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Par une sombre nuit de 1770, Joseph Balsamou s

'introduit dans le château de Taverner.

Et là, grâce au don de médium d 'André, fille du baron,

il attire Marie -Antoinette qui est une dauphine de

France et lui révèle son atroce destin et celui de la monarchie.

Puis il disparaît.

Revenu à elle, la dauphine, entichée d 'André et de

Philippe de Maison -Rouge, son frère, les emmène

avec elle à Versailles.

Le jardinier Gilbert, resté seul au château,

reprend sa liberté et court vers Paris.

Devenu disciple de Jean -Jacques Rousseau, il

retrouve André et sa servante Nicole à Paris.

Celle -ci est le sosie parfait de Marie -Antoinette.

Au cours du feu d 'artifice de la place Louis XV, André

et Gilbert sont blessés.

Ils sont recherchés désespérément par Philippe de

Maison -Rouge et Jean -Jacques Rousseau.

Gilbert est recueilli et soigné par le docteur

Marat, tandis que Balsamou ramène André inanimé

chez elle.

Quand Gilbert revient à lui, André a disparu.

Il apprend qu 'elle est à Versailles auprès de la

dauphine Marie -Antoinette.

Avec l 'aide de Jean -Jacques Rousseau, il est engagé

comme jardinier à Triano.

André repousse avec mépris l 'intérêt que lui porte Gilbert.

Louis XV est séduit par la beauté de la jeune fille.

Richelieu profite de la ressemblance de Nicole avec

la dauphine et, pour servir son roi, échafaud avec le

baron de Tavernay un plan machiavélique.

Mais c 'est encore monsieur Gilbert.

Avez -vous donc à me regarder de cette mine tragique ?

Quelque chose vous a triste, s 'il vous plaît ?

Oui mademoiselle.

J 'ai l 'impression que vous n 'êtes pas heureuse à Triano.

Je ne supporte pas de voir une femme malheureuse.

Monsieur Gilbert ne supporte pas.

Quel événement !

Apprenez que je n 'ai jamais menti l 'intérêt de

personne, et surtout pas le vôtre.

Mademoiselle, vous avez tort d 'homme ruedoyer

comme vous faites.

En vérité, mon petit monsieur, il faut pourtant vous

le dire.

Vous -même, vos façons philosophiques, jusqu 'à

votre voix, toute votre personne me déplait.

Il est donc la charité de ne plus m 'adresser la parole.

Depuis quand déplaît -on à une femme en lui montrant

qu 'on l 'estime et qu 'on l 'admire ?

Est -ce qu 'un honnête homme n 'est pas l 'égal de toute

créature humaine, quel que soit son rang ?

Pourquoi me maltraitez -vous avec cet acharnement ?

Vous qui savez vous montrer si bonne et tendre avec d

'autres ?

Je vous donnais pour un insolent.

Vous n 'êtes qu 'un fou.

Laissez -moi passer !

Répondez -moi d 'abord !

Pourquoi me haïssez -vous, moi qui vous ai sauvé la

vie ?

Oh, monsieur Gilbert m 'a sauvé la vie !

Le 31 mai, oui, sur la place Louis XV.

Comme vous alliez périr, étouffé par la foule, je

vous ai arraché à la mort en vous confiant au baron Valzameau.

Est -ce Jean -Jacques Rousseau qui vous a appris à

bâtir de si beaux romans ?

Ce que j 'ai fait pour vous, un roman, vous êtes une

créature sans cœur et un corps sans âme.

Des gens comme vous ne sont pas faits pour connaître

le bonheur sur la terre.

Philippe !

Je viens de faire mes adieux.

Quoi ?

Oui, j 'ai reçu mes ordres ce matin, je dois rejoindre

mon régiment sur le champ.

Et où vas -tu ?

Regarde, disons, et ta reine.

Ensuite, sans doute, je retournerai à Strasbourg,

mais regarde -moi, qu 'est -ce que tu as ?

Philippe, tu es mon sale amie.

Que vais -je devenir sans toi auprès de moi ?

Notre père doit venir à Versailles.

Notre père ?

Je sais bien comme il a toujours été loin de moi.

Déjà, autrefois, je n 'aimais pas son regard.

