All language subtitles for Good.Luck.to.You.Leo.Grande.2022.1080p.WEBRip.x264-RARBG.French

- Merci.
- Ciao!

- Au revoir.

BONNE CHANCE, LEO GRANDE

Bonjour.

Je suis Leo.
Vous devez être Nancy.

- C'est bien moi.
- Je peux entrer?

- Oui, bien sûr.

Oui, entrez.

- Je peux vous embrasser
sur la joue?

- Oui, oui, ce serait bien.

- Vous sentez très bon.
- Merci.

- C'est quoi?
- Coco Chanel.

C'est le parfum
de Martha Stewart.

- Ah, Martha. Super sexy.

Vous ne trouvez pas?
- Oui.

Non, j'ai cru que vous alliez
ajouter <« pour son âge >».

Quand on parle d'une femme
de plus de 42 ans,

on ajoute souvent
<« pour son âge >».

Je m'attendais
à ce que vous disiez ça.

- Ah, d'accord.
- Voilà.

- Non, elle est
intrinsèquement sexy.

Quel que soit l'âge.

Nancy?
- Oui?

- On va passer un très bon
moment ensemble.

- D'accord.
- D'accord.

Je vais vous dire
ce qui me plairait maintenant.

- Quoi?
- Un verre.

- Un verre, bien sûr.
Oui, bien sûr, désolée.

Euh, que puis-je vous servir?

- Quelque chose de pétillant?
Pour détendre l'atmosphère?

- De pétillant. Une seconde.

CÇa, ça pétille.
- Permettez-moi.

Pour vous.
- Merci.

- Aux femmes
intrinsèquement sexy?

- Oui.

Je vais trinquer à ça.

- Vraiment un très bon
millésime.

- Oh ça vient du mini bar.
Je n'ai pas--

Oh, vous parlez de moi.
De... moi

- Je vous taquine.

- Bien sûr.
- On va s'assoir?

- Oui, allons nous assoir.

- Alors quelles sont--

- Vous écoutez beaucoup
de musique?

De plein d'artistes différents?

- Oui, j'en écoute.

Et vous, quel genre
de musique vous aimez?

- Oh je ne sais pas,
j'aime un tas de choses.

Désolée, j'ai un peu la tête
ailleurs, à cause de...

parce que de près,
vous êtes très séduisant.

Mmm.

- Merci.

- Mmm. Même plus que sur
votre photo.

- Ah, je suis mieux en 3D.

- J'espère que vous avez reçu
ce qui était prévu...

Prévu au contrat?

- Oh, l'argent?
- L'argent, oui désolée:

je ne voulais pas être vulgaire
en le mentionnant.

- Il n'y a rien de vulgaire
à être payé pour son travail,
Nancy.

Faites-moi confiance.

Merci, j'ai bien tout reçu.

- Alors vous n'êtes pas d'ici?
- Non, je suis Irlandais.

- CÇa fait longtemps que
vous faites ça?

- Ah.
Oui, ça fait un certain temps.

D'ouù une certaine expérience.
- Et ça vous plaît?

- Vous savez quoi, Nancy?
J'adore ça.

Je rencontre plein de gens,

ça m'amène à découvrir
un tas de choses.

Le plaisir mutuel.

- Vous ne vous sentez pas...
rabaissé dans ce cas?

- Pas du tout.

- Ni dégradé?
- Non.

- Mais et si vous acceptez
de voir quelqu'un,

et qu'ensuite,
vous ne voulez pas le faire?

- CÇa ne m'est jamais arrivé.
- Vraiment?

- Mais oui.
- C'est assez surprenant.

Combien de clients est-ce--
- Oh, un gentleman

garde ça pour lui.
- Oh. Oui.

Bien sûr, oui.
- Ne vous souciez pas de ça.

Ce soir, on se concentre
sur nous deux.

Alors, quel est votre fantasme?

- Euh...

je ne suis pas sûre qu'on puisse
classer ça dans les fantasmes.

C'est tout de même assez banal.

- D'accord, dans ce cas:

quels sont vos plus ardents
désirs?

Puisqu'un désir
n'est jamais banal.

- Euh...

Avoir une relation sexuelle.

Ce soir... avec vous.

Rien de plus, je crois.

Pour le moment.

- Super.
- En tous cas,

ça ne vous dérange pas de--
Dites-moi franchement:

est-ce que vous me trouvez
décevante? Si je puis dire...

- CÇa va?

- CÇa va. Ca va.

- Je vous ressers?
- S'il vous plaît, oui.

Merci.

Je m'excuse, ce suspens
est insoutenable.

Désolée, on pourrait...
ça vous dérange pas si on va--

On y va là, maintenant,
tout de suite?

Qu'on soit débarrassés?

- Qu'on soit débarrassés?
- Oui.

- On est censés
y prendre plaisir.
- Oui, ça je sais.

Je suis pas douée pour attendre
que ça se passe.

Je suis pas patiente.
Je me sens bien mieux

quand tout est fini
et que je m'en remets.

- Vous en parlez comme si
c'était un calvaire.

Personne ne vous force.

Vous préférez qu'on reste assis
et qu'on discute?

- Non, discuter, non.
CÇa m'étonnerait

qu'on ait beaucoup de choses
en commun.

- Vous pourriez être surprise.
- Je suis pas souvent surprise.

Je planifie tout,
méticuleusement,

afin justement,
de pas me faire surprendre.

En toute franchise.
- Bien.

Mais j'espère quand même réussir
à vous surprendre.

- Non, ça non: je tiens pas
à ce genre de choses.

- Quel genre de choses?

- Eh bien, tout ce qui
est déviances.

- Oh, non, non, non.
Pas ce genre de surprise.

- Oh, tant mieux.
- Non.

- Je ne veux pas qu'on entre
dans des orifices

destinés en principe à évacuer
des choses.

- Vous voulez parler de sodomie?

- Je n'aime pas
cette appellation.

- Nancy, je n'ai aucunement
l'intention de vous forcer à
quoi que ce soit.

- Je n'ai jamais fait ça.
Je n'ai jamais acheté personne,

juste pour assouvir
mon propre...

- Plaisir?
- Besoin.

- Nancy, écoutez-moi.

- Oui.
- J'ai choisi de faire ça.

- Oui.
- Vous ne m'avez pas acheté.

Vous avez acheté mes services.

- Mmm.
- J'ai fixé un prix

et vous y avez consenti.

Ce n'est pas de l'exploitation.

- Je ne supporte pas
le suspense.

C'est insupportable.
- L'anticipation?

- Oui. Par peur d'être déçue.

- Pourquoi vous supposez que
vous serez déçue?

- Parce que jusque-là,

je dois avouer que
j'ai toujours été déçue.

Il faut que je vous fasse--

Non, j'aimerais plutôt
vous faire une confidence.

- D'accord.
- Je n'ai jamais eu d'orgasme.

- Avec un partenaire?

- Avec personne.

- Et même pas seule?
- Non, Leo, même pas seule.

Euh... jamais.
Oui.

- D'accord, je vois.

- Ce n'est pas un défi
à relever.

- Non, j'avais tout à fait
compris.

- Parce que vous ne pourrez pas
le relever.

- On verra.

- Votre assurance est charmante

et sûrement nécessaire
dans ce métier,

néanmoins, elle ne sera pas
suffisante.

Et n'en prenez pas ombrage,

mais sachez que je ne vais
pas simuler. Je ne simule pas.

Je ne le fais plus.
Après le décs de mon époux,

j'ai pris la décision de ne plus
simuler les orgasmes.

- Quand est-il mort?

- Euh, il y a deux ans.
Une mort prématurée.

- Et c'est votre première...?

- Rencontre
avec quelqu'un d'autre?

En fait, oui:
si on le fait, vous serez...

seulement le deuxième
avec qui

j'aurais eu des rapports sexuels
de toute ma vie.

Voilà. Je l'ai dit.

- Oh, j'apprécie vraiment.

- Si vous voulez partir
à présent,

je serais heureuse de payer
la moitié de la somme convenue.

- Je ne veux pas partir, Nancy.

Rien ne m'incite à avoir
envie de partir.

Je ne partirais que si
on me l'ordonne sans équivoque

ou si je me sens
physiquement en danger.

- CÇa s'est déjà produit?

- Oui, une fois ou deux.

- Avec une femme?
- Oui. C'est arrivé une fois.

Enfin, avec son mari: il croyait
qu'il voulait un plan à trois,

mais il a réalisé que non.
- Et elle, elle voulait?

- Non, mais elle a demandé à
me voir, une semaine plus tard.

- Et vous avez accepté?
- Bien sûr.

- Vous ne trouvez pas
ça déloyal?

- De sa part?
- De la vôtre.

- Pourquoi?
Eux sont mariés, pas moi.

Moi, je fais juste mon travail.

- Ouah.

On en apprend, des choses.

- J'espère qu'on ne va pas
s'arrêter là.

- Ce ton grivois.
- Grivois?

Ma grand-mère disait
ce genre de mot: <« grivois >».

- J'aimerais autant
laisser votre grand-mère
en dehors de ça,

si ça ne vous ennuie pas.
- Pas de problème.

- Je voulais--
En tous cas, je voulais juste

que vous sachiez pour l'orgasme.

Je ne m'attends pas à en avoir,

alors vous pouvez vous détendre.

- Mais je suis détendu.

- C'était la pire idée qui soit.

- Avez-vous l'impression
que vous trahissez votre mari?

Sa mémoire, je veux dire.

- Quoi?
Oh, non, non, non, non.

Non, non. Non.
Non, il ne s'agit pas de ça.

- Alors quoi?
- CÇa ne me ressemble pas.

Je suis professeur.
Ou du moins, je l'étais.

J'abordais avec mes élèves
des questions d'ordre moral

sur la prostitution
et me voilà en plein dedans.

- Nancy.
- Vous êtes sûrement
un jeune homme vulnérable.

Si ça se trouve,
vous êtes orphelin.

- Je ne suis pas orphelin.
- Vous avez peut-être grandi
en foyer,

et avez une piètre image
de vous-même.

- Je n'ai pas grandi en foyer.

- Peut-être qu'on vous exploite
sous la contrainte...

- On ne m'exploite pas sous
la contrainte.

- Bon dans ce cas, moi je vous
avoue que ça m'échappe.

- Qu'est-ce qui vous échappe?
- Pourquoi vous faites ça.

- Oh.

Oh, bon,
si vous voulez tout savoir,

je mets de côté l'argent
que je gagne en faisant ça

pour payer mes études.

