All language subtitles for Le Dernier Pour La Route FR 2009

-Bonjour.

-Bonjour.

Merci. Bonne journée. Au revoir.

-Merde !

-T'as bu, aujourd'hui ? -Deux verres de vin blanc.

-Des grands verres, alors.

Et hier soir ?

-J'ai enterré ma vie de buveur.

-Mets-toi sur le mur. On va faire une photo.

-C'est obligatoire ?

-Tu verras à la sortie, dans 5 semaines.

Avant. Après.

Ton manteau et ta veste, s'il te plaît.

-Vous voulez mes chaussures, aussi ?

-Merci, oui.

Avec un tutoiement.

Ici, c'est l'usage.

Tu partages ta chambre avec Pierre.

Il est là depuis 2 semaines. Il va t'aider.

Il est sevré.

Justement, c'est ton groupe.

Termine de ranger tes affaires, et tu les rejoins.

-Fin de la récré. Il faut y aller, Marquis.

-En fait, c'est des

C'est des rêves que je fais.

Je rêve surtout du type qui m'a viré. Souvent.

Et

C'est dans ma tronche, quoi.

Ca tourne là-dedans, ça reste là. Ca bouge pas, quoi.

Je rêve de tous ceux qui m'ont lâché,

tous ceux qui m'ont pas prêté quand

quand j'avais besoin. Voilà.

-Et le rapport avec les ponts ? -Attends.

C'est pas non plus Ca vient pas

Et maintenant,

je fais pas confiance et j'ai pas confiance.

Ca, c'est fini.

C'est pour ça que je dis "les ponts".

-Les murs, ce serait quoi ? -Moi

Pardon. -Non, non.

-Ca me fait penser à "faire le mur", "s'échapper".

T'es en haut, c'est comme un vertige,

et il y a

des murs transparents entre les gens.

En te parlant,

je rentre dans ta tête pour voir ce que tu penses.

Je viens dans ta tête.

Ca fait bizarre.

Ca fait peur.

Mais quand je bois, je deviens normale.

-Et t'as pas peur, quand tu

quand tu bois. J'ai l'impression que c'est ça.

-Parle de toi, plutôt.

-Arrête de couper tout le monde.

C'est pénible.

-Quand je bois, je suis normale et

-Et je peux téléphoner.-"Je peux téléphoner."

Rires.

-Merci.

-MERCI.

MON DIEU, DONNEZ-MOI LA SERENITE D'ACCEPTER CE QUE JE NE PEUX CHANGER,

LE COURAGE DE CHANGER LES CHOSES QUE JE PEUX

ET LA SAGESSE D'EN CONNAITRE LA DIFFERENCE.

BONNES 24 HEURES.

-Ca va ?

Si le mot "Dieu" te gêne, t'es pas obligé de l'appeler comme ça.

T'es même pas obligé de le dire.

-C'est une sorte de secte, ici, c'est ça ?

-C'est une prière écrite par un philosophe.

Ca parle pas de religion, en fait. Ca parle de spiritualité.

-Ca va être compliqué, là.

-Dieu, c'est une force. Ca peut être ce que tu veux :

la nature, le groupe,

quelqu'un que tu aimes ou que tu as aimé.

Le plus important, c'est les 3 phrases qui suivent :

ce que tu peux pas changer,

ce que tu peux changer

et de bien faire cette différence.

-J'ai oublié mes lunettes à Paris.

Je peux vraiment pas téléphoner ?

-Tu vois les gus, là-bas ? Ils sont en psychiatrie.

Quand t'as pas le moral, tu les regardes.

Et tu te dis que, finalement, on va pas si mal.

Remarque, ils pensent peut-être la même chose de nous.

-J'ai pris 3 kilos en une semaine.

-Tu bouffes des chips toute la journée.

-Donne-moi ton dessert. -Je suis gonflée.

-La flotte, quand t'es pas habitué, quand c'est la 1re fois

-J'ai faim, j'ai besoin de carburant.

-Tenez, Gunther. -Merci. Elle est gentille.

-Moi, je bois des litres de déca. Je suis une éponge.

-Tiens, mate. Mate les top models.

-Y en a un qui doit pas s'emmerder.

-Vicieux. -Seul avec 10 nanas

-Mais arrête.

-Excuse-moi. Hé

-Je vais y aller.

-C'est pas possible, Marquis. On doit y aller ensemble.

-On se quitte plus.

*Hugh Coltman : "Something Wicked This Way Comes".

-Tu lis quoi ?

T'as trouvé ça ici ?

Tu sais,

je suis pas une alcoolo comme les autres.

Je souffre d'un syndrome prémenstruel.

Je bois qu'après l'ovulation, les 2 semaines avant mes règles.

Et

plus je m'approche de mes règles,

plus je bois de vodka.

-Tu bois que de la vodka ?

-Ah oui. Que de la vodka.

Mon père était viking.

Et le reste, ça me rend malade.

-T'es une ivrogne à mi-temps, en quelque sorte.

-Ah ouais. C'est exactement ça.

C'est une des bizarreries de ma féminité.

-Personne n'a une carte de téléphone ?

Non ?

Toi, je sais bien -On n'en a pas.

Le téléphone sonne.

-Elle t'a sorti son histoire de syndrome prémenstruel ?

Fais gaffe, Marquis. Elle est chtarbée.

Une maniaco-dépressive typique.

-C'est pour Sandra.

Sandra, téléphone.

-Elle est pas là.

-Elle est où ? -Dehors.

-Bonsoir. -Bonsoir.

-J'ai besoin de dormir.

-Pas avant 22 h.

-J'ai besoin de mes médocs et j'ai besoin de dormir.

-Ici, on dit "médics".

Les "médocs", c'est fini.

C'est parce que c'est le 1er soir, OK ?

-Merci.

Bonsoir.-A demain.

-Je peux pas laisser ma boîte.

Il faut que je leur parle.

Ils vont pas s'en sortir sans moi, et puis

Je dois rentrer à Paris.

-On en reparle après la réunion. Tout le monde nous attend.

Viens.

Et maintenant, comment tu te sens ?

-Confus.

-Comment s'est passée ta première nuit ?

-Je vais bien. Je vais très, très bien.

Franchement, je me demande ce que je fais là.

-Justement, le sujet du jour : le déni.

Le déni, qu'est-ce que c'est ?

C'est refuser de voir en face la réalité de son alcoolisme.

Minimiser. Tous les dépendants font ça.

Qui a envie de dire "Je suis un alcoolique" ?

Personne.

Alors on dit : "J'ai un problème avec l'alcool."

Et en plus de ça, on a un paquet de circonstances atténuantes

qui nous donnent de bonnes raisons pour continuer de boire.

Mon truc à moi,

c'était ma femme. C'était elle, la responsable.

