C'est celui pour lave-vaisselle.
- Il m'en faut cinquante.

Non, cette quantité, je dois
la commander à Bologne.

Commandez-la.

ROMAN D'UN MASSACRE

dédié à

AUTOMNE CHAUD

(GROUPE) Un toit est un droit !
Un toit est un droit !

MILAN - Théâtre Lyrique

Agnelli, Pirelli, voleurs jumeaux.
Agnelli, Pirelli, voleurs jumeaux.

Nous voulons, nous voulons,
un toit pour qui travaille !

Nous voulons, nous voulons,
un toit pour qui travaille !

Un toit est un droit !
Un toit est un droit !

Agnelli, Pirelli, voleurs jumeaux.
Agnelli, Pirelli, voleurs jumeaux.

Un peu plus à droite.
Droite...

Légèrement à gauche...
Encore.

Non, non, plus haut. Un peu plus haut.

Décidons-nous, quand même.

SONNERIE DU TÉLÉPHONE

Allô ?

Bonjour, M. Allegra.
Non, je regrette, il est sorti.

Non, je plaisante,
je vous le passe tout de suite.

Saluez votre épouse pour moi. À bientôt.

Allô ?

Oui, j'ai compris, j'arrive tout de suite.

Panessa, pourquoi ne leur
ont-ils pas laissé une issue ?

Commissaire, mettez ça,
ils ne rigolent pas.

Allez-le leur dire,
faites quelque chose, allez.

Doucement ! Je suis
journaliste, doucement !

Que fais-tu ?
Je suis journal... aïe !

Arrêtez, arrêtez !
Je m'en occupe, allez, allez.

- Je regrette, Nozza.
- Et moi donc !

- Vous vous êtes fait mal ?
- J'allais mieux avant, merci.

Je n'aime pas cette
atmosphère, commissaire,

ils sont tous trop
excités, vous et eux.

SIRÈNES

- Ça s'est passé comment ?
- On ne comprenait rien, trop de monde, la fumée...

Ils lui ont défoncé le crâne avec des
tuyaux d'échafaudages... fils de pute !

Vous les avez vus ?
Le tuyau, vous l'avez trouvé ?

- Qu'est-ce qu'il veut ce con-là ?
- Je m'occupe de lui.

Qu'est-ce qu'il fait celui-là, arme
à la main ? Allez lui enlever, allez !

- Comment s'appelait le garçon ?
- Antonio. Annarumma Antonio.

Nozza, plus de questions,
laissez-le tranquille. Faites-le couvrir.

ROME, Via Trionfale

- Je vous accompagne, Excellence ?
- Non, merci, attendez ici.

Je me demande quel est le rôle
que le Seigneur m'a attribué

au milieu de cette mer
en pleine tempête.

Je ne réussis pas à le comprendre,
mon père, je ne réussis pas à le voir.

Je regarde mes semblables et je ne vois
qu'indiscipline et vanité,

je vois de la ruse, aucun sens
de la communauté, aucun amour,

sinon pour son propre profit.

Et puis lâcheté, opportunisme, violence,
à la place des idées.

Des fois, je pense que seules les
choses ont maintenu leur conduite,

les arbres, les pierres, la nature.

Parfois, je pense qu'il faudrait
vraiment une catastrophe à l'Italie

qu'elle détruise tout ce
nous y avons accumulé,

les fourmilières, les autos, le
ciment, et la renvoie au désert,

à la terre nue d'autrefois,

de sorte que la nature
puisse reprendre le dessus

et recommencer de la
première forme de vie,

du premier homme,
du premier feu.

Voilà.

De ce cataclysme, mon
père, je me sens prêt à être...

la première victime.

Mon fils, ça, c'est...
pécher par orgueil.

Ou par désespoir.

(À LA TV) Je vous lis maintenant
le message de Saragat :

"L'assassin barbare
du jeune de 22 ans,

agent de sécurité publique,
Antonio Annarumma,

fils d'une famille
d'ouvriers agricoles

d'une des provinces les plus pauvres
d'Italie, celle d'Avellino,

et tué à Milan
alors qu'il accomplissait son devoir

de défenseur de la loi démocratique,
doit être un avertissement pour tous

pour isoler et mettre hors
d'état de nuire les délinquants...

Ce Nozza, toujours à
justifier les contestataires.

Annarumma n'aurait pas été assassiné,

la faute serait la
collision entre deux jeep

et la télévision française
l'aurait même filmé.

Et tout ça sur le
journal de l'ENI,

un journal que nous payons.

Je comprends, Président, néanmoins
parler d'assassinat aussi,

comme dans votre télégramme...
c'est pourquoi je suggérais la prudence.

Prudence ? Avec le pays à feu et à
sang, avec les casernes qui se révoltent !

À Washington, ils s'inquiètent de voir comment
vous sous-évaluez l'avancée communiste.

Le président Nixon m'a dit
haut et fort qu'il n'apprécie pas

- vos appels du pied à gauche.
- Les Américains simplifient.

Trop d'Italiens votent communiste

pour qu'on ne se pose pas le
problème d'un dialogue avec eux.

Conneries. Il faut donner
une réponse, pas de dialogue !

La démocratie est en danger,
la patrie risque la ruine.

Je vous ai toujours admiré, Président,

- votre amour pour le grand poète allemand, Goethe.
- Et alors ?

Alors, vous savez mieux que moi
ce que disait Goethe :

"L'incendie d'une ferme est une
tragédie, la ruine de la patrie...

seulement une phrase".

(Milan, cercle PONTE DELLA GHISOLFA)
Et ces imbécilités ?
"Ravachol est de retour,

(Milan, cercle PONTE DELLA GHISOLFA)
que les bourgeois commencent à trembler,
nous préférons les bombes..."

- Mais t'es con pour écrire ces trucs ?
- C'est toi le con,

les anarchistes ont
toujours posé des bombes.

Contre les rois, contre les bourreaux,
pas au petit bonheur la chance !

Après les bombes à la foire,
à la gare, dans les trains,

après que nos compagnons ont été
arrêtés, t'écris ça ? T'es un provocateur ?

Écoute, Monseigneur, peut-être qu'ils
manquent de couilles pour te le dire en face,

mais ici, ils sont un paquet à penser
comme moi. Allez, parlez, allez-y !

Dégage, casse-toi ! Des types comme
toi, il vaut mieux les avoir loin de soi.

Oui, je préfère de loin les compagnons
de Rome, ici, vous êtes tous devenus curés.

Et puis, un jour, tu me diras pourquoi
moi non, et Sottosanti, au contraire, oui !

Jusqu'à il y a 3 mois, tout le
monde l'appelait "Nino le fasciste",

- il était même dans la Légion Étrangère !
- Mais qu'est-ce que ça a à voir, bordel ?

- On peut changer d'idées, comprendre.
- Oui. Ciao, compagnons, je vous salue.

Je vous laisse avec Monseigneur
Pinelli et Nino le facho.

- Excusez-moi, commissaire, on m'a dit de venir vous voir.
- Installez-vous.

Fermez, merci.

J'étais venu pour retirer une licence pour
un bar à Bollate, je ne comprends pas...

- Asseyez-vous, Rovelli.
- Vous me connaissez ?

C'est le bureau politique, on vous
connaît tous, vous les anarchistes.

"Le papier de verre".

Pourquoi l'avez-vous
appelé comme ça ce bar ?

Eh bien, ce n'est pas un cercle politique,
c'est un endroit où aller boire un verre,

- danser...
- Bizarre qu'un anarchiste ouvre un lieu dans ce genre.

- Pourquoi bizarre ?
- Comme ça.

Les documents sont en règle, il n'y a pas
de raison pour ne pas me donner la licence.

J'ai eu beaucoup de frais, j'ai fait de
gros travaux, mettez-vous à ma place.

Et vous, mettez-vous à la mienne,
comme ça, on s'aide mutuellement.

Une autre bombe a explosé,
depuis le début de l'année, ça en fait 15.

On n'a rien à voir avec ça.

Voici toutes les actions
que vous avez revendiquées,

sous des signatures diverses,
mais toujours de votre mouvance.

Depuis avril, on a arrêté
pas mal de vos camarades.

Commissaire, moi, je ne sais rien,
je suis la 5ème roue du carrosse.

- Et la première, c'est qui ?
- Personne, on est tous égaux, il n'y a pas de chef,

- il n'y a pas de premier.
- Et Giuseppe Pinelli ?

Pino est seulement celui
qui a le plus d'expérience,

- c'est comme un père pour nous.
- On va faire comme ça, Rovelli :

moi, je me débrouille pour cette licence,
vous, dès que vous entendez un camarade

qui veut faire des feux
d'artifice, vous me sifflez.

Commissaire, je ne sais pas siffler,
et chanter non plus.

(EN CHŒUR) # Quand, l'ignoble
8 septembre,

le traître abandonna la Patrie,

la Dixième Flottille surgit des mers

et prit les armes
au cri de "Pour l'honneur !"

Notre Dixième Flottille... #

Une Italie avec des
ouvriers toujours en grève

et rien qui marche, où les
prêtres veulent se marier,

les femmes divorcer,
les jeunes se droguer,

une Italie où il n'y a pas de
respect, où l'autorité ne compte pas,

où l'on tue les policiers,
c'est ça l'Italie que vous voulez ?

(GROUPE) NON ! NON ! NON !

Et c'est qui celui-ci, la "jolie linotte" ?

Ministère de l'Intérieur,
Bureau Affaires Réservées

C'est un indic de Calabresi,
le commissaire de Milan.

Je le connais, il est bien.

- Comment s'appelle ce joli petit oiseau ?
- A.B., Anonyme de Bollate.

J'y crois pas... Vous savez comment j'étais
appelé quand je travaillais pour la CIA ?

Delilah, avec un "h" à la fin.
Ne riez pas !

Les pseudonymes doivent être plus
suggestifs, féminins, passionnels.

- Vous aimez l'opéra ?
- Oui.

Que dites-vous de "Anna Bolena" ?
Grande reine, grande femme.

Celui-là, par contre, a déménagé
à Rome pour y faire des dégâts,

il a monté un groupe à lui.

Et que fait celui-ci, le danseur ?

Que fait-on de toute la
compagnie de chant ?

On la laisse chanter, pour le moment.

Rome, cercle anarchiste 22 MARS

Excusez-moi.

C'est pas possible de commencer
une fois une réunion à l'heure ?

Mais qu'est-ce que vous avez, vous
les Romains, à toujours être en retard ?

Moi, j'ai rien à voir, je suis de Gênes,
demande à Merlino, il est de Rome.

- Oui, c'est de ma faute, pardon, Pietro.
- Pardon, pardon, pardon...

Allez, on commence.

Bonsoir, Madame.
Je suis le commissaire Calabresi,

je peux parler à votre mari ?

- Ici ? Six...
- Dixièmes.

- Neuf...
- Centièmes.

Pino,
le commissaire Calabresi est ici pour toi.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? - Rien.
- Qu'est-ce qu'il y a, maman ?

Rien, il y a des messieurs
pour papa. Très bien.

Je suis ici, commissaire,
il s'est passé quelque chose ?

Non, rien, je voulais bavarder
un peu, comme ça, entre amis.

Je dois aller à la gare,
je suis posté de nuit.

Ne vous inquiétez pas,
on vous y amène.

Le soir des bombes dans les trains,
le 8 août, vous étiez au travail ?

Encore avec ces bombes ? Vous me
l'avez déjà demandé. Je ne travaillais pas.

Vous faites une fixation !

Vous n'avez peut-être rien à voir,
mais au cercle il y a des jeunes,

ils ne pensent pas aux conséquences.
Je ne dis pas que vous êtes comme eux...

Au contraire, je suis
tout à fait comme eux.

Et si des fois ils sont écervelés,
comme le sont les jeunes,

je leur mets des coups de bec sur la
tête, comme la poule avec les poussins.

Vous faites la poule avec Valpreda aussi ?
Avec le danseur ?

Qu'est-ce que vient
faire Valpreda là-dedans ?