- Oh!

Oh, c'est formidable!

Sérieusement?

- Non.

- Oh.

- Nancy, arrêtez
de vous préoccuper de moi.

- Revenons-en à vous.
- D'accord. Oh, non.

- Nancy.
- C'est insensé,

- Nancy.
- Abominable, c'est mal.

Mon fils,
mon fils serait mortifié.

- Nancy!
- Oui?

- Si on allait se mettre au lit?

- D'accord.
- D'accord?

- D'accord.
- Bien.

Venez.
- Mm-hmm.

- Est-ce que je peux?
- Mm-hmm.

- Je peux?
- Mm-hmm. Mm-hmm.

EÉcoutez, si vous avez besoin
d'un stimulant, allez-y:

ne vous gênez pas.
- Je n'ai besoin de rien.

- Non, des choses
en vente légale, vous savez,

si ça peut vous aider là
en bas.

- Non, je vous assure que
tout fonctionne.

- Je sais, je parle de--

- Non, je vois de quoi
vous parlez, mais...

je n'ai pas besoin de petite
pilule bleue.

- Jamais?
- Jamais.

- Mais admettons que
vous ne soyez pas attiré
par quelqu'un?

On ne peut pas se forcer,
s'il n'y a aucune attirance.

- Il y a toujours
quelque chose d'attirant.

- Oh, ça m'étonnerait.
- Je vous assure.

- Ooh.

Quel âge avait la plus vieille
de vos clientes?

- C'est un peu réducteur, Nancy.

- Réducteur, c'est bien
choisi comme mot. CÇa me plaît.

- Oui, c'est bien choisi.

Ravi qu'il vous plaise.
Je l'ai choisi juste pour vous.

- Mm. Mais sérieusement, Leo,
ça m'intéresse de savoir.

Quel âge?

- 82.
- 82?

- Ouais.
- 82.

- Oui.
- 82!

- Nancy.

- D'accord, je me sens
un peu mieux maintenant.

- Bien.

- Alors quel serait le détail
déterminant chez moi,

auquel vous raccrocher de
toutes vos forces,

pour que ça puisse s'animer
dans le feu de l'action?

- Approchez.

J'aime votre bouche.

J'aime la ligne de votre cou,
jusqu'à ce creux, l.

Et ceci, d'une telle élégance.

- Euh, attendez.

Juste une seconde.
Je vais...

j'aimerais d'abord passer
à la salle de bain me changer.

- D'accord, mais ne changez
pas trop.

- Oh bon sang.

Ta-da!

- Mm! Vous êtes superbe.

Oh, euh, est-ce que tout
va bien?

- Oui, c'est juste à cause de
la barre de chocolat.

Je sens l'odeur. Et l'effet
est un peu déplaisant.

- Oh, désolé, désolé. Je vais
aller me brosser les dents.

- Si ça ne vous ennuie pas,
merci.

- C'est quoi ça?

Très joli.
- Je viens de rechanger d'avis.

Je ne veux plus le faire.

Je m'excuse pour le temps que
je vous ai fait perdre.

Je vais vous payer.

Mais vous pouvez vous rhabiller
et partir.

- Ce n'est pas à cause
de la barre de chocolat?

- Non, ce n'est pas à cause
de la barre de chocolat.

- Vous ne me trouvez
pas séduisant?

- Ne soyez pas ridicule.
Vous êtes clairement euh,

parfait sur le plan esthétique,
en plus d'être du genre
prévenant.

- Que pensiez-vous
qu'il allait se passer?

Autrement dit: pourquoi me faire
venir, si vous ne voulez pas?

- AÀ ce stade, j'avoue
que je ne sais plus trop.

Un moment de folie, c'est tout.
C'est tout.

- CÇa vous arrive souvent d'avoir
des moments de folie?

- Non.

- D'habitude, vous prenez
des décisions rationnelles?

- Oui.

- Alors pourquoi ce serait
différent, cette fois?

Vous deviez bien avoir
une raison.

Un motif qui vous pousse
à le faire.

Vous avez dû ruminer l'idée
durant des jours.

- Même des semaines. Des mois.
Des années peut-être.

- Alors ce n'est pas
un moment de folie.

C'est ce que vous voulez,
Nancy.

Et maintenant que vous l'avez,
pourquoi y renoncer?

Pourquoi vous ne prenez pas
ce que vous voulez,

quand c'est juste là,
à portée de main?

- Je l'ignore, je trouve
tout ça contestable, soudain.

- Je ne trouve pas ça
contestable.

- De vouloir m'offrir
ce genre de choses. Ou même
juste le souhaiter.

- Si c'est le sexe qui vous
intéresse,

il doit y avoir,
parmi ceux qui vous entourent,

un tas d'hommes qui espèrent
vous séduire, non?

Ils ont sûrement
envie de coucher avec vous.

- Oh, oui, il y en a eu.

Certains ont même été très
explicites à la mort de Robert.

Mais moi, je ne veux pas.

- Pourquoi ça?

- Ils sont trop vieux.

Des vieillards. Je ne veux pas
d'un vieux bonhomme,

je veux quelqu'un de jeune.
Un corps juvénile.

Et sans vous offusquer: pour ça,
il faut que je paie.

Je ne peux guère faire
autrement.

- Eh bien, je suis là.

Et je ne me sens pas offusqué.

- Oui, d'ailleurs qu'est-ce que
vous faites encore là?

Je vous ai offert
de payer votre soirée:

vous pourriez la passer
ouù bon vous semble.

Pourquoi vous êtes encore là?
- Je suis intéressé.

- Par quoi?
- Par vous.

- Oh, pour l'amour du ciel,
ne vous fichez pas de moi.

- Ce n'est pas ce que je fais.
Vous semblez tiraillée.

Les tiraillements,
ça m'intéresse.

- Vous n'avez jamais rencontré
de femmes

qui ne sait pas ce qu'elle veut?
J'ai du mal à le croire.

- J'ai connu des femmes
qui hésitaient entre plusieurs
sandwiches pendant des heures,

mais quand on finissait ensemble
dans le même lit,

là, d'habitude,
elles savaient exactement
ce qu'elles voulaient.

- Oui, mais les jeunes femmes,
c'est différent.

- Oui, je crois aussi.

- Différent de ce qu'on était.

Ou de ce que moi j'étais,
quand j'étais jeune.

On ne peut pas dire que j'étais
une fille du genre rebelle.

J'avais deux amies comme ça,
mais on s'est perdues de vue,

après les études.
Mais Londres à cette époque,

ce n'était pas comparable.
Coincée dans les années 50,

l'atmosphère était répressive.
- Mmm. C'est navrant.

- Et je ne débordais pas
de confiance sexuelle,

comme on voit aujourd'hui, avec
les jupes fendues sur le côté

et les cours de salsa,
que sais-je. De nos jours,

j'ai vu qu'on faisait
de la danse de poteau en
tant que hobby.

J'ai lu ça quelque part. J'ai lu
un article qui en parlait.

La danse de poteau! Un hobby!
C'est fou, non? Ah!

Seigneur,
ça fait <« vieux croûton >».

Je sais,
on dirait une petite vieille,

mais connaissez-vous
une fille qui fait

de la danse de poteau
comme hobby?

- Je crois que c'est un truc de
petites bourgeoises.

- Vous avez sûrement raison.

- Je connais des danseuses
de poteau,

mais elles ne paieraient pas
pour le faire.

Question rentabilité,
c'est comme marcher sur la tête.

Vous me suivez?
- Pas vraiment,

mais je peux m'en faire
une vague idée.

Je ne suis pas familière
avec cet univers.

- Dixit la femme qui a réservé
une nuit à l'hôtel

avec un travailleur du sexe.
- Oh, seigneur.

Oh, oh, oh, vous avez raison.

Oh, misère, je suis une sordide
vieille perverse.

Allez-vous-en,
c'est dégoûtant.

Là, j'ai l'impression
d'être Humbert Humbert.

- Humbert Humbert?

- Mm. Peu importe. C'est...

- Allez, mettons-nous au lit.
- Ah.

- Glissons-nous
sous les couvertures.

- Pourquoi est-ce qu'ils bordent
les lits comme si...

comme si c'était des camisoles
de force?

C'est ridicule.

Qu'est-ce que vous aimeriez
faire de votre vie, exactement?

- J'aimerais visiter,
euh, Vénus avant de mourir.

- Ah, oui, d'accord.

J'ai demandé ça par curiosité,

pour savoir comment vous
le vivez.

Vous êtes manifestement
brillant.

- Qu'est-ce qui vous fait
dire ça?

- Eh bien je suis professeur,
et je sais que

certaines personnes savent
employer le mot <« intrinsèque >»
dans une conversation,

mais ils ne sont pas nombreux.
Et ceux qui savent

sont des gens brillants.
- Je l'ai employé?

- Ah. Oui. Martha.
<« Intrinsèquement sexy >».

Et le mot <« réducteur >».
- Ah, oui, c'est vrai,

je l'ai dit.
Alors comme ça, pour vous,

quelqu'un de brillant
ne peut pas faire ce travail?

- Non!
Non, non, ce n'est pas ça.

Non. Je m'interrogeais
à propos de vos qualifications.

EÊtes-vous allé à l'école?

- Bien sûr.

J'ai même eu une mère
très stricte sur le sujet.

Une mère catholique.

- Alors, qu'est-ce qu'elle pense
de ce que vous faites?

- Vous voulez qu'on parle
de ma mère. Vous êtes sûre?

- C'est vous qui
avez abordé le sujet.

- Et maintenant,
on va laisser tomber.

- Mais non, sérieusement.

- Euh, elle ne sait rien.

- Hm.

- Vous savez que vous avez l'air
sexy là-dedans.

- Comment elle croit
que vous gagnez votre vie?

- Si je vous le dis,
on n'en parle plus?

Parce que cette nuisette
vous va à ravir.

- Oui, promis. D'accord.

- Elle croit que je travaille
sur une plate-forme pétrolière.

- Dans le pétrole?

- Oui, sur une plate-forme,
en mer du Nord.

- Non, mais ça, mais vous--

Est-ce que vous l'appelez
de temps en temps?

Vous lui faites un topo
de la vie sur la plate-forme?

- EÉcoutez, vous aviez promis.
- Mais comment savez-vous

à quoi- ressemble la vie sur
les plates-formes?

- J'ai fait des recherches
sur Internet.

J'ai trouvé un site bourré
d'anecdotes sur l'univers
des plates-formes,

et je fais des copiés-collés que
je lui envoie.

