All language subtitles for 1988.Quelques jours avec moi (fr)

[musique féérique]

[musique rythmée]

Les trois premiers mois,
il n'a pas ouvert la bouche.

Personne n'a entendu le son de sa voix.

Il y a eu des monosyllabes : "oui", "non".

"Merci", "bonjour".

Et voilà que depuis quinze jours,
nous avons des conversations.

Mais alors, docteur, il est guéri ?

Encore faudrait-il qu'il ait été malade.

Je veux dire, dans le sens
où vous pouvez l'entendre.

Mais il faut bien qu'il sorte un jour.

C'est mon fils, j'ai besoin de lui.

Bien sûr, mais c'est à lui
d'en déterminer la date.

[elle soupire] Ce n'est pas facile,

seule à la tête de cette affaire.

Quand il le veut,
Martial peut être très efficace.

Il a le goût des chiffres.

Je dirais plutôt le goût des nombres.

Pour lui, tout est signe, tout est code.

J'ai cru un moment que le mariage
allait le sortir de lui-même…

[elle soupire]

Mais très vite, il s'en est désintéressé.

Peut-être était-ce de ma faute.

J'aimais beaucoup Lucie,

en dehors de ce qu'elle apportait
financièrement à notre affaire.

Mais ça compte aussi, n'est-ce pas ?

À ce propos, docteur…

Au bout d'un an, elle a eu une liaison.

Que Martial a encouragé ?

Oui.

En quelque sorte, c'était un soulagement.

- [musique calme]
- [docteur] Mme Pasquier !

Paul ?

Elle est bien, cette robe.

- Je la connaissais pas.
- Mais si, tu l'as vue.

Je me demande quand même si tu n'aurais
pas dû aller le chercher, toi.

C'est elle qui n'a pas voulu.

[Paul] Je me suis occupé du vin,
j'ai pris un Château Margaux

et un Léoville Barton,
tous les deux de la même année.

- Tu as bonne mine, finalement.
- Oui.

Ah, tu vas trouver du changement.

Lucie a fait refaire son nez.

Ah… Elle en est contente ?

Elle, oui.

Et Paul ?

Paul ? Oh…

Il est comme moi,
il voit pas une grande différence.

On est heureux de vous revoir, monsieur.

[Martial] Moi aussi, Albert.

- Comment le trouves-tu ?
- [Martial] Excellent.

- Rien à dire.
- J'en ai fait entrer trois caisses.

[Martial] Bonne idée.

Nous avons déjeuné tôt parce que nous
avons un conseil d'administration à 14 h.

- Martial, ça t'ennuierait d'y venir ?
- Pas du tout.

Au contraire,

Mais je ne vois pas Félix.

Je te l'ai pas dit : il est mort.

[Martial] Mais il avait quel âge ?

Douze ans et huit mois.

C'est pas mal pour un chat.

Surtout qu'il faut
multiplier par cinq, non ?

Ah non, désolé. Cinq, c'est pour
les chiens, trois pour les chevaux,

pour les chats, c'est sept.

Il avait donc, disons,
treize multiplié par sept…

[Martial] 91.

91 ans ! [il rit]

En effet, c'est pas mal.

Dis-moi, Paul, comment ça va avec Lucie ?

- Bien.
- Comment ça, "bien" ?

Bien, très bien, assez bien, excellent ?

Je ne te cache pas qu'après ton départ,

on a eu un petit moment de flottement.

Et après ?

Après, je te l'ai dit : très bien.

[Paul] Enfin, avec des hauts
et des bas, bien sûr.

Tu connais Lucie.

Tu n'as pas compris,
je veux dire physiquement.

Au lit. Le coït !

- Là, tu me gênes.
- Ne sois pas bête.

Je peux te dire que de mon côté…

Il ne s'agit pas de toi,
mais de vous deux.

L'intensité, la fréquence, la plénitude.

Écoute, oui, je crois.

Ah bon ? Parce que c'est très important.

- Pour Lucie, pour toi.
- [sonnerie]

Et pour moi aussi.
Enfin, pour tout le monde.

[Martial] Ah ! M. Travail, bonjour.

- Bonjour, Bassompierre.
- Bonjour, Martial.

Au secteur habillement, nouveauté,
on remarque une baisse modérée, 1,7 %,

une baisse plus sensible,
mais nullement préoccupante,

2,5 % sur l'électroménager
et produits d'entretien.

L'alimentaire est stable comme toujours.

Et même, on constate une hausse
non négligeable de 1,5 %.

Vous me suivez, Martial ?

Je ne veux pas vous accabler
de statistiques le jour de votre retour.

Parfaitement, l'alimentaire est stable.

[Bassompierre] Ce qui nous laisse,
pour l'exercice de l'année,

compte tenu de la hausse des frais
de personnel et des charges,

une marge de sept millions et demi,
soit 1,6 % du chiffre d'affaires.

Nous pouvons remercier M. Bassompierre

pour son rapport de qualité.

Toutefois, Georges, j'ai noté un certain
nombre de villes où notre rendement

est sensiblement plus faible :
Clermont-Ferrand, Roanne,

Grenoble…

Bourg-en-Bresse, Limoges.

Ce sont des villes que nous n'avons
pas visitées depuis un an.

[Bassompierre]
Nous avons été un peu surchargés,

la négociation avec le groupe hollandais
m'a pris énormément de temps.

J'imagine.

Mais je crois que maintenant, une tournée
d'inspection doit intervenir assez vite.

Ces contacts avec nos directeurs
de province sont très importants.

J'ai pensé, Martial,

que tu pourrais peut-être…

M'en charger ? Absolument.

[Bassompierre] Et ça nous soulagerait.

Tu pourrais commencer par Limoges.

Pourquoi pas ?

Et tu partirais quand ?

Quand vous voulez.

Le prochain train,
si Paul m'accompagne à la gare.

Mais bien sûr.

[elle soupire] C'est parfait.

Cinq villes, cinq jours,

tu es rentré samedi.

[musique entraînante]

[homme au haut-parleur]
Journée de promotion exceptionnelle.

Aujourd'hui, à Super P, des occasions
à des prix exceptionnels.

[jingle d'annonce]

[femme au haut-parleur] Vente flash
de deux minutes : 20 % de réduction

sur des peignoirs de grande marque,
des maillots de bain à la couleur du temps

et des serviettes éponge douillettes,
tout ça à des prix Super P.

Monsieur, pas par ici, par là.

Oui, excusez-moi, je…

[jingle d'annonce]

[homme au haut-parleur] Au rayon hygiène,
des couches pour vos enfants. Leurs fesses

bien au sec grâce à Super P.

Super P, le magasin qui pense au confort
de ses clients, petits et grands.

[femme au haut-parleur]
Au rayon boulangerie, pâtisserie…

- Avez-vous vu un homme en costume noir ?
- Oui ?

Ah si, si, il est passé par là-bas.

[mécanisme de jeu d'enfants]

[M. Fonfrin] M. Pasquier, bonjour.

Fonfrin.

Vous me reconnaissez ?

Oh…

- Je sais bien, il y a longtemps.
- [Martial] Oui, oui.

Oui, on m'avait dit que vous veniez,
mais je ne vous attendais pas sitôt.

Je vous prie m'excusez, mais j'étais
à l'inauguration du salon de la porcelaine

et vous savez ce que c'est,
on est toujours obligé de dire deux mots.

Vous avez vu ? Vous tombez
un jour de promotion exceptionnelle.

J'ai vu, oui.

Depuis un an, nous avons réaménagé
les rayons selon un ordre thématique,

afin de permettre à la clientèle un accès
plus attrayant, plus efficace,

une sorte de mieux-disant commercial.

Mais je pense que votre temps est mesuré
et que vous désirez examiner les livres ?

Oui.

Mlle Marie,

- les livres pour monsieur, je vous prie.
- Tout de suite, monsieur.

En somme, vous renouez avec la tradition.

Autrefois, ces tournées d'inspection,
c'est votre père qui s'en chargeait.

Je l'ai bien connu, vous savez.

Entre nous, un caractère de cochon, mais
un grand bonhomme. Il m'a tout appris.

Je crois pouvoir dire que j'ai été
pour lui un collaborateur de confiance

et même, tant pis pour la pudeur, un ami.

Je l'entends encore :
"Raoul. Vous vous battez, vous irez loin."

Je me suis battu et il est mort.

Et je suis resté à Limoges.

Où je ne me déplais pas, d'ailleurs.

M. Fonfrin.

Par ici.

[M. Fonfrin] Voilà, vous serez tranquille.

On ne vous dérangera pas.

Il y a un mini bar si vous désirez boire
quelque chose. Whisky, gin ?

Non, merci.

[M. Fonfrin] Si vous avez besoin d'une
précision, je reste à votre disposition.

Hein, n'hésitez pas.

Bon bah, je vous laisse.

Et surtout, n'hésitez pas.

[il soupire]

Irène ? C'est moi.

Bah, il est dans les comptes.

Bah oui, déjà, oui.

Ah, non, non, il a l'air tout à fait…

Bah, écoute,
il était quand même pas dans un asile.

[on frappe à la porte]

Oui ?

- Tout va bien ?
- Oui.

À vrai dire, le contraire m'aurait étonné.

Simplement, il y a là deux chiffres qui…

Ah ?

Ici et là.

Ici et là ?

Ah oui, en effet.

Ah, mais c'est peut-être qu'ici,

le jeu d'écriture n'a pas pris en compte…

M. Fonfrin, pourrais-je avoir l'état
des différents inventaires ?

Mais vous ne l'avez pas ?

Oh !

Mlle Marie, l'état des caisses,
je croyais que vous l'aviez donné !

[secrétaire] Mais non,
vous m'avez même dit…

[M. Fonfrin] Mais sûrement pas,
allez me le chercher immédiatement !

[secrétaire] Oui, monsieur.

À propos, ma femme et moi serions très
heureux de vous avoir ce soir à dîner.

À la bonne franquette, mais chacun
s'accorde à trouver sa table excellente.

Il y aura quelques amis,
le chef de cabinet du préfet,

Désolé, je dois reprendre l'avion de 21 h.

Ah, je comprends.
D'autres villes à visiter.

Dommage, ma femme sera très déçue.

Vous lui présenterez mes excuses.

M. Fonfrin ?

Alors, il est peut-être pas très à jour,
j'ai pas eu le temps de…

Ça ira très bien. Merci.

[M. Fonfrin] Bon…

Eh bien, je vous laisse.

Et encore une fois, n'hésitez pas.

[il tape un numéro de téléphone]

[M. Fonfrin] Je ne sais pas s'il le fait
exprès ou s'il est vraiment dérangé,

mais pour l'instant, il m'emmerde.

Heureusement, ce jeune con
a un avion à prendre,

donc il ne viendra pas dîner.

[Irène] Eh ben, tant mieux.

Mais les Maillotte,
qu'est-ce qu'on en fait ?

[M. Fonfrin] Tu les gardes.

Navré, j'aurais aimé vous raccompagner,
mais ma femme a gardé la voiture.

J'espère que vous êtes satisfait.

Tout à fait.

- Pour un complément d'information…
- Je n'hésite pas.

Je vous souhaite un bon voyage.
Ma femme sera désolée, vraiment.

J'en suis sûr.

Mes respects à madame, votre mère.

[klaxon]

[chauffeur] Ça bouchonne

à cause du salon de la porcelaine.