- C'est vrai que vous l'avez mis dehors ?
- C'est vrai, oui, et alors ?

- Pourquoi ? Qu'a-t-il fait ?
- Ça nous regarde.

Il faisait le con avec la copine d'un
autre, affaires privées en somme.

Quel moralisme !
Et il faudrait que j'avale ça ?

Comme vous le sentez.

Et à propos de Feltrinelli,
que me dites-vous, Pinelli ?

- Vous l'avez rencontré récemment ?
- Mais c'est une fixation !

Je ne sais rien de Feltrinelli, je ne le
fréquente pas, je dois vous le dire en chinois ?

Admettez au moins qu'il
vous file un peu d'argent.

Il finance tous les groupes de gauche,
vous avez bien reçu aussi quelque chose.

Vous ne vous compromettez pas en
me le disant. Vous n'êtes pas un espion.

Salut. Tu as faim ?

Tu préfères manger
ou aller dormir ?

- Qu'y a-t-il ?
- Rien. - Comment ça, rien ? Alors ?

Le commissaire savait
que j'ai mis Valpreda dehors.

- Parmi nous, il y a un indic.
- Un indic ? Ça serait qui ?

Si je le savais, je
l'aurais déjà foutu dehors.

Donc, tu penses qu'au cercle
ils font quelque chose d'étrange

- Ou que les jeunes...
- Mais non, je ne crois pas,

par contre, je ne sais pas
si les jeunes me disent tout.

Jouons cartes sur table,
Giannettini.

Donc, vous êtes journaliste
expert en études stratégiques,

estimé de nos frères-ennemis
du Service Secret Militaire.

Mais vous êtes aussi de droite,
profondément, je dirais intimement de droite.

Pourquoi avez-vous voulu me voir ?

Je sais que vous allez bientôt en Vénétie, à la
demande des Services de Renseignement militaires,

et je ne veux pas faire
d'affronts à nos concurrents

des Services Secrets militaires. Je ne vous
demande pas de nous informer nous aussi,

je voudrais juste en savoir
plus sur certaines personnes.

Nous infiltrons droite et gauche
comme on rentre dans du beurre,

mais ces Vénètes me semblent
être des fascistes un peu étranges,

et je n'arrive pas vraiment à les situer.

Alors, "démoncrate-chrétien" ?

Cette thèse sur le grand Céline,
ils t'ont dit quoi les éditeurs ?

Tu sais, c'est difficile,
j'attends une réponse mais...

Je te l'imprime cette thèse,

je te propulse auteur-vedette
de ma maison d'édition,

en compagnie de Hitler
et du camarade Mao.

- Sacrée compagnie, quel honneur !
- Effectivement, "démoncrate-chrétien" !

- Dépêche-toi de la finir.
- Mais tu es sérieux ?

Bien sûr, si tu attends ces messieurs
des maisons d'édition, tu seras mort avant.

- Je ne sais vraiment pas comment te remercier.
- Remercier pour quoi ?

- Tu te rappelles le bon temps du pensionnat ?
- Quelles tristes années, quelle horreur !

Comment il s'appelait
ce fils de pute

- qui voulait enculer tout le monde ?
- Manlio, l'éducateur.

Ouais, éducateur ! Putain de pédé !
Heureusement que tu me défendais !

Mais il est quelle heure ?

Je dois aller à la gare. On
doit y aller, désolé, Guido.

- Asseyez-vous ici.
- Et les autres, ils sont où ?

- Ils arrivent bientôt.
- Ceux-là, fais-les sortir.

Allez, tous dehors, dehors.

Des fois, je voudrais
être aveugle, comme eux.

Voir trop de choses, c'est insupportable.

Moi, au contraire, je
voudrais qu'ils n'existent pas.

Le Christianisme, depuis
2000 ans, nous a rempli le ventre

de bons sentiments écœurants.

Alors que toute faille dans l'ordre
de l'univers devrait être éliminée.

BRUIT INDISTINCT

Qu'est-ce qu'il fait ce crétin ?
Qu'il arrête ça tout de suite.

Guelfo !

Merci d'être venus. Ce n'est pas la
première fois que nous nous voyons ici,

mais aujourd'hui nous avons un invité
que nous attendions depuis longtemps.

Il nous a apporté des documents importants,

comme garantie que nous
n'agirons pas à découvert.

La situation nous est favorable,

les actions dans les trains
ont été un succès,

et ont toutes fini au compte des rouges.

Ce qui était dans nos pensées
peut devenir une action,

ces dernières années, l'Italie
a erré dans le noir, sans idéal.

Maintenant, nous, les enfants de ces
des provinces grises et amnésiques,

sommes appelés à la besogne.

Beaucoup sont prêts à nous suivre,
ils attendent juste le premier élan,

ils viendront tous à nous, les
Italiens suivent les voix de la sécurité.

Camarades, silence. Giangiacomo
Feltrinelli a demandé la parole.

Vous savez tous qui il est, l'éditeur, pas besoin de le présenter.
Je vous en prie.

Je n'ai aucun doute : le
coup d'État qui se prépare

a pour modèle celui de
Grèce d'il y a deux ans.

Occupation des centres
névralgiques, contrôle des usines

et des moyens de communication, couvre-feu,

suspension des garanties
constitutionnelles,

arrestation et déportation de
tous les opposants politiques.

Pour ce faire, la première étape est
d'alimenter la tension dans le pays,

radicaliser le conflit,

dans les usines, les
écoles, les Universités.

C'est pourquoi je vous invite à réfléchir
à des formes concrètes de résistance,

même armée.

En Grèce, ça n'aurait pas
fini comme ça, si la gauche

s'était organisée préventivement
au lieu de se fier au roi

et aux débris de la démocratie.

Elle aurait dû armer les masses,
se souvenir des paroles de Lénine :

"La démocratie, c'est un
fusil à l'épaule des ouvriers".

(ÉMETTEUR) Vous, jeunes du
mouvement étudiant, vous serez décisifs

dans le conflit de classes.

Pinelli !

- On est fiancés ? Vous êtes toujours derrière mon dos !
- Juste une curiosité.

Qu'est-ce qu'il y a de commun entre un
cheminot qui gagne 115.000 lires par mois

et un milliardaire qui
joue à faire la révolution ?

Une certaine sympathie pour les derniers.
Vous savez, ceux du fond ?

Ça vous dit quelque chose
les laissés pour compte ?

Pourquoi m'avoir dit que
vous ne le fréquentiez pas ?

Je ne le fréquente pas,
je suis venu l'écouter.

Et je ne suis pas franchement
d'accord avec ce qu'il dit.

Vous n'êtes pas d'accord ?

Même pas quand il dit : "Chercher des
formes de résistance, même armée" ?

Voilà comment vous savez tout, vous avez
des espions partout ! Bravo, commissaire !

Pinelli, votre ton ne me
plaît pas trop, attention.

Mon ton ne vous plaît pas...

Écoutez, vous avez une minute ?

Comme vous voyez, commissaire, pas de
pistolets, ni de mitraillettes, ni de bombes.

Certes, il y en a qui pensent que les
livres peuvent aussi être des armes,

mais jusqu'à maintenant, heureusement,
les publier n'est pas un crime.

Même ceux-là ?

T'es pas obligé de les acheter, c'est
toi qui choisis, personne ne te contraint.

Vous, commissaire, vous
aimez les livres ? Vous lisez ?

Oui, Pinelli, bien sûr.

Vous pensez qu'un policier
est un abruti, un ignorant ?

Alors tenez, ça
c'est mon préféré.

Joyeux Noël.

Ça parle de quand la fête est
finie, de quand on est partis

et qu'on peut enfin dire ce que
nous n'avons pas réussi à dire vivants.

- Moi aussi, j'aimerais dire un tas de choses.
- Alors, venez avec nous.

- Portes ouvertes au camarade Calabresi.
- J'y penserai.

Mais avant, vous libérez les compagnons
anarchistes enfermés sans preuves.

S'ils sont enfermés, il y a quelque
chose. Il n'y a pas de fumée sans feu.

- Ça dépend de qui l'allume.
- Mais laissez moi vous remercier.

Tenez, ça parle de la
Chine et de la Russie,

les pays qui ont fait la Révolution.

Je ne sais pas si ça vous
plairait tellement d'y vivre.

Vous savez, les dictatures où l'État
peut dire ce qui se passe aux toilettes

- je les déteste autant que les fascistes.
- C'est vrai, vous êtes anarchistes,

vous n'en voulez pas du tout, de l'État.

Les Anglais écrivent qu'un coup
d'État est en préparation en Italie,

semblable à celui en Grèce.

Vous, colonel, que pouvez-vous
me dire de cet article ?

Je crois que le pays
court un certain risque.

"À la différence de la vengeance
qui est un plat qui se mange froid,

les coups d'État, particulièrement
dans un pays comme le nôtre

sont un plat qui se sert chaud".

C'est un journaliste qui
a écrit ça pour le compte

du Service d'Information de la
Défense, il s'appelle Guido Giannettini.

Mais qui est à la tête
de ces plans séditieux ?

Souvent, ce sont des réalités autonomes avec
des stratégies et des objectifs différents,

comme quand une pierre tombe dans l'eau
et se forment des cercles concentriques.

Vous pensez que le corps
des Carabiniers est impliqué ?

La base et une partie des hauts
gradés sont certainement fidèles,

mais je sais que quelques
officiers fréquentent régulièrement

les réunions d'Ordine Nuovo ou du
Fronte Nazionale du prince Borghese.

- Salut, Pietro.
- (VALPREDA) Salut, les gars.

Tu veux aller jusqu'à
Milan avec cette épave ?

- T'es sûr d'arriver ?
- J'arrive, j'arrive, Pietro arrive toujours.

Je dois aller chez
le juge pour un tract

que j'ai écrit contre le
Pape, tu vois le genre !

Incroyable, hein ?

- Bon voyage.
- Ciao. - Ciao, Pietro.

Je suis l'agent Ippolito,
passez-moi le chef.

Monsieur, je voulais vous informer que
Valpreda vient de partir pour Milan,

il a une valise avec lui. Oui, mais
je ne sais pas ce qu'il y a dedans.

Demain matin, il devrait être là.
À vos ordres.

LES INNOCENTS

Paris, 12 décembre 1969

La junte militaire grecque non
seulement n'a pas voulu assurer

le rétablissement des libertés
démocratiques de son propre pays,

mais elle œuvre en outre pour
que de semblables dictatures

s'imposent dans
d'autres pays d'Europe.

Et ainsi, pour réaffirmer le rejet
de toute attaque contre la démocratie,

le non à la répétition d'expériences
sombres et dévastatrices,

l'Italie vote contre et espère

l'exclusion de la Grèce
de ce débat.

Pardon, pardon. Les clefs.

Ce Sottosanti, il
ne m'a jamais plu.

Sottosanti a fait sortir Tito et les
autres aussi de la prison de San Vittore.

Il est venu exprès de Sicile !

C'est pour ça que tu vas à la banque ?

Il t'a demandé de l'argent en
échange de ton témoignage ?

Non, c'est un remboursement de frais !

Je vais retirer le 13ème
mois, c'est Noël, oui ou non ?

- Ça ne me plaît pas, tu ne devrais pas.
- Ça suffit !

Je sais, moi, si je fais bien ou mal.

Pino ! Pino !

Prends ça, il fait froid.

VOIX INAUDIBLES

Venez avec moi, tout de suite,
à la piazza Fontana...

Une chaudière... un tas
de morts, un tas de blessés.

SIRÈNE

SIRÈNE

Nozza, qu'est-ce que tu fais ici ?

J'étais pas loin, dans le tramway.

Ils parlent d'une chaudière.

Une chose de ce genre, ce n'est pas une
chaudière, c'est une guerre qui la fait.

Cerri ! Alors ?

C'est une bombe, commissaire,
de très forte puissance.

J'ai trouvé un morceau de mèche,
je n'avais jamais rien vu de tel.

Il y avait aussi une bombe qui n'a
pas explosé à la Banque Commerciale.

