All language subtitles for carl theodor dreyer - 1964, gertrud

Gertrud.

Gertrud.

Ah, tu es là.

Je pars dans un instant.

Tu vas au syndicat
ce soir ?

Oui.
Il y a réunion du bureau.

Moi, je vais probablement aller
à l'opéra.

- Que donne-t'on ?
- Fidelio.

Viens.
J'aimerais te parler un peu.

- J'ai quelque chose à te dire.
- Oui ?

Ma mère est-elle venue ?

Non.

Elle va venir chercher
son argent.

C'est ça que tu voulais
me dire ?

Non. Viens.
Assieds-toi.

Dis-moi, Gertrud,

ça te plairait de devenir
la femme d'un ministre ?

Dis-moi d'abord avec quel ministre
tu veux me marier.

Le ministre Kanning.

Quelle grande nouvelle !
Tu vas devenir ministre ?

Oui.

Tu n'es pourtant pas un vif
partisan du gouvernement.

Non, mais il parait qu'un
grain de sel

dans le gouvernement
ne nuirait pas.

Et tu serais
ce grain de sel ?

J'ai rencontré ce nouveau génie
de la musique.

Erhard Jansson.
C'est bien ça ?

Erland Jansson.
si c'est lui dont tu parles.

Oui. Erland Jansson.
est-ce un vrai génie ?

- On le dit.
- Mais toi qui t'y connais,

qu'en penses-tu ?

- Sais-tu qui j'ai vu aussi ?
- Non.

Gabriel Lidman.
Je ne voulais pas te blesser.

- Je sais.
- Je lui ai dit de venir nous voir.

- Viendra t'il ?
- Oui. Du moins il l'a dit.

- Il a été longtemps absent.
- Combien ? Deux ans ?

- Trois.
- Voilà quelques lettres.

Des factures, je suppose.

Merci.

Il y a une photo de Lindman
dans le journal.

Montre-moi.

Toujours le même.

Oui. Il n'a guère changé.

Lui as-tu dit que tu allais faire
un discours ?

Il le savait.

Je serais contente
de le revoir.

Pourquoi avais-tu rompu
avec lui ?

Ne parlons pas de ça.

Non - ce chapitre de ta vie
est oublié.

Tu m'as dit que c'était fini,
et je te crois.

Tes relations avec Gabriel Lindman

ne me regardent absolument pas.

Tu étais libre à cette
époque.

Tu étais une artiste,
lui, un écrivain célèbre.

- C'était parfaitement normal.
- Tu trouves ?

Naturellement.
Pourquoi ris-tu ?

Je souris seulement quand je pense
à tous les pauvres gens

qui se permettent d'aimer,

alors qu'ils ne sont ni artistes
ni célèbres.

Sais-tu où est ma grande
serviette ?

Dans le hall.

Merci.

Comme tu es belle,
Gertrud.

C'est Gabriel qui m'avait donné
ce miroir

pour que je puisse voir
quelque chose de beau

en me réveillant.

- Ce sont ses paroles.
- Je sais.

Plus tard, tu m'en as donné un,
toi aussi.

Maintenant, le sien est ici,
dans ton bureau.

Embrasse-moi, Gertrud.

- Il fait nuit de bonne heure.
- Alors, je dois partir.

Je cherche tes lèvres,
tu me tends la joue.

Ta chambre m'est fermée
depuis un mois.

Avant, j'y étais bien accueilli.

Souvent, la nuit,
je pense à toi.

Tu aimes peut-être
un autre homme. Mais qui ?

C'est sûrement ma mère.

Bonjour.

- Bonjour, Gustav.
- Bonjour, maman.

Ces escaliers !
Bonjour, Gertrud.

Bonjour, belle-maman.

- Assieds-toi
- Merci.

- Tu viens tard.
- Je me suis endormie en lisant.

C'est la vieilesse.

- Quel livre était-ce ?
- J'ai déjà oublié.

- De quel auteur ?
- Je ne sais pas,

mais il est très bien écrit.

- Et le sujet ?
- En fait,

je ne comprends pas
la littérature moderne.

Une tasse de thé ?

Je préférerais du porto.

- Bien.
- Merci.

Gertrud est vraiment
l'épouse idéale.

- C'est vrai.
- Je le dis à tout le monde.

- On te le demande ?
- Non.

Mais on ne peut empêcher
les gens de parler.

Bien que depuis
que tu l'as épousée,

nul n'ait pu trouver
à redire à sa conduite.

Du moins, jusqu'à présent.

Comment s'appelle donc
cet homme ?

- Lidman.
- Ce n'étaient que des ragots.

Bien entendu.

Il paraît que tu es sur le point
de devenir ministre.

On dit tant de chose.

Combien gagnerais-tu ?

Il faut se sacrifier.

Grand Dieu !
Tu le regretteras.

Pensa à ton père
et aux sacrifices qu'il a faits.

Qu'en a t'il retiré ?
Quelques décorations.