- CÇa m'épate.
Non, mais quelle vie!

Oh, là l, mon fils termine
sa Maîtrise, à l'université.

- CÇa n'a pas l'air de
vous plaire, on dirait?

- Oh, oui, non, évidemment
que ça me plaît. C'est génial.

Pourquoi ça ne me plairait pas?
Il suit le chemin tracé.

- Pourquoi votre ton semble
plein d'ambivalence?

- Ah, <« ambivalence >»,
encore un mot savant.

- Mm-hmm.
Et alors, votre fils?

- Ah oui, lui.

En fait, c'est quelque chose que
je n'ai jamais dit à personne.

C'est affreux.
- CÇa ne fait rien.

AÀ qui voulez-vous que
je le répète?

Dites-moi.

- Euh, eh bien en toute
franchise,

c'est un homme ennuyeux.

- Vous trouvez votre fils
ennuyeux?

- Oui. C'est affreux, hein?

- C'est bien la première fois
qu'on me confie une chose
pareille.

Mais vous l'avez
toujours trouvé ennuyeux?

- Non, pas toujours.
Non, c'est un garçon charmant.

Juste un peu trop prévisible.

Oui, tout le portrait de
son père.

- Il fait quoi, comme études?
- Chimie.

S'il vous plaît, oubliez ce que
j'ai dit. D'accord?

Oubliez ça. Il est charmant, et
je l'aime de tout mon coeur.

Et je devrais être contente,
parce qu'il s'en est bien sorti.

- Pas d'autres enfants?

- Une fille. Plus âgée.
On ne s'entend pas bien.

- Oh, pourquoi?

- Elle me voit comme quelqu'un
de froid.

- Et vous en pensez quoi?
- Je ne me trouve pas froide.

Je ne me sens pas froide,
de l'intérieur,

mais il est possible que je sois
froide avec elle,

à cause du côté excessif
de son tempérament.

- Alors, tout l'opposé
de son frère.

- Elle vit à Barcelone, dans
une sorte de communauté hippie.

Que des artistes,
bien que je n'aie jamais vu
d'art nulle part.

AÀ moins que l'art ne consiste
à brûler l'argent des parents...

ce qui n'est pas totalement
exclu.

- Mais elle n'est pas ennuyeuse.

- Non. Non, il faut lui
reconnaître ça.

- Alors, vos enfants
vous ont finalement déçue.

- Oui. Et votre mère,

vous l'avez vue
quand la dernière fois?

- Pourquoi?

- Parce que ça m'intéresse de
savoir d'ouù vous venez.

- Oh je ne viens de nulle part.

Vous savez, on m'a trouvé
sous le chapeau d'un champignon.

Je n'étais pas plus grand
qu'une graine

et ce sont des loups
qui m'ont élevé.

Mmm.

- Oh allez, dites-moi
quelque chose.

- Je suis en admiration devant
toute femme qui devient mère.

Le métier le plus difficile
du monde.

- Vous avez lu ça
dans une revue parentale?

- Pardon?

- Vous tombez un peu
dans le cliché:

toutes les mères sont loin
d'être des saintes.

- CÇa, je n'en sais rien.
Je n'en ai eu qu'une.

- Oui, on est tous coincés avec
les cartes qu'on nous distribue.

Parents ou enfants,
c'est pareil.

Au moins, je sais ce que
les miens font dans la vie.

- L'idée ne vous est
jamais venue

que votre fils vous ment
peut-être sur ce qu'il fait?

- Non.
- Mais ça se pourrait?

Peut-être qu'il ne veut pas
vous décevoir.

Il a quelqu'un dans sa vie?
- Oui, une gentille fille.

Tout aussi ennuyeuse.
Elle veut devenir prof,

à l'école primaire.
Ennuyeux plus plus.

- Mais, je croyais
que vous étiez enseignante?

- Peut-être, mais j'enseignais
au secondaire.

L'éducation religieuse.

C'est une autre paire de manches
que de faire faire du coloriage

à des enfants de six ans.
- On dit que l'école primaire,

c'est ce qu'il y a de plus
important.

- Oh, eh bien, on a tort
de dire ça.

Savez-vous quelle proportion
d'élèves du secondaire

pensent que l'éducation
religieuse mérite

qu'on y consacre un peu de temps
et d'attention?

- J'imagine que--
- Oui, voilà! Exactement!

Et moi pendant ce temps,
année après année,

je rabâche les mêmes
vieux trucs,

incapable de m'affranchir
du programme,

par crainte de plaintes
de ma Direction.

On ne se pose jamais
de questions sur la vraie vie,

pour ne pas perdre de temps.
J'abats le travail,

je prépare les élèves à tous
les examens,

pour tout recommencer l'année
suivante, et rabâcher à nouveau.

C'est abrutissant.

Ah.

Je crois que je viens de plomber
l'ambiance.

- Pas sûr qu'on était dans
l'ambiance.

Je suis désolé,
c'était très impoli.

- Non, c'est la vérité.

- Oui, sauf que vous
ne payez pas pour la vérité.

Vous payez pour un fantasme.

- En ce moment, je ne sais pas
trop pour quoi je paie.

- Je peux vous montrer.

- Je n'en doute pas une seconde.

- Qu'est-ce qui pourrait vous
mettre dans l'ambiance? Mm?

Que ferait votre mari pour
vous redonner envie?

- Euh, eh bien, il enlèverait...

tous ses vêtements.

Ensuite il s'allongerait
dans le lit.

Oh, et sans mettre son pyjama.
Surtout pas.

Et à mon tour,
je me déshabillerais,

je mettrais ma chemise de nuit,
et là

j'irais m'allonger près de lui.

Ensuite il me frotterait un peu
les épaules et la poitrine,

avant de me grimper dessus,
de faire ses petites affaires,

de m'embrasser sur la joue,
de se tourner,

mettre son pyjama et s'endormir.

- Et c'est tout?
- C'est tout.

- Toujours?
- Toujours. Pas de dérogation.

Pendant 31 ans.

- Et vous n'avez connu que
cette façon de faire l'amour?

- Exact.

- Wow.

- <« Wow >», ça on peut le dire.

- Pas de sexe oral?
- Bien sûr que non.

- Même pas sur lui?
- Non, il trouvait ça dégradant.

- Pour vous?
- Pour lui.

- D'accord.

Bon et ça devait être pareil,
s'il devait le faire pour vous?

- Oui, il disait que c'était
aussi dégradant pour lui.

- Alors vous n'avez jamais
eu...?

- Non. Jamais rien eu.

Jamais donné.

- Vous en avez envie?

- Oui, bien sûr
que j'en ai envie.

J'en ai vraiment envie.
J'ai toujours fait ce que...

Désolée. Je ne voulais pas
pleurer.

C'est stupide.

Je ne sais pas ouù...

Je crois que...

Une fois il y a longtemps,
quand j'étais adolescente,

mes parents m'avaient emmenée
en vacances en Grèce.

Pour eux,
c'était incontestablement
le voyage de leur vie et

au restaurant de l'hôtel,

il y avait un serveur qui devait
avoir 20 ans.

Et il me couvrait d'un regard.

Il me dévorait
littéralement des yeux.

Et je me rappelle que
je m'étais sentie fondre.

Et une nuit, après son travail,
il s'est attardé dans l'hôtel

et je mourrais de chaud,

alors je suis sortie dans
les jardins,

mes parents avaient rejoint
leur chambre.

Lui était dehors,
il fumait une cigarette, et...

euh, j'étais debout devant
un buisson

rempli de minuscules fleurs
aux pétales roses:

je contemplais la mer.

Et il s'est approché de moi
sans dire un mot,

m'a embrassée dans le cou.

Sa main a glissé sous ma jupe,
et dans ma culotte.

Et je sentais sa main explorer
différentes zones,

et je m'abandonnais,
je me plaquais contre lui.

C'était la première fois
que je ressentais quelque chose

de si langoureux et excitant.

Et là tout coup,
une voiture a démarré.

- Mm.

- La lumière des phares
l'a surpris,

il a sursauté et s'est enfui.

Et le lendemain, on partait.

Et j'aurais aimé
rester un jour de plus.

DEUXIEÈME RENCONTRE

Bonjour.
- Rebonjour.

- Merci.

- Eh bien,
c'est une excellente surprise.

- Ah oui?
C'est la même chambre:

j'ai pris la même,
pour ne pas être déstabilisée

par un nouvel environnement.

- Oh, non, le fait
que vous vouliez me revoir.

- Oh!

- J'en déduis que la dernière
fois a été satisfaisante:

ça me fait bien plaisir.

- Oui, oui, c'est vrai,
j'étais satisfaite.

- Mais?

- Mais?

- On aurait dit qu'il allait
y avoir un <« mais >».

- Non, pas spécialement, non.

J'ai rédigé quelques
commentaires,

et répertorié des objectifs
pour cette séance.

- Ah bien. Je vois.
Bon, d'accord.

- On prend un verre?
- Oui, bonne idée.

- Santé.

Alors, j'ai fait une liste
de choses

que j'aimerais passer en revue.

- Oh ça a l'air excitant.

- Ne vous moquez pas de moi.
Je suis professeur.

Les vieilles habitudes
ont la vie dure.

- Par quoi elle commence,
cette liste?

- Point numéro un:

je pratique une fellation
sur vous.

Numéro deux: vous pratiquez
un cunnilingus sur moi.

Numéro trois: on fait un 69,
si ça s'appelle encore comme ça.

Aucune idée. Quatrième point:
moi qui vous chevauche.

Cinquième:
on essaie la levrette.

- Tout ça me semble réalisable.

- Oh, c'est vrai? Oh, ouf!
Tant mieux,

parce que je n'ai aucun cadre de
référence sur le sujet.

Je suis allée fouiner
sur Internet,

mais franchement,
c'est alarmant. C'est vrai,

si vous tapez <« porno chic >»
sur Google, soudain hop!

Il y a 12 fenêtres d'érections
qui s'ouvrent.

Et aucun préliminaire.
J'ai réservé assez de temps?

- Euh, quoi, vous voulez tout
faire aujourd'hui?

- Oui, si possible.
En fait, c'est que vous...

Vous avez des tarifs élevés
et après cette séance,

je ne sais pas si j'aurai
de quoi m'en payer une autre.

- Oh d'accord. D'accord.
Je comprends. Euh...

Et vous n'auriez pas oublié
quelque chose sur cette liste?

- Comme quoi?

- Je voudrais être certain
que vous serez 100 % satisfaite,

dans la mesure du possible.