Mais vous inquiétez pas,
je vais prendre à droite,

vous l'aurez largement, votre avion.

Dans dix minutes, on y est.

Monsieur, s'il vous plaît,
on peut faire demi-tour ?

[chauffeur] Demi-tour ?

Ah bon, d'accord.

[musique triste]

[discussions en fond]

[M. Fonfrin] Et puis,
ils ont recommencé trois fois !

- Chaque fois, il retombait sur lui.
- Non…

[sonnette]

Je suis bien chez Mme Fonfrin.

Oui.

M. Pasquier, mais…

- vous n'avez pas…
- [Martial] Non.

Mon taxi a été pris dans un embouteillage.

- [M. Fonfrin] Vous avez raté l'avion ?
- Voilà.

Alors, je me suis permis de…

Bien entendu, entrez. Entrez. Irène,

[M. Fonfrin] M. Pasquier a été pris
dans un embouteillage.

Oh, mais c'est une chance pour nous.

Je suis ravie de vous avoir à dîner,
finalement.

À dîner ? Je sais pas si je

- peux…
- Si vous pouvez ? Vous devez.

Francine, vous rajoutez un couvert.

Nous étions sur le point de passer
à table.

Je vous présente Mme Maillotte.

M. Maillotte, chef de cabinet du préfet.

M. Pasquier.

Très heureux de vous rencontrer.

Justement, notre ami Fonfrin me disait
avec quel soin

vous inspectiez vos magasins de province.

Je vous en félicite.

Et ma sœur Régine,

[Irène] mais je crois que vous vous
êtes connus…

Il y a très longtemps.

Oui, oui.

Oui !

[gloussements]

Ça tient à la tradition jacobine,
je suppose.

Ici, nous sommes éternellement à l'avance.

- [M. Maillotte] Les choses changent.
- [M. Fonfrin] Hier, nous remarquions…

Vous n'écoutez pas les gens ici,
il n'y en a que pour Paris.

[M. Maillotte]
Parce que vous voulez dire que…

Je veux dire que la province
reste la province.

Tu dis n'importe quoi, c'est le contraire.

Nous sommes en pleine décentralisation.

[Irène] Ce sont des mots ! Dans les faits…

[M. Maillotte] Les choses
sont longues à installer.

[M. Fonfrin] Y a rien à faire,
elle s'entête.

Par exemple, moi, j'aime l'opéra.

[M. Fonfrin] Ben, enfin,
on en voit tout le temps à la télé.

Mais ça n'a rien à voir.

L'opéra, c'est un spectacle total, vivant.

Irène, tout le monde
n'est pas obligé d'être "opératomane".

Je sais bien qu'aujourd'hui,
c'est devenu une mode, un must.

Pas pour moi, Raoul, tu le sais.

J'ai toujours aimé entendre
les grandes voix.

Ma sœur se prend pour Jeanne d'Arc.

[M. Fonfrin] Allons, Régine.

Ici, nous manquons de crédit culturel.

Je détestais l'ancienne majorité,

j'ai fait campagne contre eux.

Pour le théâtre, la maison de la culture,
j'admets qu'ils n'étaient pas si mal.

Ah, je vous arrête, Mme Fonfrin.

On ne peut pas indéfiniment
arroser d'argent

des gens qui quémandent d'un côté
et qui vous traite de fasciste de l'autre.

[M. Fonfrin] Ces notions de gauche
et de droite sont dépassées.

Je fais souvent de ma
petite Régine la gauchiste de la famille,

mais personnellement, je suis socialiste
et partisan d'une économie libérale.

Il y a des sensibilités
et des courants d'opinion, bien sûr,

et heureusement !

Aujourd'hui, c'est
la fin des idéologies et des systèmes.

Et ça, c'est important !

Oui, mais c'est vrai…

À partir de quoi, mais sommes-nous
assez adultes politiquement ?

Hein ? Nous devrions dégager
un large consensus national.

Ne coupons pas la France en deux.

Navré, Régine,
mais sans consensus, pas de Limousin,

pas d'Occitanie, pas d'Hexagone
et pas d'Europe, c'est clair.

Excusez-moi, Mme Maillotte,
je vous ai interrompue…

Que vouliez-vous dire ?

Oui.

Je me souviens plus.

Jane a du mal à se fixer
sur un discours un peu abstrait.

Oh, elle n'est pas la seule.

Mais, vous n'avez rien mangé,

- vous n'aimez pas la crème renversée ?
- Non.

Voulez-vous un fruit ?

Non, non, merci, vraiment.

Nos discussions provinciales
vous embêtent un peu ?

Tu veux dire
qu'il s'est copieusement emmerdé.

Ah non, pas du tout, au contraire.

Ce récital de lieux communs éculés
m'a tout à fait intéressé.

C'est tout un art de débiter
des vérités premières.

[Martial] La rapidité des répliques,
le timbre des voix…

Ça devient comme une sorte
de musique rassurante.

Comme quand on est à l'étranger
et qu'on ne comprend pas la langue.

On regarde les visages.

Ah oui, c'est tout à fait exact.

Tu te souviens, Irène,
notre voyage en Tchécoslovaquie ?

Ce dîner mortel où on ne comprenait rien
de ce qu'ils disaient, et le soir,

nous nous sommes régalés à reconstituer
une galerie de portraits saisissants

en détaillant chaque nez, chaque oreille,
la peau, les points noirs, l'œil,

si révélateur.

[ricanement]

Et comment vous êtes-vous connus
tous les deux ?

Oh, c'est vieux.

À Paris, à la fac de droit.

Un bastion réactionnaire où votre sœur,
jouait le rôle de pasionaria.

Elle retournait comme des crêpes
les étudiants les plus endurcis

qui finissaient par rédiger sous son œil
des tracts incendiaires sur la révolution.

Oui, on parlait de ça à l'époque.

Vous aviez les mots justes.

Non. C'était beaucoup plus simple,
je couchais avec eux.

Mais Régine !

Oui, avec eux, mais pas avec moi.

Vous, c'était différent.

On avait déjà l'impression
que vous étiez en visite

car rien ne vous intéressait vraiment.

Bon, si nous passions au salon.

Oh, mais il est déjà 23 h passés.

Je suis désolé.

Il faut y aller, chérie.

Moi aussi, il faut
que je vous quitte, d'autant plus…

Qu'il vous faut une chambre d'hôtel.

Avec le congrès de la porcelaine, j'ai
bien peur qu'ils soient tous complets.

C'est à craindre.

Eh oui. À moins que…

[Régine] Vous couchiez chez l'habitant.

Il y a la chambre bleue.

Mais bien sûr, je n'y pensais pas !

Excusez-moi, je manque à tous mes devoirs.

[Irène] Francine !

Je suis vraiment navré.

Vous plaisantez, cher ami,
vous êtes ici chez vous.

Il s'incruste !

Francine ? Francine !

Préparez le lit de la chambre bleue !

On avait dit 22h30, il est déjà 23 h.

Je sais, mais exceptionnellement,
vous resterez un peu plus tard.

Et sortez aussi deux serviettes de bain.

[on frappe à la porte]

Oui ?

Merci beaucoup.

Bonne nuit.

- Votre avion est à…
- 11 h.

Je ne pourrai pas vous accompagner,

j'ai une réunion à 10 h
avec une délégation du personnel.

Mais notre taxi habituel vous conduira.

Vous voulez un autre toast ?
C'est très facile.

Non, merci.

Je vais être obligé de vous quitter,

je suis toujours au magasin
avant l'arrivée du personnel.

Ça, c'est un principe
auquel je ne déroge jamais.

Je vous accompagne.

J'aimerais repartir avec une photocopie
des états de caisse si possible.

Une photocopie, mais bien sûr.

Je prends mes affaires et j'arrive.

Bassompierre m'avait prévenu que c'était
un fumiste, mais là, c'est un vicieux.

Mais tu n'as rien à te reprocher !

Des broutilles.

[Martial] Voilà.

[M. Fonfrin] Les états de caisse depuis ?

[Martial] Les six derniers mois.

Mme Fonfrin, je vous remercie
pour votre hospitalité.

[Irène]
Mais tout le plaisir était pour moi.

[porte qui se ferme]

Voilà.

J'ai bien conscience d'un certain flou.

Je pensais passer mon dimanche
à éplucher tout ça.

Ah, pardon.

- J'ai un doute sur mon chef magasinier.
- Allons, bon.

Il va falloir
que je m'en sépare un jour ou l'autre.

Enfin, vous avez tout et surtout,
si vous avez besoin d'autres informations,

n'hésitez pas ! Hein ?

Au revoir, cher ami.

[chauffeur] Ça vous plaît bien, Limoges ?

Il reste encore de beaux quartiers
dans le centre.

Oui.

[téléphone sonne]

Allo ?

Oui, c'est elle-même.

Pardon ?

Ah, oui…

Bonjour. Mais d'où appelez-vous ?

Vous n'êtes pas parti ?
Mais que s'est-il passé ?

Rien. Je suis en ville
dans un appartement que j'ai loué

et je voudrais donner
un petit dîner ce soir.

Oui, un dîner.

Je reçois quelques amis
et justement, j'aurais besoin de vous.

Je voudrais utiliser les services
de la jeune fille qui travaille chez vous.

Comment s'appelle-t-elle, déjà ?

Francine, c'est ça.

Oui, mais… mais c'est impossible.

Je vous le déconseille tout à fait.

D'abord, elle ne connaît pas
bien son métier.

Elle est ici en amateur.

Et puis, c'est une fille qui…

Elle m'a eu l'air très bien, au contraire.

De votre point de vue, peut-être,

mais moi qui suis obligée
d'être sur son dos toute la journée,

je peux vous dire
que c'est tout le contraire d'une perle.

- C'est lui. La porte.
- Qui, lui ?

Allô, excusez-moi. De toute façon,
nous ne sommes pas libre ce soir.

Ah bon ?

Oui, je comprends, mais…

je la connais, elle refusera.

Elle n'en fait qu'à sa tête.

Mais je vais la rétribuer en conséquence.

Écoutez, j'y tiens absolument.

Vous m'obligerez en faisant le nécessaire.

Je compte sur vous.

Bien. Où doit-elle se présenter ?

À quelle heure ?

Mais je vous en prie.

C'était qui ?

Mais qui veux-tu que ce soit ?

C'était lui ! Il est pas parti du tout.

Il a loué un appartement boulevard Murat,

Tu sais, l'ancien appartement des Grandet,
ce truc immense !

[il soupire] Oh non… Non.

Il donne à dîner,
nous ne sommes pas invités.

Ah là, je me demande vraiment si…

[sonnette]

- Bonsoir.
- Bonsoir.

Entrez, je vous en prie.

Je vous remercie de vous être libérée.

J'espère que ça ne dérangeait pas trop
vos projets ?

Non, non. Où est la cuisine ?

Ah oui. Par ici.

Voilà.

Oui, c'est un peu vide, l'appartement
n'a pas été occupé depuis un an.

Que dois-je faire ?

Ne vous inquiétez pas,
j'ai tout commandé chez un traiteur.

Et où ça se passe ?

Par ici.

- Vous n'êtes que deux ?
- Oui.

- Et votre invité arrive à quelle heure ?
- Il est là.

- Il se cache ?
- Non.

C'est vous.

Moi ?

Oui.

Vous voulez dîner avec moi ?

