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Cette histoire commence
en mars 1852, � Bologne,

o� vivait la famille Mortara.

Edgardo, le sixi�me n�,
avait six mois.

Bologne appartenait � l'�tat pontifical
et Pie IX �tait le "Pape Roi".

Je l�ve mes yeux vers les montagnes.

D'o� me viendra le secours ?

Le secours me vient de l'�ternel,
qui a fait les cieux et la terre.

Il ne permettra point
que ton pied chancelle,

celui qui te garde ne sommeillera point.

Voici, il ne sommeille ni ne dort
celui qui garde Isra�l.

L'�ternel est celui qui te garde,

l'�ternel est ton ombre
� ta main droite.

L'ENL�VEMENT

6 ans plus tard

... cinq, six, sept, huit,

neuf, dix.

Ne bouge pas.

Edgardo, Giulio et Ercole, trouv�s.

Tout le monde est libre !

Les enfants, au lit !

Allez.

�coute, Isra�l :

l'�ternel notre Dieu est le seul �ternel.

Tu aimeras donc l'�ternel ton Dieu

de tout ton coeur, de toute ton �me

et de toutes tes forces.

Au lit maintenant.

Bonne nuit.

Suis-je au logis de monsieur Mortara ?

Oui... oui.

- Oui est-ce ?
- Il y a des messieurs.

Qu'ils reviennent, mon mari n'est pas l�.

Faites-moi monter.

Bonsoir, je suis l'adjudant Lucidi.

Bonsoir.

- Vous �tes seule � la maison ?
- Oui, mon mari n'est pas l�.

Nous avons besoin d'�claircissements
sur votre famille.

O� allez-vous ?

Chez moi.

Je m'appelle Marianna Padovani Mortara,

Salomone Mortara est mon mari,
mais tout le monde l'appelle Momolo.

- Que se passe-t-il ?
- �coute ce que veut ce monsieur.

Il y a un probl�me, adjudant ?

Mes sup�rieurs m'ordonnent

de r�colter les noms de toute la famille,
pour les reconna�tre.

Pourquoi ?

Riccardo, l'a�n�.

Imelda, dans le berceau

et voici les deux jumelles,
Ernesta et Erminia.

Il reste : Augusto,

Arnoldo, Edgardo,

Ercole et Giulio.

- Ils sont au lit.
- Ils dorment.

Je suis d�sol�, il faut les r�veiller.

Va appeler Angelo,
Sanguinetti et l'oncle Bonaiuto.

Tous les amis que tu trouveras.

- Que se passe-t-il, papa ?
- Grand-m�re est morte ?

- Mais non.
- Un contr�le.

- Si quelqu'un vous pose des questions...
- Qui ?

- Ne parlez pas, soyez bien �lev�s.
- Laissez-nous parler.

Qui est ce monsieur ?

Augusto c'est toi ?

R�ponds.

Non, moi c'est Arnoldo.

Augusto c'est moi.

- Giulio ?
- C'est moi.

Moi, Ercole.

Et lui c'est Edgardo ?

Oui.

- C'est �a ?
- C'est moi.

Monsieur Mortara,
j'ai le regret de vous annoncer

que vous �tes victime d'une trahison,

votre fils Edgardo a �t� baptis�

et j'ai l'ordre de l'emmener.

- Comment �a ?
- De l'emmener avec moi.

Qui en a donn� l'ordre ?

Le Tribunal du Saint-Office.

Il faudra d'abord me tuer.

- Il doit y avoir une erreur.
- Non.

- Et qui l'aurait fait baptiser ?
- �a je ne sais pas.

- O� l'emmenez-vous ?
- Je n'ai pas le droit de vous r�pondre.

Arr�tez-vous, d�fense de passer !

- Faites-nous entrer.
- Allez-vous-en !

Papa !

J'ai peur !

Ils veulent nous l'enlever !

Lance-le !

Ils veulent nous l'enlever !

Je l'attrape au vol !

Ne faites pas �a !

Pardon.

Adjudant, vous voyez cette d�solation ?

Vous avez une famille aussi,
je vous demande un sursis.

L'ordre vient de monseigneur Feletti,

le P�re inquisiteur
du couvent de Saint Dominique.

Je ne vous ai rien dit.

"Je vous prie de ne pas
perdre de vue l'enfant,

"pas m�me un instant,

"afin qu'il ne soit ni enlev�

"ni sacrifi�.

"Nous connaissons bien les superstitions
dont les juifs sont abreuv�s.

"Vigilance maximale.

"Puis, pass�es vingt-quatre heures,

"vous pourrez l'emmener,

"c'est-�-dire demain soir,

"sans discussion.

"P�re Feletti."

Remettez ceci � l'adjudant Lucidi.

L'�glise sait au besoin
�tre une m�re mis�ricordieuse.

Non, tout a �t� fait dans les r�gles,
suivant le droit canonique.

R�signez-vous.

Et ne revenez pas,
je ne suis plus dispos� � vous recevoir.

Nous prions aussi
pour les juifs perfides,

afin que Dieu notre Seigneur

enl�ve le voile qui couvre leur coeur

et qu'eux aussi reconnaissent
J�sus, le Christ, Notre-Seigneur.

Si nous demandons
une contribution � la kehileh

nous pouvons collecter un peu de gelt
et demander un sursis.

Un recours, un renvoi.

Ce sera en vain.

Il s'agit de l'Inquisition,
c'est pire que le Pharaon.

Assez geveynt maintenant.

Il faut qu'on sache qui en a fait un goy.

Edgardo est n� en 1851,

le 27 ao�t 1851.

Votre dinst, elle est catholique ?

Oui, mais elle arriv�e il y a peu.

- Avant c'�tait Anna.
- Qui ?

Anna Morisi,

on l'a renvoy�e car elle chapardait,

c'�tait une ganefte.

Momolo.

Ordre de l'adjudant.

Ne perdons pas espoir, il est encore l�.

�coute, Isra�l :

l'�ternel notre Dieu est le seul �ternel.

Tu aimeras donc l'�ternel ton Dieu,

de tout ton coeur, de toute ton �me,

et de toutes tes forces.

Et ces commandements,
que je te donne aujourd'hui,

seront dans ton coeur.

Est-ce vraiment n�cessaire ?
Pouvez-vous rester dehors ?

Faites comme si nous n'�tions pas l�.

24 juin 1858

Que Dieu Tout-Puissant vous b�nisse.