À présent, il me fait peur.

Alors, mais quel enfant tu es ?

Oui, j 'ai peur de notre père, Philippe, surtout si tu

me quittes.

Les choses vont trop bien pour nous depuis quelque

temps, trop vite.

Un jour ou l 'autre, nous découvrirons quel en est le prix.

Notre père t 'aime ?

À sa manière, c 'est vrai, mais il t 'aime.

Il me dit qu 'il vient de te voir aujourd 'hui à Triano.

Sois donc courageuse.

Je t 'écrirai chaque semaine, et chaque semaine, tu

m' répondras.

Promis ?

Monseigneur, le duc de Richelieu et monsieur le

baron de Tavernet.

Monseigneur.

Mademoiselle, sa Majesté me charge de vous adresser

tous ses compléments pour le charme de votre voix et

vos talents de musicienne.

Le roi m 'affirme qu 'il n 'a encore vu personne à la

cour, qui réunisse au même point que vous les dons de l

'esprit et l 'agrément du visage.

Oh, et ceux du cœur.

J 'en suis témoin.

Que n 'aie -je vingt -cinq ans ?

Je mettrai ma vie et ma fortune à vos pieds.

Que faut -il ?

Que faut -il que je réponde à sa Majesté de votre part ?

Qu 'elle me comble de bonheur en daignant jeter les

yeux sur moi, et que je suis bien peu digne d 'attirer l

'attention d 'un souverain si puissant.

Ce n 'est pas une fille que vous avez là.

C 'est une reine.

Au revoir, mademoiselle.

Ma fille, sa Majesté m 'a prié de te remettre ce

témoignage de sa satisfaction.

Mon Dieu, ces bijoux sont trop beaux.

Je pense bien.

Les perles sols valent cinquante mille livres.

Je n 'oserai jamais les porter.

Où seras -tu par être devant le roi sans les porter ?

C 'est donc un ordre que vous me donnez ?

Mais en fait, il faut -il ?

Est -on obligés maintenant de donner des ordres pour

contraindre une peronelle à porter un bijou de

cinquante mille livres ?

Ah oui, oui, oui, oui, tu les porteras.

Et en montrant un visage radieux, s 'il te plaît.

Mais enfin, ne vous fâchez pas.

Ne trouvez -vous pas étrange que le roi me fasse un

honneur de ce prix ?

Quand je porterai cette parure, tout le monde se

demandera ce que cela signifie.

Vraiment ?

Eh bien, pas moi, figure -toi.

En somme, c 'est la pure jeune fille qui voudrait

faire rougir le vieux grenadier.

Voilà, voilà, voilà, ma chérie.

Ton père n 'est -il plus ton ami ?

N 'es -tu pas fière de contribuer à notre fortune ?

Oui, si, bien sûr.

Alors, regarde les choses en face, mort bleue.

Tu voilà l 'ami de la dauphine, du dauphin et du roi.

Tu as des talents supérieurs, une beauté sans rival.

Mais imagine le rôle que tu pourrais jouer.

Tu te souviens de Agnès Sorel ?

Cette jeune fille, fraîche, qui adoucit les

dernières années de Charles VII.

On parle d 'elle encore avec émotion dans toutes les

chaumières de France.

Et vous voulez que je devienne une autre Agnès Sorel ?

Je veux que ton regard innocent chasse ces femmes

perdues qui déshonorent le trône.

Je veux que ta seule présence purifie la cour, que ton

influence généreuse ramène les bonnes meurs et la

vraie galanterie, que tu deviennes une couronne de

gloire pour le blason des tavernais.

Voilà ce que je veux.

Mais songez -vous au moyen qu 'il me faudrait employer.

Un seul moyen, la vertu.

Force les gens à aimer la vertu et ils seront vertueux.

Evidemment pas une vertu renfroignée.

Non, non.

Faudrait montrer une vertu qui les inspire agréable.

Celle de la coquetterie.

Du vice, pourquoi pas ?

Puisque c 'est de la vertu.

Rien n 'est plus facile pour une fille spirituelle et

forte comme toi.

Que le roi ne puisse plus se passer de toi.

Garde tes secrets, mais pas pour lui.