Non, Gustav, continue
d'exercer ton métier.

Et oublie un peu la patrie.

Si je deviens ministre,
ce sera pour moi-même.

Pour que Gertrud puisse aller
au bal de la cour.

Ca ne l'intéresse pas.

Gertrud, que dis-tu à l'idée
de devenir femme de ministre ?

Il n'y a encore rien de certain.

Le président du conseil
va m'appeler.

J'allais oublier ton argent.

Je vais le chercher.

Il faut absolument que
je te parle. C'est très sérieux.

Maman, je dois aller à une réunion
et Gertrud s'en va.

Il est déjà tard,
et j'ai tant à faire.

Tiens, ton argent.

- Merci. Au revoir, Gustav.
- Au revoir, Maman.

Au revoir, Gertrud.

Au revoir, belle-maman.

Qu'avais-tu à me dire ?

Une chose que j'ai trop tardé
à te dire.

Mais je n'ose plus attendre.

Tu vas avoir de la peine.

Gustav, je ne serai pas
la femme d'un ministre.

Que dis-tu ?

Je ne veux plus être
ton épouse.

Gertrud, comment ça ?

Quand tu m'as donné
mon alliance,

tu m'as dit que si l'un de nous
désirait reprendre sa liberté,

l'autre devrait s'incliner.

- Tu t'en souviens ?
- Oui, je m'en souviens.

A cette époque,
ça m'avait fait de la peine.

Il me semblait impossible de vivre
l'un sans l'autre.

Quand j'ai compris
que tu m'aimais,

je suis venue te dire
que je voulais être à toi.

Je m'en souviendrai
toute ma vie.

Et maintenant, tu veux partir ?

Gertrud, je ne comprend plus.

Tout est tellement différent
à présent.

Nous mêmes, nous avons changé.

Je t'aime, Gertrud.

Aimer ...
C'est un bien grand mot.

Tu aimes tant de choses.

Tu aimes le pouvoir, l'honneur.
Tu aimes toi-même.

ton intelligence,
ainsi que tes livres,

tes cigares.

Je suis sûre que tu m'a aimée
de temps à autre.

Comment peux-tu parler ainsi ?

Quand nous sommes seuls
tous les deux,

tu peux rester
des heures entières

à regarder en l'air
sans dire un mot.

Je pense à des choses.

- Des choses ?
- Oui, mes affaires, mon travail.

Ton travail, oui.
Nous y voilà.

Tu ne penses qu'à ton travail.

- C'est de l'indifférence ?
- C'est pire que de l'indifférence.

C'est un manque de sensibilité.

Une femme aime en premier
lieu son mari.

Pour l'homme,
le travail passe avant la femme.

N'est-ce pas normal ?

Bien sûr qu'il est dans
la nature de l'homme

de travailler, de créer.

Mais ça ne doit pas lui faire
oublier sa femme.

J'ai souvent l'impression que je n'ai
pas de mari,

que je n'existe pas pour toi.

Que me reproches-tu d'autre ?

La façon humiliante que tu as
de me montrer

le peu d'importance que j'ai
à tes yeux.

Que suis-je exactement
pour toi ?

Tu n'essaies jamais de deviner
mes désirs ou mes pensées.

Que je sois heureuse ou triste
t'indiffère totalement.

Si j'ai bien compris,
tu me reproches

l'intérêt que je porte
à mon travail.

L'homme avec qui je veux vivre
doit m'appartenir entièrement.

Je dois passer avant tout.

Je ne veux pas être
un simple objet

avec lequel on joue quelque fois.

Ma petite Gertrud,
l'amour seul

ne peut remplir la vie
d'un homme.

Ce serait ridicule,
Voyons !

Peut-être bien
que ce serait ridicule.

Tu vois bien le peu d'importance
que j'ai pour toi.

Le vide que je laisserai en partant
sera insignifiant.

Gertrud, me caches-tu
quelque chose ?

Quelqu'un d'autre ?

Tu es libre de penser
ce que tu veux.

- Tu aimes un autre homme ?
- Oui.

- Et c'est déjà fait ?
- Non.

Mais ça va avoir lieu ?

Tu vas me rendre fou.

Oh, non. La femme qui pourrait
te rendre fou n'existe pas.

Tu le sais bien.

Qui est-ce ?

Tu crois que je vais
te répondre ?

Est-ce un homme qui désire
t'épouser ?

Je vais sans doute
recommencer à chanter.

Gertrud - Qui est-ce ?

Tout ce que je peux te dire,

c'est qu'il n'est pas de notre milieu.

Où l'as tu connu ?

As-tu l'intention de partir
pour toujours ?

Non, je voulais simplement
te le dire maintenant.

Nous pourrons en reparler
plus tard.

Et demain, nous irons
à la soirée.

Explique-moi comment
c'est arrivé.

Quand on comprend,
tout est facile.

Que puis-je dire de plus ?
Je ne comprends pas moi-même.