Au nom du P�re,
du Fils et du Saint-Esprit.

Allez.

La messe est finie.

Je suis le p�re d'Edgardo Mortara.

Je vous ai donn� un d�lai de 24 heures,
contentez-vous-en.

Vous pouvez s�rement
encore faire quelque chose.

Non, un bapt�me ne peut pas �tre annul�.

Votre fils est un chr�tien
pour l'�ternit�.

Non !

Quand ?

- Ce soir.
- Ce n'est pas ce que je voulais dire.

Quand a eu lieu ce bapt�me ?

Qui l'a baptis� � notre insu ?

Je ne peux pas vous le dire,
c'est confidentiel,

mais je vous assure que cela a eu lieu.

Je crois que c'est un malentendu.

Si vous nous donnez un peu de temps,
nous l'�claircirons.

C'est impossible.

Vous allez l'emmener ?

Oui.

D'ailleurs...

Il faudrait

persuader votre �pouse
de ne pas opposer de r�sistance,

notamment pour ne pas bouleverser
vos autres enfants.

Vous pourrez le voir
autant que vous voudrez.

Et o� l'emm�nerez-vous ?

Je crois qu'il restera ici en ville.

D'ailleurs il faudrait lui apporter
des v�tements de rechange.

Mais pour combien de temps ?

- Quelqu'un doit pouvoir m'�couter...
- Assez maintenant !

Il est inutile de discuter.

- Alors ?
- Les enfants ?

Ils dorment. Alors ?

Tu dois faire quelque chose !

Ils peuvent pas me l'enlever !

Ils peuvent pas !

Tu dois accompagner Angelo chez lui,

Imelda doit �tre allait�e.

Je m'occupe d'Edgardo.

Et tout n'est pas perdu,
sois tranquille.

J'irai parler avec le cardinal.

Lucia, allons-y.

Ils me l'enl�vent.

Ils me l'enl�vent.

Ils veulent me l'enlever.

Que se passe-t-il ?

Ils veulent me l'enlever.

Que se passe-t-il, Marianna ?

Je veux descendre.

L�che-moi !

Ils sont en train de l'emmener !
Je veux descendre !

Mets �a dans ta poche.

Ne le perds pas.

Et rappelle-toi
de r�citer le Ch�ma tous les soirs.

On va me couper la t�te, papa ?

Non.

Ils ne te feront rien.

Courage, monsieur Mortara,
Dieu est au ciel pour nous tous.

Oui.

Allons.

Ne t'inqui�te pas, nous venons avec toi.

Ton p�re et moi, nous te suivons
dans une autre voiture.

- Papa, ne m'abandonne pas.
- T'inqui�te pas, on vient avec toi.

Papa, ne m'abandonne pas !

Papa !

Ils l'emm�nent !

L�chez-le !

Tu veux un bonbon ?

Non.

- Qui cherchez-vous ?
- Je m'appelle Momolo Mortara.

J'ai apport� des v�tements
de rechange pour mon fils.

- P�re Feletti ?
- Il ne peut pas vous recevoir.

Il m'a charg� de vous dire
que votre fils est parti de Bologne.

Comment �a ?

O� est-il ?

Je ne sais pas,
en tout cas il n'a besoin de rien.

Paix et bien.

O� allons-nous ?

Nous allons � Rome, le pape t'attend.

Il a h�te de te conna�tre.

Qui est le pape ?

C'est un homme tr�s important,

le roi des chr�tiens.

C'est ton roi.

Quand est-ce que je rentrerai
chez ma maman ?

C'est elle qui viendra te voir,

mais tu dois le m�riter.

CATH�DRALE DE SENIGALLIA

Voici l'�glise du pape,
il a �t� baptis� ici.

Et voici les fonts baptismaux.

�a, c'est le bapt�me de J�sus.

Il �tait juif comme toi,

et il a �t� baptis�, comme toi.

Et voil� J�sus crucifi�, le fils de Dieu.

- Celui que j'ai vu depuis le bateau ?
- Oui, c'est le m�me.

- Mais il dort ?
- Non, il est mort.

Tu� par les juifs.

J'ai un cadeau pour toi.

Ne l'enl�ve jamais,

elle te prot�gera.

Quand tu es triste,

embrasse-la et la tristesse passera.

Viens-l�.

Prends l'enfant, d�p�che-toi.

- Arr�te-toi.
- Non.

Attends.

- N'aie pas peur.
- Nous ne te voulons pas de mal.

Nous voulons juste savoir la v�rit�.

Tu as baptis� mon fils ?

Dis-lui la v�rit�.

- Que se passe-t-il ?
- Rien.

- Qu'est-ce qu'ils veulent ?
- Rien, rentre � la maison.

Je ne comprends pas,
qu'est-ce que tu dis ?

- Il �tait juif, il allait aux limbes !
- C'est quoi ?

C'est quoi les limbes ?

Tu l'as baptis� ou pas ? Arr�te.

Anna !

Tu as baptis� mon fils ?

ROME, 28 juin 1858

MAISON DES CAT�CHUM�NES

Bienvenue,
nous t'attendions avec impatience.

Voici ta nouvelle maison, Edgardo.

Suis-moi.

Bonne nuit
et que le Seigneur soit avec toi.

� demain, bonne nuit.

En cas de besoin, appelle-moi.

Je dors l�-bas.

�coute, Isra�l :

l'�ternel notre Dieu est le seul �ternel.

Tu aimeras donc l'�ternel ton Dieu

de tout ton coeur, de toute ton �me,

et de toutes tes forces.

Et ces commandements,
que je te donne...

- Tu es juif ?
- Oui.

- Ce n'est pas vrai, tu as un crucifix.
- C'est un porte-bonheur.

C'est la dame qui m'accompagnait
qui me l'a donn�.

D'o� viens-tu ?

De Bologne.

Moi je m'appelle Elia,
je viens du Ghetto.

L� faut dormir,
y vont nous r�veiller � six heures.

- Combien de temps on devra rester ici ?
- �a d�pend de toi.

Une semaine, un mois, un an.

Mais si tu es sage,

si tu �tudies,

et si tu fais ce qu'on te dit,
on te renverra chez toi plus t�t,

faut �tre malin.

Bonne nuit.

C'est qui ?

Il s'appelle Simone.

- Qu'est-ce qu'il a ?
- Le coeur.

Sa maman vient souvent le voir,
elle a le droit car elle est convertie.

Mortara, avec moi.