À Rome, trois autres engins ont
explosé, sans faire de victimes,

une à la Banque Nationale
du Travail de via Bissolati,

- deux autres à l'Autel de la Patrie.
- Mais à la Piazza Fontana, combien de morts ?

- Quatorze, pour le moment, mais d'autres sont mourants.
- Mon Dieu !

M. le Ministre, je vous en prie,

ne venez pas avec un vol réservé,
suivez le protocole d'urgence.

Vous avez été informé de l'autre bombe
qui n'a pas explosé à Piazza della Scala ?

Je vais voir de quoi il s'agit.
M. Cerri, vos impressions ?

Nous sommes encore en train
de recueillir les pièces à conviction.

En plus du bout de mèche, il y a
des pièces du mécanisme de minuterie.

Et l'odeur de désinfectant
qu'on sent dans l'air ?

Typique du glycol,

on le trouve dans la dynamite de
forage que nous appelons plastic.

- Monsieur, vous semblez blessé.
- Pourquoi ?

SIRÈNES

C'était affiché sur le mur près
d'ici, sur la Piazza Cordusio,

à côté il y avait un coffret avec
des fils, peut-être une minuterie.

Une affiche anarchiste et des fils,

- ça semble fait exprès pour laisser une signature.
- Ce n'est pas la première fois.

- Cette fois, elle est grosse la signature.
- Je vous fais une liste ?

- Palais de Justice, magasins Rinascente, Sénat.
- Mais là, c'était des pétards,

cette fois-ci, c'est une
bombe, il y a des morts !

Ça vous semble logique de signer
une horreur comme ce massacre ?

Je suis tout à fait
d'accord avec le Président,

il faut adopter immédiatement
des mesures exceptionnelles.

Qu'entends-tu par
"mesures exceptionnelles" ?

Suspension provisoire
des garanties constitutionnelles,

prolongation de la détention judiciaire

et simplification des procédures d'enquête.

Toutes choses prévues par le Texte Unique
de Sécurité Publique.

Mais jamais utilisées
depuis la fin de la guerre.

Et tu es censé être le ministre
de la Défense ? Jolie défense !

Et toi, le ministre de l'Intérieur ?
Joli contrôle de la situation !

Le Ministre Restivo a
mis le doigt dans la plaie.

Devant des faits aussi graves,
il n'y a pas d'autre solution.

Les décisions que nous prenons ici
doivent être partagées par le Gouvernement,

on ne peut pas signer un acte aussi
grave sans avoir d'abord entendu Moro !

Moro, Moro, toujours Moro !

Vous ne savez pas décider sans Moro !
Moro est à Paris.

Excusez-moi, Président,
excusez-moi Messieurs,

mais je dois aller à la
TV lire un communiqué,

et puis j'ai de la fièvre,

mais avant je voulais vous
dire que je suis très préoccupé.

Dans deux jours, la droite fera
une grande manifestation à Rome,

vous ne pensez pas qu'il
serait opportun de l'interdire ?

Non, mon cher, si tu ne veux
pas proclamer l'état d'urgence,

comme le préconise le Président,

souviens-toi bien que, dans ce cas,
tout le monde a le droit de manifester !

Vite, bougez-vous, allez !

Vous êtes trop nombreux,
Pinelli, il n'y a pas de place.

- Combien de morts y a-t-il, commissaire ?
- Quatorze, pour le moment.

Vous savez que nous n'avons rien à voir
là-dedans, pourquoi nous amener au commissariat ?

Maintenant, c'est vous qui
nous dites ce qu'on doit faire ?

Vous nous suivez à mobylette ?

- Où vas-tu ?
- Je dois monter, je suis avec les autres.

(À LA TV) L'action d'une fermeté
sans faille entreprise immédiatement,

et la certitude qu'au
nom du gouvernement je

donne au pays, en ce moment, que
toutes les possibilités seront explorées

pour découvrir et punir ceux
qui ont détruit des vies humaines

et nous ont tous blessés dans l'âme.

- Votre nom m'a échappé.
- Delle Chiaie Stefano.

- Monsieur le Prince, il y a ici M. Delle Chiaie.
- Chut...

(TV) Nous avons connu des moments
de tension et de conflits sociaux,

mais ici nous nous trouvons
devant des crimes organisés

avec une froide détermination.

(TV) Il faut, citoyens, que chacun
d'entre nous se reconnaisse dans la loi,

se sente faire partie d'une communauté,

qui peut se perdre elle-même si
nous ne sommes pas unis dans la loi.

Mais Rumor que fait-il ? Vous n'aviez
pas dit qu'il proclamait l'état d'urgence ?

Et vous, vous faites
quoi, vous abandonnez ?

Ces dingues à Milan,
qu'est-ce qu'ils ont fabriqué ?

Ils avaient parlé d'un "acte retentissant" !
Et ce serait un massacre de civils ?

- C'est la guerre, Prince.
- Tais-toi, n'emploie pas ce mot.

Les soldats peuvent le
dire, pas les bouchers.

- Licia, c'est moi, tu as écouté la radio ?
- Non, pourquoi ?

Il y a eu une bombe, dans une banque,
il semble qu'il y ait beaucoup de morts.

Oh, mon Dieu, Pino.

Ils nous ont tous amenés au
commissariat, mais ne t'inquiète pas,

c'est pour les vérifications habituelles,
mais ils vont nous garder toute la nuit.

Fais venir ici ma mère, comme ça
elle te rapporte l'argent du 13ème mois.

Ce n'est pas pressé, tu me les
apportes à la maison quand tu rentres.

Ok, ça marche. Ciao.

- T'as vu ?
- Allez, vas-y, marche.

L'engin a été mis de manière à
faire le plus grand nombre de victimes,

sous la table, au centre
de la salle principale.

Dans le tas de décombres, j'ai retrouvé des
fragments métalliques issus d'une boîte,

identique à celle que nous avons trouvée
dans le sac de la Banque Commerciale,

de la marque allemande Juwel.

Et puis ici, il y a une
mèche et un minuteur,

qui fait penser à un double
détonateur, fait un peu étrange.

Bien, excellent travail,
il vaut mieux apporter tout ça à Rome

et le faire analyser au Centre de
Police Criminelle, je m'en charge.

Mais pourquoi ?
Nous sommes en mesure...

Non, non, il vaut mieux Rome, laissez-vous
servir, Cerri, mieux vaut Rome.

Donnons tout au professeur et
ensuite le Viminal s'en occupera.

Vous au bureau politique...
vous, Calabresi,

mettez la pression à tous ces
Bakounine, faites-les chanter,

je veux qu'ils chantent, comme les
pinsons de l'île de Ventotene.

- Ils sont persuadés que Pietro est mêlé à ça.
- Et allez !

Valpreda est peut-être à moitié fou, mais je
ne crois pas qu'il ait commis un massacre.

- Quand tu l'as chassé, tu disais que...
- Il valait mieux l'avoir loin de soi,

mais c'était une évaluation politique.

Alors, comment ça se passe
dehors ? Qu'est-ce qui se dit ?

Il y en a qui pensent que
ça a pu être l'un de vous ?

Les anarchistes sont très différents,
il y a des durs...

- Donne-nous des noms.
- Allez, continue.

Dans le couloir, ça discute, il y en a un
qui a dit que vous recherchez Valpreda.

Alors ?

Alors, j'ai vu que Pinelli était préoccupé.

Et pourquoi ?
Pinelli sait quelque chose ?

- J'ai pas dit ça.
- Tu as dit qu'il en sait plus que ce qu'il dit.

Non, j'ai pas dit du tout ça,
j'ai dit que je pense...

- que je suppose que Pinelli...
- Je pense, je suppose.

Tu ne me dis rien.

(CALABRESI) Pinelli, que sait-il ?

Qu'est-ce qu'il sait de Valpreda ?

Il y a quelques jours, je l'ai vu
au cercle qui écrivait à la machine

une lettre à un compagnon de Rome, et il
le mettait en garde au sujet de Valpreda.

- On commence à raisonner.
- Mais je ne sais rien d'autre, vraiment !

Pino, d'abord, je mets ma
main au feu qu'il n'a rien à voir.

Les artificiers ont fait exploser la
bombe de la Banque Commerciale !

Bah, elle pouvait le faire accidentellement,
ou peut-être vous vouliez un autre massacre ?

Mais ça pouvait être une preuve décisive,

peut-être qu'elle était du même type
que celle de Piazza Fontana ou de Rome.

- Le sac est là, parmi les pièces à conviction, si vous voulez le voir...
- Oui !

ON SONNE À LA PORTE

Commissaire, je vous cherchais justement.

Pourquoi cette demande de
perquisition chez Feltrinelli ?

M. le Juge, c'est à moi de
vous expliquer qui est Feltrinelli ?

Je sais très bien qui est Feltrinelli,
mais donnez-moi un motif.

- Quels éléments avez-vous contre lui ?
- Des hypothèses d'enquête, des intuitions.

Des intuitions.

Dans le couloir, il y a un tas d'anarchistes
arrêtés, personne ne m'a rien dit,

je l'ai su de leurs avocats
qui sont venus protester.

- Sur quelle base sont-ils ici ?
- Ils posent des bombes toute l'année,

beaucoup d'entre eux
ont déjà fait de la prison.

Oui, mais nous enquêtons sur la bombe
qui a explosé il y a quelques heures,

et moi je vous demande
si l'un de ces anarchistes

a des responsabilités objectives.

Il y a eu une sorte
de revendication.

Nous avons trouvé ça à quelques
pâtés de maisons de la banque.

Je ne sais pas, je ne suis pas convaincu.

- Je voudrais la faire examiner à Paris.
- D'accord, nous l'envoyons là-bas.

Non, nous le ferons au Parquet.
Envoyez-la à mon bureau.

Mais pourquoi cette méfiance ?
Vous parlez à des serviteurs de l'État.

Vous aussi, vous parlez à un serviteur de
l'État. Ne jouons pas les offensés, Commissaire.

Envoyez tout ça à mon bureau
et que chacun fasse son travail.

Au revoir.

Ne vous braquez pas, commissaire.
C'est un jeune coq, il a la crête droite,

mais il la baissera, comme tous.
Ce sont les documents pour Bâle.

Un émigré italien a
dit à un journal suisse

qu'il allait y avoir
un attentat à Milan.

- Vous y allez deux jours et vous revenez.
- Moi ?

Je vais à Bâle en ce moment ?

Il semble qu'il fasse partie
du cercle de Feltrinelli.

Commissaire, c'est une chose
délicate et je n'ai confiance qu'en vous.

(TV) Il était environ 16h30,

la grande salle de la banque était bondé

parce qu'aujourd'hui était
jour de marché à Milan,

et le vendredi, les négociations
de la semaine sont conclues.

(TV) Un tonnerre et une flambée
ont littéralement ébranlé l'immeuble,

un trou d'environ
un mètre de diamètre

s'est ouvert dans le sol de
la partie réservée aux clients

qui à ce moment-là terminaient
d'effectuer les opérations bancaires.

(TV) Les premiers secours ont
été prodigués par les passants...

L'ENQUÊTE PARALLÈLE

Merlino, j'ai ici les procès-verbaux des
diverses déclarations que vous avez déposées

à un fonctionnaire de
police et au magistrat,

je voudrais préciser
quelques aspects avec vous.

- Vous confirmez appartenir au groupe anarchiste 22 Mars ?
- Je le confirme.

- Combien de personnes en font partie ?
- Bien... des assidus, six, sept.

J'ai bien compris ?
Vous avez dit sept ?

Oui, sept, comme les sept rois de Rome,
les sept péchés capitaux,

les sept merveilles,
les sept samouraïs...

Et à sept, vous voulez
faire la Révolution ?

Les apôtres, au début, n'étaient
pas beaucoup plus nombreux.

Nous savons que l'un d'entre vous aimait
jouer avec les explosifs, c'était qui ?

- Si vous le savez déjà, pourquoi vous me le demandez?
- Répondez, je vous explique après.

Le Milanais... le
Danseur, Pietro Valpreda.

- Continuez, parlez-moi de lui.
- Oui. Je peux avoir un café ?