[Martial] Vous aimez le champagne ?

À quoi ça rime, cette histoire ?

Vous me prenez pour quoi ?

Vous croyez qu'on me sonne,
pour venir faire une passe ?

Il y a sûrement une agence
en ville pour ça.

Vous ne comprenez pas.

Oh si. Vous n'avez trouvé personne,
vous vous rabattez sur la boniche.

J'ai rien contre elles, les pauvres,

mais j'en suis pas une.

Je sais.
Je voulais seulement dîner avec vous.

Vous vouliez ?
Et moi, je compte pour du beurre ?

Vous m'avez pas demandé mon avis.

Vous avez raison,

mais je n'ai pas trouvé de meilleur moyen

pour vous connaître.

Juste un verre,
après vous partirez si vous voulez.

Asseyez-vous, je vous en prie.

Bon, mais cinq minutes.

Vous n'aimez pas ?

Si, si, il est très bon, au contraire.

C'est du brut.

Vous ne buvez pas ?

Si, si.

Elle sait, la mère Fonfrin ?

[Martial] Quoi ?

Que je suis l'invitée.

Non, évidemment.

Vous savez comment ils vous appellent,
les Fonfrin ?

L'idiot de la famille ?

Non. Le cinglé.

Ils sont pas les seuls.

Bon bah, je vais y aller, maintenant.

Déjà ?

Vous venez à peine d'arriver,
vous êtes si pressée ?

Non, mais…

Écoutez…

vous êtes la première personne à qui
j'ai envie de parler depuis des années.

- Vous avez loué tout ça pour…
- Oui.

Vous n'êtes pas obligée de manger.

C'est qui, le traiteur ?

[Martial] Jocelyn.

Bon bah, tant qu'à faire,

Je vais pas vous laisser manger seul.

Et puis, j'ai faim.

Le décor est un peu frustre,
mais je n'ai pas eu le temps de…

- Vous mangez pas ?
- [Martial] Si.

Depuis combien de temps
êtes-vous chez les Fonfrin ?

Quatre mois.

Un jour, j'avais pas un rond,

j'étais dans votre supermarché
et j'ai piqué deux slips en soie.

Soie ou coton, si on se fait
prendre, c'est le même prix, alors…

- Pourquoi se gêner ?
- [elle acquiesce]

Un vigile m'a mis la main dessus.

Il m'a amenée au bureau de Fonfrin.

Et qu'est ce qu'il a dit, Fonfrin ?

Il m'a fait la morale.

Il m'a dit que c'était très mal et que si
tout le monde faisait comme moi…

Puis, il m'a dit que c'était pas grave,
qu'il passait l'éponge.

Et que puisque j'étais sans travail,

il allait me faire une proposition.

Chez lui, comme employée de maison.

Il n'a pas essayé
de profiter de la situation ?

Non.

Enfin si, un peu.

Elle, elle l'a à l'œil.

Alors lui, le pauvre, il a pas insisté.

Et d'un côté, ça m'arrangeait.

Mais elle, après, elle me lâchait plus.

Elle laissait traîner de l'argent
pour me piéger.

Classique.

Vous gagnez combien ?

Et vous ?

Franchement, je sais pas exactement.

Vous gagnez tellement
que vous savez même pas combien ?

C'est ça.

Cet argent, à vrai dire,
je ne le gagne même pas.

[elle soupire]

Vous voulez me faire un plaisir ?

Lequel ?

Si vous pouviez dénouer vos cheveux.

Mais qui il a bien pu inviter,
à part nous, il connaît personne ici.

Je sais pas. Peut-être qu'il a des amis
dans la région,

il faut demander ça à ta sœur.

En tout cas, les Maillotte n'y sont pas.

[il acquiesce]

[gloussements]

Tu sais, ce qui est rigolo…

[elle rit]

[Martial] Soulève.

[Francine] Vas-y, un peu plus loin.

[Martial] Ça va ?

Ça va.

Je disais quoi ?

Tu disais : "Tu vois, ce qui est rigolo…"

Ah oui.

Je sais plus. Oh, top, top !

[Francine] Enfin, moi qui pensais
me taper une soirée de boulot sinistre…

finalement, on est pas mal.

Tu retires pas ta veste ?

C'est pas dans tes principes ?

Quand on te connaît pas,
c'est pas évident.

Mais t'as du charme.

[elle glousse]

- T'es marié ?
- Un peu.

Un peu ? Ça veut dire ?

Ça a commencé comme un mariage
d'affaires qui s'est très vite terminé…

En fromage blanc ? [elle rit]

Avec les femmes, t'as des…

Non, ça va, de ce côté-là,
t'inquiètes pas.

Non, je m'inquiète pas.
Je m'en fous, d'ailleurs.

Oh là là, il faut que je parte.

[Francine] Oh, je suis saoule, moi.

Je connais pas le numéro des taxis ici.

Hein ?

Je peux te raccompagner à pied,
si tu veux ?

Bah, je resterais bien dormir ici,
mais j'ai un peu peur que…

Que je te viole ?

Non, mais…

On t'attend ?

Oui. Enfin, non, c'est pas ça, c'est que…

[Francine] Enfin, c'est moi…

Il a éteint et on n'a vu redescendre
personne, c'est bizarre.

Oui.

[il baille bruyamment]

Sauf si les invités
sont repartis avant qu'on arrive.

Ah, mais c'est sûrement ça.

Ils ont dû tellement s'emmerder.

Oui, t'as raison, c'est sûrement ça.

[cloches d'église qui sonnent]

[Francine] T'as pas dormi ?

Viens.

Viens dormir avec moi.

Bonjour.

Tu fais quoi ?

Bah, je vais bosser.

[Martial] Hein ?

Je commence à 9 h, je suis en retard.

Ah non.

Ah non, quoi ?

Tu ne vas pas retourner là-bas.

Tu rigoles ou quoi ?
Et qui me fera manger ?

Écoute, je vais rester plus longtemps
que je ne le pensais.

De toute façon, j'ai loué
cet appartement pour trois mois.

C'était le minimum à l'agence.

Si tu veux, tu t'installes ici.

Et les Fonfrin ?

Ne me parle pas des Fonfrin, c'est rien,
ils sont à mon service.

Et toi, qu'est-ce que t'en as à foutre ?

Bah rien, mais…

[Martial] Tu auras
tout ce dont tu as besoin.

De l'argent, bien sûr, pour déjà
arranger l'appartement comme tu veux.

- En somme, tu veux m'acheter ?
- Mais non.

Mais alors, quoi ? C'est un jeu ?

Appelle-ça comme ça si tu veux.

C'est une chance pour moi, et pour toi.

On va s'amuser.
Qu'est-ce que tu as à perdre ?

Tu seras libre, hein.
J'ai pas l'intention de t'enfermer ici.

Il faut que j'aille lui dire.

Ne t'inquiète pas,
on va la licencier par téléphone.

Elle va être furax, la vache.

Allô, c'est moi. Ben moi, Francine.

Non, justement,
je voulais vous dire que je venais pas.

Oh non, je suis pas malade.

Je vous quitte. Je reviens plus.

Ah ça, c'est mes affaires.

Vous avez vos raisons, j'ai les miennes.

Les huit jours, je vous en fais cadeau.

[Irène] J'avais dit à mon mari
que vous étiez une petite trainée.

C'est ça. Salut.

Excellent.

T'as entendu ce qu'elle a dit ?

C'est de bonne guerre.

T'as du café dans la cuisine.

Ça soulage, mais ça m'a fait un creux.

[Francine] C'est pas mal, ici.

Je m'habille pas comme la mère Fonfrin.

J'espère bien.

[musique guillerette]

[elle rit]

[la musique s'arrête]

Tu te débrouilles bien, dis donc.

Ça fait un an que j'ai pas conduis.

Quelle voiture ?

Oh, une R5 pourrie.

C'était rouge.

J'ai vu.

On avait été à la mer, mais en revenant,
on est restés en rade sur l'autoroute.

L'embrayage était naze.

C'était la voiture de ton ami ?

[Francine] Quel ami ?

Tu as forcément un ami ? Un petit ami.

Oui. Mais en tout cas,
il a plus de voiture.

[Martial] Il fait quoi ?

Bah, il pointe, tiens.

Et tu tiens à lui ?

Bah, quand j'étais sans rien,
heureusement qu'il était là.

- [Martial] Comment il s'appelle ?
- Fernand.

Tu pourrais me le présenter ?

Tu rigoles ?

Non, pourquoi ?
J'aimerais faire sa connaissance.

On pourrait l'inviter à dîner.

[elle pouffe]

T'as vraiment de drôles d'idées.

[brouhaha en fond]

[tintement métallique des caddies]

- [déménageur] La table, on la met où ?
- [Francine] Ici.

- Et ça ?
- [Francine] Là.

On met ça où ?

- Ici, pour l'instant.
- Là ?

[téléphone sonne]

Allô ?

Comment ?

De la part de qui ?

Ah, pardon. Quittez pas, je vous le passe.

Martial, c'est ta mère.

Ah, bonjour. Comment vas-tu ?

Moi ? Mais très bien.

Une amie. Oui, une amie.

Hein ?

Pourquoi tu demandes, si tu le sais ?

Oh, c'est grand.

J'ai pas mesuré, 250 mètres carrés
environ. Tu imagines, pour meubler ça ?

Je sais pas. Pour quelques temps.

[Martial] Mais très bien, je te dis.

Tu peux rassurer
le diabolique docteur Apert.

Non, franchement, c'est plutôt
ton état mental à toi qui m'inquiète.

Où je le mets ?

Attends une petite seconde.

Tu peux voir avec monsieur ?

[Francine] Par là.

Oui, mais savoir quoi ? Je t'ai tout dit.

Ou alors, engage un détective privé.

Remarque, c'est inutile,
tu as les Fonfrin sous la main.

Et les autres villes ?

[Martial] Les autres villes ?
Bah, elles attendront.

Mais enfin,
tu t'étais engagé à faire cette tournée.

Je comptais sur toi !

[Martial] Maman, je te laisse,
on nous livre un parasol.

On se rappelle.

[elle soupire]

Un parasol…

Que peut-on faire ?

Ce qui est inquiétant, c'est qu'avec ses
dépenses, nous courrons vers l'hémorragie.

Et n'oubliez pas, Suzanne,
qu'il a aussi la signature.

Je ne vais tout de même pas
aller le chercher là-bas.

Ça, je vous le déconseille tout à fait.

C'est pas le bon moyen.

- Bonjour, madame. M. Pasquier.
- [Francine] Bonjour.

Suivez-moi.

Tu manges pas les pâtes ?
C'est le meilleur.

Tu peux y mettre les doigts.

[tintement des couverts]

Et Fernand, il va venir ?

[Francine]
Oui. Il avait des bricoles à faire.

Il va nous rejoindre pour le dessert.

Une fois, j'avais trouvé un truc bien.
Dans un salon de thé qui faisait galerie.

C'était une vieille gouine qui tenait ça.

C'était sympa.

Au mur, elle avait plein de… d'un peintre.

Un grand peintre.

Ancien ? Contemporain ?

Dis-moi des noms.

- [Martial] Van Gogh.
- Non, pas celui-là.

J'aime bien aussi, remarque.

Un qui fait des oiseaux bleus.

Matisse ?

[Francine] Ouais, c'est ça. J'aimais bien.