Allez.

En rang, les enfants.

La messe a lieu tous les matins
� la m�me heure,

au d�but tu ne comprendras rien,
mais tu apprendras.

Le latin n'est pas difficile,
�a ressemble beaucoup � l'italien.

Je sais dire mes pri�re en h�breu.

L'h�breu pourra te servir plus tard,

pour tes �tudes.

Ici, les pri�res sont en latin.

Agneau de Dieu
qui enl�ves le p�ch� du monde.

Prends piti� de nous.

Agneau de Dieu
qui enl�ves le p�ch� du monde.

Donne-nous la paix.

- Je peux m'asseoir � c�t� d'Elia ?
- Bien s�r.

Seigneur, je ne suis pas digne
de te recevoir,

mais dis seulement une parole
et je serai gu�ri.

Celle-ci tu dois l'apprendre
enti�rement par coeur.

Toi reste ici.

Le corps de notre Seigneur J�sus-Christ.

Qu'est-ce que tu fais ?

La contemplation du Christ.

Chers amis, voil� le document

que nous avons tous r�dig� et sign�.

Je vous en donne lecture.

"De la commission administrative
des isra�lites de Romagne.

"Cet appel s'adresse aux consistoires
isra�lites de France et d'Angleterre.

"La gravit� des faits
concernant la famille Mortara,

"appara�t clairement � tous.

"Il n'est plus possible
d'accepter de tels abus."

"Nous sommes certains que pour �viter
que se r�p�tent de tels �v�nements,

"vous, membres des consistoires isra�lites
de France et d'Angleterre,

"retiendrez de votre devoir sacr�
de faire appel

"� vos gouvernements respectifs."

- �a ne servira � rien, tout est inutile.
- Tu as dit quelque chose ?

Ce ne sont que des mots.

C'est Attila qu'il faudrait.

C'est notre seule arme.

Pour le moment.

Le chapeau on le met ici
car sur le lit �a porte malheur.

- Je t'aide � t'habiller ?
- Non, je le fais tout seul.

Bien.

Edgardo.

Tu me donnes de l'eau ?

Vous priez toujours pour moi ?

Oui, oui, nous prions tous les jours.

Je vais mourir ?

LE PAPE RAVISSEUR

Venez.

Il y a dix ans,
on me voyait comme un lib�rateur,

les patriotes invoquaient mon nom,

hissaient mon buste sur les barricades,
"B�nissez, grand Dieu, l'Italie !"

� pr�sent me voil� d�linquant, assassin.

Les voil� pr�ts
� m'�gorger, les patriotes,

� me guillotiner, � me pendre.

Votre Saintet�, le banquier Rothschild
m'a d�j� �crit deux fois,

toujours avec une grande diplomatie.

Notre dette aupr�s de lui s'�l�ve
� plus d'un million de livres sterling.

Si Rothschild se r�veillait un beau matin

et exigeait d'�tre rembours�,
nous ferions banqueroute.

Les catholiques du monde entier
s'insurgeraient.

Oui, certes.

Mais l'affaire Mortara nous fait du tort
m�me aupr�s des catholiques.

Nous avons toute la presse lib�rale
� dos, on en parle partout,

en France, en Belgique, en Russie,

m�me le Times de Londres en parle.

Les francs-ma�ons sont derri�re �a.

Et les Jud�ens du monde entier.

Nous en sommes arriv�s l�, oui.

� Boston, un acteur a imagin� sur sc�ne

s'introduire dans la r�sidence papale
avec ses coreligionnaires,

p�n�trer dans la chambre � coucher
de Votre Saintet�,

vous immobiliser et...

vous circoncire.

Un blasph�me
que seul un juif pouvait imaginer.

Tous les rabbins de France, d'Allemagne,
d'Am�rique et de Russie r�unis

ne me feront pas bouger d'un millim�tre.

Qu'ils me traitent donc de r�actionnaire,

ce n'est pas vrai.

Je resterai in�branlable,

c'est le monde qui court au pr�cipice,

le progr�s l'entra�ne vers la ruine.

J'ai �t� contact� plusieurs fois

par Gramont, l'ambassadeur.

Napol�on III non plus n'a pas appr�ci�.

Il n'a pas appr�ci�.

Depuis quand faut-il appr�cier

les d�cisions du Pape ?

Depuis quand ?

Aux rois, princes et empereurs,

le Pape n'a qu'une r�ponse � donner :

non possumus.

Nous ne pouvons pas renoncer � l'enfant

par respect des principes de notre foi.

Bien.

On peut tout perdre,

mais pas une �me
que le Christ a conquise avec son sang.

Je suis le Pape !

Je ne suis responsable que devant Dieu.

Alors, les enfants.

Commen�ons.

Tous ensemble et avec enthousiasme.

- Vous la connaissez par coeur ?
- Oui !

Regarde les autres et r�p�te.

Avec votre permission.

� la vie !

B�ni sois-Tu, �ternel, notre Dieu,
cr�ateur du fruit de la vigne.

Coeur de J�sus, fils du P�re �ternel.

Ayez piti� de nous.

B�ni sois-Tu, notre Dieu, toi qui nous
as sanctifi�s par Tes commandements

et nous as donn�
Ton saint Chabbat en h�ritage.

Coeur de J�sus,

form� par le Saint-Esprit
dans le sein de la Vierge m�re.

Ayez piti� de nous.

Coeur de J�sus, perc� par la lance.

Ayez piti� de nous.

Coeur de J�sus, notre vie et r�surrection.

Ayez piti� de nous.

Coeur de J�sus,
notre paix et notre r�conciliation.

Ayez piti� de nous.

B�ni sois-Tu, �ternel,
le sanctificateur du Chabbat.

Que l'ange qui m'a d�livr� de tout mal,

b�nisse ces enfants,

qu'ils soient appel�s de mon nom

et du nom de mes p�res,
Abraham et Isaac,

et qu'ils multiplient en abondance
au milieu du pays.

B�ni sois-Tu, �ternel,
notre Dieu, roi du monde,

Toi qui fais sortir le pain de la terre.

Il faut le baptiser tout de suite.

Entre dans la maison de Dieu

afin d'avoir part avec le Christ
pour la vie �ternelle.

Sors de cet enfant, esprit impur,

et c�de la place
� l'Esprit-Saint Paraclet.

R�pudie l'infid�lit� juda�que,

refuse la croyance populaire h�bra�que.