Je buvais à cause d'elle. Elle est partie,

et le problème est resté.

Maintenant, je vous propose de faire un test.

Je vais vous donner 5 critères.

5 critères qui déterminent la dépendance.

C'est à chacun de répondre le plus sincèrement possible.

Il suffit d'en avoir trois pour être malade alcoolique.

Premier critère : "L'alcool est une préoccupation.

"J'y pense régulièrement, même au travail."

2e critère : "Avec le temps,

"j'ai dû consommer plus pour connaître les mêmes effets."

3 : "J'ai continué à boire, malgré les pertes de maîtrise."

Comprenez : les situations graves

liées à une forte absorption d'alcool.

Retrait du permis pour conduite en état d'ivresse,

black-out total, pertes de mémoire.

"Qu'est-ce que j'ai fait hier soir ?

"Où j'ai garé ma voiture ? Pourquoi je suis sur le palier ?"

4 : "J'utilise le produit dans un but autre

"que le plaisir de savourer l'alcool.

"Pour vaincre ma timidité, dissiper mes angoisses,

"pour vivre."

Et 5 :

"Je ne peux contrôler la quantité. Le verre appelle le verre.

"Je bois par compulsion."

Hélène, tu veux parler ?

Qu'est-ce qui va pas, Hélène ?

-Je veux partir. Je ne sais pas pourquoi je suis là.

J'ai le cafard.

Je suis pas bien. J'ai besoin de rentrer à la maison.

-Tu regrettes ta maison ?

-C'est pas confortable, ici.

Je comprends pas pourquoi ils m'ont conduite ici.

-Tu buvais régulièrement ?

-Jamais avant 17 h.

-A midi, pendant les repas ?

-Comme mon mari.

-Seule ?

-Je suis toujours seule.

Mon mari est invalide, mais il est très actif.

-Tu prends des somnifères ? -Oui.

-Des anxiolytiques ?

-Oui.

-Des excitants ?

Depuis longtemps ?

-Plusieurs années.

-Tous les jours ? -Oui.

Oui

C'est le médecin qui les a prescrits.

Mais le verre de whisky, je vous assure,

jamais avant 17 h.

J'en suis sûre. Je le sais parce que

je regardais ma montre.

Je peux partir ?

-Putain, Hélène, ça fait 3 jours que t'es là.

Il faut que tu restes avec nous.

Ouais.

Ca vaut peut-être le coup.

-Il a raison, Hélène.

Et je vais m'ennuyer, toute seule dans la chambre.

A qui je vais causer, si tu pars ?-Moi aussi, je voulais me casser,

au début.

Et puis tu vois

-C'est bien dommage.

-Non, mais sérieux, je comprends.

Tu te dis que c'est un peu la colo,

le déballage en plus,

toutes les conneries que j'ai fuies toute ma vie

Mais c'est ça

ou je crève.

Comme dit Jean-Marie, ça vaut peut-être le coup.

Tu risques pas grand-chose.

Ca peut pas te faire de mal,

5 semaines

sans ton mari.

Pas mal, non ?

Il te manque ?

-C'est pas ça

-Alors qu'est-ce qui te manque vraiment ?

-Alors tu restes ?

-Je vais essayer.

Applaudissements.

-Ils sont pas rentrés ?

-Ils ont dit 22 h.

-T'es déjà allé aux Alcooliques anonymes ?

-Et toi ?

-J'ai vu des reportages à la télé.

Je crois que toi et moi, on ira après la quarantaine.

T'es sur ton questionnaire ?

T'as beaucoup de oui ?

-Je sais pas. J'ai pas mes lunettes.

-"Fais-tu passer ta consommation avant d'autres choses importantes ?"

-Oui.

-"Continues-tu à consommer malgré tes promesses d'arrêter ?"

-Oui.

-"Perds-tu ton sang-froid quand tu consommes ?"

-Est-ce que je perds mon sang-froid ? Non.

-Ben, voilà. T'as déjà un non.

"Bois-tu pour diminuer ta timidité ?"

-Oui.

-Ah oui ? -Oui.

-T'as pas l'air timide.

"As-tu à la maison ou au travail une réserve secrète d'alcool ?"

-Oui, j'avoue. Oui.

-"Te préoccupes-tu des possibilitésde consommer en cas de voyage ?"

-Oui.

Cris et rires.

-Là, ça va être au-dessus de mes forces.

Bonne nuit.-Bonne nuit, Hervé.

-Merci.

-Désolé. Quarantaine.

-C'est ma femme.

-Dans 4 jours.

Cloche.

-J'arrive, merde.

-Je suis le Dr Marcus, médecin à La Roselière,

alcoolique

et toxicodépendant en rétablissement.

Nous avons la même maladie :

la maladie alcoolique.

J'ai tout pris :

alcool à 90, eau de Cologne Plus rien à voir avec le plaisir.

C'est en 1956 que les Américains, les premiers,

ont déclaré que la dépendance était une maladie.

Une maladie chronique pour laquelle il n'existe

aucune guérison définitive connue.

Aucune guérison définitive connue.

-Qu'est-ce qu'on fout ici ?

-"Chronique" signifie que le malade reste dépendant

et vulnérable aux produits psychotropes.

S'il reconsomme, les produits auront le contrôle sur sa vie.

Sans guérir,

on peut éviter les dégâts irrémédiables causés par la maladie

en étant abstinent d'alcool

et de tout produit psychotrope à vie.

A vie.

L'intoxication alcoolique provoquedes lésions des systèmes digestif :

oesophagites, gastrites, duodénites, colites à profusion,

cardio-vasculaire : insuffisance cardiaque par absence de vitamine B,

hypertension artérielle,

et nerveux : crises d'épilepsie,

paranoïa, delirium tremens,

syndrome de Korsakoff.

-C'est quoi ? -Démence.

L'Alzheimer des alcooliques.

Quant au foie,

stade réversible : hépatite alcoolique.

Des petits trous sur l'organe.

Le foie peut se régénérer.

Stade bien moins réversible : la cirrhose.

Le foie se nécrose, devient petit,

n'élimine plus.

Des varices se forment dans l'oesophage.

Si elles éclatent : hémorragie massive,

vomissements de sang

et mort ultrarapide.

A la semaine prochaine, pour ceux qui seront encore là.

-Un petit remontant, Marquis ?

-Marquis de la rhla. -"De la rhla" ?

Il parle arabe.

"Noble parmi les nobles dans le royaume de la merde."

-Tu parles arabe ?

-Oui. Et le persan, le druze et le chaldéen.

Je voulais faire partie de l'expédition Champollion.

Je suis fonctionnaire à l'ONU,

je compile des infos et je rédige des notes que personne ne lit.

Côté expédition, je vais au bar. C'est cadeau, à l'ONU.