- Oh!

Oh! L'orgasme.

Je vois. Oui.
Euh, non.

Il me faut une liste
qu'on pourrait cocher en entier.

Des objectifs réalistes.
C'est le chemin vers le bonheur.

Pas la peine
de demander la lune.

- On parle d'un orgasme,
vous savez?

Pas d'un OEuf Fabergé.
On peut en avoir tous les jours.

Euh, oui.
Bon, vous avez raison.

Tout ça est pertinent.

- J'aimerais juste avoir
un sentiment d'accomplissement.

- Oui.
- Je n'ai pas envie de repartir

avec la frustration
de ne n'avoir rien résolu.

- Je peux voir?

Vous savez quoi?

On va en faire le plus
qu'on peut aujourd'hui.

Je suis sûr qu'on va relever
pas mal de ces défis.

- Bon. C'est bien.

Je suis contente.

- On commence par la fellation?

- Oui, sans doute.

On se débarrasse d'abord
du plus gros.

Euh, je dois me mettre
à genoux?

- Je pourrais grimper
sur une chaise,

mais ça ne se fait pas
comme ça, en général.

- Mm-mm.

- Rien ne vous oblige à faire
quoi que ce soit.

- Non, ça je sais, mais...

Mais je veux être une femme
dans l'air du temps.

Vous réalisez qu'il y a des
nonnes là dehors,

qui ont plus d'expérience
sexuelle que moi.

C'est embarrassant. Dois-je
aller me laver les dents?

- Quoi? Non. Nancy,
essayez juste de vous détendre.

- De me détendre?
Que dois-je détendre exactement?

Il ne serait pas plus rassurant
d'avoir un plan?

Je n'ai pas envie
de me suspendre à un lustre

et de faire des bruits
d'animaux.

- CÇa, j'aimerais voir.

Relâchez cette chose
à l'intérieur de vous

qui vous tient sous emprise.
Vous savez, celle qui vous juge.

Qui vous observe de l'extérieur.

- Seigneur, si j'ouvre
les vannes, tout peut arriver.

C'est la seule chose qui m'aide
à tenir le cap dans la vie,

à être tranquille. Ici?
- Plutôt là.

- Et qu'est-ce que
je suis censée faire?

Me laisser flotter à droite
et à gauche comme une méduse?

En attendant que quelque chose
arrive dans ma vie?

- Non, mais vous--
- Je vous enlève votre ceinture?

Ou vous le faites?
C'est qui, normalement?

- En fait, c'est plus
une question--

- D'accord, je vais le faire,
je vais le faire.

Non, je dois juste faire
une fellation.

Qu'on règle ça une fois
pour toutes!

Ensuite on verra ce qu'on peut
faire dans la liste,

avec le temps
qui nous reste imparti.

- En résumé: deux leçons de sexe
oral à l'emploi du temps.

Ensuite, on voit ouù
on en est dans l'après-midi?

- Tout à fait!

- Et je fais sonner une cloche
à la fin de la séance?

- Une cloche? Il n'y en avait
pas la dernière fois.

Oh! Très amusant.

Oh. Désolée.

Je reviens m'occuper
de tout ça dans une seconde.

Bonjour, chérie. CÇa va?
Oui.

Je n'ai pas beaucoup de temps.
Oui vas-y, je t'écoute.

Oui.

Je comprends très bien,
mais je--

EÉcoute, je peux pas m'occuper
de ça à distance.

Excusez-moi.
- Tout va bien?

- C'était ma fille.
En ce moment, elle fait face

à des complications,
si on peut dire.

- Désolé pour elle.
- Oh c'est pas la première fois,

et ce ne sera sûrement pas
la dernière.

Avant, elle appelait son père
pour ça. Enfin, bref.

Euh, si on commençait
par réviser ce qu'on peut
faire dans la liste?

- Avant l'examen?
- Euh, oui.

- Nancy.

Il n'y a pas d'examen.
C'est comme une danse.

- Dont je ne connais pas
les pas.

- C'est comme une danse
improvisée.

On se laisse aller là
ouù elle nous mène.

Il n'y a pas d'emploi
du temps, pas de cloche.

- Mais je n'ai payé
que pour deux heures.

- Alors, apprécions-les.
Apprécions chaque minute.

- Très bien. Reprenons.

- On commence par la pipe,
ou vous voulez autre chose sur
la liste?

- Non, dans l'ordre:
je crois que c'est mieux.

Oui, c'est bon, je me sens prête
pour la pipe, maintenant.

- Mm-hmm.
- Robert, mon époux, il...

il ne voulait jamais rien
essayer de nouveau.

Pour lui, il fallait
tout planifier.

Même le jour de son enterrement,
j'avais une peur bleue

qu'il se lève et me dise que
je n'avais pas mis

le bon jambon
dans les sandwiches.

Notre relation...

c'était pas vraiment un foyer
ardent de passion

qui s'est éteint lentement.
C'était plus comme...

le tiroir chauffant
d'un vieux fourneau.

- Un quoi?
- Euh, un fourneau.

C'est comme une gazinière,
mais en fonte.

C'est un truc qu'on ne peut pas
éteindre, il ronronne sans arrêt

et en bas, il y a une sorte
de tiroir-réchaud

au fond duquel on peut mettre
des choses.

Quand on veut les garder
bien au chaud.

Comme un bol de compote de
pommes, par exemple.

- Ah, je vois.
- Ah oui?

- Euh, pas vraiment, mais...

je crois que vous voulez
dire que votre mariage a mijoté,

parce que vous l'avez poussé
dans le fond,

et vous l'avez oublié.

- Hmm.
- Mmm.

- De toute façon,
Robert n'est plus là.

C'est de l'histoire ancienne
tout ça.

Et je veux essayer quelque chose
d'entièrement nouveau.

- Voilà, très bien.

- Et je dois faire cette
fellation, alors attention!

Attachez vos ceintures!
Pas vous! Vous, vous l'enlevez!

- D'accord.

CÇa va?

CÇa va, ça va.
EÉcoutez, j'ai une idée.

Vous aimez danser, pas vrai?

- Uniquement quand
personne ne regarde.

- D'accord, bon alors
on va changer d'ambiance.

Je vais mettre de la musique.

Et vous allez danser,
comme si personne ne regardait.

S'il vous plaît, Nancy Stokes.

Accordez-moi cette danse.

♪ Well you come upstairs
but not to talk ♪

♪ You stay a little while then
you do a little walk on home ♪

♪ I hear you downstairs
smoking cigarettes ♪

♪ I hear you talking shit
'Cause you ain't got nothing ♪

♪ To talk about at all

♪ So you took me to the party
and got me to notice ♪

♪ That you wanna feel good

♪ And you feel like
you're gonna explode ♪

♪ Well I don't care,
can't pay attention ♪

♪ And I don't give a damn about
your intentions at all ♪

♪ Well pass me the whiskey,
pass me the gin ♪

♪ Pass me whatever there's
drink left in ♪

♪ Well I don't care if
it's seven in the morning ♪

♪ For all I care it could be
the second coming ♪

♪ Well you say you can't take it
anymore ♪

♪ You can't live like this,
it's a really big deal ♪

♪ Well I don't care,
can't pay attention ♪

♪ And I don't give a fuck about
your intentions at all ♪

- Oh, merde. Oh!

C'est sûrement ma fille
qui rappelle.

Elle appelle toujours deux fois.

Elle oublie systématiquement
une information cruciale

qui l'oblige à rappeler.
- D'accord.

- Je n'ai pas envie de répondre.
- Alors laissez sonner.

- Mais je réponds toujours.

- Même quand vous n'en avez pas
envie?

- Oui, surtout
quand j'en ai pas envie.

- D'accord.
- Et je lui dis quoi?

<« Salut chérie, là je ne peux
pas te parler,

j'ai fait venir un homme
dans une chambre d'hôtel et

je m'efforce de trouver
le courage de lui faire
une fellation.

- Vous n'êtes pas obligée
de dire ça.

Est-ce que je réponds?

Allô, très chre.
Désolé, mais en ce moment,

votre mère a la bouche pleine,
mais--

- Oh, chut!
- Je peux prendre un message,
si vous voulez.

- EÉcoute, chérie, j'ai--

Désolée. Deux minutes.

Oui.

Il a fait ça? Oh, mon dieu.

Hum-hum. Hum-hum.

Oh, je suis désolée.
Bien sûr que je comprends.

Mm-hmm.

Oui.

EÉcoute, chérie,
il faut vraiment que--

Pamela?

Pamela? Mm.
Elle a raccroché.

- Sans rien dire?
Même pas <« au revoir >»?

- Eh bien, soit elle n'a plus
de batterie,

soit elle s'est fait kidnapper.

- Est-ce que c'est grave
ses problèmes?

- Oh il y a une solution,
c'est tout ce qui compte.

- Je vois.

- Matthew s'occupera
des petits enfants.

Là-dessus,
je lui fais confiance.

Si Pamela arrive à rester en
vie, j'en serai déjà heureuse.

- Vous n'avez pas l'air
très heureuse.

- Mais c'est très stressant
d'être parent, vous savez Leo.

C'est un stress
qui ne vous quitte jamais.

C'est comme de presser
le pouce sur un bleu.

Parfois, j'ai l'impression
que mes enfants sont

juste un poids mort que
je traîne.

Si j'avais su, je ne suis pas
sûre que j'en aurai eu.

- Que voulez-vous dire?

- Je veux dire que
si je n'avais pas été mère,

j'aurais pu faire plein
de choses.

- Quoi, par exemple?
- Je ne sais pas.

Traverser le désert à cheval?

Créer une colonie d'artistes
sur une petite île paradisiaque?

Avoir un orgasme?

- Si je vous faisais
un massage,

vous trouveriez ça
condescendant?

- Non.

Non. Pas du tout.

- Vous croyez que vos enfants
le sentent?

Qu'ils vous ont déçue?

- Je n'en sais rien, Leo. CÇa
m'étonnerait.

Ils ont jamais fait
très attention à moi.

Mais vous par exemple,
vous le remarquez, quand
votre mère est déçue?

CÇa vous inquiète de savoir
qu'elle pourrait être déçue,
si elle savait pour vous?

- Oh, mais je ne vois pas
de quoi vous parlez.

Je ne vois pas ce qu'une
plate-forme pétrolière a de
si déshonorant.

- Hm.

- De toute façon,
vous avez encore le temps.

- Oh, vous êtes adorable.
Mais je sais bien que non.

Cette fois, ça y est.