Re�ois le signe de la croix

sur ton front

et dans ton coeur.

Accueille la foi
et ses enseignements divins.

Re�ois le signe de croix.

Au nom du P�re, du Fils,

et du Saint-Esprit.

Afin que tu aies la vie �ternelle

et que tu vives
dans les si�cles des si�cles.

L�ve-toi, compl�te la pri�re et dis amen.

Au nom du P�re,

du Fils, et du Saint-Esprit.

Mon fils, Edgardo, bienvenue.

Voici ta famille � pr�sent.

Deux pi�ces, s'il vous pla�t.

Aidez-moi.

Achetez-le, madame !

S'il vous pla�t, j'ai faim.

Madame, une pi�ce !

Je suis Sabatino Scazzocchio,
le secr�taire de la communaut�.

- C'est moi qui t'ai �crit.
- Enchant�.

Mon �pouse Marianna.

Viens.

Viens, Salomone.

Voici l'une des cinq synagogues
des juifs de Rome, nous prions ici.

Bonjour.

Bonjour, Nathan.

Asseyons-nous l�.

Nos informateurs
de la maison des cat�chum�nes

disent que l'enfant va bien.

Merci, Sabatino.

J'en suis tr�s heureux.

Non, tu n'as pas compris,

l'enfant va bien.

Oui, j'ai compris,

je m'en r�jouis.

Mais c'est justement �a le probl�me,

car ils disent qu'il se sent bien

et qu'il r�cite les pri�res,

et que vous ne lui manquez pas du tout.

Qu'est-ce que �a veut dire ?

S'il est content, c'est plus difficile
pour nous de le r�cup�rer.

Et avec tout votre remue-m�nage,
c'est encore plus difficile.

Mais comment �a...

Comment �a ?

Vous avez mis une belle pagaille !

Vous n'en avez fait qu'� votre t�te !

L'histoire est dans tous les journaux,

elle est arriv�e jusqu'en Am�rique.

- En Am�rique ?
- Oui, en Am�rique !

Vous auriez d� venir nous voir
tout de suite.

Nous savons quoi faire, nous connaissons
les directeurs des journaux,

m�me les journaux catholiques.

Nous essaierons d'agir quand m�me,
mais c'est plus difficile.

Vous avez fait trop de vagues.

Trop de vagues ?

Qu'est-ce qu'il fallait faire ?

� pr�sent, quand tu le verras,

dis-lui que sa m�re est tr�s afflig�e

et que sans lui elle est tomb�e malade.

Mais ce n'est pas vrai,

elle est d�sesp�r�e, oui,
mais pas malade.

Tu dois lui dire que cette affaire

lui a fait perdre la t�te.

On raconte qu'elle est devenue folle.

Ce n'est pas vrai.

Je le sais bien, nom d'un chien !

Mais c'est ce que tu dois lui dire !

L'enfant doit se rebeller !

Il doit refuser de manger,

il doit crier, pleurer,

il doit dire que la vie

est insupportable sans sa famille !

S'il s'adapte, s'il se r�signe

et qu'il oublie sa religion,

vous ne le reverrez plus jamais !

Plus jamais !

MAISON DES CAT�CHUM�NES

Monsieur Mortara, venez.

Bonjour, Edgardo.

Bonjour, papa.

Tu vas bien ?

Oui.

Tu ne me dis rien ?

Comment se passe ta journ�e ?

Je vais � l'�cole,

d'abord la messe tous les matins,

les le�ons,

le d�jeuner,

la r�cr�ation, l'�tude...

Il a une m�moire prodigieuse.

Tu nous manques beaucoup, tu sais ?

Maman...

Maman va bien.

Elle allaite Imelda.

Bref, on fait aller.

Riccardo me donne un coup de main
au magasin maintenant,

Ercole a perdu les dents de devant,
il est tr�s rigolo.

Tu m'embrasses ?

Vous ne pourriez vraiment pas
le laisser rentrer chez nous ?

M�me juste pour quelques jours.

�a ne d�pend que de vous,

Edgardo rentrera quand vous consentirez
� devenir chr�tiens.

Au revoir, papa.

Comment �a s'est pass� ?

- Tu as vu Edgardo ?
- Oui, je l'ai vu.

Il va bien,
il m'a m�me embrass�.

Mais...

Mais quoi ?

Il a donn� la main au recteur
et il s'en est all� sans se retourner.

Je ne pouvais pas crier,
sinon ils s'en prendraient � lui.

Je sais, tu penses
que j'aurais pu faire plus.

Mais si tu avais vu la situation,

il ne r�ussit plus � �tre spontan�,
affectueux,

il a peur.

Si on se convertit, ils nous le rendront.

- C'est toi qui as peur, pas lui.
- Qu'est-ce que tu dis ?

Je veux le voir.

Aronne, Dieu a-t-il un corps comme nous ?

Dieu n'a pas de corps comme nous,
il est pur esprit.

Dieu est seul et unique, Elia ?

Oui, il est unique.

Dans les Dix Commandements il est �crit :
tu n'auras pas d'autre Dieu que moi.

- Et o� est Dieu, Gioele ?
- Au ciel, sur terre et en tout lieu.

Parce qu'Il est l'Immense.

Et Dieu est si immens�ment mis�ricordieux
qu'Il nous pardonne,

si nous nous repentons sinc�rement,
bien s�r.

- Combien de fois ?
- Soixante-dix fois sept fois !

Tr�s bien.

Edgardo, viens au parloir,
ta m�re est l�.

Edgardo, Dieu sait tout,
m�me nos pens�es.

Comment vas-tu ?

Bien.

Mais comment t'ont-ils habill� ?

C'est l'uniforme du coll�ge,
ils le portent tous.

Papa n'est pas l� ?

Non.

Tu manges bien ?

Oui.

Tu n'as pas froid la nuit ?

Non, il fait chaud.

Tu as maigri.

Madame, il a grossi.

Et comment dors-tu ?

Bien.

- Et �a ?
- On me l'a donn�.

Mais pourquoi l'as-tu mis ?

Si tu le portes,
�a signifie que tu n'es plus juif.

Votre fils n'est plus juif,
il est chr�tien.

Mon fils est juif !

C'est vous qui �tes en train de le tuer !

Vous devriez avoir honte,

honte.

Comme je le craignais,
nous avons eu tort de faire confiance.

Dites-vous au revoir, je vous prie,
sans tarder.

Je te promets
que tu rentreras � la maison.