Tu fais quoi, toi ? -Je dirige une agence de presse.

-Ca, c'est un métier.

-Ils m'ont pas donné ma numération gamma GT.

C'est normal ?

-Tu t'inquiètes, Marquis ? Regarde-moi dans les yeux.

Tu vas bien. Je te le dis, moi.

Tu dis rien. Tu oses pas ?

Pour moi, la messe est dite.

-T'en sais rien.

-Je suis un clown,

et les clowns ne meurent jamais. C'est une loi naturelle.

Ho, les filles, attendez-moi !

On va boire un petit coup à la santé du Dr Marcus.

D'accord ?

Demain soir, le Dr Marcus organise une grande fête.

Vous êtes priés d'apporter du bon bordeaux, s'il vous plaît.

-Voilà pourquoi il mange plus de pain.

-Arrête de te moquer.

-Je me moque pas. Gunther !

Bravo !

-Hé ! Venez voir. Venez voir.

Regarde.

Regarde. Il y a un écureuil.

-Pierre ?

T'as du feu, s'il te plaît ?

Du feu ?

Qu'est-ce qui se passe ? -Un écureuil.

*Radio.

*-L'horreur, hier soir, à Bali.

Des bombes ont explosé dans un night-club

et un bar de l'île. Les dégâts sont gigantesques.

Au moins 150 morts, selon un bilan provisoire.

Parmi les victimes, de nombreux touristes étrangers.

Des immeubles et des commerces ont été incendiés.

Notre correspondant en Asie.

*-Toute la nuit, des dizaines de sauveteurs

*Musique.

-Sandra, remets, s'il te plaît.

-Ca m'angoisse. -Moi, ça m'intéresse.

*-Des immeubles détruits

-Hervé, change, s'il te plaît.

-Quoi ? -Change.

-Quoi, "change" ?

-Ca l'angoisse. Respecte ça. Change.

-On s'en branle, des infos.

-T'es bien dans ta petite bulle. Le terrorisme, c'est loin.

Et il y a l'écureuil. Il y a pas photo.

J'écoute les infos, OK ?

-Hervé, j'ai envie d'être bien. Il fait si beau.

J'ai envie d'être bien.

Je sauverai pas le monde,

mais je peux peut-être me sauver, moi.

-C'est pas l'alcool, votre problème.

C'est que vous voulez être peinards.

Un peu de thune et peinards. La belle vie.

-Mais qu'est-ce que tu crois, Hervé ?

J'ai un bistrot à crédit et 3 gosses à charge.

Garde tes leçons pour toi.

*Musique.

Brouhaha.

-Il dit aussi qu'il est de Collioure.Qu'est-ce qu'il m'a dit encore ?

-Je ne te présente pas. Tu connais tout le monde.

A tout à l'heure.

-Bonjour, Magali. Tiens.

-Merci.

-Bonsoir, Magali. -Bonsoir.

-Ca va ?

-C'est l'arbre devant ma fenêtre.

Il est trop haut.

-Tu sais que je t'ai déjà vue ?

A l'accueil. J'entrais et toi, tu sortais.

C'étaient tes parents qui étaient avec toi ?

T'as déjà fait une cure ici ?

Tu prends quoi ?-Je suis alcoolo.

Comme toi.

-Qu'est-ce qu'on boit, sérieusement, à ton âge ?

Ca fait au maximum 5 ans que tu bois ?

Ca te plaît ?

T'admires.

Tu fais des études ?

-Il est de la police ?

-Pire. Il est journaliste.

-OK. Je te lâche.

Dis donc, heureusement que c'est le gauche.

A moins que tu sois gauchère.

T'es gauchère ou t'aimes pas les crudités ?

-J'aime lire.

C'est la seule chose que j'aime, à part me défoncer la tête.

T'es gentil, tu me fous la paix.

-Je vous propose un exercice qui s'appelle "la pire image".

C'est celle dont vous vous souvenez

ou qu'on vous a racontée

qui représente l'image la plus honteuse de vous-même.

-Magali, alcoolique dépendante.

-On mange pas en réunion.

Bonjour, Magali. -Bonjour.

-Il faut mettre cette image sur notre écran intérieur

ou l'écrire

en quelques phrases, la laisser dans son portefeuille

pour la ressortir quand vous douterez de votre maladie.

-Quelques phrases empêchent de picoler ?

-C'est un outil.

Je m'en suis servi quand je voulais consommer.

-J'arrive pas à croire que tu sois alcoolique.

-Parce que tu me vois aujourd'hui.

La plupart des gens qui travaillent ici sont dépendants.

-Il y a longtemps

que tu as arrêté ? -Ca fait 9 ans.

-"9 ans"

C'est pas trop, ça ?

Rire étouffé.

-Moi, ma pire image, c'est ma femme qui l'a faite.

Elle avait été à une réunion pour les codépendants.

On lui avait dit de plus me ramasser,

de me laisser où je tombais pour que je comprenne, au réveil.

Elle a vite pigé.

Elle a fait une photo de moi sur le palier, bourré.

Elle a posé la photo à côté de moi et elle est partie.

-Elle a bien fait. -De partir ?

-Non. Je veux dire : de faire la photo.

-Oui.

Oui, c'est vrai.

-On va faire des groupes de 2.

Chacun raconte son souvenir àl'autre, qui le racontera au groupe.

Des questions ?

Allez. Comme au bal. Choisissez votre partenaire.

Vous avez à peu près 15 minutes.

Allez dans le jardin, dans la serre,

où vous voulez.

-Bon. Tu m'écoutes ?

-T'étais parti à -Lyon.

-Voilà.

A Lyon. T'avais une réunion.

-Un débat.

-Voilà. Un débat public.

Et puis

tu te défiles

sous un prétexte bidon parce que t'es déjà bourré.

Tu vas dans ta chambre d'hôtel où tu picoles,

et tu finis par t'achever dans un bar.

Le matin, un taxi vient te chercher.T'as plus un rond.

Tu crois que ça sert à quelque chose ?

-Après, j'ai repris le train. J'étais encore bourré.

Je voulais pas rentrer.

J'ai continué à picoler.

Finalement, j'ai repris ma bagnole au parking de la gare.

Je me suis mis au téléphone. Je tombe sur les flics.

-Comment vous roulez ? Posez le téléphone.

-Il y en a un qui a pris mon haleine en pleine gueule.

"Monsieur, sortez de la voiture."

-Ca va pas ?

Sortez du véhicule, monsieur.

Vous avez bu ? Ne vous énervez pas.

Ca va aller.

Voilà. Doucement.

-Direct les menottes.

Au fourgon.

-Et ?

-J'étais tout près de chez moi. Quelqu'un m'a vu.

-Dis donc

C'était qui ?

-A toi.

-Et si j'ai pas envie ?