Pietro avait caché de l'explosif
dans un trou, sur la via Tiburtina,

mais maintenant, vous ne trouveriez plus
rien, il a tout emporté il y a une semaine.

- Qu'est-ce qui me dit que vous ne me racontez pas des conneries ?
- C'est vous qui voyez.

M. le Colonel.

Vous confirmez être l'agent
de police Ippolito Salvatore

infiltré dans le cercle 22 Mars,
connu par les anarchistes

- sous le nom d'Andrea le Génois ?
- Je confirme.

Je vous en prie, installez-vous.

Où est Valpreda maintenant ?

À Milan.
Il est parti de Rome l'autre soir.

- Il voulait être à Milan au matin du 12.
- Pour faire quoi ?

- Peut-être...
- ... ce qu'il a fait ?

Vous vous rendez compte
de ce que vous suggérez ?

Vous êtes un officier public. Vous
savez certainement que Valpreda...

Non, non, non...
je demande pardon, je demande pardon.

Ce que je viens de dire était
seulement une supposition.

Merlino, nous savons que vous
vous êtes rendu en 1968 en Grèce

avec des dirigeants de premier
plan de l'extrémisme noir,

tous invités par le
gouvernement des colonels.

Ce n'est pas une étrange
compagnie pour un anarchiste ?

Oui, c'est vrai,
à l'époque j'étais de droite, mais...

ensuite la contestation m'a fait
changer d'idées et j'ai changé de vie.

Depuis cette époque, je n'ai
plus vu personne de ceux-là.

Même pas Stefano Delle Chiaie,
le chef d'Avanguardia Nazionale ?

- Vous n'étiez pas très amis ?
- Si, mais j'ai rompu tout rapport.

Agent Ippolito, à votre avis Merlino
doit être considéré un homme de droite

- ou de gauche ?
- Aux réunions, il s'exprime comme un extrémiste de gauche,

mais il fréquente encore des gens
de droite, il est resté lié à ce monde-là.

Comme qui ?

Comme Stefano Delle Chiaie,
le chef d'Avanguardia Nazionale.

J'ai également fait un rapport
sur leur rencontre du 11.

Le 11 ? La veille du
massacre ? Vous êtes sûr ?

Le 11 décembre,
colonel, certain.

J'ai rencontré Mario
Merlino le 11 dans la rue,

mais c'était par hasard, je ne le
voyais pas depuis des années.

Depuis que vous étiez allés chez les
colonels pour prendre des instructions ?

- De quelles instructions parlez-vous ?
- Vous le savez. Leurs documents sont clairs,

comme quand ils soutiennent qu'il
faut infiltrer les groupes de gauche

et les pousser à des actions
violentes pour justifier ainsi

l'intervention des
forces armées.

Pour cela, Merlino, vous vous
faites passer pour anarchiste

et la veille du massacre, vous
avez peaufiné les derniers détails.

Des mots, des
conjectures, aucune preuve.

Qu'avez-vous à me dire
de Junio Valerio Borghese ?

Le prince Junio Valerio Borghese.
Un héros, un soldat.

Quels rapports entretient Avanguardia
Nazionale avec le Fronte Nazionale de Borghese,

- et avec Ordine Nuovo ?
- Fraternité et divergences.

Si toutefois vous parvenez
à comprendre cela.

T'as vu, Pino ? Il y a beaucoup
d'amis ici, de bons compagnons,

mais ils les ont mis avec
de ces têtes de bagnards !

C'est typique du bureau politique de mettre tout le
monde dans le même panier, les rouges et les noirs.

Ceux-ci, par exemple, tu
vois, ils sont d'Ordine Nuovo,

- celui-là, c'est un fasciste de Rome.
- Non, non, celui-là, c'est pas un fasciste,

je l'ai vu à la gare
Termini avec Sottosanti.

Mais qu'est-ce que tu racontes,
avec Sottosanti ? Quand ?

Il y a quelques semaines.

- Et qu'est-ce qu'ils faisaient ?
- Rien, ils se sont salués,

et puis il a donné un
paquet à Sottosanti.

Mais t'es sûr ? Regarde-le bien,
celui-ci c'est Di Luia...

- c'est un fasciste, ami de Delle Chiaie.
- Pinelli !

Allez, on y retourne, viens.

- Bouge-toi.
- Garde ma veste.

Je vous l'ai déjà dit, combien
de fois je dois vous le répéter ?

Le 12, je suis sorti de chez
moi à 14h et je suis allé au bar

jusqu'à 17h-17h30 et j'ai joué à la belote

avec deux de mes amis,
Magni et Pozzi.

Oui, ils le confirment
mais ce sont tes amis,

par contre le barman dit que tu as pris un
café avec quelqu'un qu'il ne connaît pas,

- et qu'ensuite tu es parti.
- Il ne peut pas m'avoir vu,

parce que les tables de jeu
ne se voient pas du comptoir.

Et puis pardon, mais si Pozzi
vient de vous le confirmer !

Admettons que tu dis la
vérité, ensuite qu'as-tu fait ?

Je suis allé au cercle,
au Ponte della Ghisolfa

et à 18h, je suis arrivé en mobylette au cercle
Scaldasole en mobylette où vous m'attendiez.

Ça te semble crédible qu'alors que, parmi les
anarchistes, un tel truc est en préparation

- toi tu joues aux cartes ?
- Il n'y avait rien en préparation !

Du bla-bla.

L'habituelle rafle d'anarchistes, ils les
gardent un peu et après ils les relâchent.

Espérer que des gens comme
Rumor proclament l'état d'urgence,

les lois spéciales... Ils
s'attendaient tous à je ne sais quoi.

- Tous qui ?
- Les camarades, tous, quels cons !

Ils ont même interdit les manifestations
à Rome par peur d'incidents !

Quels génies ! Ce soir, il y a des
morts et eux, ils ont peur d'incidents !

Et aux funérailles de ces
pauvres diables, ils n'y pensent pas.

Et si les camarades qui devaient aller
à Rome, vont à la Piazza del Duomo ?

Et s'ils vont là empaler
les rouges un par un ?

LA PISTE ROUGE

- En Suisse, comment ça a été, commissaire ?
- Une fausse piste.

- Ici, où en est-on ?
- On a relâché presque tous les anarchistes,

mais un chauffeur de taxi est apparu.

Il pense avoir conduit
celui qui a mis la bombe,

- et devine à qui il ressemble.
- À un qu'on connaît ?

À Valpreda, on l'a déjà arrêté.

Je voudrais bien voir qui est
l'enfoiré qui me fait porter le chapeau.

- Monsieur, vous avez fait bon voyage.
- Où l'emmenez-vous ?

- À Rome, les magistrats veulent le voir.
- Pourquoi à Rome ?

Parce que la dernière bombe
a explosé à l'Autel de la Patrie

et les enquêtes iront toutes là-bas.

Vendredi à 16h-16h15,
j'étais ici, sur la Piazza Beccaria,

quand, de la galerie, est sorti un
type avec un sac qui semblait lourd.

Il monte et me demande de l'amener à la
banque de la Piazza Fontana, et il me dit :

"Je vais à la banque, je vois quelqu'un,
et puis vous m'amenez via Albricci".

- Asseyez-vous, mettez-vous à l'aise.
- Merci.

- Je peux ?
- Je vous en prie, commissaire.

Rolandi, via Albricci est à quatre, cinq
pâtés de maisons de la Piazza Fontana.

Ce n'est pas absurde de prendre un
taxi pour faire sept ou huit-cents mètres ?

Tout à fait ! Je l'ai
pensé moi aussi.

Oui, mais Valpreda a la maladie
de Buerger, il marche difficilement.

Mais quand on pose une bombe, on
essaie de ne pas se faire remarquer.

Mais ce brave homme ne me paraît
pas être du genre à inventer des fables,

- Ou non, Rolandi ?
- Il a pris mon taxi !

S'il avait pris celui d'un
autre, c'était pas plus mal.

Non, c'est mieux que ce soit le vôtre,
ainsi la prime, c'est vous qui la "palpez".

Vous dites ?

- Vous auriez un petit quelque chose à boire ?
- Plus tard. Continuons.

- Il est monté dans le taxi...
- Nous sommes allés à la banque,

et quand il est sorti,
le sac n'était plus là.

- Et c'était cette personne ?
- Je l'ai déjà dit aux carabiniers.

Je veux que vous me le disiez à
moi aussi. C'était celle-ci, oui ou non ?

Si ce n'est pas lui, c'est quelqu'un
qui lui ressemble beaucoup.

Pas "ressemble", c'est lui ou pas ?

Alors... c'est lui.

(TV) Dans un deuil posé et digne,
Milan rend un dernier hommage

aux victimes de l'attentat
de vendredi dernier

à la Banque Nationale
de l'Agriculture.

(TV) La foule immense
qui s'est regroupée ici

exprime la consternation,

l'indignation, la douleur
de tous les Italiens.

(TV) Sur le frontispice de la
cathédrale, il y a une inscription :

"Milan s'incline devant
les victimes innocentes..."

MUSIQUE SACRÉE

L'INTERROGATOIRE

(CALABRESI) Ce chèque de 15.000
lires, c'est toi qui l'as rédigé.

Sottosanti l'a encaissé tout de suite.

Pourquoi tu ne m'as pas dit que
vous vous êtes rencontrés le 12 ?

- Je ne croyais pas que c'était important.
- C'est moi qui décide de ce qui est important.

C'était un remboursement de
frais parce qu'il était venu de Sicile

pour témoigner en faveur
des compagnons emprisonnés.

- Un remboursement de frais.
- Oui.

Ou le prix pour un faux témoignage ?

- Ou pire ?
- Pire quoi ?

Pourquoi vous contestez mes
dires ? Vous êtes devenus fous ?

Tout le monde sait ce
que je pense de la violence.

Admettons que c'est vrai. Pourquoi
tu ne m'as pas dit avoir vu Sottosanti?

Pour que vous ne vous
fassiez pas des idées,

et, en effet, c'est que vous faites.

Il y a un truc que je ne comprends
pas. Tu ne me dis pas la vérité.

- Et ce n'est sans doute pas la première fois.
- Je ne comprends pas de quoi vous parlez.

De ton registre kilométrique.

Il y est écrit que le 8 août, le
jour des bombes dans les trains,

tu étais à la gare, tu es parti pour
Rome et on sait même pourquoi.

- C'est-à-dire ?
- Tu as rencontré Valpreda.

C'était pour lui rendre un service.

Je lui apportais du matériel pour une
activité créée avec des compagnons

- qui faisaient des lampes Liberty.
- Des lampes Liberty.

- Oui.
- Vraiment ?

Je lui ai apporté des perles,
des verres colorés...

Pinelli, mais pour qui tu nous prends ?
Des perles, des verres colorés...

- Mais qui croit ça ?
- Qu'est-ce que cette nuit d'il y a 4 mois a à voir là-dedans ?

Vous m'accusez de la bombe dans les trains
d'août ou de celle de Piazza Fontana ?

On peut savoir ce que
vous voulez de moi, bordel ?

- Ça fait trois jours que vous me gardez là-dedans.
- Ooh !

Ne me touchez pas.

Alors, on fait comme ça : toi, tu signes un
procès-verbal dans lequel tu déclares que Valpreda

a souvent manifesté la nécessité d'actions
violentes et nous, on s'en tient là.

Je ne signe aucun procès-verbal.

Vous n'avez rien contre Valpreda et vous
voulez que je vous fournisse l'accusation ?

Mais on est fous ?

Maintenant, ça suffit, je ne parle plus.

Finissons-en, Valpreda et le chauffeur de taxi
sont en transfert vers Rome pour la confrontation,

- il ne manque que le procès-verbal de Pinelli.
- Pinelli en sait beaucoup, vous verrez qu'il va lâcher.

- Non, il fait le muet.
- Alors, la seule chose à faire est lui tendre un piège.

Oui, dites-lui que Valpreda a
avoué et voyons sa réaction.

Il n'y croirait pas, il faudrait
quelque chose de plus concret.