Il suffit que l 'on te croie toute puissante et

bientôt tu le sauras.

Je ne comprends pas bien ce dernier avis.

Alors obéisse, recherchère à comprendre.

Les questions superflues ne peuvent que contrarier

une entreprise aussi généreuse.

De la langue, du sourire, de l 'enthousiasme et l

'affaire est dans le sac.

Voilà sans lui pour renouveler tes toilettes.

Il faut que tu sois digne en tout point du rang auquel t

'élève sa majesté.

Tu t 'appelles bien Nicole Leguet, petite ?

Oui, monseigneur.

Ah, dis -moi, Nicole Leguet recevait chez elle rue Coquéron.

Un certain drôle, une sorte d 'exemple.

Appelez -moi aussi.

Te souviens -tu ?

Non.

Il paraît qu 'il t 'a suivi à Trianon.

Et que tu lui donnes des rendez -vous secrets.

La nuit peste dans un château royal, c 'est grave.

Monseigneur.

On pourrait te chasser.

Monsieur de Sartigne t 'enverra la salle pédrière.

As -tu donné oui ou non des rendez -vous ?

C 'est -à -dire, monseigneur...

Je ne te blâme pas.

J 'aime les jolies filles qui font circuler leur beauté.

Et d 'ailleurs, j 'ai toujours aidé à cette circulation.

Mais je dois t 'avertir charitablement.

On m 'a donc vue.

Apparemment.

La mauvaise esprit a même prévenu Madame de Nord.

Mais là, je suis perdue.

Tu es adorable en vérité, Nicole.

Je veux te tirer de ce mauvais pas.

Comme c 'est bien, vous, monseigneur...

Seulement, il te faudra quitter Trianon.

C 'est donc ainsi que vous me venez en aide.

Et tu seras libre et riche.

En prenant certaines précautions, bien sûr.

Voyons.

Dès la nuit prochaine, tu vas disparaître avec ton amant.

Si mademoiselle ne me trouve pas au moment où elle a

besoin de moi, elle donnera l 'alarme.

Elle ne prend rien avant de se coucher.

Un verre d 'eau parfumé à la fleur d 'oranger.

Tu verseras deux gouttes de cette liqueur dans le verre.

Deux gouttes.

Elle ne fera qu 'un somme toute la nuit.

Tu auras tout le temps de filer avec ton beau sire.

Bon.

Et...

est -ce que je dois...

entamer mademoiselle à double tour ?

Mais...

pas du tout.

Tu laisseras sa porte entre ouvertes.

J 'ai compris.

Quoi ?

Ce que je dois faire.

Ce sera 20 000 francs, monseigneur.

Toi, Nicole, tu iras loin.

Ah, te voilà.

Baron.

Allez.

Allons dîner.

Je meurs de faim.

Veille bien sur ta maîtresse, Nicole.

C 'est un trésor sans prix que tu as sous ta garde.

Monsieur le Baron peut compter sur moi.

Laissez la fenêtre entrebailler.

Il fait si chaud.

Je pars que mademoiselle ne soit un peu malade.

Oh, non.

Seulement fatiguée.

Ah.

Vous irez de bonne heure à Versailles.

Mon frère y a fait porter des livres pour moi.

Bien, mademoiselle.

Vous préviendrez l 'accord d 'heure.

Qu 'il y ait un atrienant pour le klaxon, madame la dauphine.

Si on ne me réveille pas pendant la nuit, je serai de

bonne heure à cinq heures et toutes vos commissions

seront faites avant votre lever.

Ah.

J 'écrira à Philippe avant minuit.

Et vous posterez la lettre aussitôt.

Mademoiselle peut compter sur moi.

Voilà votre bardo, mademoiselle.

Votre veilleuse est allumée.

Est -ce que je peux aller me coucher?

Si je dois me lever à cinq heures.

Allez.

Merci, mademoiselle.

Bonne nuit.

Voyez -vous?

Je vois.

Al -Samo.

Il va m 'appeler si vous avez failli me tuer.

Pardon, je ne m 'appartiens plus.

C 'est vrai, vous souffrez.

Si vous pouvez souffrir.

Comme c 'est étrange.

Pourquoi est -ce moi que vous êtes venu chercher?