Tu rentreras chez tes fr�res,

aies confiance en ta m�re.

Je dis le Ch�ma tous les soirs,
m�me le matin, je te le jure.

�coute, Isra�l, l'�ternel notre Dieu
est le seul �ternel.

Je sais.

Je veux retourner chez mes fr�res.

Je veux retourner chez mes fr�res.

Je veux retourner chez mes fr�res.

Je sais !

Je veux retourner chez mes fr�res !

Maman !

Je veux retourner chez ma maman !

Reste l� !

Je veux rentrer � la maison !

Maman !

Du calme, reste l�.

Calme-toi !

Il ne s'est rien pass� !

Tu reverras ta m�re !

Nous le faisons pour ton bien
et pour celui de ta m�re.

Calme-toi, il ne s'est rien pass� !

Edgardo, du calme.

Elle se convertira et vous serez r�unis
pour toujours.

Tu peux rester calme,
il ne s'est rien pass�.

Arr�te !

Essaie de rester tranquille,
nous le faisons pour ton bien.

Reste calme. Il ne s'est rien pass� !

Tu es un bon gar�on, pas vrai ?

Pas vrai ?

Tout ira bien, sois tranquille.

Allez, tu es fatigu�.

C'est bien.

Par cette onction sainte
que le Seigneur te pardonne

les fautes que tu as commises, amen.

Par la vue, l'ou�e, l'odorat,

le go�t, amen.

Prions pour le petit Simone,

que Dieu a rappel� � Lui
quelques jours apr�s son bapt�me.

Simone a �t� tr�s chanceux.

- Pourtant on avait pri�.
- Comme nous l'avait dit le recteur.

Nous devons �tre heureux pour lui.

Alors nous n'avons pas assez pri�.

Moi j'ai beaucoup pri�,
mais parfois je me suis endormi.

Et il s'unira � son enveloppe mortelle
le Jour du Jugement.

C'�tait inutile ?

- Qu'est-ce qu'on doit faire ?
- Un salut ou un signe de croix.

Ce n'est pas lui !

Restez calme, il ne s'est rien pass�.

Continuons.

Votre Saintet�.

Nous, syndics et rabbin de la mis�rable
communaut� des juifs de Rome,

nous pr�sentons devant le tr�ne
de Vos Excellences et de Votre Saintet�

emplis de sentiments
de soumission sinc�re et de suj�tion.

Avec la pri�re de nous honorer
d'un regard bienveillant

et de nous autoriser � demander

au Tr�s-Haut de conc�der durablement paix

et tranquillit� au souverain Pontife

qui r�gne avec bonheur.

"Soumission sinc�re et suj�tion"...

Quelle belle d�monstration de suj�tion
vous nous avez donn�e l'an pass�

quand vous avez mis toute l'Europe
en �bullition pour l'affaire Mortara.

Vraiment, nous...

Oui, vous, juifs de Rome.

Et on soup�onne que vous ayez tremp�

dans l'enl�vement rat� du petit Mortara,

profanant ainsi la maison de Dieu.

Votre Saintet�, nous y sommes
enti�rement �trangers.

Oui, nous enqu�terons...

Et vous, Scazzocchio,

vous avez �t� assez fou,
pour ne pas dire sc�l�rat,

pour infiltrer la presse,
vous avez r�pandu des mensonges,

vous vous �tes m�me permis
d'aller � La Civilt� Cattolica.

Mais les journaux peuvent �crire
ce qu'ils veulent.

Vous avez pens�, je le sais,

que ce tumulte serait le meilleur moyen
de servir votre cause.

Mais non ! Ces articles ne sont pas
de notre responsabilit�,

je me suis plut�t employ�
� limiter leur publication,

j'en ai m�me fait le reproche
� la famille.

Oui, c'est vrai, je me suis rendu
� la direction de La Civilt� Cattolica,

mais pour �clairer plus justement
certaines circonstances

en raison de ma fonction
de secr�taire de la communaut�.

Baissez la voix.

Et agenouillez-vous.

Avez-vous oubli� � qui vous parlez ?

Je vous demande pardon, Votre Saintet�.

C'est de nous savoir innocents
qui m'a pouss�

� d�passer la mesure.

Attention.

Attention.

Je pourrais vous faire mal, tr�s mal.

Je pourrais vous contraindre
� retourner dans votre trou.

Vous rappelez-vous le portail du Ghetto
ferm� du soir jusqu'� l'aube,

ou l'avez-vous d�j� oubli� ?

Ma piti� � votre �gard
est si forte que je vous pardonne.

Je dois vous pardonner.

Je te salue, � Reine,
M�re de mis�ricorde,

Toi qui es pour nous vie,
douceur, esp�rance.

Vers Toi, nous les fils d'�ve,
nous crions dans notre exil.

Ne bougez pas.

Ce fut une tr�s belle journ�e

et je suis heureux de c�l�brer avec vous

la f�te de l'Immacul�e Conception.

Quelqu'un...

peut me dire ce qu'est un dogme ?

Le dogme est une v�rit� de foi,

� laquelle on croit
sans poser de question, sans discuter,

car elle vient directement de Dieu.

C'est bien, Edgardo.

Tu m'as co�t� cher,
mais tu m'as amplement r�compens�.

Dieu a fait un miracle

en confondant
les sc�l�rats qui voulaient t'enlever,

mais heureusement tu es encore avec nous.

Trois, quatre, cinq,

six, sept, huit,

neuf, dix.

Diego, trouv� !

O� est Edgardo ?

Edgardo, o� es-tu ?

O� est-il pass� ?

Tout le monde est libre !

1859, Bologne s'insurge
contre le gouvernement du pape

Vive l'Italie !

Vive Bologne libre !

Le pape hors de Bologne !

Renversons-la !

Votre Saintet� !

Calmez-vous.

Calmez-vous.

Votre Saintet�.

"Ceux qui ont foment�
la r�bellion dans les provinces

"de notre �tat pontifical,

"et en ont promu

"l'annexion ill�gale,

"ainsi que leurs commanditaires,
complices,

"et tout autre personne
qui aurait favoris�

"la r�alisation
de ce qui est d�crit ci-dessus,

"ont encouru l'excommunication majeure

"et les autres bl�mes
et peines eccl�siastiques pr�vues

"par les canons sacr�s.

"Et si n�cessaire,

"nous les frappons de nouveau
d'excommunication et d'anath�me."