Si je veux avoir une vie,
c'est maintenant ou jamais.

- Pour l'orgasme,
je voulais dire.

Vous allez devoir
abandonner votre rêve

de chevaucher dans le désert.

- Est-ce que vous pourriez
faire quelque chose pour moi?

- Mm-hmm.

- Vous pourriez retirer
votre chemise?

- Bien sûr, d'accord.

- Est-ce que je peux
vous toucher un peu?

Vous êtes tellement...

Je n'aurais jamais cru que je--

Je peux toucher vos épaules?

- Oui.

- Et aussi vos bras?

- Oui.

- Et votre torse?

- Oui.

- Vous pouvez remettre
la chemise.

- Vous voulez que je la remette?

- Oui, si vous voulez bien.

- Je trouvais qu'on progressait
bien, pourtant.

- Je me suis soudain sentie
submergée.

- Par quoi?

- Une espèce de vague de...

- Désir?
- Peut-être.

En fait, désolée,
je ne me sens pas bien.

J'ai un genre d'étourdissement.

- Mettez votre tête entre
vos jambes.

- CÇa va, je vais y aller
doucement.

Je vais juste, je vais--

Restez peut-être à distance
un instant.

Que je reprenne mon souffle.

J'ai besoin d'un verre.

C'est juste que j'ai jamais
touché quelqu'un comme vous,

c'est la première fois.

- Comme moi?
- Vous savez: musclé, bien bâti.

Le genre mannequin.
- Je fais de la musculation.

- Ouais ben ça se voit.

- Je m'entraîne dur.
- Vous n'avez pas l'impression

que c'est un peu superficiel,
non?

- Oui.

Mais mes clientes aiment ça,
vous savez.

Et ça me plaît de me sentir
désiré.

Quand je suis avec vous, et
que vous me regardez comme ça,

ça me fait du bien,
je me sens bien.

- Oh si seulement je pouvais
connaître ça.

- Venez vous mettre près de moi.

- Mmm.

J'ai toujours eu honte de moi.
Toute ma vie.

De mon corps, je veux dire.

- C'est vrai?
- Mm.

Toujours été consciente
du moindre défaut.

Comme les cuisses boudinées,
le gros ventre.

Mes seins me tombent
sur le nombril,

mes bras sont tout flasques.

D'ailleurs à 20 ans,
ils l'étaient déjà.

Et si je m'épilais pas ici,
et là,

en un mois, je trouverais
une place dans un cirque.

Oh, je me suis épilée.

- Il ne faut pas se fier
aux muscles, Nancy.

Moi aussi, il m'arrive
d'avoir honte, parfois.

- C'est assez dur à croire.

- Si je n'avais pas ce physique,

vous ne m'auriez peut-être
pas choisi.

Ou pas désiré.

Je peux déboutonner?

- Oui.

- Est-ce que je peux l'enlever?
- Mm-hmm.

- Mm.

Vous avez un corps
magnifique.

Si seulement
vous pouviez le voir.

- Il y a une chose que j'aime
chez moi, c'est mes mollets.

Ils ne sont pas complètement
affreux.

- Comme disait ma chère mre:

la vanité est une faiblesse,
chérie.

- Apprécier son corps,
le chérir, ce n'est pas
de la vanité.

Mais je connais cette voix
dans votre tête,

cette voix qui vous juge.
Moi aussi, j'en ai une.

CÇa devient fatigant.

Ennuyeux.

- Oh, désolée si je vous ennuie.
- Pas du tout.

Vous ne m'ennuyez pas, Nancy.

- Hm. Leo Grandé,
c'est votre vrai nom?

- Non.

Nancy Stokes,
c'est votre vrai nom?

- Non.

Parfois, je me demande
si ce qu'il vous faudrait
pas à vous,

les jeunes hommes, ce serait pas
une bonne guerre.

- Excusez-moi?

- Vous êtes tous tellement
vigoureux, débordant d'énergie,

à tuer des soldats pour de faux,
dans vos jeux vidéo,

alors qu'au fond de vous,
vous êtes des anxieux

pas très, trs sûrs de vous.

C'est peut-être pour ça
que chaque génération a besoin
d'une bonne guerre.

C'est de l'autorégulation,
ça fait de nous des gentils.

Les hommes de ma génération
n'ont pas eu l'occasion de faire
leurs preuves.

Ce qui fait qu'ils se sentaient
incompétents devant leurs pères.

Et je crois que ça a causé
pas mal de torts.

Et je crains que pour vous, les
jeunes, ce ne soit encore pire.

- Mon frère est dans l'armée.
- Ah? C'est vrai?

Oh, désolée. Je ne voulais pas
insinuer que...

Euh, il est plus jeune
ou plus âgé?

- Plus jeune: il a 24 ans.

- Ah. Dans quel corps d'armée?
- L'artillerie.

- Hm. Les armes lourdes.

Oui c'est vrai,
autant mettre le paquet.

Si je m'engageais dans l'armée,
moi aussi j'irais avec du lourd.

Vous le voyez?
- Pas beaucoup.

- Il vous manque?

- Bien sûr.

Je l'aime beaucoup.

- Et lui, est-ce qu'il...
Il est pas au courant pour euh--

- Non. Non.

Il croit que je travaille
dans le pétrole.

- Ah.

- Mais il n'est peut-être
pas dupe.

- Alors vous n'êtes pas
si proches?

- Je vous ressers un verre?

- Oui.

Merci.

CÇa ira.

- Pas pour moi.

J'ai plus de plaisir
si je n'en prends pas.

Vous voulez
qu'on joue à un jeu?

Un jeu de rôle dans lequel
on pourrait introduire une pipe,

ça aiderait peut-être.

Si on jouait au professeur
et à son élève?

Lors d'un cours
d'éducation religieuse.

Comme le Jardin d'Eden.

La chute de l'Homme.

Venez, madame.

Enseignez-moi le péché originel.

Hm?

Vous savez, madame, je n'ai pas
été sage aujourd'hui.

Vous allez devoir me garder
en retenue après la classe?

Et arrêtez de porter des jupes
aussi courtes, parce que...

j'arrive pas à me concentrer
sur ma Bible.

Et quand vous vous penchez
sur mon bureau,

je vois tout
dans votre chemisier.

Et hier soir,
sous mes couvertures--

- Bon, arrêtez, ça suffit.
- Mais madame--

- Il vaut mieux ne pas
poursuivre sur cette voie.

- Non, je sais--
- Non, non, non! Pause!

Mot d'arrêt, mot d'arrt!
- Quoi?

- J'ai dit: mot d'arrêt!
- On n'en a pas choisi un.

- Euh, je ne pensais pas
qu'on en aurait besoin.

- On s'arrête, pas de problème!
J'ai arrêté, on n'en parle plus.

- C'est que c'est pas mon truc,
ce genre de jeux, d'accord?

Mon dieu.
- D'accord, désolé, j'ai pas
voulu--

- Non, non, non, ce qu'il y a,
je sais, l'impression que
ça donne.

Mais ce n'est pas le but:
je veux pas vous dominer.

Ni vous apprendre quoi
que ce soit.

- C'est seulement un jeu.
- Oui je sais,

mais je veux pas y jouer.
Moi ce que je veux, c'est autre
chose.

Plus comme me sentir jeune
à nouveau.

C'est une sensation que
j'aimerais revivre.

Ce sentiment enivrant
que l'avenir m'appartient.

- Vous voulez à nouveau
avoir 16 ans?

- Non, je ne veux pas revivre
mes 16 ans.

Avoir 16 ans,
quelle abomination!

Je veux juste éprouver toutes
les sensations de cet âge-là.

Cette puissance.

Oh si j'avais su
que j'avais ça en moi!

Tout ça pour rien!

Mais dans mes élèves,

par contre, certaines savaient
bien ce qu'elles faisaient!

Avec la gente masculine.
- Que voulez-vous dire?

- Eh bien j'ai bien essayé
de leur dire, à toutes ces
jeunes filles,

mais elles portaient des jupes
de plus en plus courtes,

plus courtes, plus courtes!
Tellement courtes, qu'à la fin,

on leur voyait les amygdales.

Et vous croyez
que ça les gênait?

- Pourquoi ça les gênerait?

Elles ont le droit de s'habiller
comme elles veulent.

- Les hommes ne savent pas
toujours se retenir, Leo.

Ils ne sont pas tous comme vous.
Certains de mes collègues

étaient comme des agneaux
à l'abattoir, les pauvres.

- Ou peut-être que ce travail
n'était pas pour eux.

Ou encore... peut-être
qu'ils auraient pu réaliser

que ces filles n'étaient pas
pour eux.

- Est-ce qu'il est arrivé
que vous ayez eu des ennuis?

- Quoi, quels ennuis?

- Hmm. Je veux dire: ce n'est
pas illégal de vendre du sexe?

- Non, demander de l'argent
pour baiser, ça c'est illégal.

Et je ne demande pas d'argent
pour baiser, Nancy.

Non, moi je vends de
la compagnie.

Je fournis une conversation
intéressante.

Je sais danser.

Je sais mixer 20 sortes
de cocktails différents.

CÇa ne regarde personne,
si on veut baiser ensuite.

Il n'y a rien d'illégal
là-dedans.

Au fond, c'est comme
les fellations,

c'est agréable d'apprendre
à mieux se connaître.

- Oui.
Je suppose que oui.

- C'est pour ça que
j'ai tendance à conseiller
plusieurs séances.

- Pardon?

- Au final,
c'est plus satisfaisant, non?

J'aimerais avoir plus
de clientes régulières.

- Oh, je vois.
- Quoi?

- Je vois ouù vous voulez
en venir.

- Je veux en venir nulle part.
- Oh, oui voilà, on y est:

la vente forcée. C'est comme
pour les leçons de conduite?

Est-ce que j'en ai 10 pour
le prix de neuf,

si je réserve à l'avance
l'EÉcole du Sexe de Leo Grandé?

Je ne sais pas qui sont
vos autres clientes, Leo,

mais je ne suis pas
une femme riche.
- Non, je sais, mais-

- Alors bon, je pense qu'on
va couper court aux boniments,

avant que ma patience, mon temps
et mon argent

viennent à manquer.
Donc s'il vous plaît,

Leo Grandé,
ou quel que soit votre nom,

donnez-moi ma foutue fellation,

qu'on puisse rentrer
chez nous après.

- Voulez-vous que je m'assoie
au bout du lit?

Vous vous mettrez à genoux sur
un coussin devant moi.

CÇa vous irait?
- D'accord, si c'est optimal.