Parce que vous seul pouvez me sauver.

Parce que vous êtes l 'âme la plus pure que j 'ai jamais rencontrée.

Interrogez -moi.

Suivez -moi donc à Paris, chez moi.

Entrez dans ma maison.

Que voyez -vous?

Vous aussi dans une chambre.

La plaque de la cheminée s 'ouvre.

J 'entre dans une pièce singulière.

Les fenêtres ont des barreaux.

Tout est en désordre mais la pièce est vide.

Vide.

C 'est une mèche de cheveux de la personne qui

occupait cette pièce.

Pouvez -vous me dire comment elle s 'est enfuie?

Pauvre femme.

Comme elle pleure, comme elle souffre.

Elle cherche dans la cheminée.

La plaque s 'ouvre, elle peut s 'enfuir.

Vivez -la.

Elle sort de votre maison.

Elle emporte une cassette qui vous appartient.

Elle court sur le boulevard sans s 'arrêter.

De quel côté?

Vers la Bastille.

Elle interroge un homme et lui demande où elle peut

trouver l 'adresse.

Elle donne l 'adresse.

Malédiction.

Et que fait -elle?

Elle revient sur ses pas.

Elle traverse la place royale.

Mon Dieu, courrez.

Si elle arrive avant vous, si elle donne cette

cassette à Monsieur de Sortine, vous êtes perdus.

Savez -vous, mademoiselle de Tavernay, que vous

êtes belle?

A damner un chartreux.

Oh, mais vous êtes glacé, mon enfant.

J 'espère que ce n 'est tout de même pas moi qui vous

fais peur.

Nous allons bien vite, vrai jour.

Véritu.

Cette fille est morte.

Quelle horreur.

Mon frère.

Un terrible roman que tu m 'accusais de faire.

Il me faut une terrible faim.

Eh ben, qu 'est -ce qu 'il y a, Baron?

Tu parais triste comme la mort.

Inquié, Duc.

Très inquiet.

Voilà un mois que tu me promènes.

Tu n 'as pas vu le roi, le roi ne t 'a pas vu.

Dis -moi plutôt la vérité.

Eh ben, tu viens de le dire toi -même, hein.

Moi, Duc éperme, à Richard de France.

Premier gentilhomme de la Chambre.

Je vois le roi chaque jour, le roi ne me voit plus.

En rachetant que tu veux, tu n 'en rangeras jamais

autant que moi.

Tu auras bien une explication, la fin n 'est fin.

Il y a toujours grand danger à provoquer les

explications des souverains.

Duc, confie ses tarinces.

Son régiment part dans deux jours, et il n 'a toujours

pas son brevet de capitaine.

C 'est un oubli, ça serait pas...

Ah non, non, non.

Mon fils, ma fille et moi, on ne nous oublie pas.

On nous ignore.

Tu sais que tu as une conversation très intéressante.

Duc, il faut absolument voir le roi.

Sinon, je serai obligé de parler à ma fille, car il y a

quelque chose de louche dans cette affaire.

Gartonk, hein.

Je parlerai au roi.

Trouve -toi demain, ici, à 11 heures.

Merci, mon ami.

Ils sont rancunes.

Merci.

Mais que se passe -t -il donc ?

Mais qu 'y a -t -il ?

C 'est une femme.

Mais qu 'a -t -elle donc ?

Elle vient de s 'évanouir, Sire.

Oh, pauvre enfant.

Voyons un peu cela.

Oh, mais encore !

C 'est épouvantable.

A -t -on jamais vu quelqu 'un mourir comme ça, à tout

propos ?

Quand on a de pareilles maladies, on reste chez soi.

Venez.

Le débédé a transporté mademoiselle de taverner

chez elle.

Encore ici, monsieur le Richelieu ?

Au service de Sa Majesté, oui, Sire.

Décidément, vous ne quittez jamais Versailles.

Jamais tout à fait, si.

J 'y suis depuis 40 ans.

Je ne sais quelle intuition me dit que, depuis

quelque temps, vous avez quelque chose à me dire.

Je crois même que voilà un bon moi que vous me poursuivez.

De mon amour et de mon respect infini.