Elle s'est ruinée, elle a vendu.

Je me suis retrouvée dans un cinéma
vers la gare de l'Est.

Le genre de film là-dedans,
c'est : "Prends-moi par tous les trous".

Un peu monotone, tu vois.

L'embaumement de saumon
à la fleur de courgette.

Oui.

Embaumer, ça fait cimetière.

Tu sortais, quand même ?

Heureusement. Tu sais,
quand t'es pas trop moche,

tu trouves des bandes pour rigoler…

[serveur] S'il vous plaît.

Mais quand t'as plus de boulot
ou pas le moral,

t'as plus tellement envie d'aller danser.

Alors, je suis revenu ici.

Au moins, ici, je connais.
J'y suis née, j'ai ma famille.

De la part de la table là-bas.

Oh, mais c'est la belle-sœur, Régine.

À gauche, au fond.

Qu'est-ce qu'elle te raconte là ? Donne.

Je suis de tout cœur avec vous.

Qu'est-ce que ça veut dire ? De tout cœur…

On lui a pas demandé l'heure,
à cette pétasse.

Tu n'as pas l'air de l'apprécier beaucoup.

[Francine] Elle est pire que sa sœur.

Au moins, la Fonfrin, elle est à sa place.

Alors que celle-là, elle joue les gauchos.

Genre, près du peuple. Toujours
à s'excuser de se faire servir au salon.

C'est une paumée.

- Tu sais avec qui elle est ?
- [Martial] Non.

Un flic.

Non ?

Si. C'est le commissaire, je le connais.

Il a emmerdé le mari de ma sœur
pour une histoire de bagnole.

Je suis attendu.

- Martial, Fernand. Fernand, Martial.
- Bonjour.

- Je suis très heureux. Asseyez-vous.
- Merci.

- Vous avez dîné ?
- Oui.

- Dis-le si t'as pas mangé.
- Non, mais…

Commandez quelque chose. S'il vous plaît.

Merci.

Je sais pas. Une choucroute.

Nous n'avons pas.

Mais nous pouvons vous proposer
un émincé de chou mariné au coriandre.

C'est la même chose.

- Bon, bah ça.
- Bien, monsieur.

- Tu préfères pas une bière ?
- Non, non, ça va.

[Martial] C'est à quelle heure,
la séance ?

22h15.

Et le film, c'est ?

"Bruce Lee contre-attaque".

Ah, du karaté.

Il l'a déjà vu cinq fois.

Oui, mais ça fait deux ans
que c'est pas repassé.

- Vous l'avez vu ?
- Non, pas celui-là.

T'aimes les films de karaté ?

J'adore ça.

Non, pas le passage dans l'escalier,
mais en bas des marches.

L'autre l'attaque
et il le descend avec un mawashi.

Un mawashi, t'es sûr ?
Pas plutôt avec la main ?

- Écoute, il est ceinture noire !
- Non, mais il a raison.

Tu t'y connais. T'as pratiqué ?

Un peu.

Parce qu'après le mawashi,
il y a un shuto.

Je comprends pas. Montre.

Pousse-toi.

Le mawashi, c'est comme ça.

Et le shuto, c'est comme ça.

- Je m'arrête, sinon je te tue.
- Oui.

Mais fais-le vraiment.

- Bah, vraiment…
- Non, non, merci.

Mais pourquoi ? Si t'as pratiqué.

Je suis pas un punching-ball.

Ah bon ? Dommage !

[Francine] Bon, vous montez ?

- On va où ?
- [Francine] Au terminus.

T'as eu la trouille, n'empêche ?

- Salut.
- [un homme] Salut, Francine.

Salut.

- Salut.
- Oh hé, je vous paye le coup, venez !

Allez, viens, mon grand.

Bah tiens, il y a ma sœur là-bas.

Youhou !

- Martial, ma sœur Georgette et son…
- Bonsoir.

Max !

Qu'est-ce que vous prenez ?

Je ne sais pas, la même chose.

Hé, Robert ! Tu nous remets une prune.

Tu sais à combien
ça monte, le budget de la défense ?

[Georgette] Il faut bien
qu'on ait une armée. En cas de guerre.

- Vous êtes combien dans la famille ?
- Sept.

Cinq filles et deux garçons.

Toi, t'es fils unique ?

[Georgette] C'était bien…

[Max] Excusez-moi…

vous êtes de passage ?
Vous êtes dans quoi ?

En voyage d'affaires.

Ah… Et pour quelle boîte ?

Le supermarché Pasquier, bah c'est lui.

[Max siffle d'admiration] Pardon…

Oh, c'est quoi, ça, comme matière ?

Je sais pas.

C'est de la soie naturelle, non ?

Et alors, monsieur…

- Martial.
- Martial.

Ça marche ? Vous êtes content ?

Ça marche.

Bah, bravo. Non, parce qu'en ce moment,
ça monte, ça descend… On sait plus, quoi.

Et c'est quoi ton truc là ?

- Un chapeau. Ça te plaît ?
- Ah ouais.

Tiens, je te le donne.

[elle glousse]

Nous, on n'est pas des sœurs.

On est des copines.

[elle glousse]

- Hein, Francine ?
- Ouais.

Putain, je peux plus m'arracher, hein.
Je vous raconte pas ce qu'il tire, le mec.

T'as récupéré le matériel ?

- Lequel ?
- Celui que je t'ai dit.

- [Max] Je peux pas me faire payer.
- [Fernand] Oui, t'inquiète pas.

Qu'est-ce qu'il dit, Fernand ?

Tu m'embêtes, là !

S'il te plaît, Max.

Tu peux pas lui dire de la fermer ?

Je fais que ça !

Tu sais,
à cette heure-ci, c'est pas facile.

- Elle est bourrée.
- Je vois !

Non, mais c'est vrai, quoi,
arrête de boire !

Excusez-la, M. Martial.

[Francine glousse] M. Martial.

Hé, Rocky ! Rocky !

Salut.

Alors, t'as aussi racheté
le garage Manzano ?

Je suis pas fou, j'ai pris des parts.

Il se démerde bien.

- Hé Rocky, t'as vu ma plume ?
- [Rocky] Ouais.

Excuse-moi là, mais…
je suis un peu ébloui.

Je perds mes moyens, faut que je récupère.

Arrête !

Et t'as vu sa robe ?

Ah ! Si je peux donner mon avis…

Si on en a besoin, on te sonnera.

[il siffle]

Elle est terrible, hein ?
Vous avez vu comment elle me parle ?

Excusez-moi, messieurs,
mais vous avez de la chance.

Je te paye un coup et tu te

- casses ?
- Mais arrête, dégage !

- Ah, fais gaffe !
- Arrête, je te dis !

- Ah !
- Arrête, tu vois bien qu'il est poivré.

- Tire-toi. Tu vois pas que tu emmerdes ?
- Non, je vois rien !

[Rocky] Tire-toi !

[Max soupire]

Il est fort, ce Rocky. C'est un malin.

Oui, il a l'air.

Tu le trouves sympa ?

- Qu'est-ce qu'il fait ?
- Bof.

Il est pas de la région.

Il était pas forain ?

Non, il faisait les marchés,
cassettes, stéréo.

Il a mis des parts un peu partout
dans des boîtes, dans des bars.

Il trafique, quoi.

[bruit de lutte]

[patron du bar]
Il commence à nous faire chier !

Oh là là, il est en train
de prendre sa pâtée, là !

[cri de douleur]

T'es content, t'as gagné ! Allez, viens.

Dis donc, ça t'embête pas, mais il
faudra que je rentre avec Fernand ce soir.

Naturellement.

Ouais, tu t'en fous ?

- Non.
- [Max] Vous reprenez…

Oui, la même chose,
mais cette fois, c'est pour moi.

- Et si on invitait les Fonfrin ?
- Hein ?

Pour pendre la crémaillère.

Pas seulement eux, évidemment.
Tu pourrais inviter qui tu veux.

Ah ouais. Génial.

Qu'est-ce qui vous fait marrer ?

Je te dirais. Tu viens, on y va ?

Déjà ? Mais on va pas au…

Bonne nuit, Fernand,
ça m'a fait plaisir. À bientôt.

[Fernand] Merci pour la soirée.

- [Fernand] Salut.
- [discussions en fond]

Alors, à part les Fonfrin, qui on invite ?

- Les Maillotte ?
- Qui ça ?

Tu connais pas.

Ta sœur et Max.

Et puis, la belle-sœur,
avec son commissaire. [elle glousse]

- Tu sais, il y a un truc qui m'épate.
- Quoi ?

D'habitude, s'il y a un mec qui la
regarde, et même comme ça, hein,

N'importe quel gus dans la rue, moi, bam.
Mais avec toi, je sais pas,

je suis pas jaloux.

- C'est un compliment ?
- C'est ce que je voulais dire.

Pardon, madame, le punch, je le sers dans…

Les verres ballon.

Entendu, madame.

[Francine]
Ils arrivent dans vingt minutes.

Tu as conscience
de ce que tu m'imposes, Raoul ?

C'est une épreuve, je sais bien ma
chérie, mais comment nous dérober ?

- Je pourrais pas…
- Si, faut tenir.

[M. Fonfrin] Mais…

Oui ?

Il n'y avait pas un dîner ?

Un dîner ?

Mais quel jour sommes-nous ?

Mercredi.

Oh, je suis confus…
J'avais complètement oublié.

[ils s'exclament de soulagement]

Ce sera pour une autre fois.

Ah non, pas question que vous repartiez.
Entrez, je vous en prie.

Il y a sûrement une épicerie arabe
encore ouverte.

Je suis bête, on a des boîtes
de thon et de la bière.

Allez, venez !

Allons, pas de chichis.

Ça nous fait tellement plaisir. Chérie !

Chérie !

Devine qui vient dîner ?

[piaillement d'oiseaux]

[ils s'exclament de surprise]

- Mais alors !
- [piaillement d'oiseaux]

Je vois que vous riez de bon cœur
de ma petite plaisanterie.

Elle est savoureuse.

- Oui, si on veut.
- Oh…

Bonsoir.

[M. et Mme Fonfrin] Bonsoir.

Je suis heureuse
de vous recevoir chez nous.

On y tenait beaucoup.

Nous sommes ravis, nous aussi.

Vous avez tout refait, c'est…

vraiment, vraiment…

- [elle glousse]
- Oh, c'est original.

- [Irène] Oui.
- Ça vous plaît ?

C'est Francine qui a tout conçu.

Vous pouvez la féliciter.

Oh, c'est très intéressant.

C'est estival.

C'est merveilleux, Irène,
d'apporter une note plus claire,

un coup de soleil à ces vieilles demeures
qui sont poussière à force de traditions.

[Francine] Chéri !

- Tu t'occupes du punch ?
- Oui.

Donnez-moi votre manteau.
Ah, j'aime beaucoup votre robe.

On en parlait, l'autre jour, avec Martial,

et on disait :
"Elle a du goût, mais un peu triste".

Elle devrait oser.
Eh bien, vous avez osé. Bravo.

Merci. Et pourtant, c'est une robe
qui a au moins cinq ans.

Vous allez me goûter ça.

[il tousse] Mais
c'est costaud, ça. C'est quoi ?

C'est ma recette : Viva la muerte.
Tequila, gin, piment pilé, curaçao

- et surtout, alcool de pommes de terre.
- [il soupire] Oh…

On dit que c'est hallucinogène. Madame ?