-A toi.

-Je te raconte quoi ?

Une histoire bien crade pour épater le groupe ?

-Etre jeune t'oblige pas à être con.

-Je vais t'en inventer une, d'histoire.

Une histoire bien crade.

-Elle est chez elle.

Elle veut retrouver ses potes, mais sa mère le lui a interdit.

Elle boit une bière.

Un texto arrive : "On t'attend."

Une autre bière.

Nouveau texto : "Qu'est-ce que tu fous ?"

Elle décide de sortir, mais sa mère veut toujours pas.

Elle hurle : "Laisse-moi passer, connasse !"

Sa mère pleure mais reste devant la porte.

Magali la prend à la gorge.

La mère suffoque et tombe à terre.

Magali s'en fout. Elle sort en claquant la porte.

Je me trompe pas ?

Mais c'est pas fini.

Elle retrouve ses potes en boîte.

Elle a pas de fric. Elle les tape les uns après les autres.

Ils en ont marre. Elle se casse.

Elle trouve un autre bar.

Elle se laisse draguer par un vieux.

Un vieux dans mon genre.

Elle lui fait une pipe pour 20 euros.

20 euros.

Elle boit pour faire passer. Ca passe pas. Elle boit encore.

Et elle tombe. Fin de l'histoire.

Black-out et réveil au matin chez les flics.

-Tu aurais pu appeler quelqu'un,

au lieu de te taper ce type.

T'avais pas une autre solution ?

-Si, peut-être.

-Et ta mère ? Ca allait ?

-Oui.

-Ils font quoi, tes parents ?

-Ils sont dermatologues tous les deux.

-Pourquoi tu l'as racontée comme ça, cette histoire ?

-Comment ? -En t'en foutant.

-Ca va, écoute.

Cette histoire, elle est bidon.

-Qu'est-ce que tu sais de ma vie, pauvre con ?

-Hélène, tu viens ? -Oui.

Vous m'expliquez. On reste tous ensemble ?

-C'est comme la messe.

-Et tu en profites pour prendre un expresso.

Après le déca qu'on a ici, c'est un shoot, l'expresso.

-Qui vous accompagne ? -C'est Martin.

-Oui, mon chéri.

Tu me passes maman, s'il te plaît ? Oui.

Oui, allô ? Ca va ?

Non. J'ai perdu mon portefeuille.

Hein ?

Ben, je sais pas. Dans un bar, je suppose.

Je peux pas demander à Michel, on s'est engueulés.

Parce que j'ai pas fait le débat.

Hein ?

Rends-moi un service, s'il te plaît.

T'appelles la réception et tu leur donnes ton numéro de carte.

Mais tout de suite, hein.

-Hervé ?

Regarde.

Je crois qu'il a faim.

Je l'ai trouvé dans le buisson.

Il était tout seul.

-Il doit être déficient.

-T'es pas déficient, toi, peut-être ?

Voilà.

Oh, mais t'es beau, toi.

Pas vrai que t'es super beau ?

Pourquoi elle t'aurait laissé, ta maman ?

Je vais m'occuper de toi, moi.

Je vais te faire un massage sur le ventre.

Viens voir.

C'est pas maman qui lèche, mais ça va être presque aussi bien.

-Vous êtes bizarres, les filles.

Je te jure. La vie avec vous, c'est Walt Disney.

-T'aimes pas les animaux ?

-Quand les hommes iront mieux, je m'occuperai des animaux.

En attendant, celui-là, il va crever.

-Moi, c'est l'espèce humaine qui m'intéresse le moins.

-Pardon ?

-Franchement, on n'a pas de quoi être fiers.

-Tiens. Peut-être qu'il a soif.

C'est toi qui as raison. Il y a pas de quoi être fier.

Je le sais, ça fait 30 piges que je parcours le monde.

-T'as une mission ?

-Plutôt une obsession.

-C'est mieux ?

-J'ai pas eu le choix. L'injustice me fait chier.

Je suis un obsédé enragé. Perfectionniste maladif.

-Tu débranches jamais ? -Non, jamais.

Je pense en voiture, sous la douche, en mangeant

-C'est ta première came, quoi.

Tiens-le-moi une seconde.

-Tu vois ?

Elle a raison, la petite. Elle est pas aussi bête que ça.

-"La petite" va te dire un truc sur les journalistes.

Un truc que je sais et pas toi.

-Ah oui ?-Oui.

Vous êtes pas de bons coups au pieu.

Vous êtes trop pressés.

C'est une profession d'éjaculateurs précoces.

-Tu manques pas d'air, toi.

-C'est dommage.

Parce que j'aime bien comment t'en parles.

T'as les yeux qui brillent.

On est bien, là, au chaud.

-Ah, Hervé.

A partir d'aujourd'hui, courrier OK,

téléphone OK entre 19 h et 20 h depuis la cabine

et 2 hectares de parc.

Bonne promenade.

-Pierre, où tu vas, comme ça ?

-Dans un petit resto, à Yvoire.

Filet de perche avec un verre de vin. J'ai un ticket avec la serveuse.

Je t'emmène ?

-Tu t'arrêtes jamais, toi ? -Jamais.

-C'est pour toi, tous ces bonbons ?

-C'est pour mon fils. Il vient demain.

-Ah.

Il est pas grand, ton fils ? -Ben, si.

Il y a rien d'autre. C'est symbolique. C'est con ?

-Ouais, un peu.

Disons que ça va pas l'aider à grandir.

-Au revoir. -Au revoir.

-Disons que la vie est une promenade à vélo.

Parfois, c'est plat.

Parfois, ça dégringole.

Nous, les alcooliques,

on nous a refilé un vélo sans freins.

Alors j'explique.

Si on vous pique le doigt de pied, qu'est-ce qui se passe ?

La douleur monte au cerveau. Et comment ça monte ?

Vous le savez ?

-Par l'électricité.

-Il y a un courant électrique,

un message transmis d'un neurone à un autre.

Les neurones ont des bras tendus vers les bras du neurone voisin.

Entre les deux, il y a un trou.

Comment ça passe par ce trou ?

Vous pouvez vous lever ?

-Moi ? -Oui, vous.

Votre prénom ? -Magali. Pourquoi ?

-Posez votre crayon et tendez les bras vers votre voisine,

qui va tendre les bras vers vous.

Magali est un neurone. Elle détient une information.

Et Mademoiselle, un autre neurone.

Leurs bras sont près de se toucher mais ne se touchent pas.

Comment l'information va-t-elle passer ?

-Comme ça ? -Hé

-Oui.

Des gouttelettes d'eau transmettentle courant : les neurotransmetteurs.

Vous les connaissez, du moins de nom.

Il y a? -L'adrénaline.

-L'adrénaline,

la dopamine, la sérotonine,

les endorphines et le GABA.