Eh bien, fabriquez-le, de
toute façon qui veut croire, croit,

c'est quelqu'un qui a souvent vu le
miracle de San Gennaro qui vous le dit !

Croyez-moi, Pinelli n'est pas
plus malin que les Napolitains

(PINELLI) Je suis ici depuis 72 heures,
vous m'avez laissé dormir 4 heures,

vous ne m'avez pas fait manger,
vous m'avez interrogé jour et nuit !

Mais de quel droit ? Ma garde à
vue est expirée depuis un moment !

Ton alibi est expiré depuis un moment,
trop de contradictions, ça ne tient pas.

Mais dites-le, ce n'est pas moi ou
Valpreda que vous voulez coincer,

c'est Feltrinelli que vous voulez !

Qui peut croire que quatre anarchistes
ont mis sur pied un plan pareil ?

Par contre, si ce sont des marionnettes dans la
main de Feltrinelli, alors ça tient, pas vrai ?

Commissaire, arrêtez tout,
Valpreda a avoué.

C'est lui qui a mis la
bombe, c'était lui dans le taxi.

Je n'y crois pas.

- Ce n'est pas vrai.
- Il l'a même confirmé par procès-verbal,

il est là, on vient de nous
le transmettre de Rome.

- Je vais le chercher.
- Commissaire.

Toi, tu le sais, les anarchistes n'ont
rien à voir avec les bombes et les morts.

Si c'était le cas, ce
serait la fin de l'anarchie.

Je ne te crois pas. Je ne vous crois pas.
C'est faux ! Faux ! C'est un coup monté !

Vous voulez me mettre
là-dedans, fascistes ! Fascistes !

Fascistes !

Stop, stop, stop, stop !

- Vous pensez me berner ?
- Tu dois rester tranquille.

S'ADRESSE À PANESSA EN DIALECTE MILANAIS

- Qu'est-ce que t'as dit ?
- Je dois te traduire ?

- Pinelli, tais-toi.
- Qu'est-ce que tu vas faire de plus ?
- Tais-toi !

Commissariat Rome à commissariat
Milan : Suspect Valpreda Pietro

avoue être auteur matériel
massacre 12 décembre.

BRUIT SOURD

Qu'est-ce qui s'est passé ?

Oh mon Dieu !

- Il s'est jeté.
- Comment ça, il s'est jeté ?

À l'aide !

Il est tombé, on a essayé de l'arrêter.

- Il s'est jeté en bas, commissaire.
- Dépêchez-vous, les gars !

Qu'est-ce que vous racontez ?

- Il bouge encore.
- Reculez, ne le touchez pas !

- Il respire encore, vous avez appelé une ambulance ?
- Oui.

- Il était là à hurler...
- Et alors ?
- On a tous essayé de l'arrêter.

- Il y avait de la fumée, on a ouvert...
- On n'a pas réussi à l'arrêter.

- Panessa !
(BROUHAHA DE VOIX)
- Taisez-vous, taisez-vous !

Une chose pareille ne peut pas arriver.

Il ne bouge pas.

Commissaire, il a demandé une cigarette,

il s'est levé, est allé à la
fenêtre et s'est jeté en bas.

J'ai essayé de l'arrêter.

Il s'est jeté.

SIRÈNES

Laissez-le.
Dehors, je m'en occupe, sortez, sortez.

Dehors, dehors.

- Qu'est-ce que tu as entendu ?
- Eh, qu'est-ce que tu as entendu ?

Sortez d'ici, hors d'ici, tous !
Dehors, vite, allez !

Tu dois me dire ce que tu as entendu.

Dis-moi ce que tu as entendu.

À moi, tu peux le dire,
à moi, tu dois le dire. Dis-le moi.

- Madame Pinelli ?
- Oui.

Nous sommes journalistes. Il semble qu'il
se soit passé quelque chose au commissariat.

- Au commissariat ?
- Personne ne vous a prévenue ?
- Non, pourquoi ?

Malheureusement, un malheur a
eu lieu, votre mari est à l'hôpital.

- Excusez-moi, M. le Préfet, je dois rejoindre le Commandement.
- Allez-y, lieutenant.

Il faut faire attention, les
journalistes sont en bas,

- nous devons nous mettre d'accord sur une version.
- Comment cela, nous mettre d'accord sur une version ?

Avant d'avoir compris ce qui s'est passé ?

Il s'est jeté, commissaire,
c'est ça qui s'est passé.

- N'est-ce pas, Panessa ?
- Nous ne lui avons rien fait,

il y avait la fumée, la fenêtre
ouverte, personne ne l'a touché.

Il faut dire que ça a été
un accident malheureux.

La tension, la fatigue, la
fumée, il n'avait pas mangé,

il s'est senti mal, il s'est appuyé
à la fenêtre ouverte... un malaise.

- M. le Préfet, ça ne marche pas.
- Pourquoi ?

Un type sous interrogatoire
qui finit en bas d'une fenêtre...

Personne n'y croit.
Qui est le magistrat de garde ?

Bon sang, c'est Paolillo.

Voilà, nous ne pouvons même
pas compter sur un magistrat objectif.

Tu parles d'un accident, il s'est
jeté parce qu'il s'est vu perdu.

- Suicide comme reconnaissance de culpabilité.
- Coupable de quoi ?

Il n'a rien admis,
il n'y a rien contre lui.

Mais il savait, il couvrait un truc,

et quand il s'est vu à
découvert, il s'est jeté.

Ça s'est passé
comme ça, pas vrai ?

Parce que si ça ne s'est pas passé comme ça,
et je ne le sais pas et ne veux pas le savoir,

jamais plus personne n'aura
confiance en un uniforme, compris ?

- Vous avez bien compris ?
(SONNERIE DE TÉLÉPHONE)

Et si quelqu'un pouvait avoir la
gentillesse de répondre à ce téléphone !

- Calabresi.
- Je suis Licia Pinelli. Pourquoi ne m'avez-vous pas prévenue ?

Madame, nous sommes tous très
occupés en ce moment, excusez-moi,

je vous rappelle dès que je peux.
Excusez-moi.

Docteur, excusez-moi, je suis la
maman de Pinelli. Madame Pinelli.

Excusez-moi, Docteur, s'il-vous-plaît...
Pardon, je vous en prie. Docteur !

"C'est la fin de l'anarchie !",
a-t-il crié, il est allé à la fenêtre

et d'un bond félin, il
s'est jeté dans le vide.

Un des nôtres a tenté de le
rattraper, mais il n'y est pas arrivé,

- une chaussure lui est restée dans la main.
- Et puis, il la lui a remise au vol ?

- Je n'ai pas compris.
- Notre collègue Palumbo de l'Unità,

soutient qu'il avait ses deux chaussures.

Mais M. Palumbo, avec tout mon respect,
qu'en sait-il ? Quand est-il arrivé ?

Je ne suis pas arrivé, j'étais
déjà là, j'ai été le premier à le voir

et ses chaussures, il
les avait toutes les deux.

Ça ne nous fait pas du tout
plaisir ce mort dans la maison.

Pinelli commençait à parler,
à admettre certaines choses,

l'interrogatoire tournait autour
des noms de certains de ses amis,

des noms que je ne peux pas vous révéler.

- Qui dirigeait l'interrogatoire ?
- Le commissaire Calabresi.

Commissaire, comment ça s'est passé ?

Je n'étais pas dans la pièce,

- mes collègues contestaient certaines de ses contradictions.
- Lesquelles ?

Il y avait des choses qui ne correspondaient
pas, il s'est senti perdu et il s'est jeté.

Et il y avait quels éléments contre lui ?

Écoutez, Mademoiselle Cederna...

Tout d'abord, je vous présente mes compliments
car je suis un de vos admirateurs...

- Grande finesse de plume !
- Vous êtes très gentil.

Seriez-vous aussi gentil pour me
répondre ? Quels éléments aviez-vous ?

Il y avait des raisons
nécessaires, croyez-moi.

- Peut-être voulez-vous dire "fondées" ?
- Fondées.

- Fondées.

Exactement, des raisons fondées.

Pinelli était fortement
suspecté et il ne l'a pas supporté,

quoi qu'il en soit, le commissaire
Calabresi vous en parlera mieux.

Maintenant, excusez-moi, il est trois
heures du matin et M. Allegra et moi-même

nous devons faire notre rapport à
M. le Ministre. Bonne nuit à tous.

Avec votre permission.
Travaillez bien. Venez, lieutenant.

Excusez-moi, commissaire, mais comment se
fait-il que l'épouse n'ait pas été avertie ?

C'est nous, journalistes, qui l'avons
informée mais ce n'était pas votre rôle ?

Nous voulions aller tout de suite à l'hôpital,
nous pensions passer la prendre ensuite.

- Une fois mort ?
- Mais que dites-vous là ?
- Quand il ne pouvait plus rien dire ?

J'estimais Pinelli,
c'était quelqu'un de bien.

Vous l'estimiez, c'était
quelqu'un de bien...

Le Préfet Guida dit cependant qu'il
était suspect pour des raisons fondées.

Lequel des deux
Pinelli est le bon ?

Pourquoi l'ont-ils couvert comme ça ?

Dis-leur de lui enlever
ce drap, je veux le voir !

Je veux le voir complètement, je veux
voir, je veux voir ce qu'ils lui ont fait.

Tu ne dors pas ?

Je me suis sentie mal toute la
nuit, je n'arrivais pas à dormir.

Le petit est agité, je
ne sais pas pourquoi.

J'ai entendu la radio,
qu'est-ce qui s'est passé ?

La radio n'a pas dit ce qui
s'est passé ? Ils le savent eux ?

Parce que, moi, je ne sais pas ce qui s'est passé.
Je n'étais pas là, je n'étais pas dans la pièce.

Excuse-moi.

(EN CHŒUR) # Adieu, belle Lugano,

ô douce terre pieuse,

chassés sans fautes,
les anarchistes s'en vont. #

- Maman, il ne faut pas pleurer, ils n'attendent que ça.
- Qui ?

Eux.

Ne leur donnons pas cette satisfaction.

(COLONEL) Il y a quelques heures,
du Service d'Informations de la Défense,

est sorti un document falsifié.

Les enquêteurs et les
autorités qui le recevront

n'auront pas l'exacte image de la situation,
qui se trouve par contre dans mon rapport.

Colonel, vous êtes sûr que
ce Merlino, la veille du massacre

a rencontré le chef d'Avanguardia
Nazionale, Stefano Delle Chiaie ?

Tout ce que vous
lisez a été vérifié.

Donc, parmi les anarchistes se sont
infiltrés des éléments néo-fascistes...

Et des Services Secrets. Toute la
subversion de droite et de gauche

a toujours été
tenue sous contrôle.

Alors, ils auraient dû empêcher les
bombes plutôt que les laisser exploser.

Quelqu'un doit avoir
pensé pouvoir s'en servir.

Il y a cinq ans, l'Italie a été
très proche d'un coup d'État.

Le président Segni, peut-être
plus qu'il ne l'aurait voulu,

s'est retrouvé compromis.

J'étais président du Conseil

et le président Saragat
était ministre de la Défense.

Nous avons affronté Segni. Saragat
l'a menacé de haute trahison,

l'unique crime pour lequel un
chef de l'État peut être poursuivi.

Segni s’est senti mal, il a eu un malaise.

Triste...
de voir souffrir une personne âgée.

J'ai confiance en vous,
je veux avoir confiance en vous,

mais on dit que vous ne suivrez pas l'enquête
sur la mort de mon mari, c'est vrai ?

Oui, ils ont décidé de donner
raison à qui soutient que

les faits ont eu lieu quelques
secondes après minuit,

et puisque ma garde terminait à minuit

- l'enquête a été confiée à d'autres.
- Selon vous, la justice est juste ?

Oui, Madame,
la justice est juste.

Alors, je suis tranquille, si quelqu'un
a menti, vous le découvrirez, non ?

Je veux porter plainte contre le Préfet, je n'accepte
pas le portrait qu'ils ont fait de mon mari,

parce que mon mari n'a rien à voir
avec les bombes, ce n'était pas un exalté,

il détestait les violents, mais surtout
il n'était pas suicidaire, je le sais.