Vous voulez jouer au plus fin avec moi.

Parfait.

Eh bien, sachez que je n 'ai absolument rien à vous dire.

Sire, le pire des envieux ne peut prétendre qu 'en 40

années, le roi m 'ait accordé la moindre faveur.

Je n 'ai besoin de rien.

Je me borne à supplier votre Majesté de vouloir bien

admettre, à la remercier, quelqu 'un qui lui a une

grande obligation et qui souhaite vivement la lui exprimer.

Quelle phrase !

Je me demandais si vous arriveriez jamais au bout.

De qui voulez -vous en parler ?

D 'un vieil ami à moi, sire, qui est aussi un vieux

serviteur du roi.

Le Baron de Tavernay.

Tavernay.

Et vous avez le front de l 'appeler votre ami ?

Sire, votre Majesté sait qu 'on n 'a pas de nom.

Je m 'appelle ami en ce bas monde, tout ce qui n 'est pas ennemi.

Tavernay a servi sous Villard avec moi.

Je peux donc l 'appeler ami.

Et bien, vous feriez mieux de l 'appeler autrement.

Ou mieux encore, ne donne plus l 'appeler du tout, car

vous vous compromettez du que.

Votre Tavernay est un homme immoral.

Voix de gentilhomme, je m 'en étais doté.

Un homme sans dédicatesse.

C 'est moi qui vous le dis, monsieur le Maréchal.

Un vilain homme qui a joué un vilain rôle dans une

vilaine affaire.

Grand Dieu, sire, maintenant que je connais l

'opinion de votre Majesté...

Oui, vous la connaissez.

Je déteste le Baron de Tavernay.

L 'arrêt prononcé.

Mais...

si le Père a eu le malheur de déplaire à votre Majesté,

certains anges que...

le Roi rencontra un jour à Trianon...

Je ne comprends rien à ce que vous me racontez là.

Je vais tout donner à penser cependant que

mademoiselle de Tavernay était un ange.

Un ange !

C 'est un monstre au physique comme son perlé au moral.

Atteinte d 'un mal éprouvantable.

Un véritable gré d 'un banduc.

Pour Dieu, plus un mot sur elle !

Vous me feriez mourir.

Dieu m 'a pressé, Afsire.

Mais que va devenir le frère ?

Et ce brave jeune homme à qui le Roi a donné une

compagnie ?

Aie -je l 'habitude de distribuer des compagnies ?

Et à des Tavernay encore ?

A vous, vous faites l 'avocat d 'une belle nichée.

Non, Duc.

Donne.

Vous avez eu tort de m 'en parler.

Grand tort.

Vous m 'avez mis tout le sang à l 'envers.

Je sens que j 'aurai une mauvaise digestion toute la journée.

Et bien maintenant, au moins, je sais à quoi m 'en tenir.

Quoi de nouveau ?

Il y a de nouveau, monsieur, que je vous prie de ne plus

m 'adresser la parole.

Adieu, monsieur de Tavernay.

Adieu.

Toujours.

Vous m 'avez fait peur.

On entre chez moi avec cette brusquerie.

Excusez -moi.

Vous sortez ?

Oui.

Je vais chez madame la dauphine qui m 'attend pour lui

faire la lecture.

Elle a choisi la vie de Marianne de monsieur de Marivaux.

Vous connaissez ce roman ?

Il y a autre chose à faire que de m 'occuper de ces faribolles.

Mais vous êtes seule pour vous habiller ?

Où est don Nicole, cette fainéante dont je me suis

privé pour vous ?

Disparue.

Comment ?

Je vous l 'ai dit, déjà.

Elle s 'est enfuie sans rien me voler, rassurez -vous.

Vous n 'avez pas repris une fille de chambre ?

Je n 'en ai jamais senti le besoin.

Vous n 'aurez aucun succès à la cour.

Ficellez comme cela.

Cette simplicité était bonne au couvent de Nancy.

À Versailles, elle est tout bonnement ridicule.

Et à Versailles, plus que partout ailleurs, le

ridicule tue.

Pardonnez -moi, mon père.

Madame la dauphine m 'attend pour de bon.

Ce n 'est pas l 'élégance de mes robes qui lui apporte,

mais mon impressement à la servir.