Non, je ne sais pas si je vais…

Vous voulez me vexer ?

Bon…

[elle s'exprime avec difficultés]
Ça brûle…

[Martial] Ah !

Je vous présente un vieil
ami de la région, Roger de la Ferdière.

M. et Mme Fonfrin du supermarché.

J'ai l'impression que nous nous sommes
déjà rencontrés chez des amis communs.

Oh, où habitez-vous ?

Excusez Roger,
il a eu un accident terrible.

Il chassait sur les terres de son château

et soudain, une chute.

Il a été piétiné par son cheval
et à moitié dévoré par sa meute.

Chéri… Je veux plus en entendre parler.

Au contraire, continuez. Et ?

Un des molosses, surtout, s'est acharné,
lui sectionnant la veine jugulaire.

- Arrêtez, quelle horreur.
- [piaillement d'oiseau]

- Il a perdu la voix.
- Oui.

Ce foulard dissimule une cicatrice atroce.

[sonnette]

Je suis, monsieur, croyez-le bien,
sincèrement désolé.

Bonsoir.

Alors, Raoul, Irène. Max, Georgette.

Ma sœur. Vous la connaissez ?

Oui, en effet.

- Bonsoir.
- [Irène] Bonsoir.

- Madame.
- Bonsoir.

- [Max] Monsieur.
- Bonsoir.

M. Martial.

Ah, mais c'est Fernand !

Ah oui, Fernand !
Qu'est-ce que tu nous joues là ?

Roger de la Ferdière.

- J'ai un château, je chasse.
- [Georgette éclate de rire]

[rires] Oh, je le savais, c'est lui !

Mais bien sûr, c'est Fernand !

Vous êtes d'humeur farceuse ce soir.

Remarquez, j'étais pas tout à fait dupe,
j'aurais entendu parler d'un tel drame.

J'ose dire qu'ici, je connais aussi bien
les chaumières que les châteaux.

[elle exprime la satisfaction]

C'est pas des œufs de lump.

Attention, une minute dans la bouche,
toute la vie sur les hanches.

- [ricanements]
- [sonnette]

Laisse, mon amour, j'y vais.

Et que fait notre châtelain en ce moment ?

[Irène] Oui, il y a un moment où…

Vous savez,
c'est dur pour tout le monde, alors…

Et avec Francine, ça marche toujours ?

Ça va très bien, je vous remercie.

Enfin, chacun mène sa vie comme il veut.

Ah, sacrée Francine !

Francine sacrée.

[M. Maillotte] Il y a déjà du monde !

Eh non. Nos amis les Maillotte.

Oh, c'est trop drôle. Ils sont grotesques.

Je n'ai pas rêvé ?

Vous m'avez bien dit
qu'il s'agissait d'une soirée costumée ?

Effectivement.

Mais chérie, tu n'as pas
rappelé nos amis pour dire que finalement…

Excuse-moi, j'ai oublié.

On s'est dit que ces fêtes costumées
étaient démodées.

C'est un peu ridicule, ces accoutrements
de patronage qu'on loue pour presque rien.

Eh bien… nous sommes ravis
de vous avoir divertis,

mais il y a des limites.

Il ne nous reste plus
qu'à vous demander nos manteaux.

Viens, Jane.

Oh, mais soyez beau joueur, Maillotte,
vous avez de l'humour !

Regardez notre hôte, il donne l'exemple.

Après cette longue marche dans la forêt
de Sherwood, il vous faut un remontant.

Hein ? [il rit]

Tenez.

Avalez-moi ça. Et cul sec.

- Fameux !
- [exclamations de surprise en fond]

- [éclats de rire]
- Tu devrais essayer !

Alors, on danse ?

Bien sûr.

Fernand, monte le son s'il te plaît.

[musique d'ambiance]

Ils m'ont dit au deuxième. C'est bien là.

[commissaire] Ah, d'après le bruit…

[sonnette]

- Embrasse-moi.
- Oh, écoute, arrête…

Ah, bonsoir monsieur le commissaire,
madame. Entrez.

[musique d'ambiance]

Tiens, ma petite sœur !

- Hello, commissaire !
- [M. Fonfrin] Oh, salut, l'ami !

Ah, bonsoir. On ne vous attendait plus.

On s'est déjà rencontrés, non ?

Oui, une bêtise.

Il y a prescription !

À nous deux, commissaire !

Très volontiers, mais pourrais-je
passer un petit coup de fil ?

- Ah, mais bien sûr. Par ici.
- Merci.

- [Francine] Ici, vous serez pas dérangé.
- [commissaire] Merci.

- Vous savez à qui il téléphone ?
- Non.

À sa femme.

Ah oui, ce qui doit poser
quelques petits problèmes.

Aucun. On invente un crime tous les soirs.

Oh, mais vous êtes très souple !

Oui, mais je suis en nage !

[elles rient]

On change !

Dis donc, elle s'éclate,
la mère Fonfrin, ce soir.

Elle t'emmerde, la mère Fonfrin !

Dis donc, c'est pas parce que t'es invitée
par ta bonne qu'il faut être vulgaire.

Raoul, dis-lui de fermer sa gueule.
Va te faire empiler par ton poulet.

- [Régine s'exclame de surprise]
- Elle a un peu bu.

Elle est complètement pétée !

[Irène ricane]

Les esprits s'échauffent.

Oh oui. Ça soulage !

On change !

Fonfrin, nous sommes
en plein consensus, là !

Dites-moi, M. Fonfrin, vous avez bien
douze caisses enregistreuses ?

Ah oui.

En parcourant
les documents que vous m'avez donnés,

j'ai remarqué que, parfois,
il en manquait une.

Possible, j'ai une caissière
qui a pris quelques congés maladie et…

Et ce chef
magasinier dont vous n'êtes pas sûr ?

- Ah oui, en effet.
- Pourquoi ?

C'est un homme qui boit.

- Et alors ?
- J'ai été obligé de le virer ce matin !

Non, hier. L'important, maintenant,
c'est de trouver son remplaçant,

ça prend un temps fou,
les tests, les curriculums…

J'ai votre homme.

- Ah bon ?
- Fernand !

Oui ?

M. Fonfrin me fait part de son désarroi,
il s'est séparé d'un collaborateur

et il me disait qu'il serait heureux, si
tu acceptais, au supermarché, ce poste de…

Chef magasinier.

M. Fonfrin, si vous me faites
confiance, je suis sûr que je serais

- à même de…
- Mais, certainement.

[Martial] Je réponds de lui.

Je n'en doute pas.

- Je commence quand ?
- [Martial] Demain.

- À 8 h.
- Je serai là à 7 h.

Oui, il faut que je vous
explique certains détails sur…

[Irène crie]

Mais c'est elle !
Elle m'a cassé mon collier !

Madame, j'ai rien cassé.
Qu'est-ce qu'elle raconte ?

Me prenez pas pour une conne !
Je suis pas une poufiasse !

Oh non, mais dis donc, toi !

Calme-toi, tout le monde te regarde.

Me touche pas, salaud !

Escroc !

[M. Fonfrin] Elle déraisonne !

[Irène sort en pleurs]

Elle a craqué. Il y a des moments
où la machine humaine…

Elle tombait.
J'ai voulu la retenir, alors le collier…

Mais bien sûr, mon petit.

C'est rien, on va les retrouver,
ses perles.

Georgette, vous avez été parfaite,
continuez à danser.

Tout ça pour un collier en toc.

Ah non, je m'excuse, Régine !

C'est le collier de votre grand-mère !

Allez, viens.

- [M. Fonfrin] Martial ?
- Oui ?

- Je peux vous appeler Martial ?
- Bien entendu.

Voulez-vous entendre une confession ?

Pourquoi pas ?

Les trous que vous avez remarqués
dans la caisse,

eh ben, c'est moi.

Oh !

- Oui, j'ai…
- En voilà une autre.

J'ai fait un petit emprunt, que
je comptais rembourser, bien sûr.

Évidemment. Et encore une.

Quel gâchis !

J'ai passé vingt ans
de ma vie avec ce combinard !

Dire que je l'ai aimé…

J'ai tout bazardé pour lui.
J'étais douée pour la peinture, moi…

Vous êtes encore jeune,
vous pouvez refaire votre vie.

S'il y avait pas les enfants, je le
plaquerais là, tout de suite.

[Francine] Mais ils sont grands
vos enfants, ils vivent plus avec vous.

Non, c'est vrai, vous avez raison.

Mais c'est trop tard… C'est trop tard.

[elle soupire]

53, 54, 55…

Et trois, 58.

Oh, ma chérie. Nous les avons comptés,
nous en avons 58, il t'en reste combien ?

Vingt-deux.

Voilà, 80, le compte y est !

Il faudra que je m'excuse
auprès de votre sœur.

Je suis si désolée.

[Mme Maillotte crie]

- Ah, mais elle flambe !
- [cris de panique]

- [Régine] Ses cheveux !
- [Mme Maillotte crie]

[M. Maillotte] L'eau !

Arrachez la perruque !

- [M. Maillotte] Oh, bravo !
- [Irène] Quel sang-froid !

[Martial] Très bien, commissaire.

[Irène] Oh, la malheureuse !

- Jane ?
- [Irène] Vite, du vinaigre !

- [commissaire] Non, de l'ammoniac !
- [Francine] Ben, y en a pas.

C'est peut-être une coulée de cire
tombée d'un chandelier ?

C'est l'hypothèse qui…

[commissaire] Non.
Il aurait fallu que sa tête

se trouve au niveau de la table,
près du buffet. C'était pas le cas.

[Irène] Ça n'explique pas
comment c'est arrivé.

- [Max] Ah, le voilà !
- [tonnerre qui gronde]

Elle va bien ! Juste un peu commotionnée.

[Martial] Et ses cheveux ?

On a dû la raser d'urgence, intégralement.

Mais, Dieu merci,
le cuir chevelu n'est pas entamé.

On ne peut pas garantir
une repousse rapide,

c'est une question de patience.

- Elle pourra mettre une perruque.
- Avec une protection à l'amiante.

[elle rit et s'exclame de surprise]

Mais il pleut !

[Irène] Oh, j'ai pas pris de…

Oh, mes enfants, ça va être la douche !

Bon, je vous laisse.

Allez-y, mes amis,
vous allez être trempés !

[Fernand] Max, tu me ramènes,
je me lève à 6h30.

Merci, hein.

- [Fernand] À demain, M. Fonfrin !
- [M. Fonfrin] À demain, Fernand !

On va pas rester ici toute la nuit !

- [Irène] Allons-y !
- [M. Fonfrin] Allez !

[M. Fonfrin crie] Oh là là…

Et merci pour la soirée,
c'était formidable !

[Martial] Bonjour.

Bonjour. Bien dormi ?

Bien. Et toi ?

Pas longtemps.

Les bouteilles vides, dans le carton, là.

[Martial] C'est pas pressé,
on aurait pu faire venir quelqu'un.

Non, c'est vite fait. Je préfère.

Il a cramé lui aussi.

C'était plutôt réussi hier soir, hein ?

[Francine] Oui, oui.

Il était parfait, Fernand.

Ah oui. Il m'a épatée, là.

Il doit bosser, là.

Sous la haute autorité de M. Fonfrin.

Mais c'est bien pour Fernand, non ?