MUSIQUE SACRÉE

LA RAISON D'ÉTAT

< (MORO) Après l'affaire Pinelli,
l'opinion publique se demande

si elle est devant un horrible coup monté.

Elle est déconcertée
et veut savoir la vérité.

Et ce ne sont plus seulement les socialistes,
les communistes qui la demandent,

mais aussi les libéraux, les républicains,

une grande partie de la Démocratie
Chrétienne et jusqu'à Sa Sainteté.

Ces derniers jours, circule
une expression terrible :

massacre d'État. Ce serait grave si
cette formule devait avoir du succès,

mais d'autre part, les institutions
de sécurité, les Services Secrets,

on ne sait plus à qui ils obéissent,
si c'est aux ministres compétents

ou à vous, Monsieur le Président.

Votre contre-enquête ne
me convainc absolument pas.

La piste mène aux
fascistes, dites-vous ?

Les juges de Milan et Rome
semblent penser le contraire.

Si vous le pensez vraiment, vraiment, je
ne veux pas vous importuner plus longtemps.

Attendez, attendez.

Cette contre-enquête doit être stoppée,
on ne peut pas la rendre publique,

- elle est déstabilisante.
- Si elle doit être stoppée,

il y en a d'autres qui
devront stopper la dérive

dans laquelle sombre le pays.

Ça fait des mois que des attentats
sont commis, semant la terreur,

les blessés et,
maintenant, les morts aussi.

Et cela parce que de jeunes extrémistes
de droite sentent chez les Services Secrets

couverture et connivence.

Ces jeunes sont les petites
mains, mais ceux qui les ont infiltrés,

ceux qui les ont accompagnés
jusqu'au bord de l'abîme,

ceux qui ont conspiré, ceux-là
n'ont pas de circonstance atténuante.

Personne...
personne n'a conspiré.

J'ai... j'ai toujours défendu
la démocratie, la république.

Mais oui, oui, oui...

Nous avons une démocratie
jeune, encore fragile,

elle aurait besoin d'air,
de lumière, pour respirer.

Si je rendais public ce que
je viens de vous faire lire,

une guerre civile éclaterait,

parce que pour beaucoup leur
serait intolérable ne serait-ce que l'idée

qu'une partie de l'État ait
couvert ou soutenu cette horreur.

Pour cette raison, nous ne ferons rien.

Et nous nous contenterons de tout couvrir
comme les chats le font avec leurs excréments.

Mais vous, Président, si vous
remarquiez autour de votre personne

le mouvement de poussées ou de
tentations autoritaires, ignorez-les.

Aldo...

il vaudrait mieux que me prenne un
malaise, comme à Segni, pas vrai ?

Je suis venu te présenter mes vœux.

Joyeux Noël, Président.

LA PISTE VÉNÈTE

Ça devait être fin octobre,
on revenait d'un bar,

on avait un peu bu, et pendant
qu'il me ramenait chez moi, à Arcade,

Ventura a commencé à me parler
des "éclats ingénus",

c'est comme ça qu'il appelait
les bombes mises dans les trains.

Il disait que c'était des trucs de débutants
mais que le groupe allait s'améliorer.

< Puis, à un moment donné,
il s'est penché sur la boîte à gants.

< C'était un minuteur pour lave-vaisselle.

< Il m'a dit que, relié à une
batterie et à l'explosif approprié,

ça pouvait faire sauter un
petit immeuble tout entier.

Boum !

Pardonnez-moi, professeur, vous
êtes une personne bien, vous enseignez,

vous êtes conseiller municipal
pour la Démocratie Chrétienne...

Vous écoutez depuis des mois quelqu'un qui
vous dit qu'il faut faire comme en Grèce,

qui parle de bombes dans les trains,

des bombes pour lesquelles ensuite
des anarchistes ont été arrêtés,

innocents évidemment,
et vous ne faites rien ?

- Vous ne venez pas au Parquet pour raconter tout cela ?
- Je pensais que c'était du bluff.

Je croyais qu'il le disait pour se vanter.

Si vous l'aviez dénoncé avant, vous
auriez évité la perpétuité à votre ami.

Je ne suis pas en train de le dénoncer, j'ai
seulement raconté ce que je l'entendais dire.

Si vous le convoquez, Giovanni dira
peut-être que ce n'était que des inventions !

Vous vous rendez compte de la
responsabilité qui pèse sur vos épaules ?

Tous ces morts, ces personnes
qui resteront invalides à vie ?

Et vous maintenant, en face de cela,
vous avez des problèmes d'amitié ?

Professeur, si vous avez l'intention
de retirer ce que vous venez de dire,

je vous fais accuser de calomnie
aggravée. Ça vaut quatre ans de prison.

Qu'est-ce que je dois
faire, Maître ? Dites-le moi.

Libérez-vous de cette angoisse,
Professeur, ayez confiance en la justice.

Écoutez, professeur...

Faisons un pacte,

parce qu'il faut qu'on comprenne
qui est vraiment votre ami, Ventura.

Je vous propose de
recueillir vous-même ses mots,

de cette façon, ce ne sera ni moi
ni vous qui déciderons de son sort,

ce sera Ventura lui-même,
par ce qu'il nous dira,

qui se condamnera
ou s'acquittera.

Un ami ! Je te dis des choses
et toi tu parles avec la police.

- C'est pas ça.
- Ne me prends pas pour un con.

- C'est pas ça !
- Ne me prends pas pour un con !

On n'avait pas besoin de ça.

Sale rat, c'est toi qui as parlé !

Je vais te briser le cou, tas de merde !

- C'est un malentendu.
- On m'a dit qu'il y avait quelqu'un au Parquet

qui dit des choses très graves.
Je n'arrive pas à croire que c'est toi !

- C'est pas moi, ils savent déjà tout !
- Qu'est-ce qu'ils savent ?

Si ça ne tenait qu'à moi, je t'éclaterais
la tête avec les mains, comme une noix.

Attends, Franco,
laisse-le parler.

- Tu as pu comprendre s'il nous espionnaient ?
- Je ne sais pas ce qu'ils savent ou pas,

- je ne m'en souviens pas, je n'ai pas compris !
- Je ne m'en souviens pas, je n'ai pas compris...

Plus de précision, plus de
détails, professeur de mon cul !

Dis des choses précises. Que
savent-ils ? Que leur as-tu dit ?

Ça n'a pas été facile d'obtenir ces
procès-verbaux, Trévise n'est pas Rome.

Ce professeur Lorenzon
d'abord accuse, puis se rétracte,

ensuite sa langue se délie, puis il fait
des enregistrements comme un 007...

- Un gars comme lui, on doit le recruter !
- C'est le magistrat qui me préoccupe,

- un autre casse-couilles comme Paolillo, on n'avait pas besoin de ça.
- Oui.

Je dirais qu'il faut interrompre
le petit roman trévisan

et le situer par contre à Rome.

Ce sera compliqué de faire
transférer l'enquête dans la capitale ?

On écrit que je suis de la CIA,

que j'ai été entraîné aux
États-Unis. Voilà mon passeport :

j'ai été en Espagne en
voyage de noces et à Bâle,

envoyé par vous.

Vous savez combien de fois
on m'a appelé "Préfet fasciste"

juste parce que j'ai dirigé le
camp d'exil de Ventotene ?

Calabresi, les journaux, on
les lit et aussitôt on les oublie.

Je veux porter plainte
contre Lotta Continua,

et la préfecture de police doit le faire
ainsi que le Ministère de l'Intérieur.

- Mais la Préfecture...
- Ces choses-là ne vous insultent-elles pas vous aussi ?

Un procès est un
procès, tout peut arriver,

de petites divergences peuvent apparaître,
des versions différentes pour une virgule.

Ils m'accusent
d'avoir torturé Pinelli,

de l'avoir tué avec un coup
de karaté, de l'avoir jeté en bas.

Ils l'écrivent en bas de chez moi,
le hurlent à ma femme au téléphone.

(GUIDA) Mais votre femme, que dit-elle
de cette idée d'action en justice ?

Elle est contre, elle
dit de laisser tomber.

Mon cher Gigi, écoutez votre
femme, faites-la dormir tranquille.

Où est le dépôt d'armes que tu
dis, le minuteur, le reçu d'achat ?

- Où est la preuve que t'as pas tout inventé ?
- M. le Juge, mais pourquoi aurais-je dû le faire ?

M. le Juge, c'est un raté, un
pauvre mythomane de province,

envoyé ici comme l'autre
mythomane de juge Calogero...

M. Ventura, je ne vous permets pas de
prononcer des appréciations sur mon collègue.

Professeur, je regrette mais vos affirmations
ne sont pas confirmées par des constatations.

Dans les enregistrements,
il n'y a rien de décisif,

en toute sincérité, je ne me vois
pas poursuivre cette procédure.

Et plus, je dois vous avertir, et
votre avocat vous le confirmera,

que vous risquez une
accusation pour calomnie.

DIRE LA VÉRITÉ

Milan, octobre 1970

VOIX

CLOCHETTE
- Silence !

Nous sommes dans une cour de Justice,
je vous demande un comportement digne.

Les hommes du bureau politique et
beaucoup parmi la gauche milanaise

peuvent confirmer que Pinelli et
moi avions des rapports cordiaux.

- Menteur, on a vu la cordialité !
- Silence !

- Quelle honte !
- Silence ! Silence !

Continuez, M. Calabresi.

Le soir de l'arrestation, il
nous a même suivis en mobylette,

il n'y avait pas de place
dans les voitures de service.

En outre, M. le Président,
je tiens à souligner

que le climat de l'interrogatoire,
le 15, était serein, détendu.

> (FEMME) Oui, (d)étendu à terre !

< (JUGE) Silence, ou
je fais évacuer la salle !

ARCADE (Province de Trévise)

< Je suis le juge d'instruction
de Trévise, Giancarlo Stiz.

< J'ai quelques questions à vous poser.
< (LORENZON) À propos de quoi ?

Il s'agit de quelques bandes que vous
avez enregistrées il y a un certain temps

- concernant M. Giovanni Ventura.
- Oui, alors ?

Ça vous dérange si nous
continuons la conversation chez vous ?

J'ai lu l'enquête du juge Calogero,

je dois décider de
ratifier ou non l'archivage,

seulement, je ne suis pas encore convaincu.

Les dialogues interceptés
grâce à votre aide

ont été transcrits par un
agent de Alcamo, un Sicilien.

Avec tout le respect dû aux Siciliens,

qu'est-ce qu'il peut savoir des conversations
entre "mangeurs de polenta" trévisans ?

Franchement rien, je dirais.

Je voudrais réécouter avec vous ces
écoutes, vous me donnez un coup de main ?

J'ai déjà risqué un procès pour cette
histoire, pourquoi devrais-je vous écouter ?

J'étais ici, la porte de
Calabresi, je ne la voyais pas,

mais je voyais très
bien la porte d'Allegra.

Et si Calabresi y
était allé, je l'aurais vu.

(JUGE) Brigadier Panessa,
je vous en prie, installez-vous.

Que dois-je vous dire ? Valitutti n'a
sans doute pas vu passer le commissaire

parce qu'il regardait ailleurs...
peut-être qu'il dormait.

Ce que je peux vous dire, c'est que le commissaire
n'était pas dans la pièce au moment du suicide.

Excusez-moi, brigadier, M.
Calabresi ne venait-il pas de

"poser un collet" comme
on dit dans notre jargon ?

N'avait-il pas dit à Pinelli
que Valpreda avait avoué ?

- Oui, mais il le lui avait dit avant.
- Avant quoi, pardon ?

Il me semble que c'était lors
du premier interrogatoire, à 19h.

Panessa, qu'est-ce que vous racontez ? Vous,
à cette heure-là, vous n'étiez pas présent,

du moins c'est ce que vous avez déclaré.

Alors, peut-être que c'est le
commissaire qui me l'a raconté.