Revenez au plus vite.

J 'ai à vous parler d 'une affaire extrêmement grave.

Attendez !

Vous oubliez votre rouge ?

Vous êtes une parleur repoussante.

Regardez -vous dans le miroir.

Vos joues sont blanches comme de la craie, vos yeux

serrés d 'un demi -pied.

Mais êtes -vous folle d 'aller chez la dauphine dans

cet état ?

Ou bien voulez -vous faire peur aux gens ?

Je suis déjà en retard, mon père.

Je n 'ai plus que temps.

Vous devenez odieuse, ma fille, odieuse.

Vous ne voulez pas vous rendre belle.

Prenez -vous au moins intéressante.

Inventez quelque chose, je ne sais pas, moi.

Dites que vous êtes malade, par exemple.

Je pourrais l 'affirmer sans mentir.

Je me sens bien malade, au véritable.

Malade ?

Il ne manquerait plus que ça.

La peste du payeur !

La soeur du curé et moi nous voilà à Paris.

Je ne saurais vous dire ce que je ressentais en voyant

cette grande ville.

Et son fracas, et son peuple, et ses rues.

C 'était pour moi l 'empire de la Lune.

Je n 'étais plus à moi.

Je ne me souvenais plus de rien.

J 'allais.

J 'ouvrais les yeux.

J 'étais étonnée.

Et voilà tout.

Oh !

Allô, mademoiselle.

Un peu de maintien.

Il y a déjà ça se trouve mal.

Non, madame.

Je me sens mieux.

Oh, Landon, vous êtes blanche comme un mouchoir.

Pauvre enfant.

Eh bien, pouvez -vous lire, par exemple ?

Certainement.

Je fus charmée de me trouver là.

Je respirais un air qui réjouit mes esprits.

Il y avait une douce sympathie entre mon imagination

et les objets que je voyais.

Il me semblait que les plaisirs habitaient au milieu

de tout cela.

Vous voyez, si ce n 'était pas là, un vrai instinct de femme.

Et même un pronostic de toutes les aventures qui

devaient m 'arriver.

Encore ?

Le bruyé du chassette peut -être est malade.

Il ne faut pas que Mademoiselle reste ici.

Et pourquoi cela ?

Parce que c 'est ainsi que commence la petite verroule.

Votre altesse me pardonnera -t -elle ?

J 'ai honte.

Allons, il vaut mieux que vous retourniez chez vous.

Madame va vous accompagner.

Encore une fois, je supplie votre altesse de me pardonner.

Ne pensez plus.

Allez.

Cette petite manquette.

Si par malheur vous disiez la vérité.

Évanouissement, vertige, frisson.

Ce sont les symptômes de la petite verroule, madame.

Hélas.

Alors faites chercher le docteur Louis.

S 'il vous plaît.

André.

Votre père sera votre premier solliciteur.

J 'espère que vous ne le mettrez pas à la porte.

Et de vous disposer à demander quelque chose pour

votre frère et pour moi.

Enfin, mon père.

Sa majesté nous a déjà tant donné.

À moi une parure de plus de 100 000 livres.

Et à mon frère une compagnie.

Une compagnie, oui, mais pas de brevet.

Comment ?

Parlons franchement.

André.

Je sais tout.

Vous savez tout ?

Tout.

Bon, bon, faites la mystérieuse si c 'est votre idée.

Mais serons -vous aussi à faire la fortune de votre

famille ?

Quand vous verrez le roi, vous lui direz que votre

frère attend son brevet.

Et moi ma pension.

En amour ne soyez pas sa seigneuse pour avoir trop d

'amour ni trop de désintéressements.

Et vous direz cela au roi dès ce soir.

Mais où voulez -vous que je le voie ?

André, ça suffit.

L 'avégation de votre fille, monsieur le tavernier.

Moi ?

Venez, docteur Louis.

Dites -moi la maladie de ma protégée.

Eh, docteur Louis, mon chirurgien, donnez -lui

votre main.

Mais prenez garde, c 'est un savant qui sait voir,

mais c 'est aussi un philosophe qui sait deviner.

Que ressentez -vous précisément, mademoiselle ?