Oui. T'as été formidable.

C'est bien ici, comme tu as arrangé.

Mais pour y vivre,

si tu m'avais demandé,
je t'aurais montré le quartier des Loges.

[Francine] Il y a des petites maisons
avec des jardins.

Évidemment, pour toi, ça aurait été
moins marrant. J'y vais.

[Martial] Où ça ?

On peut pas toujours s'amuser.

Un jour, tu vas repartir.
Et moi, je ferai quoi ?

Ah, ton café.

Faut bien que j'aille chercher du travail.
Les Fonfrin, c'est terminé, tant mieux.

Faut que je trouve autre chose.

J'espère qu'il est assez fort. Tiens.

- Les clés de la voiture.
- Tu la prends pas ?

Bah, tu sais,
chercher du boulot en Mercedes…

À ce soir.

[musique triste]

Allô, Fernand ?

Ça s'est bien passé ? Tu es content ?

Oui, j'en étais sûr.
Dis-moi, tu n'as pas vu Francine ?

Non, non. Non, penses-tu.

Elle devait aller voir
ses parents et je me demandais si…

Mais non, ne t'inquiète pas.

Allez, Fernand, on se rappelle demain.

[téléphone sonne]

- Oui ?
- [Régine] Martial ? C'est Régine.

Oui, j'avais reconnu votre voix.

[Régine] C'était grandiose hier soir.

Oui.

- [Régine] Francine était superbe.
- Oui.

[Régine] Je suis
très impatiente de connaître la suite.

Quelle suite ?

[Régine] Eh bien, vous et Francine.

Excusez-moi, mais je ne vois pas
en quoi cela vous regarde.

Évidemment, vous allez me trouver
très indiscrète, mais…

Je vous dérange ? Vous êtes seul, là ?

[Martial] Oui.

- Remarquez, je le savais plus ou moins.
- [Martial] Pourquoi ?

Je viens de rencontrer Francine dans
un bistrot. Elle n'était pas seule et…

[Martial] Où ça ?

Sur la route de Paris. L'étoile bleue.

J'espère que vous ne vous méprenez pas,
mais en la voyant, je me suis dit que…

[Martial raccroche]

[brouhaha en fond]

[éclats de rire]

[clé dans la serrure]

[porte qui s'ouvre et se ferme]

T'es pas couché ?

[Martial] Non.

Chercher du boulot,
c'est encore plus dur que de bosser.

Et… tu en as trouvé ?

Ouais, peut-être.
Tu sais, les gens courent pas après toi.

T'as l'une qu'en a rien à foutre,
l'autre qu'est pas là.

Tu sais pas ce que c'est, toi.
Faut attendre, attendre…

Jusqu'à maintenant ?

Oui. À la fin, j'avais plus le moral.

Et alors ?

Bah alors, rien.

Pourquoi tu me mens ?

Pourquoi tu ne me dis pas que tu étais
pendant trois heures dans un café ?

Je t'ai vue.

Je sais. Moi aussi, je t'ai vu.

J'ai rencontré Régine,
je lui ai dit de t'appeler.

Pourquoi ?

Comme ça, pour voir ce que t'allais faire.

Je me disais : "Il va rentrer ou il va pas
rentrer ?" Puis, t'es pas rentré.

Je sais bien que c'est pas
parce que t'avais peur.

Mais alors, c'est vrai, pourquoi ?

J'en avais pas envie.

Parce que j'étais avec Rocky ?
Je croyais que j'étais libre.

Disons que j'étais jaloux.

Jaloux ?

Mais t'es pas jaloux, toi.

C'est pas ton genre. Hein ?

Je me donne un mal fou pour
te faire marcher et t'en as rien à foutre.

[Francine] J'ai chaud.

Ah, j'ai trop bu…

C'est de ta faute. Je buvais jamais avant.

T'as dû être un monstre
avec ta femme, toi.

Peut-être.

Oui.

[Francine] Avec toi,
c'est pire que d'être seule.

Mais il y a Fernand. Qui t'aime.

[Francine] Oui…

Fernand…

Il m'aime.

J'ai repensé à ce que tu m'as dit
ce matin.

Je suis allé dans le quartier des Loges.

[téléphone sonne]

Allô ? Oui.

Hein ?

Quand ça ?

C'est grave ?

Mais elle est où ?

Bien, je prends le premier avion.

[Martial] Francine,

pour une raison très grave, je suis obligé
de rentrer immédiatement à Paris.

C'est peut-être mieux pour toi
et pour moi.

Tu peux garder l'appartement
aussi longtemps que tu voudras.

Si tu as besoin de quoi que ce soit,
appelle-moi au numéro sur l'enveloppe.

Merci d'avoir passé
ces quelques jours avec moi.

Merci.

- Comment va-t-elle ?
- Un léger mieux. Elle t'attend.

[Suzanne] Mon chéri.

[Martial] Bonjour, maman.

C'est gentil d'être venu… si vite.

Ne dis pas de bêtise.

Je voulais pas qu'il t'appelle
en pleine nuit.

Arrête.

J'ai eu très peur, tu sais.

Je venais d'éteindre la télévision et…

et tout d'un coup,
une douleur dans le bras et…

tu sais, ça monte,
ça irradie jusque dans l'épaule.

Et maintenant, comment te sens-tu ?

[Suzanne] Mieux.

Ils m'ont donné des tas de trucs.

T'inquiète pas.

C'est rien.

Tu sais, j'étais fatiguée
depuis quelque temps, je…

Cette affaire qui me donne
tellement de souci. Puis, toi qui…

Non, je te fais pas de reproches, mais…

j'avais peur de ne plus te revoir.

Parle pas trop, ça va te fatiguer.

Je suis là. Je vais m'occuper
de tout, maintenant.

Il y a des choses à éclaircir,
mais ne te fais de souci.

Éclaircir ? Qu'est-ce que tu veux dire ?

Plus tard.

Repose-toi.

C'est toi qui bois du café ?

Oui.

Tu es sûre que c'est prudent ?

Oh… [elle ricane]

Du déca.

- Il est arrivé ?
- Il y a cinq minutes.

Et il vous a paru comment ?

Normal.

Normal ?

Vous vous attendiez
à voir un fou furieux ?

Non, je veux dire,
comment prend-il la chose ?

Il a l'air inquiet.

Ah, vous êtes là, docteur.

Bonjour, Martial.

Mais je ne vous savais pas
également cardiologue ?

Disons qu'à travers vous, j'ai noué
avec votre mère des liens plus amicaux.

Comment l'avez vous trouvée ?

Eh bien, je m'interroge… Vous permettez,
il faut que j'appelle le bureau.

[Paul] Je suis sûr que ton retour
va accélérer son rétablissement.

Certainement.

Allô ? M. Travail, s'il vous plaît.

C'est même un rétablissement foudroyant.

Ce n'aura été qu'une alerte, mais…

il est des alertes qui, parfois…

- L'essentiel, c'est que je sois là.
- [Paul] Oui.

Allô ? M. Travail ?

C'est moi. Oui, je suis de retour.

Très bien, merci.

J'aimerais que vous me rassembliez
les statistiques de gestion sur l'année.

Oui, sur toutes nos succursales.

Et pour Limoges,
l'état complet des numéros de caisse.

Je sais. Je sais…

M. Bassompierre est là ?

Ah, bien. Non, inutile de lui en parler.

Le temps d'arriver.
À tout de suite, M. Travail.

Bien. Où est Lucie ?

Dans la salle de bain.

Je te dérange une minute.

Tu sais, Lucie… j'ai beaucoup réfléchi.

À nous deux.

- Ah oui ?
- Oui.

On peut pas toujours reculer,

perpétuer des habitudes de tendresse qui,
à la longue, paraissent insipides,

en tout cas, insuffisantes
dans la vie d'une femme. Non ?

Le couple qui n'a plus rien à se dire
est un couple mort.

Alors, j'ai pris une décision :

nous allons divorcer.

Tu peux répéter ?

Nous divorçons.

Je crois que c'est mieux pour toi,
pour moi, pour Paul.

[elle pouffe]

C'est une plaisanterie ?

Je n'ai jamais été aussi sérieux.

Mais pourquoi si vite ?

C'est une décision grave.

- Il faut…
- Consulter un avocat, bien sûr.

Mais sur le plan financier,
tu n'auras rien à regretter.

Au contraire,
je crois que tu pourras t'en féliciter.

Très bien. Si c'est ce que tu veux.

Bon, je te laisse,
je dois aller au bureau.

Tu en as parlé à ta mère ?

Tu sais, dans son état, la pauvre…

[Lucie glousse]

Oh oui, la pauvre…

Non seulement, tu te conduis comme
un salaud, mais en plus, tu es niais…

Elle a jamais été malade.
Elle se porte comme le Pont Neuf.

Elle et le charlatan qui l'exploite ont
tout inventé pour te faire revenir.

Tu m'en apprends des choses.
Heureusement que tu es là.

- [Bassompierre] Bonjour, Martial.
- Bonjour.

Nous nous croisons. J'ai mon avion
pour Amsterdam dans deux heures.

Oui, j'ai appris.

Je ne sais pas
si vous en mesurez l'importance,

mais nous jouons une forte partie
avec le groupe hollandais.

J'en suis sûr.

- Avec Fonfrin, ça a été ?
- Très bien.

Vous vous êtes bien amusés.
Vous avez raison d'en profiter.

- Allez, à bientôt.
- Bon voyage.

Merci.

J'ai demandé Limoges car j'ai constaté
des manques dans les numéros de caisse.

J'aimerais voir si sur l'année… Oui.
Vous voyez, là, tout de suite, M. Travail.

Je vois un trou dans les numéros
séquentiels d'avril.

Et puis là, regardez, un autre.

Il me faudrait les mêmes documents
sur les autres villes.

- Avec les rapports quotidiens ?
- Oui.

[musique dramatique]

Oui ?

Un instant.

- Madame ?
- [Suzanne] Oui ?

[homme] M. Bassompierre.

Merci.

Allô, Georges ?

Ah oui, oui, tu es gentil.

Comment ça se passe là-bas ?

Ici ?

Tu ne connais pas la dernière
de mon fils ?

Il a décidé de divorcer,

Donc Lucie est partie
s'installer à l'hôtel avec Paul.

Lui ?

Depuis trois jours et trois nuits,

il est enfermé au bureau avec Travail
et il épluche toute la comptabilité.

Bah écoute, ça, j'en sais rien.

Donc, M. Travail, sur l'ensemble
de nos succursales, il n'y en a que cinq,

mais c'est déjà pas mal, me direz-vous,
où l'on retrouve ce procédé.

Et le total de ces sommes se monte à ?

Quatre millions.

[Martial] Si l'on se base sur
les prélèvements avoués par M. Fonfrin

et sur le chiffre global
que vous m'indiquez,

il reste un manque de ?

2 600 000 et quelques.

C'est pas mal.

C'est pas mal.

Vous êtes un honnête homme, M. Travail,

mais c'est M. Bassompierre
qui vous a engagé.

Une délation,
ce n'est jamais très agréable.

Vous devez être épuisé.
Votre femme va m'en vouloir.

Nous avons bien mérité de dormir un peu.

- Ça faisait longtemps.
- Oui.

- Tu as bien dormi ?
- Neuf heures.

Et toi, pas de tachycardie ?

Oh, je t'en prie,
ne reviens pas là-dessus.