La porte s'ouvre.

-Excusez-moi.

-C'est surtout lui qui nous intéresse,

nous, les alcooliques dépendants.

Un verre d'alcool, ça produit quoi, dans un 1er temps ?

-C'est bon.

-Oui. Plus exactement ?

-Du plaisir. Un putain de plaisir.

-Quoi d'autre ?

-Ca calme. -Exactement. Ca calme.

L'alcool, dans un 1er temps, libère le GABA,

qui est calmant.

Mais soudain, ça commence à marcher à l'envers.

Le cerveau va utiliser l'alcool comme neurotransmetteur.

Alors le corps, qui n'est pas bête,

va diminuer la fabrication du GABA, dont il n'a plus besoin.

Vous me suivez ?

Par contre, il a maintenant besoin d'alcool

pour continuer à fonctionner.

Et votre vélo n'a plus de freins.

-Il percute le mur.

-Hé !

Je viens avec vous.

Vous allez chercher Pierre, c'est ça ?

Qu'est-ce qui va lui arriver, maintenant ?

-On va déjà le récupérer. Après, on verra.

C'est pas sûr qu'il puisse rester.

-C'est un arrêt de mort, quoi.

-On ne peut pas le retenir de force.

-Tu sais pourquoi les chiens se lèchent la bite ?

Parce qu'ils le peuvent.

-Il a réglé avec sa montre. -Je vous dois combien ?

-18,50, s'il vous plaît.

-"Qu'est-ce que tu demandes au Père Noël ?"

"Moi, c'est 30 euros. Comme pour la dope."

-On y va, Pierre. -Ca va, toi, la mal baisée.

-Ca suffit. -Tu me touches pas, toi. OK ?

Ho ! Allez, ça va.

Tu me sers quelque chose pour mon pote ?

Qu'est-ce qu'on va prendre ?

-(Ca suffit.)

-Ouais, ça suffit.

-Pardon pour la montre.

-Ca va. On s'en fout.

Qu'est-ce qui t'a pris ?

-Le vertige du type sur une chaise qui s'aperçoit qu'elle est vide.

Voilà, c'est ça.

J'étais assis avec le groupe, et il y avait rien sur ma chaise.

Même pas une empreinte. Même pas la chaleur de mon cul.

Quitte à disparaître, j'ai décidé de disparaître joyeusement.

Sans me priver.

-C'est une façon de voir les choses.

-Sauf que c'est pas joyeux. J'avais oublié.

-Il y a une autre façon de voir les choses.

J'ai parlé avec Carol.

Ton foie est mal en point, mais il y a rien d'irréversible.

Tu remets les compteurs à zéro et ça va aller.

Ca va aller.

-Je tiendrai pas, dehors.

-Allez, Pierre.

-Putain !

-T'es mon pote.

Ca va aller.

Allez

-Excuse-moi. Excuse-moi.

-T'es belle.

T'as l'air bien. -Je suis bien.

-T'es venue toute seule ?

-Hervé !

Ils me gardent ! Ils me gardent !

-Je te présente ma femme, Agnès.

-Excusez-moi. Mes hommages, madame.

Mes hommages.

-T'es pas méchant. T'es pas violent.

T'es pas.

T'es toujours fatigué.

Après le dîner, t'es fatigué, au lit, au réveil, t'es fatigué

Les sorties sont annulées au dernier moment,

tu t'intéresses à rien dans la maison,

sauf à la réserve de vin.

Responsable financièrement, ça, toujours. Je te l'accorde.

Mais triste, chiant.

T'es ailleurs.

-Est-ce que vous pouvez raconter les moments les plus difficiles

qui sont liés à sa consommation ?

-J'ai pas très envie.

-Mais c'est important qu'Hervé vous entende.

Qu'il entende les dégâts qu'il a causés dans la maison, la famille.

Je croyais que votre fils vous accompagnait.

-Il a des révisions. Il a pas pu.

-Elle me protège. Il a pas voulu, oui.

Thomas ne me parle plus depuis 1 an.

-Je savais pas.

-Parce que je veux pas en parler.

Quand je rentre, il va directement dans sa chambre.

Il reste jamais dans la même pièce que moi.

Ca doit être plus facile, vu que je suis plus là.

-C'est plus facile, oui.

Pour lui et moi.

Je me réveille plus la nuit pour savoir où tu es.

Je dors, la nuit.

J'ai cessé d'avoir peur, sauf du jour où tu vas revenir.

Je sais pas si j'en aurai la force.

On a fait l'amour 2 fois en un an, et il s'est endormi avant la fin.

-Ecoute, ça va. Elle est pas conseillère conjugale.

-Tu comprends pas. C'est ma vie qui passe.

Ton absence me fait du bien.

Je crois que j'en pouvais plus.

Ca va pas ?

-Eteins.

Eteins.

Agnès

Eteins, s'il te plaît.

Ca va.

Ca va.

-Ma femme, je ne la touche plus.

Je vais aux putes.

Mais ça marche moyen.

J'essaie de pimenter un peu l'histoire.

La 1re pute en appelle une autre. A 3, c'est plus excitant.

Enfin, "plus excitant", dans la tête seulement.

Parce que le reste coûte cher.

-Moi, je suis fidèle. 20 ans avec la même femme.

On le fait plus très souvent, mais ça m'est égal.

-T'es sûr ? -Oui.

-Comment tu vas faire, quand tu vas sortir ?

-Je vais renoncer au sexe.

-Ah bon ? -Oui.

-Pour moi, c'est peut-être déjà fait.

Quand je buvais, on pouvait me faire faire n'importe quoi.

Je devenais un peu cochonne.

-Elle a raison.

Le problème, c'est la dignité.

J'en connais un rayon, sur le manque de dignité.

-Quand tu la perds, t'es qu'un trou.

Un putain de trou.

-Jean-Marie ?

-Après mon divorce, j'ai essayé, mais j'y suis pas arrivé.

C'est la honte.

Mais la honte.

Maintenant, quand une fille me drague,

je me débine. Je me tire.

Je flippe. Je préfère être avec mes collègues.

-Hervé, tu ne dis rien ?

-Non. Je veux pas parler.

-Je suis pas sûre d'être concernée par tout ça.

Je suis trop vieille.

-Pourquoi tu dis ça ? -Je sais pas.

Un soir, t'as fait une fellation pour un verre d'alcool.

J'ai passé ma vie avec un homme que j'aimais pas pour une cuisine.

Avec des robinets dorés.

Alors je crois que c'est pas un drame.

Ca n'a pas d'importance, ce que tu as fait.

*Musique.

-Mais allez, venez !

-Allez, les garçons !

-Un whisky et je viens.

-Mais vous êtes des coincés.

-Hervé ?