Un profond dégoût pour toute nourriture.

Des tiraillements subis.

Des chaleurs qui montent tout d 'un coup à la tête.

D 'espace, des défaillances, des palpitations.

Et bien ?

Que dit l 'oracle ?

La maladie de mademoiselle est des plus naturelles, madame.

Mais est -elle dangereuse ?

Peu fréquemment.

Bon.

Ne la fatiguez pas trop avec vos prescriptions.

Il n 'y aura pas de prescriptions, non.

La maladie de mademoiselle ira son train, sans mon aide.

Bon.

Puis -je prendre le congé, madame ?

Je dois voir Monseigneur, le comte de Provence, qui a

des aigreurs.

Mon bon frère, des aigreurs.

On a peine à y croire.

Bien, allez.

À bientôt, mademoiselle.

N 'oubliez pas les trajets que vous m 'avez promis

pour dormir.

Je les préparerai moi -même, avant tout.

On va la rassurer.

Une maladie qui fait rire, le médecin, ce ne peut pas

être bien grave.

Dormez bien, André.

Je vais vous envoyer quelqu 'un pour vous servir.

Oh, mon ami.

Eh bien, ma pauvre petite sœur.

C 'est donc bien vrai que tu es malade ?

Des mains étaient brûlantes il y a un instant.

À présent, elles sont glacées.

C 'est là que je vais aller te revoir, Philippe.

Je sens se porter au cœur.

Non.

Non, non, je vois bien que tu souffres.

Qui t 'a dit que j 'étais malade ?

C 'est que Canne Gilbert, par Dieu.

Tu as cru ce fénéant.

Il n 'est bon qu 'à faire le mal ou à le dire.

André.

Monsieur, je viens faire ma visite à notre malade,

comme leur donne madame la dauphine.

Eh bien, comment allons -nous aujourd 'hui ?

Le mieux du monde, docteur.

Moi, je suis le docteur Louis, chirurgien à la cour.

Et moi, Philippe de Tavernet, chevalier de maison

rouge et frère de mademoiselle.

Ah bon ?

Vous êtes le frère ?

Mais oui.

Et pensez -vous dont j 'étais ?

Bien.

Mademoiselle, monsieur, je crois qu 'il est grand

temps de faire jaillir la vérité du puits.

Vous allez donc me dire de quel mal je souffre à la fin ?

C 'est vous, mademoiselle, qui allez m 'expliquer

certaines choses.

Monsieur, laissez -moi seule avec votre sœur.

Je vous en prie.

Mademoiselle, avez -vous fait à monsieur le

chevalier des confidences, que vous m 'auriez

refusé ?

De quel genre de confidences, docteur ?

Soyez gentil.

Voyez en moi votre ami.

Soyez donc franche, je peux tout entendre.

Je vous ai tout dit ?

C 'est dissimulé à la fin, à cette hypocrisie, à cette

fausse pudeur.

Monsieur, vous m 'enfoncez.

Mademoiselle, vos regards couroussés ne me feront

pas changer d 'avis.

Allez, avouez.

Encore une fois, vous m 'insultez.

Sortez.

Très bien, très bien.

Vous êtes bien candide si vous pensez cacher votre

état à un homme de science.

Votre orgueil n 'y peut rien, vous êtes enceinte.

J 'ai dit ce que j 'avais à dire, chevalier.

Ce n 'est pas la menace de votre épée qui me fera

revenir sur mes pas.

C 'est impossible.

Pourtant, c 'est vrai.

Adieu, monsieur.

Prenez soin de vous, mademoiselle.

André, je ne suis plus ton frère.

Je suis Philippe de Tavernet.

J 'ai décidé à court pour obtenir ton secret.

Dis -moi le nom du misérable qui t 'a désolé, ou bien je

te tuerai.

Je vais te dire que je suis innocente.

Sur l 'âme de notre mère.

Aucun homme ne s 'est jamais approché de moi.

Je te jure que je suis pure comme au jour de ma naissance.

Si tu me crois coupable, d 'autres le croiront avec toi.

Alors tu as raison.

Il vaut mieux que je meure.

Si tu dis la vérité, André.

C 'est bon.

Que veut, monsieur ?