Brigadier Panessa, je vous
demande de réfléchir avant de parler,

vous êtes à deux doigts de
l'accusation de faux témoignage.

Lieutenant Lograno, comment
se fait-il qu'un officier de l'Armée

assiste aux interrogatoires ?

Dans les enquêtes complexes,
il est courant de se coordonner

- entre instances d'investigation.
- Je comprends.

Pinelli une fois tombé, vous avez été le seul à
accourir dans la cour intérieure, pourquoi donc ?

- J'espérais qu'il y avait encore quelque chose à faire.
- Ma question avait un autre sens.

Comment se fait-il que vous seul soyez accouru
et que les autres soient restés dans la pièce ?

Excusez-moi, Président,
j'estime la question non pertinente.

Nous sommes ici pour déterminer
si M. Calabresi a été diffamé ou pas,

et non quels escaliers nos instances
de police ont monté ou descendu.

(VOIX SUR L'APPAREIL)
"Salut. J'ai besoin d'un service.

J'ai un rendez-vous demain à
Rome mais je ne peux pas y aller.

Prends du papier et un stylo,
allez, note ce numéro : 853015.

Appelle, Guido te répondra,
dis-lui que j'arrive dès que je peux".

Ce que dit Ventura me semble assez clair :

il parle d'un rendez-vous à Rome,
d'appeler un numéro de téléphone,

- que Guido répondra...
- Ce n'est pas ça le problème.

Dans la transcription, ça dit
seulement qu'il a un rendez-vous,

il n'y a ni le nom, ni le
numéro de téléphone.

Il y a des morceaux de conversation non
retranscrits, on doit réécouter les bandes.

Vous connaissez ces personnes, pas vrai ?

Alors, aidez-moi à comprendre ce qui
se cache derrière ces coups de téléphone.

- C'est utile ?
- C'est utile.

Professeur, pardon,
Lotta Continua a écrit

que Pinelli a reçu un coup de karaté,

cette tache le démontrerait, ce
serait la preuve d’une lésion bulbaire.

Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

Président, on ne peut pas provoquer
une lésion au bulbe avec un coup de karaté,

c'est techniquement impossible.

Cette tache ovale n'est
pas due à un coup infligé.

Et à quoi, alors ?

Elle est typique d'un corps
resté plus de quatre heures

avec la tête posée sur
la souche de la morgue.

On la retrouve sur tous les cadavres.

Madame Pinelli, sur les
membres inférieurs de votre mari

on a retrouvé des écorchures

qui pourraient être le
signe d'une lutte violente.

< À tout hasard, les
aviez-vous déjà vues avant ?

Oui, je les avais déjà vues, il s'était
fait mal en jouant avec les filles.

Moi, je n'ai pas peur de la
vérité. Si je sais la vérité, je la dis.

Vous voulez mon
impression sur ce procès ?

Il n'arrivera pas au bout. Votre
avocat fera récuser le juge,

trop complaisant
envers Pinelli, selon lui,

- et il fera sauter la procédure.
- Moi, je ne veux pas qu'elle saute,

- ça voudrait dire tout recommencer de zéro.
- Une chose est sûre, par contre.

Vous avez fait erreur
à miser sur Valpreda

car celui qui a mis la bombe, et je
suis prêt à parier dix ans de salaire,

- ce n'est pas lui mais un autre.
- Qui ?
- Nino Sottosanti.

Nozza, Sottosanti a un alibi.

Il a déjeuné avec Pinelli

et à 16h30, il est monté dans
un bus pour sortir de Milan.

Mais personne ne l'a vu monter dans ce bus.

Nino Sottosanti, dit Nino
le fasciste, légionnaire,

néonazi jusque trois mois
avant de se convertir à l'anarchie

et surtout, selon les dires de
beaucoup, sosie de Pietro Valpreda.

- C'est une vieille histoire.
- Elle est peut-être vieille,

mais il y a quelques jours, un de
mes collègues est allé chez Rolandi,

il lui montre une photo de
Sottosanti et lui demande qui c'est,

et Rolandi : "Ça
c'est Valpreda !"

Voilà pourquoi l'auteur de l'attentat
a pris le taxi pour quelques mètres !

Il fait un truc étrange qui saute aux
yeux de Rolandi, il veut être reconnu.

Belle histoire, pourquoi
vous ne l'écrivez pas ?

Moi, l'article, je l'ai écrit sauf que
le Directeur ne veut pas le publier.

Ça lui plaît, mais il n'a pas le courage.

Un peu comme vos supérieurs : ils
vous estiment mais ils vous laissent seul.

< (PAOLILLO) Je m'étais rendu compte
tout de suite que l'affiche anarchiste

était similaire à une
affiche du Mai 68 français.

Il y avait quelque chose que je trouvais bizarre
et j'ai demandé de la faire analyser à Paris.

Interpol a envoyé son
rapport à moi aussi,

ils ne savaient pas qu’entre temps,
l'enquête m'avait été enlevée.

Depuis ce moment, je les conserve ici

pour me rappeler que
la justice est une chose

et les personnes qui devraient
la mettre en œuvre, une autre.

Quand je pense qu'une
fois j'ai repris Madame Pinelli

pour avoir douté que
la justice soit juste...!

Et que disaient les Français ?

Ils disaient que c'est l'Aginter Press
qui les a fait imprimer toutes les deux.

Le nom ne vous dit rien ?

Si, je me rappelle la première note
d'information des Services Secrets,

qui la signalait comme
une centrale anarchiste.

En réalité, c'était une agence d'extrême-droite
qui avait son siège à Lisbonne,

spécialisée dans les opérations
d'infiltration et de provocation,

financée par divers gouvernements
fascistes, Grèce, Espagne, Portugal...

et faisant aussi partie des
Services Secrets de l'OTAN.

Et la Préfecture
de Milan savait tout.

Comment ça, la Préfecture ?

- Je n'en ai jamais rien su.
- Mais vos supérieurs Guida et Allegra, si,

et ce professeur arrivé de
Rome le soir du 12 le savait aussi,

celui envoyé par les Affaires
Réservées, par le Préfet D'Amato.

Ils le savaient, et ils ont jugé
la chose de peu d'importance

et ils m'ont enlevé l'enquête.

< Qui est-ce ?

Ce que vous m'avez dit
l'autre jour m'a fait réfléchir.

J'ai relu les pages de l'instruction,

et l'hypothèse que Sottosanti ait
posé la bombe n'est pas à exclure.

Ça me fait plaisir de
vous avoir fait douter.

Vous vous êtes occupé
longtemps de l'alibi de Valpreda.

J'ai démontré que
Rolandi a été très imprécis.

Et vous avez interviewé ceux
qui disent l'avoir vu à Rome

- le lendemain du massacré ?
- Oui, un ou deux mais ils étaient peu fiables :

l'une est son ex-femme et
un autre a déjà été condamné.

Mais il y avait aussi des
gens de son entourage,

qui n'avait pas de
raison de lui être hostile,

et ils ont confirmé que le lendemain
de Piazza Fontana, il était à Rome.

Admettons que ce soit vrai,
qu'est-ce que ça signifie ?

Et si Valpreda avait eu quelque chose
d'important pour le faire retourner à Rome ?

Peut-être devait-il faire ses comptes
avec l'avait mis dans ce piège.

Pourquoi ne vous êtes-vous
jamais posé cette question ?

Comment se fait-il que vous et les journalistes
démocrates, vous n'êtes pas allés au fond des choses,

plutôt que de collecter
des signatures contre moi ?

Vous vous êtes dorénavant fixé
sur cette histoire d'anarchistes.

Mettez-vous le en tête :
c'était une provocation !

En fait, vous n'en avez rien à faire du
piège dans lequel s'est fourré Valpreda.

Il y a beaucoup de
pièges dans cette histoire...

L'un vous concerne.

Je l'ai découvert il y a peu et
j'allais venir vous le faire connaître.

Ça provient d'une agence très proche
du bureau des Affaires Réservées,

c'est le document qui
a fabriqué le "bobard",

repris ensuite par tous les journaux,

selon lequel vous avez été
formé en Amérique par la CIA.

Ce n'est pas Lotta Continua
qui l'a inventé mais le Ministère.

EXPLOSIF

(VENTURA) Bien, très bien, parfait,
félicitations, c'est parfait !

Il y a quelques mois, vous m'avez retourné
maison et bureau et vous n'avez rien trouvé,

et maintenant, vous y
revenez une fois de plus ?

C'est pas votre argent, ce sont les
citoyens "imbéciles" comme moi qui paient.

Docteur, regardez,
ici il y a écrit "Vitezit".

- Qu'est-ce que c'est, un médicament ?
- Non, Monsieur le Juge, c'est un explosif.

Moi, je ne sais rien de ce bout de
papier, quelqu'un l'aura mis me coincer.

Je vous donne quelques
éléments pour aider votre mémoire.

Habituellement, cette feuille
est placée dans une caisse

- qui contient 25 kg d'explosif.
- Et pourquoi vous me dites ça ?

Moi, je m'occupe de livres,
d'explosif, je ne connais que

la pensée de Nietzsche, de Marx,
d'Evola, de Pound, de Céline.

Une caisse de ce type a été
volée en décembre à Sequals,

près de votre maison et la feuille
d'instructions a disparu également,

feuille que nous retrouvons
cependant chez vous dans un coffret.

Vous êtes dans le pétrin , Ventura. Si vous savez
quelque chose, il vaut mieux le dire tout de suite.

Dans le cas contraire ?
Je serais en état d'arrêt ?

Nous l'aurions déjà fait,
vous êtes libre aujourd'hui,

demain, nous ne pouvons
pas vous le garantir.

- Donc je peux partir ?
- Je vous en prie.

Allons-y, Maître.

- Au revoir.
- Excusez-moi.

Dans l'agenda de Lorenzon,
il y a un numéro... Où est-il ?

Le voici, c'est un numéro de Rome.

Il dit que vous lui avez donné pour
appeler un ami, un certain Guido

pour lui dire que vous ne pouviez
pas le rencontrer. Qui est ce Guido ?

Je ne sais pas, à part Lorenzon
je ne connais aucun Guido.

T'avais dit que tout allait
bien, bien mes couilles !

Stiz est sur mon dos, je suis dans la merde
jusqu'au cou, tu dois me sortir de là !

Sinon, je dis que le Guido
de l'agenda, c'était toi.

T'as vu tous ces suicides
étranges ces temps-ci ?

Ce concierge de Padoue
qui tombe dans les escaliers,

le trésorier du commandant Borghese
noyé avec son chien dans un étang,

ce professeur de Rome tombé
de la fenêtre d'une clinique.

Qu'avaient-ils en commun ? Tous
en proie à une crise de conscience ?

- Tu essaies de m'effrayer ?
- Au contraire, je veux te tranquilliser.

Si ce juge Stiz insiste,
on te fait t'échapper.

Et toi, t'as pas peur qu'ils
arrivent jusqu'à toi aussi ?

Je suis un animal qui ne
laisse pas d'empreintes.

Ouais, comme les serpents.

(SUR L'ENREGISTREUR)
"Entreprise Elettrocontrolli, bonjour."

(FREDA) "Votre entreprise m'avait
promis 50 minuteurs pour le mois dernier

et vous remettez à chaque fois, je suis
pressé, je ne suis pas à votre service,

quand est-ce que vous
m'envoyez cette marchandise ?"

- Vous ne voulez pas vous asseoir ?
- Non, je préfère comme ça.

- Votre avocat ?
- Je suis l'avocat.

Puisque vous êtes avocat, expliquez-moi
à quoi vous servaient 50 minuteurs ?

C'était pour le capitaine
Hamid des Services Algériens,

ils servaient pour des actions en Israël.

- Où habite ce capitaine ?
- Je n'en ai aucune idée, c'est lui qui appelait.

Vous n'en avez aucune idée...
Je pourrais aussi penser

que ce capitaine Hamid
est le fruit de votre imagination.

Je ne sais pas comment vous aider.

En voici un identique à
ceux que vous avez achetés.

Un minuteur de ce type a déclenché
l'explosion de la Piazza Fontana,

vous le reconnaissez ?