Je savais que tu me laisserais pas tomber.

C'est pas grave.

Sanglots.

-Bon, allez.

Mais t'as quel âge, au juste ?

-23.

-T'en veux une ?

Je comprends toujours pas.

T'es un bébé. Comment tu peux être alcoolo ?

-Je t'emmerde.

C'est possible. La preuve.

-T'as un copain ?-Oui.

-T'es amoureuse ?-Non.

-Ah. Je comprends que tu picoles.

-T'es encore amoureux de ta femme, peut-être ?

-Ben ouais.

-Comme mon mec. Ca parle d'amour, mais ça veut juste baiser.

Je m'en fous.

-Je te crois pas.

-Ne me crois pas.

-Si ça peut te rassurer, j'ai pas envie de te baiser.

-Je te crois pas.

Je te crois pas et ça me rassure pas.

On y va ?

Tu viens ?

Salut.

-Arrête tes conneries.

Vire ça.

-Et si j'ai pas envie ?

Et si j'ai pas envie d'aller bien ? -Tu fais chier.

Vire ça.

-C'est pas du vin, c'est du vinaigre.

Ca fait des siècles qu'elle est là.

Ca défonce pas pareil.

-Tu fais chier.-Dégage.

Dégage.

Casse-toi, je te dis.

Cloche.

-Aujourd'hui, c'est Hervé qui va faire son récit de vie.

Hervé, tu as 40-45 minutes. A ton rythme.

-J'ai pas franchement dormi. Je cherchais quoi vous dire.

Je peux vous dire que je suis né le 7 septembre 1958, en Lozère.

Je peux vous parler de mon boulot,

de ma femme, de mon môme. Ca va pas vous raconter grand-chose.

Je peux vous parler de mon grand-père, Ferdinand.

Embarqué avec lui, dans sa Citroën,

on livrait le pain dans les villages.

"Tu prendras bien quelque chose, Ferdinand.

"Et pour le petit ?

"Donne-lui un coup de rouge avec de l'eau et du sucre."

Pour tout vous dire, j'aime pas parler de moi.

Je suis un mec d'action.

Je veux aller dans le monde en parlant de justice, de paix,

et puis moi, la dégringolade.

Pas question de s'arrêter un moment pour penser à mes petits bobos.

Bon, je fais le malin, mais je vaisquand même vous parler de l'Afrique.

Et de ma petite soeur. C'est surtout d'elle qu'il s'agit.

Mes parents étaient coopérants.

Ils se sont installés en Côte d'Ivoire,

à Bouaké, c'est-à-dire au milieu de nulle part.

Et puis quand j'ai eu 15 ans,

j'étais en seconde et j'ai voulu un chien.

Un copain, quoi.

On a trouvé un bâtard. On l'a appelé Sarah.

Sarah, c'était ma chienne.

J'ai cassé les pieds de mon père pour l'avoir.

Et un jour, elle est morte.

Un vétérinaire a dit que c'était la rage.

Ordre a été donné de vacciner toute personne

ayant été au contact de la bête.

Donc ma soeur aînée, Claire,

ma petite soeur, Ariane, et moi.

Seulement, un soir, Ariane s'est plainte.

J'ai entendu parler de méningite. Je comprenais rien.

L'avion sanitaire l'a embarquée à Abidjan avec mes parents.

Claire et moi, quand on est arrivés à l'hôpital d'Abidjan,

elle était morte.

Il y avait un vaccin défectueux et on lui avait inoculé la rage.

Pourquoi ma soeur ? Pourquoi elle ?

Pourquoi pas moi ? Pendant le voyage du retour,

dans la voiture, je ne pensais qu'à ça.

Peut-être que j'allais mourir, moi aussi.

Oui.

Je bougeais mes doigts, je tordais le cou,

guettais la moindre douleur.

Ma petite soeur venait de mourir, et je pensais qu'à moi.

J'étais un monstre.

Un salaud, une merde.

Et à cet instant, j'ai réalisé

qu'Ariane était morte

parce que j'avais imposé une chienne à la maison.

Bon, j'ai pas bu pour me consoler : j'avais 15 ans.

Mais je suis devenu triste, puis coupable.

Voilà. Bon.

L'alcool m'a permis de retrouver de la légèreté,

de déconner, de me marrer

Il m'a donné le culot de vivre.

Très vite, je suis devenu reporter.

J'ai accumulé les guerres.

Là où l'homme massacrait, j'y étais.Mais pas aux vacances de mon fils.

C'est pour moi que je partais.

L'alcool, c'était comme l'aventure.

Le frisson. J'en avais besoin.

Dans les palaces ou les bouis-bouis, j'avais besoin de mon remontant.

Trompe-la-mort et pilier de bar.

Je vivais avec l'alcool. J'étais sûr de pouvoir vivre sans.

Plus je flippais, plus je me disais que j'étais un bon vivant.

J'étais fier d'oser plus que les autres.

Au boulot, au bar, au pieu Loin de ma famille.

Mon père faisait progresser mon fils au tennis ?

J'étais en réunion, dans un avion

Je suis devenu patron d'une agence de presse qui a grandi

et je pouvais pas décrocher. J'étais shooté à mon métier.

Je me rendais plus compte des quantités absorbées.

Je buvais pour plus être mal.

La suite, vous la connaissez. C'est la même pour nous tous.

Dépression, black-out,

perte de mémoire, confusion mentale, agressivité

Puis mon père est mort.

Oui, Nathalie. C'est Hervé.

17 h, je peux pas y être, avec Fabre !

-On va procéder à la mise en bière.

(-Je vous rappelle. Je vous rappelle.)

Au retour de l'enterrement, je suis descendu dans la cave.

Il y avait une dizaine de bouteilles alignées, au fond.

De la piquette, bien sûr.

Je les ai descendues l'une après l'autre.

J'avais l'impression de boire mon père en douce.

Et puis

mon petit Thomas n'était pas venu. Je sais pas

Il est venu

et je me suis enfui.

-Hervé !

-Là, je me suis dit pour la 350e fois

que j'allais arrêter.

Mais là, je savais que c'était pour de vrai. Et puis

Et puis, putain, j'ai sacrément besoin de vous.

-Merci, Hervé.

-MERCI, HERVE.

-Bon

J'y vais.

Bon week-end.

-Passe le bonjour à Madame. -Oui.

Elle s'est acheté une BMW.

Elle avait gardé ma carte. -La vache.

-J'ai déjà fait une cure, avant. Elle avait acheté une robe.

Je vais faire mes comptes. Je n'ai plus confiance.

-C'est bien, Gunther.

-Une comme ça, tu la quittes.

-Si elle m'ennuie, je reviens. -D'accord.

-Allez, va. On est tous avec toi.

-Et nous lâche pas, hein. -Au revoir.