Si tu crois que ça m'amusait
de jouer cette comédie…

Tu ne nous laisse pas le choix.
Chacun ses armes.

Il y a pas eu d'appel pour moi ?

Non, aucun.

Tu sais où je peux joindre Paul ?

Au Prince de Galles.

Mais tu peux difficilement éviter Lucie.

Tu as quel genre de relation
avec Bassompierre ?

C'est un ami.

Ça a même été ton amant, non ?

Martial…

George a été très patient, très délicat.

Une femme ne peut pas toujours dire non.

Tu sais, à mon âge…

Je crains que tes rapports avec lui
ne s'espacent un peu.

Pourquoi, s'il te plaît ?

C'est un escroc, il t'a dépouillée,
et je ne parle que de cette année,

de la somme rondelette de deux millions
et demi de francs, lourds, naturellement.

[Martial] Il s'agit d'abus de confiance

et de détournement de biens sociaux,
M. Bassompierre.

Vous comprendrez qu'étant
dans l'obligation de nous séparer,

nous avons préparé pour vous
cette lettre de démission.

Ainsi qu'un protocole notifiant la cession
de toutes vos parts. En six exemplaires.

Vous n'avez plus qu'à signer.

Je ne peux pas nier
ce que vous me reprochez,

mais je vous rappelle ce que
j'ai apporté à la société.

C'est pourquoi nous vous proposons
cette formule

qui vous évite une poursuite devant
les tribunaux avec, vous ne l'ignorez pas,

cinq ans de prison à la clé.

J'aurais aimé savoir… ou plutôt connaître

la mouche qui vous a piqué.

[Martial] En perdant M. Bassompierre,
nous perdons non seulement un ami,

mais aussi un gestionnaire de talent.

Mais sa décision étant irrévocable,
il nous faut lui trouver un remplaçant.

Grâce à sa connaissance des affaires,
personne n'y est plus à même que Paul,

lequel sera, bien sûr,
secondé par M. Travail.

Je dois vous quitter car vos nouveaux
partenaires hollandais sont à Paris

et j'ai rendez-vous avec eux
dans une demi-heure.

Ce sera ma dernière contribution.

Je quitte la société et donne mes parts
que vous répartirez au prorata des vôtres.

Toutefois, je me réserve l'entière
disposition de la succursale de Limoges.

Paul et M. Travail sont là
pour répondre à vos questions.

[Georgette] Oh là là…

Ouvert à 250.

500.

Je passe.

250, je les mets.

- [croupier] Cartes ?
- Servi.

Une carte.

Une.

[Max] Oh, M. Martial.

- Vous êtes…
- Ne vous dérangez pas, continuez.

[porte qui s'ouvre]

Bonjour, M. Pasquier.

Bonjour.

[M. Fonfrin] Je ne m'attendais pas
à vous revoir.

Je pensais que mon sort
serait liquidé d'un coup de téléphone.

Oh, remarquez,
je n'ai rien à dire pour ma défense.

On coupe les branches pourries.

Il y a un moment où il faut bien payer
la facture, si j'ose dire.

Vous avez le pouvoir de disposer des
autres, de tirer les ficelles des pantins.

Votre sport favori, non ?

Mais là, j'ai déjà donné. Alors,
ne comptez pas sur moi pour vous supplier.

J'ai plus rien à perdre.

Alors, faites ce que vous voulez,

tout m'est égal.

M. Fonfrin, je me fous
de cette histoire de caisse.

Alors, tirons un trait, voulez-vous,
c'est du passé.

Je suis très content de vous avoir connu.

Je vous suis reconnaissant.

Non, attendez… je vous demande pardon ?

Non, j'ai du mal à…

[Martial] C'est très simple,
je compte m'installer ici.

Vous connaissez admirablement la région.

Je vais avoir besoin de vous,
de vos conseils, de vos initiatives.

Ah bah, si ce que vous me dites est…

Sincère.

Alors… là,

je vous suis…

Attendez… Les mots me manquent, comment

éviter les lieux communs pour exprimer…

Alors, ne dites rien.

[M. Fonfrin ricane]

Et comment va Fernand ?

Oh, Fernand, les premiers jours,
il a fait un travail magnifique.

Et puis, il s'est mis à flotter.

Il était là sans être là.

Depuis deux jours, il vient plus.

Martial !

Bonjour, M. Fonfrin. Entrez.

Excusez-moi pour le boulot,
mais en ce moment, je…

- [Martial] On te dérange ?
- Non, au contraire.

Ça me fait plaisir.

Je pensais qu'on se reverrait plus, moi.

Asseyez-vous.

- T'as vu Francine ?
- Non.

Elle est partie. Avec Rocky.

Tu sais, le mec qu'on avait vu au…

[Fernand] Elle travaille
dans un de ses bistrots.

Voilà. Alors, moi, je sais plus,
de quoi, pourquoi, je…

Je vais dire une banalité, Fernand,
mais une de perdue…

[Fernand] Merci. Je connais.

On dit ça quand c'est pour les autres.

Moi, je peux pas m'enlever
de la tête qu'elle couche avec…

avec cette ordure qui va la maquer.

Excusez-moi, mais je… j'y arrive pas.

Mais vous inquiétez pas, M. Fonfrin,
je vais revenir au magasin.

Demain, je vous promets.

[M. Fonfrin] Souvent ces types costaud,
sportifs, sont fragiles affectivement.

Je vais le reprendre en main,
comptez sur moi.

Il y a que le temps
qui puisse cautériser certaines plaies.

Quand je vous ai vu revenir, j'ai cru
naïvement que c'était à cause de moi.

[M. Fonfrin]
C'est juste après le carrefour.

C'est loin d'ici, le quartier des Loges ?

[M. Fonfrin] Oui, pourquoi ?

[discussions en fond]

[bips de caisse enregistreuse]

[Francine] Tiens.

- Bonjour.
- Bonjour.

Alors, t'es revenu ?

Tu vois.

Pour les comptes du père Fonfrin ?

- Qu'est-ce que tu bois ?
- Un café.

J'ai vu la belle-sœur hier soir.

- [serveur] La note de la sept.
- Oui.

[bips de caisse enregistreuse]

Tes raisons graves à Paris,
ça s'est arrangé ?

Oui. Enfin, c'était pas tellement grave.

Quand tu disparais,
toi, c'est sans préavis.

Chacun pour soi.

Enfin, j'en suis plus là.

- Alors, tu as quitté Fernand ?
- Eh oui.

Ça a pas été facile, tu sais.

Mais je m'ennuyais, je pouvais plus.
Tu l'as vu ?

Il doit me prendre pour une salope ?

[serveur] Francine, deux croques.

Oui.

Alors, comment tu trouves ici ?
C'est pas mal, hein ?

- [client] Un Perrier, s'il vous plaît.
- Oui.

C'est du boulot. Douze heures par jour.

Rocky, il a l'œil. Il laisse rien passer.

- Il est pas là ?
- Oh, il va arriver.

Tu veux l'inviter à dîner ?

J'ai vu que l'appartement
s'était reconverti en salle de jeux.

Qu'est-ce que tu voulais que j'en
fasse ? Je leur ai donné les clés.

Tiens, le voilà.

- Bonjour.
- Ça va toi ?

- Bonjour, tu vas bien ?
- Oui.

Vous vous connaissez ?

Bien sûr. Comment ça va ?

Ça va.

- Tu restes longtemps, là ?
- Je sais pas.

Ça dépend.

- [client] Un pastis, s'il vous plaît.
- Oui.

On peut se revoir, si tu veux.

Oui.

- Vous reprenez quelque chose ?
- Non, merci.

Ce soir ?

Ce soir ? Non, mais je sais pas si…

Il faut que tu demandes l'autorisation ?

Mais non !

À quelle heure ?

Je sais pas, 9 h.

9 h ? D'accord.

Voilà. 300 mètres carrés de jardin.

La discussion a été serrée,
mais le notaire est un ami

je lui ai fait rabattre le prix du tiers.

Je me suis permis de prendre une option,
j'ai bien fait ?

C'est une grande baraque solide,

comme les aimaient nos pères.

On imagine des rires
et des jeux d'enfants.

[M. Fonfrin] C'est un excellent placement.

[Rocky] M. Pasquier.

On peut se parler deux minutes ?

- Entrez.
- Merci.

Voilà,

je suis venu parce que… Francine et moi,
on s'est expliqués franchement.

Je sais, ça va sûrement vous contrarier,
mais elle viendra pas ce soir.

Maintenant, c'est avec moi qu'elle vit.

Et puis, moi, je suis pas Fernand.
Vous comprenez ?

Bien sûr, vous pourrez venir la voir
au café. Vous serez toujours le bienvenu.

Désolé, hein.

Si vous m'en aviez parlé avant,
c'était différent.

On aurait pu discuter.

De quoi ?

Ah oui… De quoi.

Non, je plaisantais.

Bon bah, à bientôt, j'espère.

[Rocky] On n'est pas fâchés, hein !

[vrombissement de moteur]

Qu'est-ce qu'il foutait ici ?

Qu'est-ce qu'il foutait là ?

Qu'est-ce que vous avez combiné
tous les deux ?

- Dis-le !
- Mais arrête, t'es fou.

Qu'est-ce que t'es venu faire ici ?

Ça t'amuse de foutre la merde
dans la vie des autres, hein ?

Avec ton fric…
C'est ça qui te fait bander !

Fernand, arrêtez.
Mais qu'est-ce qui vous prend ?

Laissez-moi !

Il va pas s'en tirer comme ça,
cet enculé !

[Fernand grogne]

Oh, mes enfants !

Tu sais pourquoi il est venu ?

Pour me dire qu'elle voulait plus me voir.
Voilà.

Mais dans quel état lamentable
vous vous êtes mis. Venez.

Allons dans la salle de bain,
on va nettoyer ça.

[M. Fonfrin] Ça va mieux ?

- Ça va.
- [M. Fonfrin soupire]

Vous charriez.

Comment avez-vous pu penser que Martial
s'était acoquiné avec ce voyou ?

- Je sais, mais…
- Ouais.

- Bon, Fernand, on y va à ce match ?
- Ouais.

Excuse-moi pour ce que je t'ai dit.

Je sais plus ce que je fais.

Francine, je sais que je l'ai perdue.
Mais l'autre, là…

Ça, vraiment, je peux pas.

Je m'excuse, ma femme nous attend.
J'ai pris des billets pour le basket.

On joue les quarts de finale de la coupe
d'Europe, ça va être un beau match.

On a une bonne équipe, hein, Fernand ?

Oui, je crois.

Ça vous dit pas de nous accompagner ?
Bah !

Ça nous changera les idées !

Non, merci.

[M. Fonfrin] Bon…

Allons-y, Fernand.

Je vous appelle, hein !

[porte qui claque]

[musique rythmée]

[voix indistincte au haut-parleur]

Une autre, s'il vous plaît.

Ah non, M. Martial, on est crevés.

- Si, si, un dernier.
- Non, il faut qu'on rentre.

Non, de toute façon, ça ferme.

[Georgette] Hein, Robert, tu fermes ?

[Robert] Oui, oui.

Allez !

Alors, vous m'abandonnez.

[Max] Non, on vous raccompagne.

Mais, il y a plus rien d'ouvert ?

[Max] Si.

Il y a le privé,
mais c'est vraiment glauque.