On va parler au maître d 'hélogie.

Le maître n 'est pas chez lui.

Il faut que je lui parle.

Où est -il ?

Je n 'en sais rien.

Écoute -moi bien.

Faudrait dire à ton maître qu 'un officier veut lui

parler et qu 'il est à la bonté de ne pas se cacher davantage.

Il ne se cache de personne.

Donc il est ici.

Qu 'il y soit ou non.

On n 'a pas l 'habitude de pénétrer chez lui par la force.

Toutes les portes étaient ouvertes.

Au revoir, monsieur.

Le maître n 'est pas chez lui.

Il faut sortir de la maison, monsieur.

Est -ce bien vous, monsieur le chevalier de maison

rouge ?

Est -ce bien vous qui recevez les gens à coups d

'épieux, monsieur Balzamou ?

Je vous prie d 'accepter mes excuses.

Votre père m 'a offert l 'hospitalité à Tavernet.

Vous êtes deux fois le bienvenu chez moi, à Paris.

Mon serviteur ne faisait que suivre sa consigne.

Vous avez voulu la forcer.

Merci.

Il y a des situations où l 'on est prêt à forcer toutes

les portes.

Et à n 'importe quel prix.

Chevalier, je viens de traverser la plus grande

épreuve de ma vie.

Je vous prie donc de parler vite et clairement.

Je suis à bout de force.

Je ne vous écoute que par bienveillance.

Réveille -toi, ce baron.

Vous avez enlevé ma sœur la nuit du 31 mai au milieu des

morts et des mourants qui jonchaient la place 8 -15.

Votre conduite m 'a semblé et me semble plus que suspecte.

Je vous ai prié d 'être clair.

Si vous continuez comme vous avez commencé, restez là.

Vous m 'écoutez pour qu 'il vous en coûte.

Je veux bien croire qu 'il vous est arrivé malheur,

mais c 'est le mien qui m 'importe.

L 'honneur de ma famille est perdu et je suis ici pour

que vous me le rendiez.

Vous êtes fou !

C 'est l 'honneur de mademoiselle de Tavernay.

Oh, gros Dieu !

Que de détours pour arriver à une chose si simple !

Qui diable a pu vous dire que j 'avais fait un jure à

votre sœur ?

Elle -même.

Chevalier, je vous donne ma parole de gentilhomme

que ma conduite envers mademoiselle de Tavernay

dans l 'affreuse nuit du 31 mai ne m 'ait dictée que par

le désir de lui sauver la vie.

Ne croyez -vous ?

Vous m 'avez supposé que je vous crois.

Où parvue ma sœur depuis ?

Si fait.

Elle seule était capable de m 'aider à retrouver une

personne que je cherissais plus que tout au monde et

qui ne m 'a quitté, jamais.

Vous l 'avez plongé dans ce sommeil inexplicable

dont vous êtes le maître et que vous l 'avez déjà

imposé à Tavernay.

Mais cette nuit -là, vous êtes entré chez elle et vous

avez profité de sa liturgie pour commettre le pire

des crimes, elle me l 'a dit.

Comment le sait -elle, puisqu 'elle dormait ?

Comment ne le saurait -elle pas, puisqu 'à présent,

elle porte un enfant de vous ?

Encore une fois, chevalier, je vous jure que je ne

suis jamais entré chez votre sœur, que je ne l 'ai

jamais touché.

C 'est vrai que cette nuit -là, où mon égard m 'a été tel

que je suis reparti de Triennon sans réveiller

Mademoiselle de Tavernay.

Quelque misérable ensuite aura profité de son sommeil.

Fais -elle vous moquer !

Je veux vous convaincre.

Où est Mademoiselle de Tavernay alors qu 'il est ?

A Triennon.

Allons -y ensemble.

Nous saurons la vérité.

Balzameau est capable d 'arracher la vérité à ceux

dont le regard a l 'audace de croiser le sien.

Mais peut -il obliger Andrée de Tavernay à épouser un

homme qu 'elle déteste et à quel prix ?

Quinze ans.

N 'est -ce pas bien long pour qu 'un cœur s 'ouvre enfin

à la passion ?

Vous le saurez dans le prochain épisode de La

comtesse de Charny.