- R�v�rend, la Garde Royale.
- Je sais.

Que voulez-vous ?

"Feletti Fr�re Pier Gaetano
de l'Ordre des pr�dicateurs,

"ex-inquisiteur du Saint-Office,

"par ordre du gouvernement
des Provinces royales d'�milie,

"je vous d�clare en �tat d'arrestation
pour avoir ordonn� la s�paration violente

"de l'enfant Edgardo Mortara
d'avec sa famille isra�lite

"en raison de la d�duction d'un bapt�me.

"S�paration advenue � Bologne,
le soir du 24 juin 1858."

C'est absolument arbitraire.

Je consid�re mon arrestation

comme provenant
d'une autorit� non comp�tente

en tant que pr�tre r�gulier

et en tant que charg� par le souverain
Pontife de l'Inquisition de Bologne.

Je dois simplement ex�cuter
l'ordre d'arrestation

et vous conduire � la prison
du Torrone, donc suivez-moi.

Heureux ceux qui ont faim et soif
de justice car ils seront rassasi�s.

Heureux les mis�ricordieux
car ils obtiendront mis�ricorde.

Heureux les coeurs purs,
car ils verront Dieu.

Heureux les pauvres en esprit
car le Royaume des Cieux est � eux.

Heureux les afflig�s
car ils seront consol�s.

Je suis le juge Carboni.

Vous avez �t� juge vous aussi,
d�sormais les lois ont chang�,

le nouveau gouvernement a aboli
le Tribunal du Saint-Office...

Qu'y a-t-il ?

Pr�alablement, j'entends pr�ciser

que les d�cisions,
les jugements de l'�glise

ne sont sujets � aucune autre autorit�

inf�rieure � elle.

Je suis seulement l� pour vous demander

comment vous avez su

que le petit Mortara, quoique isra�lite,
avait �t� baptis�.

Ces interrogations

touchent � des actes du Saint-Office.

Je n'ai pas de langue pour parler,

li� que je suis par un serment,

le plus sacro-saint...

Mais qui peut avoir inform�
l'�glise de Rome ?

J'essaie de vous faire comprendre

que je ne peux rien ajouter
� ce que je vous ai dict�.

30 janvier 1860
Tribunal de Bologne

Proc�s � huis clos
de p�re Pier Gaetano Feletti,

ex-inquisiteur du Saint-Office de Bologne

Alors, monsieur Mortara,

combien de temps Anna Morisi
est-elle rest�e � votre service ?

Environ six ans,
avec quelques interruptions.

Quand Edgardo est tomb� malade,

est-ce Morisi qui a veill� sur lui ?

Non, jamais.

Edgardo �tait toujours dans le berceau
pr�s de notre lit, jour et nuit.

Anna Morisi dit avoir baptis� votre fils

alors qu'il �tait mourant,
quand il avait six mois.

Je ne sais pas.

Personne n'�tait pr�sent.

Mais je sais qu'il a �t� baptis� � Rome
en pr�sence du pape,

et qu'il est impossible
de baptiser un enfant deux fois.

Puis-je intervenir ?

Il est probable qu'il ne s'agisse pas
d'un v�ritable bapt�me,

mais d'un rite d'accueil,

de confirmation,
pour confirmer, justement...

Non, c'�tait un bapt�me, nous avons
les dates, les documents et le lieu,

la chapelle palatine.

Ne nous �garons pas !
R�pondez � ma question.

Dans cette circonstance,
votre fils �tait en danger de mort ?

Mon fils n'a jamais risqu� de mourir,

le docteur Sgravoni peut en t�moigner.

Docteur Sgravoni, combien de temps
le petit Mortara est-il rest� malade ?

Deux ou trois jours tout au plus.

Dans sa d�position,
Anna Morisi pr�tend pourtant que l'enfant

�tait malade depuis deux mois
et que son �tat s'�tait aggrav�.

Je ne l'ai jamais trouv�
dans un �tat grave.

Je ne lui ai rendu qu'une seule visite
et il s'agissait de peu de chose,

� savoir une fi�vre vermiculaire.

- La fi�vre �tait forte ?
- Rien d'alarmant.

Monsieur Lepori, vous rappelez-vous
avoir conseill� � Anna Morisi

d'administrer le bapt�me
� Edgardo Mortara ?

Non, je ne me rappelle pas avoir
jamais conseill� � qui que ce soit,

encore moins � Anna Morisi,

d'administrer le bapt�me
au petit Mortara.

Avez-vous �t� convoqu�
par monseigneur Feletti

pour t�moigner de la rencontre
qui aurait eu lieu

entre vous et Anna Morisi
dans ces circonstances ?

Jamais.
Et puis, pour t�moigner de quoi ?

Cette rencontre n'a jamais eu lieu...

Anna Morisi soutient
que vous en avez parl� avec elle.

Ce n'est pas vrai, c'est une menteuse.

Mon mari g�re le Caff� Brera,
au coin de la rue Lame,

l� o� habitent les Mortara.

Je connaissais bien leur servante,
mademoiselle Morisi.

Madame Morisi.

Elle est mari�e et a un enfant.

� l'�poque, Anna �tait tr�s complaisante

avec les officiers allemands
en garnison � Bologne.

Une fois, elle avait mis dans son lit
un petit soldat autrichien.

Sa chambre �tait dans la maison Mortara.

Le jour suivant, quand elle m'a crois�e,

elle m'a tout racont�.

Puis, effront�ment, � voix haute :

"Oh, quelle baise !

"Madame Rosina, quelle belle baise
qu'on s'est faite cette nuit !"

- O� est maman ?
- Elle s'est couch�e.

Rangez un peu.

Tu ne viens pas manger ?

Je n'ai pas envie.

Comment �a s'est pass� ?

Tr�s bien.

Il n'y a pas de t�moins du bapt�me,

ce qui signifie que Feletti a commis
un abus de pouvoir.

J'ai racont� le second bapt�me
au Vatican.

Et puis, ils ne pouvaient pas emmener
un enfant de moins de sept ans,

c'est dans le droit canonique.

�a, j'ai oubli� de le dire.

Il est toujours l�-bas � Rome, tout seul,

ils le remplissent de mensonges.

Ils me rendront mon enfant
apr�s tous ces bavardages ?

Ils nous le rendront, tu verras.

Apr�s la condamnation de Feletti,
le pape n�gociera.

Ils doivent nous le rendre,
sinon des �meutes �clateront.