Est-ce que je dois...

Je dois le faire sortir?

- Mais oui.

- Oh, c'est pathétique.
Je suis pathétique!

Cette liste,
c'était stupide comme idée!

- Vous savez, vous n'êtes rien
obligée de faire, rien du tout.

- J'ai peur.
C'est ça, la vérité.

- Peur de quoi?

- Hm... que j'aime pas ça.
Et vous non plus et--

- Vous aimerez peut-être
pas ça,

mais on peut essayer,
voir ce que ça donne.

CÇa ne peut pas faire de mal.

Sauf si vous me la tranchez
d'un coup de dents.

Auquel cas, je ne pense pas que
j'aimerais beaucoup ça.

Nancy, chaque personne
a des besoins différents.

Peut-être que vous voulez
juste discuter?

J'ai une cliente régulière,
ce qu'elle aime,

c'est qu'on se tienne
par la main

et qu'on regarde
la télévision ensemble.

Mais qu'il n'y ait pas
de malentendu:

j'ai une autre cliente qui aime
que j'entre sans dire un mot,

que je lui fasse vite l'amour,
en silence,

sans faire de bruit et
que je m'éclipse.

- Hmm.

- En fait, je l'aime bien
cette femme,

parce que ça ne dure
que 10 minutes,

mais elle me paie pour
l'heure entière.

Il y a aussi un gars qui veut

que j'enfile un déguisement
de chat,

que je l'ignore pendant
une heure, et que je parte.

- Euh quoi, pas de sexe?
- Non.

- Ah.

Je crois que vous feriez
un très bon chat,

si je peux me permettre.

- Merci.

Ce que j'essaie de dire, c'est
que je ne juge pas mes clientes.

Vous savez?

Sauf celles qui sont
de sales petites garces.

Et vous, vous n'avez rien
d'une sale petite garce.

- CÇa fait toujours plaisir
à entendre.

- J'ai une cliente
paralysée des jambes.

Je lui donne le bain.

Mais ce qui lui plaît,

c'est que je lui dise
des cochonneries en le faisant.

Ensuite, j'entre dans l'eau
avec elle.

C'est ce qui lui plaît.

- Hm.

- Chaque personne a
des besoins différents.

- Vous êtes une sorte de saint:
Leo, l'apôtre du sexe.

EÊtes-vous réel?

- Oh, non, elle,
elle me plaît bien.

C'est torride.

Et je suis impatient d'y aller.

C'est tout ce qu'elle désire.

- Vous en parlez comme si ça
devait être accessible à tous,

un peu comme
un service municipal.

- Mm. Vous imaginez? Ce serait
un peu moins le merdier.

- Tant qu'ils n'augmentent pas
les tarifs.

Les gens s'en plaignent déjà
suffisamment.

- Ils ramasseront toujours
les poubelles.

Mais c'est différent
pour les femmes dans votre
secteur d'activités:

c'est plus dangereux, non?
- Oui, parfois.

Moi, je me suis déjà fait
insulter et je me suis aussi
pris quelques coups.

- Oh, mon dieu.

- Oh voyons, Nancy.

Vous savez ce genre de choses.

- Eh bien, je posais exactement
cette question

dans les dissertations de
mon cours d'éthique:

<« Doit-on légaliser
le travail du sexe? >»

Année après année,
je recevais 30 copies

qui étaient identiques
en tous points.

- Et ça disait quoi?
- Euh, ça disait

que <« ça pouvait se discuter
d'un point de vue moral,

mais que la légalisation
de la prostitution

offrait une meilleure protection
aux travailleuses du sexe

et mettait fin au trafic
d'êtres humains >».

- On dirait du Wikipédia.
- C'est du Wikipédia.

Ils recopiaient tout,
mot pour mot. Chaque année.

Excepté un petit comique:
Lucas White,

lui, il avait écrit, euh:
<« Légalisons le travail du sexe,

afin que votre mère pait des
impôts sur ce qu'elle gagne >».

Ce qui me soulageait
des autres platitudes,
il faut bien avouer.

Oh.

- Je crois que...

c'est un débat qui va bien
plus loin que ça.

Imaginez l'avancée,
en termes de...

de civilisation, si ça devenait
accessible à tous.

Pas de jugement
ni de honte associés.

Vous voulez du sexe et vous êtes
frustré d'en être privé.

Peu importe la raison: que
vous soyez souffrant, timide,

encore en deuil,
ou avec un handicap physique:

il vous suffirait d'engager
une personne comme moi.

Ce serait réglementé
et sécuritaire.

Pour vous. Pour moi.

Tout le monde y gagnerait.

Et je rends service,
ou je donne du plaisir.

Encore mieux.

C'est... Beaucoup de gens aiment
la confidentialité.

C'est ce qui les excite.

Ou bien ils veulent
juste vivre leurs fantasmes.

Et c'est tout à fait correct.

Mais en ce qui me concerne,

j'aime la réalité et c'est ça
mon travail, finalement.

Alors...

Ce qui me plaît surtout,
Nancy,

c'est de contempler le visage
de quelqu'un

au moment ouù il ressent
du plaisir.

L'instant ouù la femme
se relâche, ouù elle succombe.

Et juste après, quand
enfin le corps s'abandonne.

Et cette chaleur,
cette sensation.

Quand tout en nous se dénoue.

C'est si...

C'est juste incroyable.

- Vous aimez ça.

Merci de m'avoir parlé
de ça, Leo.

Et pas seulement parce que
c'était...

très intéressant et
enrichissant.

Mais aussi parce que...
Je peux?

- Lancez-vous.

TROISIEÈME RENCONTRE

- CÇa me surprend.

- En bien, j'espère?
- Oui, très bonne surprise.

Au début, j'étais pas
très sûre de si ça allait
me plaire ou non,

mais c'est comme nager dans
une mer chaude.

Je me suis peut-être
même assoupie un instant.

Désolée.
- Aucun problème.

Mais toujours pas de...

- Non, pas d'orgasme, non.

Je me demande quelle sorte
de bruits je ferais.

Apparemment, en se basant sur
comment on éternue,

on a une idée du bruit
qu'on fait lors d'un orgasme.

- Vraiment?
- Oui.

Ma mère éternue trs bruyamment.

D'autres font
un peu comme les chats.

Le genre...

Et je n'arrive pas
à me défaire de l'idée

qu'ils ont sûrement un orgasme
semblable à ceux des chats.

En supposant que les chats
arrivent à l'orgasme.

Je n'en sais rien: ils en ont?

Personne n'en sait rien,
au fond.

- Comment vous simuliez?

Avec votre mari.
Vous faisiez quels bruits?

- Oh, comment je...
Oui. Une minute.

CÇa va me revenir.
Attendez que je réfléchisse.

Eh.

- C'était très convaincant.
- Enfin bref.

Encore une case cochée dans
la liste des dernières volontés.

- Ou une chatte léchée dans
la liste des dernières voluptés.

- Oui. Et je suis vraiment
très contente.

Vous avez été extraordinaire.
Tout le long de ces rencontres,
vous savez?

J'espère que vous le savez.
On devrait vous le dire.

- Merci.
C'est toujours agréable.

- C'est vraiment un don
mystérieux que vous possédez.

- CÇa n'a rien de mystérieux.

Il suffit de faire
un petit effort.

Et je vous apprécie.
Alors c'est facile.

- Voilà! L, vous voyez?

Vous trouvez toujours
le mot juste,

le meilleur moment
pour y aller.

- On apprend à cerner
les gens.

- Mm. Moi, je crois pas que
j'en sois capable.

- Pour ça, il faut d'abord
le vouloir.

- Oui.

Je ne pense pas que
je le veuille suffisamment

pour faire l'effort nécessaire.

- J'essaie juste d'être
à l'écoute.

- Mais et vous, alors?

Quelqu'un vous prête
une oreille attentive, à vous?

Vous avez quelqu'un?

- Quelqu'un?

- Oui, quelqu'un de spécial,
quelqu'un en particulier.

- Quoi, en dehors de vous?
- Oh, arrêtez.

Je parle d'une amoureuse, ou
d'un amoureux. Ou, vous savez,

un de ces arrangements
purement sexuels à la mode.

- Nancy.
- Leo.

- Il faut que vous profitiez
de ce moment,

dans cette chambre,
maintenant.

Pensez uniquement à vous.
Oubliez tout le reste.

C'est ça, l'idée.

- Oui, mais qui êtes-vous,
là tout au fond?

Qui êtes-vous au-dehors?
C'est ça qui m'intéresse.

Maintenant que j'ai fait de
nouveau appel à vos services.

- Et j'en suis très content.
- Moi également,

mais ça pourrait devenir
plus personnel, désormais.

Si on s'achemine vers
quelque chose de périodique.

- Je croyais que ça vous
plaisait, ce que je faisais.

- Oh, Jésus, Marie, Joseph,
croyez-moi, ça me plaît.

Mon corps
n'est plus cette carcasse

que je traîne péniblement
depuis 30 ans.

Non, c'est maintenant
un sujet d'émerveillement,

le théâtre de tous les délices,
comme vous dites.

- J'ai dit ça moi?

- Mmm. Peut-être pas, non.

Mais si on parlait de toi?
Du vrai Leo.

- Je suis celui que tu veux,
tout ce qui te plaira,

ici, au moment présent.

- Mm. Peut-être que j'aimerais
savoir qui tu es

quand tu n'es pas avec moi?

Quand je ne suis pas là.

J'ai le droit, non?

- Nancy, j'espère t'avoir offert
ce que j'avais promis.

- Tu disais qu'on devait
apprendre à se connaître.

- Nancy.

- Alors tu ne vas rien me dire?

- Hé, t'as déjà songé utiliser
des jouets sexuels?

Tu sais, j'en ai apportés
avec moi:

parfois les gens trouvent--
- Attends, alors dans ce cas-là,

il faut absolument que
je te dise quelque chose.

- Ah oui?
- Oui.

- Vas-y, je t'écoute.
- Puisque tu ne veux rien
me dire,

que tu ne veux pas
prendre l'initiative...

Au cours de mes longues nuits
solitaires,

il est arrivé que la curiosité
soit trop forte.

- Trop forte?
- Oui. CÇa arrive.

Et je sais qui tu es.

- Pardon?
- Je sais qui tu es.

Quelle est ta véritable
identité.

- Je ne vois pas ce que
tu veux dire. Je suis moi: Leo.

- Non, je parle de ton nom.
Ton vrai nom. Je l'ai trouvé.

J'ai voulu te le dire,
tout à l'heure, mais...