[musique inquiétante]

[Max] Voilà. C'est là.

[Martial] Vous venez pas ?

- [Max] Non, vraiment.
- [Georgette] On s'excuse.

[Martial] Merci.

[musique douce]

Maryline, c'est ma copine.

Tu lui offres un verre ?

On en reprend une.

On s'entend bien toutes les deux.

Tu peux venir avec nous si tu veux.

Monsieur ?

Greta.

Bonsoir.

On danse ?

Je m'excuse. Où sont les toilettes ?

C'est par là.

[prostituée] Ah, le con !

[Martial] Ça va !

Eh ben…

Vous en avez fait du dégât.

Et lui, il en a pas fait ?

Il faut que je rentre.

Merci, sans vous,
je sais pas comment j'aurais pu.

Vous inquiétez pas, je vais rester
jusqu'à ce qu'il se réveille.

Il y a pas quelque chose
que je dois lui dire ?

Non, rien. Je veux même pas
qu'il sache que je suis venue.

Il est passé,
on a rigolé, mais je le connais pas.

Il faut qu'il s'en aille,
qu'il quitte cette ville.

Vous êtes allée le chercher, quand même.

[Francine] Oui.

De savoir qu'il se traînait dans ce trou
à rat, ça m'a fait honte, c'est tout.

Au revoir.

[tintement de clé]

- [gifle]
- [Francine crie de douleur]

[pluie]

[musique mélancolique]

[commissaire] Il refuse de manger ?

Oui.

Il m'a seulement demandé de lui acheter
de l'eau minérale et des cassettes.

Il repasse toujours la même.

Mais on peut pas le laisser comme ça.

Mais moi, je ne sais plus quoi faire.

- Il a un médecin traitant, puisqu'il a…
- Mais c'est pas un problème médical !

C'est joli, votre nouvelle perruque.
C'est chaud, comme couleur.

Oui.

Mais vous vous êtes parlés quand même ?

Oui, enfin, c'est moi qui ai parlé.

Lui, il est sorti de son silence
que pour demander comment va Fernand.

Ah, Fernand…

Mais c'est ce qu'on appelle
un transfert, non ?

Je t'en prie. Évite d'employer
des mots que tu maîtrises pas.

Tu n'as pas le privilège
du décryptage psychologique, si ?

C'est peut-être une sorte d'homosexualité
qui ne…

Non, chérie, nous n'allons pas passer
en revue tous les cas de figure…

Mais ça n'a rien à voir.
Il aime beaucoup Fernand, c'est tout.

C'est un point positif.

- Mais où est-il, ce Fernand ?
- Mais justement, il est introuvable.

[Max] Moi, je vous dis pas vous inquiéter.

Pour moi, il est à la pêche.
Comme pour la mort de son père, pareil.

On l'avait pas vu pendant huit jours.

Vous savez qu'il est monteur de mouche ?

Monteur de…

De mouches. Les appâts artificiels
pour attraper le poisson.

Fernand, sa spécialité, c'est la mouche
anglaise à quatre ailes pour la truite.

Seulement à partir d'avril.

[Max] Ça a l'air de rien,
mais il se fait pas mal de fric avec ça.

Eh oui. Il y a encore
des tas de petits métiers insoupçonnés,

mais qui tendent à disparaître.

Malheureusement.

Il y a toujours des gens
qui iront à la pêche.

Chut.

Écoutez.

Mais on n'entend rien !

Mais justement, la musique.

La musique s'est arrêtée.

Martial ?

Martial !

Ça va ?

Vous n'avez besoin de rien ?

- Un café et de l'eau.
- Oui.

Je peux t'offrir quelque chose ?

Tu peux t'asseoir ?

Oui, sûrement.

[brouhaha]

T'as vu ce temps ?

Alors, t'es toujours là ?

Je peux pas me passer de toi.

T'as vu le gars pour la moto ?

- Non, je l'ai pas vu encore.
- Tu veux une facture ?

Si je te demandais de vivre avec moi ?
Pas quelques jours, vraiment.

Ça veut dire quoi, vraiment ?

Ça veut dire la vie.

Autant que tu veux, où tu veux.

T'es fou.

Non, justement.

[Rocky] Francine !

Écoute, Martial, tu me dis ça maintenant.

Parce que maintenant, j'en suis sûr.

Mais peut-être que toi non.

De toute façon, c'est trop tard.

Pourquoi trop tard ?

Et Rocky, qu'est-ce que t'en fais ?

L'argent l'intéresse, autant que je sache.

Ah oui. Et alors,
tu payerais combien pour moi ?

Je vaux combien à ton avis ?
Dix, vingt, trente ?

Vous croyez toujours
que vous pouvez tout acheter ?

Non.

J'essayais de me mettre à sa place,
c'est tout.

J'ai pas le temps.

[motard] Elle est juste devant la porte,
t'en as pour une minute.

Allez, quoi, viens la voir.

Il t'aime pas.

Qu'est-ce que t'en sais ?

Je le sens.

Et toi non plus, tu ne l'aimes pas.

C'est toi qui décides.
Moi, je suis pas pressé.

Mais si tu voulais, c'est simple.

On se lève tout de suite
et on sort par la porte ensemble.

Si tu crois que Rocky
me laisserait partir comme ça…

N'importe où, il me retrouverait.

Je peux le tuer aussi.

Dis pas n'importe quoi.

- [Rocky] Francine ?
- Oui ?

- Tu viens au comptoir, s'il te plaît ?
- [Francine] Oui.

- Dis-moi, j'ai pas beaucoup de temps, là.
- OK.

[Rocky] Elle a combien, ta moto ?

[motard] Même pas 5 000 bornes.

[conversation indistincte]

- Ça va ? [il s'exclame de soulagement]
- Oui.

Oh, mais ne me faites pas des peurs
pareilles, vous êtes terrible, Martial.

Ça va ?

- Oui.
- Oui ?

Nous sommes tous là.

- Un véritable cordon sanitaire.
- Mais à quoi servirait l'amitié ?

M. Martial, c'est mon anniversaire,
j'offre le champagne.

- Comment refuser ?
- Et vous avez quel âge ?

Hé, 42, mine de rien.

[Max] Champagne !

- [Max] Le meilleur, hein ?
- [brouhaha]

En tout cas, vous n'êtes pas fainéant
pour les porter, vos 42 ans.

[éclats de rire]

Ça vous réussit de déchaînez
les passions, vous êtes rayonnante.

Si, je suis très sincère.

Vous allez vous marier dans l'année !

- Déjà ?
- Pourquoi pas.

C'est vrai, on se demandait avec Max.

Ah. Celle-là est pour moi !

C'est dans des lieux comme ici qu'on peut
prendre la température d'un peuple.

Et qu'on voit ses mutations aussi.

Ah ouais, d'accord.

Mais bien sûr que je condamne
les terroristes.

Mais ils sont cohérents, ils ont le mérite
d'aller au bout d'une conviction.

Je n'ai jamais dit
que le préfet était un incapable.

J'ai juste dit qu'il était mal entouré.

- Merci.
- Ne le prenez pas pour vous, mon cher.

[M. Maillotte] Non, j'ai bien compris.

Néanmoins, il y a certaines phrases
qui provoquent chez moi…

[conversations indistinctes]

[M. Fonfrin] Ce qu'on dit
n'est pas toujours ce qu'on pense, hein !

[Irène] Ma sœur s'était moquée de moi,

mais la revoir
était sûrement la meilleure soluton.

Une catharsis.

Regardez comme ils s'amusent.

[Max] Non, parce que ça se passait
il y a quelques années.

Et après, je l'ai plus jamais revu.
Non, sauf l'autre jour.

Quand je suis arrivé à la soirée,
il était avec Régine, la belle-sœur.

Et là, il tire une tronche pas possible.

[brouhaha]

Hé, M. Maillotte,
il y a quelque chose qui ne va pas ?

Non, il est très bon.
Enfin, il était très bon.

- Hé, Rocky, on dessèche, là.
- J'en ai plus ici, je vais en chercher.

- [M. Fonfrin] Celle-là, c'est pour moi.
- D'accord.

Quand il rencontre un petit…

Fernand ?

[Rocky] T'es fou ! [il crie de douleur]

[respirations haletantes]

[Fernand] Laisse.

Il y a plus rien à faire.

De toute façon, je pouvais pas le rater.

Il fallait que ça arrive.

Quelqu'un t'a vu ?

Non, je crois pas.

Qu'est-ce que tu vas faire ?

Je sais pas.

Donne.

Écoute, personne ne sait que tu es venu.

Alors, tu rentres chez toi
et tu bouges pas.

Chez moi, mais… qu'est-ce que…

[Martial] Lui, je m'en occupe.
Dépêche-toi, on n'a pas le temps.

Tu veux faire dix ans de taule ?

Vas-y.

- [musique rythmée]
- [brouhaha]

N'aie pas peur.

C'est horrible, mais c'est fini.

C'est Fernand !
Je l'ai vu, j'ai vu Fernand !

[Martial] Personne ne l'a vu.

C'est moi qui l'ai tué. C'est moi.

C'est ça qu'il faut dire.

[elle sanglote]

Je pourrai pas…

Si, tu peux.

Mon Dieu, Martial…
Mais qu'est-ce que vous avez fait ?

Mon petit…

Excusez-moi.

[narrateur]
L'enquête fut une simple formalité.

Les témoignages de tous confirmèrent
la version des faits décidée par Martial.

Il avait tué Rocky, son rival,

et ce crime passionnel
ne présentait aucune zone d'ombre.

Il fit la une du journal local,

mais Régine, pourtant aux premières loges,
refusa d'en rédiger le compte-rendu.

M. Fonfrin avait parlé avec son cœur.

Bien sûr, il y avait eu mort d'homme,

mais il voyait dans l'acte de Martial

comme l'accomplissement
d'un destin singulier.

Francine déposa à son tour.

Elle ne pouvait nier
avoir été l'enjeu du drame,

mais elle n'avait rien vu.
Elle était arrivée trop tard.

Elle n'avait rien à ajouter.

Mme Pasquier écoutait à peine
les commentaires du docteur Apert.

Les antécédents de Martial
plaideraient pour son irresponsabilité,

mais elle savait ce que cela signifiait :

il serait interné
dans un établissement psychiatrique.

En croisant Francine,
elle la reconnut d'instinct.

Elle la jaugea et la trouva belle.

Ainsi, c'était pour elle.

Elle aurait voulu lui parler,
mais n'osa pas.

Francine retourna habiter
quelque temps chez Fernand,

le temps de le convaincre
de ne pas se livrer à la police.

Peu à peu, Fernand finit par s'abandonner

au mensonge de Martial
comme à la seule vérité possible,

jusqu'au jour
où il se décida à quitter la ville.

Francine regarda s'éloigner comme un frère

celui qu'elle ne reverrait
sans doute jamais.

Ils devaient apprendre,
l'un et l'autre, à vivre avec ce secret.

[musique triste]

[porte qui s'ouvre]

[garde] Promenade.

Promenade.

Mais oui, il fait froid. Promenade.

[cloches d'église qui sonnent]

Vous avez du feu, s'il vous plaît ?

Merci.

- Vous avez pas froid comme ça ?
- Non, non, ça va.

Nous, au pays, à cette époque, il fait
au moins 25 degrés. On se baigne.

[cris d'oiseau]

[musique mélancolique]