C'est �a, des �meutes...

Tu te fais des illusions.

Allez, mange avec nous.

Non, je ne viens pas.

Vas-y toi, ils t'attendent.

Mets ta kippah.

Tu ouvres ta main

et tu rassasies � souhait
tout ce qui a vie.

J'offre de souffrir les peines

qui pourraient �tre inflig�es

aux personnes impliqu�es dans l'affaire,

y compris le juif Momolo Mortara.

Madame Morisi,

pourquoi n'est-ce qu'apr�s six ans

que vous avez senti le besoin
de r�v�ler � monseigneur Feletti

que vous aviez baptis� Edgardo Mortara ?

- Pourquoi avoir autant attendu ?
- Je suis une bonne chr�tienne.

Je l'ai fait pour soulager ma conscience
qui me pesait.

C'est pourquoi vous l'avez baptis� ?

Pour faire de lui un chr�tien,
pour qu'� sa mort son �me soit sauv�e.

Et qui vous a enseign�
la formule consacr�e ?

M'sieur Lepori, l'�picier,

� qui j'avais demand� conseil,
il me l'a apprise.

Monsieur Lepori nie vous avoir sugg�r�
de le baptiser.

Mais c'est lui qui me l'a apprise !

Essayez de parler
de fa�on compr�hensible.

Une nuit, j'ai vu les Mortara

prier � c�t� du berceau d'Edgardo.

Ils avaient en main le livre qu'y lisent
quand l'un est sur le point de...

de mourir.

Le lendemain j'suis all�e
� la boutique de m'sieur Lepori,

et y m'a dit de le baptiser,

pour qu'il aille au paradis.

Si quelqu'un meurt sans �tre baptis�,
il va dans les limbes.

- Il ne br�le pas en enfer ?
- Non, il va dans les limbes.

L�, il n'y a pas de flammes...
c'est difficile � expliquer.

Mais si tu ne le baptises pas,
c'est toi qui commets un p�ch� mortel.

Mais comment je fais pour le baptiser ?

C'est facile, tu prends un peu d'eau,
tu verses quelques gouttes,

pas beaucoup, sur la t�te d'Edgardo
et tu dis ces mots :

"Je te baptise au nom du P�re, du Fils...

"du Filleul, et du Saint-Esprit."

Poursuivez.

Apr�s, je refaisais les lits,

quand j'ai entendu

qu'Edgardo �tait seul dans la chambre...

J'ai pris de l'eau dans une carafe
qu'�tait pos�e sur un banc.

Et puis...

en un instant, je l'ai baptis�.

Je te baptise au nom du P�re,

du Fils et du Saint-Esprit.

Monsieur Mortara, je suis d�sol�e,
vous avez toujours �t� bon pour moi...

Adressez-vous � moi.

J'pensais pas causer tant de chagrin.

Adressez-vous � moi.

Anna, soyez sinc�re,

vous n'avez r�v�l� le bapt�me

qu'apr�s six ans � monseigneur Feletti
car il vous a offert de l'argent.

Non, je n'ai jamais rien eu.

Soyez sinc�re, c'est mieux pour vous.

Oui, c'est vrai, j'ai eu des sous !

J'avais besoin d'une dot,
et de nourrir mon fils !

J'ai dit beaucoup de mensonges,
mais moi cet enfant, je l'ai baptis� !

�a me faisait de la peine,
je l'aimais cet enfant !

Comme �a, il allait pas dans les limbes,

m�me s'il serait seul au paradis
vu que vous �tes juifs,

son �me �tait sauve.

Vous avez re�u dans cette maison
deux sacrements,

la confession et la communion.

Samedi vous recevrez
un troisi�me sacrement,

la confirmation, qui fera de vous ?

Des soldats du Christ.

Non seulement des chr�tiens,
mais des soldats du Christ.

Et cela vous engagera
� ne jamais le renier.

Et � sacrifier m�me en son nom...

quoi ?

La vie.

Et � accepter jusqu'au ?

Martyr.

Qu'a r�pondu Pie IX aux protestations

contre la prise du petit Mortara ?

"Non possumus".

Ce sont ses derniers mots.

Il ne pouvait pas en prof�rer
un seul autre.

L'ordre est donc venu du pape

et le p�re Feletti �tait forc�
de l'ex�cuter.

Comment peut-on reprocher � un magistrat

d'avoir simplement appliqu�
la loi inh�rente � son office ?

Quand cet office existait encore.

Le gouvernement qui succ�de � l'ancien
peut annuler des lois qui lui d�plaisent,

pas incriminer celui qui les ex�cutait
et les faisait respecter.

De plus, on a cherch� � discr�diter
Anna Morisi de toutes les mani�res,

en lui attribuant les pires vices,

d'�tre une voleuse, une prostitu�e...

une ingrate, une irresponsable.

En admettant qu'Anna Morisi ait �t�,

six ans apr�s, voir monseigneur Feletti

et lui ait r�v�l� son secret par int�r�t,

cela ne change rien en substance

au fait que le bapt�me a eu lieu.

On a dit que mon client n'avait pas fait
d'enqu�te suffisante,

qu'il n'avait pas entendu de t�moins.

Anna Morisi est t�moin unique

et son seul t�moignage ne suffit pas.

Quand il s'agit de baptiser,
m�me un seul t�moin est suffisant.

Soit entendu que par unique t�moin,

par la nature m�me de l'acte,

on entend le baptisant lui-m�me.

J'ai fini, votre Honneur.

- F�licitations, ma�tre.
- Merci.

La Cour.

15 f�vrier 1860

Prions.

J'aurais d� dire qu'Edgardo

n'avait pas sept ans
quand il a �t� enlev�.

Ayant invoqu� le saint nom de Dieu,

le Tribunal d�clare
que dans la soir�e du 24 juin 1858

fut enlev� par la force publique

aux �poux isra�lites
Salomone Mortara et Marianna Padovani

Edgardo, leur fils,

et que la soustraction
vint d'un ordre de l'autorit�

qui, hors du contr�le de l'accus�,
ne peut lui �tre reproch�.

Elia, je te signe
du signe de la croix

et je te confirme du chr�me du salut.

Au nom du P�re,
du Fils et du Saint-Esprit.

La paix soit avec toi.

Il n'y a donc pas lieu d'incriminer

l'ex�cuteur de la susdite soustraction,
le p�re Feletti,

de l'Ordre des pr�dicateurs,
alors inquisiteur du Saint-Office.