- Mais?
- Mais je me suis dit que
ce serait mieux de...

- De commencer par baiser?

- Alors voilà: de mon côté,
j'ai mené ma petite enquête.

Tu sais, sur mes relevés
de carte de crédit,

il y a le nom d'une entreprise
liée à ton site Internet.

Et en allant sur le site de
cette entreprise,

j'ai trouvé
le nom de son directeur.

C'est comme ça
que j'ai trouvé ton nom.

Ton vrai nom.

- Attends.

Attends...
mais qu'est-ce qu'il y a?

Euh... Je vais te dire
mon vrai nom,

si tu veux.
Je m'en fiche.

- Non merci,
ça ne m'intéresse pas.

- Enfin quoi,
c'est pas si grave?

Je peux bien
le connaître, non?

Maintenant... ce n'est pas
comme si on était des inconnus.

- Je t'avais demandé de
ne pas dépasser mes limites.

Tu n'as pas respecté ça,
alors je m'en vais.

Et s'il te plaît, ne prends plus
de réservations.

- Oh, allons, voyons!

Je t'en prie,
ce n'est pas si grave.

Je-- Oublie que
je t'en ai parlé, d'accord?

- Non.

- Je peux continuer
à t'appeler Leo.

- Tu ne m'appelleras
ni Leo ni rien,

parce que je ne serai plus là.

- D'accord, Connor.

- Ne prononce pas ce nom.

Je m'appelle Leo Grandé.

Tu as demandé Leo Grandé.
Et tu as eu Leo Grandé.

Autant que j'ai pu
le constater,

d'après les soupirs et
les gémissements,

tu n'as pas eu à te plaindre de
Leo Grandé, j'ai raison?

- Oui.
- Bon, là-dessus,
on est d'accord.

- Mais--
- Leo Grandé, c'est moi.

Je l'ai créé, et je suis fier
de l'homme qu'il est.

Et pendant qu'on y est,
Nancy Stokes, si je voulais,

il me serait facile de trouver
qui tu es toi aussi.

Comment réagiraient les gens,
s'ils apprenaient

que leur ancienne
prof d'éducation religieuse

embauchait de jeunes hommes pour
se faire lécher le minou

dans une chambre d'hôtel?
- Oh.

- Quoi? C'est un peu trop
cru pour toi?

Parce que c'est ce qu'on vient
de faire, alors ça va,

joue pas les Saintes-Nitouches.
- J'étais loin d'imaginer

que tu réagirais ainsi.
- Quoi?

- Oui, j'ai cru que
ça te ferait plaisir.

- Plaisir?!

- J'ai cru qu'on avait bâti
une vraie relation de confiance.

Je m'apprêtais mme
à te dire qui je suis.

Je pensais qu'on pourrait
peut-être prolonger ça

en dehors de cette chambre.
Prendre un café, ou un verre,

je sais pas moi.
Pourquoi on ne pourrait pas?

Pourquoi on ne peut pas
être amis?

Pourquoi?
AÀ cause de mon âge?

Nous, les vieilles,
on n'a pas le droit de prendre
part à la vraie vie?

Tant qu'on est dans notre coin,
bien tranquille,

oh jusqu'à ce que vous ayez
besoin d'argent.

Là, vous refaites surface--
- EÉcoute,

je sais que c'est l'impression
que te donnent tes enfants,

mais je t'ai jamais
traitée de cette façon,

je ne t'ai jamais
considérée comme--

- Je croyais que t'étais fier
de ton travail.

Pourquoi t'en as honte?
- Mais non, j'en ai pas honte.

- Pourtant, tu mens. Tu n'oses
pas dire ce que tu fais

ni ce que tu es. Même à ceux
qui comptent le plus pour toi.

- C'est du délire.
Tu es folle et en plein délire.

- Si t'en es fier, pourquoi
ne pas dire la vérité à ta mère?

Puisque t'en as pas honte?
- Il y a un mot pour ça:

ça s'appelle
du cyberharcèlement.

Et c'est un truc de cinglé.

De cinglés tristes
et désespérés comme toi.

- Oh, excuse-moi d'avoir eu
l'horrible audace

d'enquêter sur l'identité
de l'homme

avec qui je m'envoie en l'air
depuis un mois.

Pourquoi tu me donnes pas
d'autres détails de ta vie

sur la plate-forme pétrolière?

Pourquoi me mentir à moi sur
l'homme que tu es?

- Je ne t'ai pas menti!
D'accord, Nancy?

Leo, c'est mon nom
professionnel.

Je fournis un service.
Du fantasme.

Et je te l'ai dit très
clairement.

- Mais tout ce que tu m'as dit
sur le fait que pour toi,

c'était une vocation.
C'était des histoires?

- Non.
- Elle serait fière de toi.

Je suis sûre qu'elle le serait.

- Pourquoi est-ce qu'on parle
de ma mère?

- Je pourrais
lui en toucher un mot.

J'ai toujours très bien su
parler aux parents.

Je saurais lui expliquer,
trouver les mots pour qu'elle
comprenne.

- Non, merci.

- Je pense que c'est important.
Laisse-moi faire.

- Je ne veux pas
que tu te mêles de ça.

- Laisse-moi essayer. Je pense
que ça ne peut t'apporter

que du bon.
Pour toi, dans ta vie.

- Personne n'ira expliquer
quoi que ce soit à ma mère,

parce qu'en ce qui la concerne,
je suis mort.

- Euh, pardon? Quoi? Quoi?
- Oui.

C'est ce qu'elle dit
à tout le monde.

Voilà.

Tu te sens sexy,
maintenant?

Tu as l'impression que
tu en as pour ton argent?

Non. C'est ce que je pensais.

EÉcoute, Nancy,
je suis vraiment désolé

que ton fils soit ennuyeux
à mourir,

et que ta fille ait une vie bien
plus excitante que la tienne.

Tu as traité tes enfants
de <« poids mort >»,

alors arrêtons
de faire semblant, hein?

On ne va pas te décerner
la médaille de la meilleure mère
de l'année, pas vrai?

- Mais pourquoi elle voudrait
te voir mort?

Pourquoi?
Qu'est-ce que tu lui as fait?

- Va te faire foutre, Nancy.

- Voilà, j'arrive.

- Ne me parle pas.
Je...

J'ai oublié mon téléphone.

Merde!

Ah, merde.

Merde.

Merde!

- Leo, s'il te plaît.

S'il te plaît.
- Merde!

Tu veux savoir si ma mère serait
fière de moi?

Elle m'a renié.

Et elle m'a laissé
me débrouiller tout seul.

- Quel âge avais-tu?

- J'avais 15 ans.

- Pourquoi?
Pourquoi elle t'a renié, Leo?

Tu avais fait quoi pour ça?
- Ce que j'ai fait pour ça?

Ce que j'ai fait pour ça?

Je l'ai juste-- Je l'ai
simplement affreusement déçue.

- Allô?

Non.

Oui, non, non, non, non,
tout va bien. C'est mon ami,

il est euh, tombé et
s'est fait mal au genou.

Non, absolument.
Bien sûr, on va faire attention.

Oui, oui, désolée. Merci.
Au revoir.

- Tu sais,
ma mère était comme toi.

Elle faisait tout comme
il fallait.

Nourriture sur la table,
linge propre dans les tiroirs,
tout ça.

Mais...

je crois qu'elle n'a jamais,
jamais fait attention à moi.

Ou elle n'a pas aimé
ce qu'elle voyait.

Elle a essayé de cacher
sa répulsion,

mais je pouvais la sentir...

vibrer à travers
les murs.

Je n'étais tout simplement
pas ce qu'elle voulait,

ce qu'elle avait imaginé.

- Je suis désolée.
- Ouais bon, maintenant,
arrête de me juger.

De juger ma vie,
mon travail.

Tu te fiches pas mal de
ce qu'est ma vie, réellement.

Tu recherchais quelque chose...

d'exotique.

Une petite pute écorchée.

Et je suppose
que tu l'as trouvé.

Félicitations.

Je vais y aller,
maintenant, Nancy.

Je te rembourserai
le temps en trop.

QUATRIEÈME RENCONTRE

- Quelque chose à boire?

- Non, j'attends quelqu'un,
on commandera ensemble.

- D'accord.

- Quelque chose à boire?
- J'ai dit non, merc--

Oh désolée. Je vous ai prise
pour votre collègue.

Euh, j'attends quelqu'un,
on commandera ensemble.

- Quelque chose en attendant?
- Non merci, ça ira.

- Quelque chose à--
- Non, merci!

Désolée, merci, mais non.

Je pense que je vais attendre,
je préfère attendre mon ami.

- Oh! Je vous ai eue comme prof.

- Euh, pardon?
- Oui.

Madame Robinson. Religion.

- Oh, s'il vous plaît,
parlez moins fort.

- Que faites-vous ici?

- Euh, là, eh bien, j'ai un ami
qui doit venir. Oui.

On apprécie beaucoup
le parking, ici.

- J'avoue qu'il est bien mieux
que le café.

- Oh.

- Je suis Becky Foster.
Vous vous rappelez de moi?

- Euh non, en fait non.
Curieusement, non. Désolée.

- Oui, c'était quand
j'avais 13 ans.

- Ah oui? Je n'ai pas
dû être une très bonne prof
avec vous, alors?

- Pourquoi ça?
- Parce que vous travaillez ici.

- Bonjour.
- Oh!

Euh... je l'ai pas entendu
arriver.

- C'est lui, votre ami?

- Euh, oui, en fait, il...

Alors...
- J'ai mis une annonce
pour ma voiture.

Euh, et cette charmante dame
est intéressée.

On a pensé que c'était
l'endroit idéal pour discuter
de la voiture.

- Mm-hmm. AÀ cause du parking.
Je l'aime beaucoup.

- J'avoue qu'il est bien mieux
que le café.

- Apportez-nous deux cafés
quand même.

On va prendre le risque.
Merci.

- Ah.

- On s'assoit?

- Oui.

- Tu es venu.

- T'as réservé.

- Je pensais que
tu ne viendrais pas.

- Moi non plus,
j'étais pas sûr de venir.

Mais cette fois au moins,
les choses sont claires.

- En tous cas,
je suis bien contente

que tu sois venu quand même.
Juste pour discuter.

Très bien. Merci.

- Merci.

- C'est quelque chose d'assez
incroyable,

l'épanouissement sexuel.

C'est vrai, on se sent--
Enfin je parle pour moi:

je me sens invincible.

J'imaginais pas ça.