-Le pauvre. Il a la trouille.

-Tu crois que j'ai pas la trouille ?

-Tu vas où, toi ? -A Genève, chez ma soeur.

Je vais regarder la télé et bouffer des gâteaux.

Elle a une pâtisserie, ma soeur.

Et je sors pas de la maison. Si je sors, je bois.

J'ai pas la force.

Et toi ?

-Je vais aller avec Hélène, finir son puzzle,

si elle veut bien.

-Oui. Et moi, j'ai rendez-vous avec Patrick.

-C'est qui, Patrick ?

-C'est le coiffeur.

-Hervé ? T'as de la visite.

-Là, c'est ma piaule.

Moi, je dors ici.

Là, c'est Pierre.

Tu l'as vu en bas. Un mec sympa. Très sympa.

Tu sais, je me fais des amis, ici.

Ca, c'est la prière de la sérénité.

On la dit tous les matins en se tenant par les épaules,

assis en cercle.

Je sais ce que tu penses, mais tu te trompes.

La vie s'est ralentie, ici.

Je vois des choses que je voyais pas avant.

Des choses insignifiantes.

J'ai découvert la lumière dans ma chambre.

C'est con, mais

Même marcher. Marcher, c'est formidable.

Je sens mes jambes. Ca me donne du plaisir.

Tu le connaissais pas, ce gars-là. Ce bonhomme te surprend.

Il y a une chambre verrouillée sous mon crâne, et, grâce aux autres,

j'arrive à entrer et je découvre.

Carol, la thérapeute, c'est une femme merveilleuse.

Il y a aussi les infirmiers. C'est tous des ex-alcoolos.

On se tutoie. C'est un détail, mais c'est important.

C'est une communauté sans hiérarchie. Tu comprends ?

On souffre tous de la même chose, mais tous ensemble.

On a envie de s'en sortir.

Je croyais que la vraie vie était dehors,

mais c'est le contraire.

La vraie vie, c'est ici.

-"La vraie vie" ?

Rien que ça ? C'est tout ? -Oui.

Je suis malade. C'est ça qu'ils m'ont appris ici.

Eh oui.

Comme un malade cardiaque, un tuberculeux

ou un asthmatique.

Je suis pas un monstre. Je suis malade.

Je subis.

J'arrêterai sûrement de boire, mais je guérirai pas.

La dépendance restera dans un coin de mon cerveau.

-Tu vas aussi arrêter la clope ? -Non.

-Pourquoi ? -Parce que je veux pas arrêter.

-Ca schlingue, à la maison. -Tu le fais exprès ou quoi ?

-Salut.

-Salut, Lulu.

-C'est cool, ici.

-Elle a 23 ans, elle est accro.

-Ca fait quoi, d'être accro ? -C'est horrible.

-Pourquoi ? -Parce qu'on le sait.

On sait ce qu'on se fait à nous,aux autres, et on peut pas arrêter.

-Ca fait quoi, d'avoir envie ? -C'est un besoin.

Un besoin incontrôlable.

-Et quand tu bois ? -C'est un soulagement.

Et juste après, tu as encore envie de boire, encore plus.

-Pourquoi tu pouvais pas t'arrêter ?

-J'ai essayé. J'y arrivais pas.

-Non. Pourquoi ?

-Je sais pas. Vraiment, je sais pas.

-T'es malade, et c'est tout ?

Tu bois à cause d'une tare héréditaire ?

-Ca peut sauter une génération.

-Tu t'en laves les mains, quoi.

Moi, je crois pas ça. Je crois que

T'as un verre devant toi, tu le bois ou pas.

Chaque verre, ça nous tuait tous, et tu avais le choix de pas le boire.

T'es qu'un imbécile, si tu penses le contraire.

Enfin bon

Qu'est-ce que t'as pris, en dessert ?

-Attrape ça, tête de noeud.-Merci.

-T'as pas vu Magali ?-Non. Je sais pas.

C'est bien ? Comment tu trouves ? -C'est top.

-Je savais que tu finirais par me faire chier.

-T'as bu ?

T'as pas bu ?

Tu te fous de ma gueule ? Qu'est-ce que t'as bu ?

-J'ai bu de la vodka.

C'est vendu comme ça.

C'est pas mortel ?

-Je trouve pas ça "mortel", je trouve ça nul.

C'est pour les petites connes qui trouvent ça "mortel".

-C'est pas la peine de m'insulter.

-Je te dis la vérité.

De toutes les filles que j'ai connues, t'es la plus naze.

-Tu te prends

pour qui ?

-Le jour où tu comprendras, il sera trop tard.

-T'es ni mon père ni mon mec. Fous-moi la paix.

-Magali, tu as 23 ans. Fous pas ta vie en l'air.

-T'es un vieil alcoolo. -Ne fous pas

-Je la fous pas en l'air, ma vie ! Je la vis.

Ca se voit pas qu'elle est formidable ? Que je m'éclate ?

-Arrête.

-Reste avec tes alcoolos

et fous-moi la paix.

-Tu vas rester là.

Tu vas rester là.

Tu vas te soigner. -Lâche-moi.

-Tu m'entends ? -Lâche-moi.

-Tu vas te soigner.

-Au secours ! Il y a Hervé qui veut me violer !

J'espère que tu vas crever.

Et très vite.

-BON ANNIVERSAIRE NOS VOEUX LES PLUS SINCERES

TU ES NOTRE AMI TRES CHER JEAN-MARIE

A LA ROSELIERE D'UN COEUR SOLIDAIRE

BON ANNIVERSAIRE

-Bravo.

-Elle nous manque, la petite.

-C'est dommage, mais elle l'a cherché.

-Je suis content. Elle pourrissait l'ambiance.

-On s'en fout. C'est une gamine.

-Je suis pas en vacances, je veux sauver ma peau.

-Chacun sa merde, c'est ça ?

-Hé, ho ! C'est mon anniversaire.

-Vous allez la faire revenir ?

-Elle en a pas envie. -Si elle en a besoin ?

-On peut pas la sauver si elle veut pas.

-C'est quand même vous qui avez laissé entrer son dealer, non ?

-Désolé, mais il a été fouillé à l'entrée

-La vodka était dans un tube de dentifrice.

C'est vous qui êtes responsables.

Et puis merde ! J'ai envie de picoler, maintenant.

-Calme-toi. Viens manger -Merde !

-Hervé ? -Oui ?

-Il y a un truc entre toi et la petite ?

Tu l'as vue l'autre nuit, dans le parc ?

-D'où tu sors ça ?

Qui t'a dit ça ?

-Kris. Elle partageait sa piaule avec Magali.

Les filles, ça papote.

-On a discuté, c'est tout.

Si je te le dis.

-Elle te plaît ?

-Elle a 23 ans.

Je vais aller fumer, moi.