Le problème c'est que je ne
reconnais ni vous ni votre justice.

Vous magistrats, ou plutôt "minustrats",
vous êtes les rois de châteaux en Espagne.

L'entreprise Elettrocontrolli de
Bologne a vendu 56 minuteurs,

dont les miens, il y en a
donc 6 autres en circulation.

Quand vous démontrerez que le minuteur
de l'affaire faisait partie de mon stock

vous aurez gagné.

Oui, j'avais mille caisses, mais j'étais
effrayé, je ne pouvais pas les garder.

Ce n'était pas la première fois que Giovanni
me demandait de faire des trucs risqués.

Et c'est quoi ces choses risquées ?

En automne, après les
attentats dans les trains,

il m'a demandé d'aller à la papeterie
pour acheter des boîtes en métal,

parce que celles en bois qu'il
avait utilisées pour les attentats

n'avaient pas créé l'effet
de compression qu'il voulait.

Attendez, vous parlez des bombes
qui ont explosé en août dans les trains,

pour lesquelles ont été
accusés les anarchistes ?

Oui, on a accusé les anarchistes
mais ce n'était pas eux.

Avançons. Ces boîtes en métal,
vous les avez achetées ensuite ?

Non, j'ai refusé, mais
quelques jours après,

quand je suis allé à la maison
d'édition, elles étaient là,

cela signifie que quelqu'un
les a achetées à ma place.

- Vous vous rappelez la marque, par hasard ?
- Une marque allemande... Juwel.

< "Du Parquet à Trévise
au Parquet à Milan.

En plus des chefs d'accusation
qui pèsent sur Freda Franco

et Ventura Giovanni, déjà
accusés d'avoir organisé

les attentats d'avril 1969

à la foire et à la gare
centrale de Milan,

et du 8 et 9 août de la même année
avec des dommages sur certains trains,

l'attentat du 12 décembre
à Milan leur est imputé,

Banque Nationale de l'Agriculture,
Piazza Fontana,

et les documents pour la compétence
de votre tribunal vous sont remis".

Bravo, félicitations !
Vive la démocratie !

HAUTE TENSION

Segrate, 14 mars 1972

- (CALABRESI) Vous l'avez identifié ?
- (AGENT) Non,

il avait en poche une carte d'identité
au nom de Maggioni Vincenzo,

elle me paraît fausse.

Vous arriveriez à
reconstituer les empreintes ?

Tout est brûlé, je ne crois pas.

- Tu savais que c'était lui ?
- J'y ai tout de suite pensé,

et puis la Scientifique a confirmé.

- Mis il n'avait pas fui d'Italie ?
- Si, il était entré dans la clandestinité.

- Selon toi, il avait quelques chose à voir avec la bombe ?
- Non. Je ne crois pas.

Mais c'était un
accident ou on l'a tué ?

Toi, qu'en dis-tu ?

SONNERIE DE TÉLÉPHONE

- Calabresi.
- Tu auras une sale fin, toi aussi.

- Tu finiras suicidé toi aussi. Comme Pinelli, bâtard.
- Oui, c'est bien.

Une erreur de numéro.

Nous sommes fous de vouloir avoir
autant d'enfants dans un monde pareil.

- Bienvenue sur le front de l'Est.
- Comment vas-tu ?
- Pas mal, et toi ?

Le rapport de l'expert est soigné,
Gigi, mais quelque chose ne colle pas.

Il pense que dans la boîte
Juwel trouvée à Piazza Fontana

il y avait de la gélinite,

par contre, je pense qu'avec la quantité
de gélinite que la Juwel peut contenir

on ne provoque pas
ce gouffre dans le sol.

Mais la bombe était
sous une table très lourde,

ça a pu être un
effet multiplicateur.

Non, ça ne suffit pas à
expliquer tous ces dégâts.

Autre chose m'a frappé aussi :

que les journaux aient écrit que les restes
d'un minuteur avaient été trouvés ainsi que

que ceux d'une mèche,
habituellement, l'un exclut l'autre.

Mais ici, dans le rapport,
la mèche a disparu,

on parle seulement des
fragments d'un minuteur.

Juste après le massacre, alors que tu étais
dans la banque, comment tu te sentais ?

- Nous étions tous sous le choc.
- Non, physiquement, j'entends.

J'avais un fort mal de tête,

- peut-être à cause de cette odeur très forte qu'il y avait.
- Quelle odeur ?

Comme des amandes.

- Pourquoi tu me demandes ça ?
- Parce que odeur d'amandes et mal de tête

sont typiques du binitrotoluène,

et la gélinite en contient
un pourcentage très bas.

- Alors, quel explosif était-ce ?
- Je dirais du TNT, comme dans le Vitezit.

Mais le TNT ne se
trouve pas si facilement,

- il n'y a que nous, militaires, qui en avons.
- Donc c'est sorti d'une caserne.

Ou d'un trafic illégal d'armes.

Ici, c'est plein de tunnels,
de rivières souterraines.

Il y a quelques jours, un paysan avec
son tracteur s'est enfoncé dans une grotte,

il ne lui est rien arrivé mais il a
fait une découverte incroyable.

Ce que tu vas voir,
officiellement, n'existe pas.

- C'est quoi ?
- Un dépôt secret.

Armes, munitions, explosifs, ce qu'il faut pour armer la résistance

- en cas d'invasion communiste.
- Qui connaît cet endroit ?

Très peu de monde : les responsables de
l'OTAN, les carabiniers, les Services Secrets.

Peut-être aussi quelques personnes dans
la comptabilité de nos Services Secrets,

quelqu'un qui a décidé d'utiliser
ces bombes même sans invasion.

Oublie avoir vu ces trucs,
Gigi, comme je le fais.

Et si je peux te donner un
conseil, oublie aussi tout le reste.

ON FRAPPE À LA PORTE

- Bonjour, commissaire.
- Bonjour, M. le Préfet.

Que faites-vous à Milan ?

La voici, donc...
la fameuse pièce.

J'ai beaucoup apprécié
votre maintien lors du procès,

impeccable malgré tout ce brouhaha.

Je suis navré pour tous les
problèmes que vous avez eus,

il faut en finir avec cette histoire.

J'ai une proposition à vous faire.
Je vous veux à Rome, avec moi.

- À Rome ?
- Oui.

Vous retournez dans votre jolie ville,
vous emmenez votre famille au soleil.

- Milan ne vous veut pas de bien, partez d'ici.
- À Rome, qui me veut du bien ?

Cette histoire de la CIA,
du dressage en Amérique

est partie de votre bureau, au Viminal.

Un cas incroyable d'homonymie :

l'autre fonctionnaire s'appelait
Calabrese, vous comprenez ?

Consolez-vous, j'ai immédiatement
renvoyé le responsable de cette négligence.

Non, je ne me console pas parce
que l'histoire continue à circuler.

Oublions cela, vous venez
travailler avec moi à Rome,

vous deviendrez mon bras droit, il est
temps de laisser la place aux jeunes.

- Vous savez, c'est moi qui voulait venir vous trouver.
- Nous sommes faits pour nous entendre.

- Le poste est à vous.
- Je voulais parler de ce que je pense sur Piazza Fontana.

Ah.

Dites-moi, alors, je vous écoute.

Un expert m'a dit que pour
provoquer ce gouffre à la banque

6 kg d'explosif auraient été nécessaires,

surtout si on parle de gélinite.

Le contenant métallique
peut en contenir seulement 4.

- Comment cela s'explique ?
- Cet expert, comment l'explique-t-il ?

- Surtout, qui est-ce ?
- Il ne se l'explique pas.

J'ai essayé de me l'expliquer, moi.
Il n'y a pas une bombe, il y en a deux.

Deux sacs, deux bombes.

< La première, c'est de la gélinite,
de basse puissance, avec un minuteur,

ça a une odeur
caractéristique de désinfectant.

C'est une bombe symbolique, elle
doit exploser une fois la banque fermée,

ni morts, ni blessés.
Qui l'a mise ?

- Valpreda, comme tout le monde l'a dit ?
- Continuez.

Et ici entre en jeu la seconde
bombe, cette fois l'odeur est différente :

amandes, amandes amères,

TNT de haute puissance,
déclenché par mèche.

C'est la bombe du massacre, quand elle
explose, elle fait aussi exploser l'autre.

Celui qui la met est un fasciste, il
ressemble beaucoup à Valpreda,

il a grand soin de se faire remarquer
de Rolandi, de se faire reconnaître,

pour être confondu avec Valpreda,

comme ça, la note est
payée par les anarchistes.

Lui aurait pu la mettre,

un fasciste infiltré
au Cercle Ponte della Ghisolfa,

ou celui-ci, un ami de
Merlino et Delle Chiaie.

Ou encore celui-ci, un
collaborateur de Freda.

Tous fascistes, tous infiltrés et
tous très ressemblants avec Valpreda.

Le TNT provient des dépôts de l'OTAN,
objet de trafic des néo-fascistes vénètes.

Un plan parfait :
deux sacs, deux bombes,

un seul coupable, le danseur
anarchiste, le coupable idéal.

Écoutez...
quel roman, quelle imagination !

Beh...

vu que nous parlons de fantaisies,
écoutez ce que je vous dis, moi :

pas seulement deux sacs, deux bombes,
mais aussi deux coalitions différentes.

La première bombe est telle que vous dites, elle
doit exploser après la fermeture de la banque,

elle doit faire un grand
bruit, mais pas les morts.

Elle doit être attribuée à Valpreda,
duquel cependant

on ne sait pas qu'il en
était conscient, au contraire.

C'est cette bombe-ci qui
est placée par un sosie,

peut-être justement l'un de vos trois.

Cette bombe a beaucoup d'amateurs
également dans nos institutions,

parce qu'elle fait peur,
elle agite l'opinion publique,

elle la prépare à accepter un
changement de la Constitution

qui mette fin au chaos,
aux grèves.

Mais au niveau international,
on pense que ça ne suffit pas,

on pense à une vraie
dictature, comme en Grèce.

Ce sont ceux-ci à mettre la seconde
bombe, celle pour faire des morts.

Ceux-ci qui ?

La partie plus extrémiste de l'OTAN,

certains secteurs de nos forces armées,

quelques membres d'Ordine Nuovo de Vénétie,
payés par des services militaires américains,

quelques fonctionnaires
de l'ambassade US

liés aux groupes de
l'extrémisme fasciste.

Et vous ?
Qu'avez-vous fait, vous ?

Commissaire, vous pensez que des
hommes qui servent l'État

puissent avoir voulu la mort
de tant de victimes innocentes ?

Vous avez tout couvert,
voilà ce que vous avez fait.

Des fables, aussi bien la vôtre que la
mienne, toutes les deux très suggestives.

Comme dans les fables,
il y a toujours un fond de vérité,

mais ce fond, vous comprenez bien,
on ne peut pas le dire.

- Et pourquoi on ne peut pas le dire ?
- Parce que la guerre n'est pas finie, commissaire,

au contraire, elle commence
maintenant. Le meilleur est à venir.

Nous sommes tous au front, il y a ceux qui font
le bon travail et ceux qui font le sale boulot.

Je ne suis pas une entreprise
de nettoyage, je suis commissaire,

la guerre, je la fais aux criminels.

- Tu as fait un cauchemar ?
- Non. - Tu parlais.

Écoute, ton père, il me le donnerait
encore ce poste dans son entreprise ?

Je me vois bien livrer des
vêtements de sport aux commandeurs.

- Mais tu plaisantes ?
- Pourquoi ?

Une fois terminée cette
enquête, je quitte la police.

- Je ne te crois pas, ton travail te plaît trop.
- Tu verras.

- Ciao.
- Ciao.

LA PORTE SE FERME

LA PORTE S'OUVRE

- Tu as oublié quelque chose ?
> Non, non.

Je voulais changer de cravate, ce rose...
C'est mieux ?

Elles sont horribles toutes les deux.
Vas-y, vas-y.

Voilà, merci.

À LA RADIO :
CHANSON "RAIN AND TEARS"

SIRÈNES