J'aurais aimé le ressentir plus
tôt, quand j'étais plus jeune.

Au moins, j'aurais corrigé
certaines choses.

- Mieux vaut tard que jamais.
- Oui, oui.

Au cours du dernier mois,
je me suis sentie plus épanouie,

et vivante, que je ne l'ai
jamais été dans ma vie.

Je vois presque tous mes amis
se déliter avec le temps,

se rabougrir année après année,
et je pense que tu as raison,

ça devrait être
un service public offert à tous.

- J'ai vu que tu avais parlé
de moi à tes amies.

- Oui, j'ai fait
quelques recommandations

pour l'illustre Leo Grandé.

Je t'ai décrit comme
le Maître de la Ménopause.

- Je vais mettre ça
sur mes cartes d'affaires.

- J'ai fait preuve de
la plus grande discrétion.

Je n'en ai parlé qu'à celles qui
en ont un réel besoin.

De toi. Besoin de toi.

- Merci, j'apprécie.

- Mmm.

Euh, Leo, mon nom, c'est...

mon véritable nom,
c'est Susan Robinson.

C'est terriblement ennuyeux,
comme nom.

- Misses Robinson.
Comme la chanson.

- Je n'ai jamais rien fait
d'intéressant

ni de remarquable,
aussi loin que je me souvienne.

C'est ainsi. J'ai toujours
obéi aux règles,

je suis toujours rentrée
dans le rang.

Jamais bu trop d'alcool.

Jamais éclipsé mon époux
dans les soirées.

C'est toujours moi qui
conduisais au retour de fêtes.

J'ai mangé mes cinq fruits
et légumes par jour,

même avant que ce soit
à la mode.

Et je réponds toujours, toujours
à mon téléphone

quand il sonne.

Tu es la seule aventure que
j'ai jamais tentée.

La seule liberté que
j'ai prise.

Et j'avais envie que ce soit
authentique.

Je n'ai pas réfléchi,
j'ai été impulsive.

J'étais folle de...

prise d'une sorte de fièvre,

le désir, peut-être?
Je ne sais pas.

CÇa m'a fait perdre la raison.

Je n'ai jamais,
jamais fait de...

Je suis désolée, Leo.

Je suis désolée.

- C'est tout?
- Hmm. C'est tout, oui.

Je voulais juste te voir.
Vérifier que tu allais bien.

Te révéler tout ce que
tu as fait pour moi.

Te remercier avant
qu'on se dise au revoir.

- Est-ce que ça va,
madame Robinson?

- Oui, euh, merci. Justement,
on se prépare à partir.

- Madame Robinson
a été ma prof de religion.

- Ah oui?
- Merci, Becky.

- Oui.
- Elle était bien comme
professeur?

- Pas trop mal.
Un peu coincée.

Mais il y avait bien
pire qu'elle.

- Hum-hum?
- Ouais.

Oh il y a quand même eu
un truc assez désagréable.

- Merci, Becky, pour
ces remarques élogieuses.

- Un jour, elle avait
réuni toutes les filles
pour leur parler.

- Becky.
- Non, non, continuez.

- Et elle nous a toutes traitées
de traînées.

- CÇa s'est pas tout à fait passé
comme ça, Becky.

- Mais oui! Elle disait qu'on
devait avoir l'air respectable,

nous les filles, sinon
on risquait de tenter les hommes

et de s'attirer des ennuis. Que
si on avait l'air de traînées,

ne pas s'étonner
qu'on nous traite comme ça.

- Non, c'était à cause
de la longueur de leur jupe:

elles avaient raccourci de façon
incontrôlable.

- Elle disait que si on passait
autant de temps à étudier

qu'à s'occuper
de nos coiffures,

on aurait de bien meilleurs
résultats.

- Oui, en tous cas là-dessus,
je persiste et signe!

J'ai pas changé.
- La concupiscence.

Tiens ça,
j'avais presque oublié!

Elle aimait nous le faire
répéter.

Elle, euh, disait que
c'était plaisant à l'oreille.

D'ailleurs, je trouve aussi.
- Je suis ravie de l'apprendre.

C'est un mot intéressant.
- Et ça veut dire quoi?

Vif désir
des plaisirs sensuels.

- Ah. Wow!
CÇa, c'est parlé.

- Saint Augustin d'Hippone
a forgé ce mot dans sa doctrine
du péché originel.

Il pensait que c'était la base
de toute souffrance

et de tous nos péchés. Becky,
on peut payer, maintenant?

- Non, moi je ne souscris pas
à sa théorie,

parce que ça n'a pas de
concupi-sens.

Pas le moindre.

- Le mot le plus long que
je connaisse.

- La note, s'il vous plaît,
Becky.

C'est mon legs.

En tant qu'éducatrice.

- Concupiscence.

Mot intéressant.

Je ne connaissais pas.
- Oh je suis contente

de te faire découvrir
un nouveau mot.

J'espérais bien en trouver un.

- Tu sais, je...

je l'ai dit à mon frère.
Ce que je fais.

- Et comment a-t-il réagi?

- Il était surpris
que j'en parle ouvertement.

Mais euh, il avait deviné
que je me faisais de l'argent
avec un truc du genre.

Il m'a dit qu'il s'en doutait.

Et il n'a jamais cru
à mes histoires de pétrole.

Il dit que maman ne parle
jamais de moi.

Elle n'évoque jamais ce qu'elle
a vu ou ce qui s'est passé.

C'était un peu violent
pour ma mère.

CÇa a été dur à encaisser.

CÇa s'est passé un samedi soir,
à la maison.

Je la croyais partie
jusqu'au dimanche soir.

Euh, sauf que non.

Euh...

J'avais invité des amis pour
la soirée après les examens.

On a mis de la musique,
on a bu du vin.

Et soudain, elle a débarqué
avec un voisin,

et nous a surpris,
moi et mes amis.

On formait une...

une masse de corps
entremêlés,

il se passait toutes sortes
de choses.

Euh...

On explorait nos corps.

J'oublierai
jamais son visage.

On y lisait l'humiliation.

Une immense honte.

On a essayé de se réconcilier
pendant des semaines, mais...

elle était submergée par
le dégoût, et j'ai d partir.

Elle a dit que...

qu'elle était contente que
je fiche le camp,

qu'elle ne prononcerait
jamais plus mon nom.

Après que je sois parti,
elle disait à tout le monde

que son fils était mort
ce jour-là.

- Oh!

Mais je suis sûre que le temps
panse les blessures.

- Les blessures? Oui.

Non, Nancy, elle ne reviendra
pas là-dessus.

Il y a deux ans, je l'ai même
aperçue dans la rue,

elle a fait comme si
elle ne me voyait pas.

Oui. Glaciale.

Toi, tu ferais ça à ton fils?

- Oh, mais lui,
on le remarque tellement pas

que je ne le verrais même pas.

Je devrais peut-être arrter
d'en parler comme ça.

- Oui, ce serait une bonne idée.

- Oui, c'est un gentil garçon,

et j'ai vraiment
de la chance de l'avoir.

Non, elle a eu tort,
ta mère.

Il n'y a rien qui soit...

dégoûtant ou décevant
chez toi, Leo.

Merci, Becky.

Becky, vous avez un moment?

Becky, j'aimerais
vous présenter des excuses.

- Quoi?

- Oui, je vous dois
des excuses,

pour vous avoir traitée de
traînée. J'avais tort.

Je n'aurais pas dû employer
ce mot ni même le penser

devant un groupe de
jeunes filles impressionnables.

Je croyais bien faire,
j'en étais persuadée.

Je... voulais simplement
vous protéger.

Mais aujourd'hui...

Mais aujourd'hui--

Becky, je suis pas là
pour acheter sa voiture.

- D'accord.

- Il s'appelle Leo Grandé
et c'est un...

Il est venu pour...

- Je suis un travailleur
du sexe.

- Oui. Oui.

Et nous nous sommes rencontrés
régulièrement

pour le sexe,
pendant quelques semaines.

- Exact.
- Oui, voilà, c'est ça.

Et, euh, je le recommande
vivement.

Parce que, indépendamment
du reste,

c'est un véritable prodige
avec sa langue.

Et Becky, peut-être
que vous le savez déjà,

et j'espère
que c'est le cas,

mais le plaisir est
une chose extraordinaire.

Dont on devrait tous pouvoir
bénéficier.

Euh, Becky,
maintenant excusez-nous.

J'ai réservé
une chambre là-haut

et Leo et moi ferions
mieux d'y aller,

si on veut pouvoir caser
une séance dans le temps qui
nous reste.

Parce qu'il y a deux-trois
choses que j'aimerais essayer.

- Content d'avoir fait
votre connaissance, Becky.

Et qui sait, j'espère
qu'on se croisera à nouveau,
un de ces jours.

- Gardez la monnaie.

- Enlevez tout, madame Stokes.

- Non, j'arrive pas à garder
l'équilibre comme ça.

- D'accord.

Alors, c'est bon?
- Arrête de demander.

- D'accord.
- Tu fais une fixation.

Sérieusement,
tu devrais abandonner.

- Je sais, je sais, c'est juste
que...

Pas de pression, bien sûr,
mais je garde espoir.

- Peut-être que toutes
les autres, elles simulent.

Tu as déjà pensé ça?

- Ah!

Non.

- Je plaisantais.

- Bon, on essaie
une dernière fois.

Juste pour voir?

- Oh seigneur, d'accord.
Si tu y tiens.

- Ferme les yeux.

Attends. J'ai apporté avec moi
quelque chose

que tu voudras peut-être
essayer.

- Oh, tu sais quoi?

Leo, je ne crois pas que
je vais pouvoir.

Je crois pas...

Je crois que
je ne peux plus, là.

- Ouù est-ce que je l'ai mis,
ce petit vibrateur?

D'habitude,
c'est efficace.

- Ah!

Ah!

- Ah. Ah, le voilà.

- Mm.
- C'était...

- Leo, ce serait mieux
de ne plus se revoir après
aujourd'hui.

- Je suis content
que tu m'aies appelé.

- Et moi, contente que tu sois
venu. Ce fut un plaisir.

- Tout le plaisir était
pour toi.

Pas vrai?

- Je suis une cliente
très satisfaite:

pas de doute à ce sujet.

Et je vais cocher le grand
sourire vert

sur ta page de commentaires.

- D'accord.

- Et voilà.

- Oui.

- Eh bien au revoir,
Leo Grandé.

Et bonne chance à toi.

Bonne chance pour la suite.

- Prends soin de toi,
Nancy.

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