En cons�quence, le Tribunal ordonne
qu'il soit lib�r� de prison.

Qu'est-ce que �a signifie ?

Que nous avons perdu
et que la ligne de la d�fense a gagn�,

mais c'�tait une �tape importante,

nous avons mis sur le banc des accus�s
un juge de l'Inquisition,

un nom qui terrorisait
rien qu'� l'entendre prononcer.

Ce proc�s entrera dans l'histoire.

Mais mon fils ?

Nous le lib�rerons
quand nous lib�rerons Rome.

10 ans plus tard.

Votre Saintet� !
Vous vous �tes fait mal ?

Relevez-le.

Du fond de l'ab�me je t'invoque,
� �ternel.

Seigneur, �coute ma voix.

Avance.

Mais qu'as-tu fait ?

Il ferait beau voir que j'aille dire

qu'Edgardo Mortara a voulu tuer le pape,

apr�s que le pape l'a tant aim�.

Tu dois faire p�nitence.

Agenouille-toi.

Embrasse la terre.

�a ne suffit pas.

Fais trois croix avec la langue
sur le sol.

Voyez comme il a ob�i ?

Rappelez-vous,
les pr�tres font voeu d'ob�issance.

� pr�sent, je te b�nis.

Mais fais plus attention
la prochaine fois.

19 septembre 1870

L'avant-garde de l'arm�e italienne
aux portes de Rome

Les Fran�ais nous ont donc abandonn�s.

Tout le monde nous a abandonn�s,
Votre Saintet�.

Mais nous ne pouvons pas nous rendre
au premier coup de canon,

nous devons combattre

et d�montrer
que nous n'avons pas peur d'eux !

� la guerre, le tribut en vies humaines
est in�vitable,

il est m�me n�cessaire !

C'en est fini.

C'en est fini de nous.

Si par espoir de nous sauver
nous commen�ons � c�der,

on nous en demandera toujours plus.

Aujourd'hui nous perdons la crosse,

demain nous c�derons la chasuble,

nous donnerons la tiare

et nous ne serons pas sauv�s pour autant.

Ils veulent nous ensevelir.

Autant aller dans la fosse

avec tous les signes et la dignit�
de notre grandeur pass�e.

Allons-y.

- O�, Votre Saintet� ?
- � l'Escalier Saint.

Je viens aussi.

Non, vous �tes trop intelligent.

Dans la pire des hypoth�ses,
essayez de sauver le tr�sor.

Allons-y.

Vous, restez ici.

Priez en silence, s'il vous pla�t.

AINSI FAUT-IL QUE SOIT �LEV�
LE FILS DE L'HOMME

20 septembre 1870

- Sainte M�re de Dieu.
- Priez pour nous.

Sainte Vierge des vierges...

Edgardo.

Que veux-tu ?

Je te ram�ne � la maison.

Je ne rentre pas.

Qu'est-ce que tu dis ?

Ma maison est ici.

Je ne reconna�trai jamais ton roi,
car c'est un usurpateur.

Je ne sais pas comment tu peux porter
cet uniforme d'assassin.

L'Histoire estampillera vos crimes
en lettres de feu,

et exaltera la grandeur du Saint P�re,

grand comme Christ
face � Pilate et H�rode.

Comment peux-tu �tre du c�t�
des criminels qui t'ont enlev� ?

Ce n'�tait pas un enl�vement.

- C'�tait un choix libre.
- Un choix libre ?

� six ans ?

Je suis heureux que le christianisme
soit ma religion d�sormais.

Je ne crois � aucune religion !

Tu as �t� arrach� � nos parents !

En les reniant ainsi, tu les insultes,
honte � toi !

Je n'ai insult� personne,

je n'ai pas de motif de honte.

Je sais tr�s bien que maman et papa
ont beaucoup souffert,

mais je suis d�sormais
ma�tre de ma propre vie.

Le bapt�me m'a sauv�.

Maintenant va-t'en, mon fr�re.

Va-t'en.

Edgardo, nous nous en allons.

Vierge M�re, me voil�.

Giovanni Maria, dors-tu ?

Giovanni Maria, dors-tu ?

Giovanni Maria, dors-tu ?

Le pape est vraiment mort.

7 f�vrier 1878

La d�pouille de Pie IX est transf�r�e,
trois ans apr�s sa mort,

de Saint Pierre
� la basilique Saint Laurent.

Dans le Tibre !

Criminel, dans le Tibre !

Il aurait mieux valu se faire escorter
par des gendarmes.

Le pape ne veut pas de leurs milices,

nous refusons la protection
du Royaume d'Italie.

Au Tibre, le porc !

Il fallait le guillotiner !

Que faites-vous ? Arr�tez !

Arr�tez ! Laissez-le en paix !

Laissez-le !

Il est mort !

Il est mort ! Arr�tez !

Laissez-le en paix ! Il est mort !

Laissez-le en paix. Il est mort !

Il est mort !

Laissez-le en paix, il est mort !

Arr�tez !

Edgardo !

Oui.

Jetons-le au Tibre ce pape.

Ce porc de pape ! Jetons-le !

Jetons-le dans le Tibre !

Dans le Tibre !

Dans le Tibre !

Porc !

Saloperie !

O� est-elle ?

Viens.

- Tu veux boire quelque chose ?
- Non, merci.

- Attends ici.
- D'accord.

Ils ont besoin de rester seuls.

Viens.

Maman.

J'ai tant attendu ce moment.

Tu m'as donn� la vie.

Et moi...

avec le bapt�me...

je te la rends.

Je suis n�e juive

et je mourrai juive.

�coute, Isra�l,

l'�ternel notre Dieu
est le seul �ternel...

Qu'est-ce que tu voulais faire ?

Notre m�re est en train de mourir
et tu insistes encore ?

�a ne te suffit pas
de lui avoir g�ch� la vie ?

Tu n'es m�me pas venu
� l'enterrement de notre p�re.

Tu n'as pas honte ?

B�ni soit le juge de la v�rit�.

Et ces commandements,
que je te donne aujourd'hui,

seront dans ton coeur.

Don Pio Maria Edgardo Mortara
a poursuivi jusqu'en 1906

sa vie de pr�dication
et son activit� missionnaire.

La m�me ann�e il se retire chez les
chanoines r�guliers de Bohay, en Belgique

o� il est mort le 11 mars 1940,

� presque 90 ans.

L'ENL�VEMENT