-Elle te plaît parce qu'elle est paumée.

-Tu fais chier, là.

-Je vais te dire un truc qui va pas te plaire.

Cette fille, c'est un drame ambulant.Et toi, t'aimes bien le drame.

T'as envie de te coltiner son problème. Comme un shoot.

Là aussi, t'es accro.

Dans 2 semaines, tu vas sortir et tu vas voir ce que c'est dur.

Alors oublie-la vite fait. Pense à toi.

-Cette fille me fait du bien.

Je veux pas expliquer. Je peux pas expliquer.

Tes leçons et toi, allez vous faire foutre.

-Je suis assez exclusif, comme mec,

et c'est pas tous les jours qu'on rencontre un ami.

-Toi aussi, tu vas me manquer.

-Tu sais quoi ? Je vais te téléphoner, après ta sortie.

Je te surveillerai. -Tu me colleras.

-Je t'inviterai

au restau chez ma copine. Il y a une terrasse face au lac

Filet de perche et Coca.

Ca te va ?

-Allez, tope là.

-Tu veux une blague ?

-Non.

-C'est con. Elle était bien.

-Pierre ?

Au secours !

Martin !

Martin !

Viens.

-Pierre ?

Pierre, tu m'entends ?

Le téléphone sonne.

-Allô ?

Oui, c'est moi.

Merci.

Hémorragie digestive suivie d'un collapsus cardiovasculaire.

Il est mort dans l'ambulance.

-Un plateau à 2, ça te dit ? Les fruits de mer sont excellents.

-Allez.

-Qu'est-ce qu'on boit, avec ça ?

Une bouteille de chablis ?

-Pour moi, ce sera des bulles. -Champagne ?

OK, je te suis.-Non.

De l'eau avec des bulles.

-Même pas un verre ?Allez, ça peut pas te faire de tort.

-Je bosse, cet après-midi.

-Avec qui je vais trinquer, moi ?

Une petite entorse et rien ce soir.

S'il vous plaît ?-Tu m'as pas compris.

C'est fini. Le vin, c'est terminé. J'ai bu tout ce que j'avais à boire.

-Ah, pardon.

Ca te dérange si je bois ?-Fais ce que tu veux.

-L'alcool, c'est une question de mesure.

Apprends à boire de temps en temps, avec modération.

Mais bon, comme tu veux.

-Et puis là

-Merci, Hervé. Merci, José.

Dis donc, tu l'as sacrément cuisiné.

-J'ai rien inventé.

Un ami m'a dit ce genre de trucs. -Hervé,

tu vas faire tes 24 heures.

Si on te propose à boire, tu peux dire

que tu es allergique.

Ne compte pas sur les autres pour te protéger.

Et puis tu vas sortir,

tu vas avoir une nouvelle vie.

Mais tu as

un ennemi sérieux :

c'est la mémoire.

La petite puce qui va te rappeler le bon temps de ta consommation.

Pensez à éviter les lieux marqués par votre consommation.

Ne passez plus

devant le bar où vous aviez vos habitudes.

Ne passez plus dans la rue du dealer.

Il faut tout changer.

Changez de chemin pour aller au travail.

J'ai changé de dentifrice.

Ca me rappelait trop de mauvais souvenirs.

Et vous allez vous retrouver dans des situations à risque.

Que ce soit dans un dîner, une soirée, une fête

Pensez à votre liberté de partir. Vous avez le droit de partir.

Je sais plus quel rocker disait :

"Partir en courant et s'arrêter quand le souffle te manque."

-Bonjour. -Bonjour.

-Un Coca et des filets de perche. -C'est parti.

Voici votre Coca. -Merci.

Il vous reste une chambre ? -Bien sûr.

-Merci.

Salut, c'est Hervé.

Je voulais savoir comment ça allait.

Je suis à l'hôtel. Je suis à mes 24 heures.

Tu vas bien ?

Où ?

Il vaut mieux pas.

Où, tu dis ?

*Musique électro.

-Voilà Hervé.

Johanna, Gibo et Erwan.

-Bonsoir. -Bonsoir.

-Un Coca, s'il vous plaît.

Ton mec est là ?

-Non. Je le vois plus.

J'ai de la chance de t'avoir rencontré.

Parce que d'habitude, avec les vieux, ça marche pas.

Ca, c'est depuis toujours.

Il y a un truc qui déconne, et quand ça déconne

-"Je bois." Je connais.

-J'ai pas d'autre solution.

-Si, il y en a.

Si.-Non.

-Si.-Je te dis que non.

Non, il y en a pas d'autre.

On va faire un tour de voiture.

-Non.-On va se marrer.

-Je t'attends.-Tu viens. Mais viens !

Tu m'attends ? -Oui.

-Oui ? -Oui.

-Tu m'attends ? -Oui.

-Double scotch.

-"Je vais sortir dans 2 semaines.

"C'est bientôt, et ce sera pas facile.

"Je l'avoue, j'ai peur.

"Je t'écris pour te le dire.

"Thomas, je vais avoir besoin de toi.

"La nuit, quand on se croisera,

"parce que des insomnies, il va y en avoir,

"ne t'en va pas et viens t'asseoir.

"Je fumerai sûrement,

"mais j'ouvrirai la fenêtre. C'est promis.

"Je t'embrasse, fiston."

-Prends soin de toi.

"Notre grande réussite n'est pas de ne jamais tomber,

"mais de toujours nous relever."

Alors, c'est Sophie qui a choisi cette phrase.

-Jean-Marie a rechuté quelques semaines après sa sortie.

Il m'a téléphoné deux fois :

il venait à Paris et il allait s'arrêter.

Mais il est pas venu.

Il répond plus.

Gunther, lui, a tenu 3 mois.

Puis il est retourné en cure, et cette fois, c'était la bonne.

Sandra sort plus de sa dépression et rechute régulièrement.

Soledad résiste.

Elle a repris son bistrot et ne s'assoit pas avec les clients.

Kris est repartie en Norvège.

Elle ne touche plus à la vodka.

Hélène n'a pas rechuté.

Elle s'est séparée de son mari et vit avec sa fille.

Magali a quitté sa famille.

Elle ne donne plus de nouvelles. Elle a disparu.

Et je suis toujours abstinent.

-Relève-toi et viens

Nous n'avons peur de rien

Tout ce mal, tout ce bien

C'est nous, c'est tout, c'est rien

C'est une pierre dans l'eau

Fais un voeu, un beau

Jette une pierre dans l'eau

Nous partirons bientôt

Bientôt

Dans ce monde pervers

Tout devient son envers

Viens, allons-nous-en vers

Des pâturages plus verts

Jette une pierre dans l'eau

Fais un E, un O

Jette une pierre dans l'eau

Et nous partirons bientôt

Bientôt

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