Il n'y a qu'une chose dont
je suis certaine,

c'est que je suis très
amoureuse.

Ca ne te fait rien de me dire
toutes ces choses ?

En somme, tu me demandes
ton congé.

J'ai souffert pendant
trop longtemps.

Je ne savais pas comment
te le dire.

Gertrud - C'est épouvantable.

Tu as pris les choses bien mieux
que je ne l'aurais cru.

Ca a été plus facile
que je ne l'imaginais.

Où vas-tu maintenant ?

Comme je te l'ai dit ...
Ce soir, je vais à l'opéra.

Au revoir, Gustav.

- Tu m'as attendue ?
- Oui, trop lontemps.

Pardonne-moi, mon amour.

Je vais essayer.

Tu m'aimes ?

Dis-le moi.

- Je t'aime.
- Dis-le moi encore.

Je t'aime.

Je t'aime.

Mais il faut que nous parlions.

Que puis-je être pour toi ?

Nous sommes différents
l'un de l'autre.

Tu es tout pour moi.

Ma nouvelle vie dans la joie
et le malheur.

Le malheur ?

Oui, c'est un malheur pour moi
de t'aimer comme je t'aime,

sans bien te comprendre.

Je ne suis pour toi
qu'un caprice.

Tu m'as envoyé des roses.

C'était pour ton premier
concert.

Deux roses et une carte,

Je n'ai pas reçu de réponse,
ni de remerciements.

J'ai reçu d'autres roses.

Tu te souviens de notre
premier baiser ?

Je me souviens d'une avalanche
de baisers.

Des baisers qui me pénétraient,

me faisaient perdre le souffle.

Je ne pensais plus qu'à toi.

Quand je t'ai vu,
je n'ai pu que t'aimer.

Et quand je te demande d'être
mienne, tu hésites.

Tu dis que je suis tout
pour toi.

Oui,
tu es tout pour moi.

Je ne connaissais pas ta voix.

J'ai voulu t'entendre pour savoir
si je pouvais t'aimer.

Je suis allée te voir.

Comment en ai-je eu le courage ?

Et j'étais chez moi.

Oui, entrez.

Eternel enfant ailé et Dieu

Une fois de plus, mon coeur
a obéi à ton commandement sévère

De nouveau, je suis seule

Au milieu de ces gens satisfaits

Quand cesseras-tu d'être
impitoyable

envers moi ?

Dans la nuit, s'est formée
une perle

Dans l'ombre, un rêve est né

Caché, il vivra en moi

Etincelant et tendre

Dans mon coeur résonne ce chant

Douloureux, tendre et cruel

Tandis que ma perle lumineuse

Grandit dans les ténèbres

Jamais je ne l'ai entendu
chanter comme ça.

Je suis fatigué.

J'ai fait la fête.

Est-ce vraiment nécessaire
pour être artiste ?

En tout cas,
je ne peux pas m'en empêcher.

Nous voulions tuer le temps.

Nous nous sommes retrouvés
dans un café

à jouer aux cartes
avec des filous.

Mais ils étaient sympathiques.

Tu as joué aussi ?

Je dormais à moitié,
tout en réfléchissant à un motif.

Je l'ai encore en tête.

Si j'en avais le courage,

j'en ferais une symphonie.

Ca peut te faire du tort
de courir les cafés.

Ce soir, reste chez toi,
veux-tu ?

- Ce soir, je suis invité.
- Chez qui ?

Un type qui vient d'offrir
un appartement à une fille.

Elle s'appelle Constance.

Je tiens à y aller.

N'y va pas.

Pourquoi ?

Je te le demande.

Moi aussi,
je t'ai demandé quelque chose.

Il y a tant de musique en toi
qui ne demande qu'à être écrite

et divulguée parmi
les hommes.

Si tu continues, elle va mourir.

Et peut-être plus tôt
que tu ne le crois.

Quant à tes inspirations
de cabarets puant la bière,

Erland, elles n'ont aucune valeur.

Erland - je t'en prie -

comme je prierai pour
ma propre vie, n'y va pas.

Je vis comme j'en ai envie.

J'ai ça dans le sang.

Si je te promettais,
j'irais quand même.

Dans ce cas, il vaut mieux
ne rien promettre.

Cette vie intense me plaît.

Et demain, on recommence.

Gabriel Lidman le grand poète,
revient de l'étranger.

On fête ses 50 ans.

Comme si c'était un exploit.

On se verra, j'y vais aussi.

- Ton mari vient ?
- Oui.

Le politicien !

Bientôt ministre,
à ce qu'il parait.

Tu parles !

Que veux-tu dire ?
Tu ne le connais pas.

Pardon.

J'ai eu une longue conversation
avec lui.

C'est ce qui m'a retardée.

J'ai repris ma liberté.
Je peux faire ce que je veux.

- Maintenant ?
- Oui.

Tu m'as dis que jamais
je ne te comprendrais.

Si Erland, je le peux.

A partir de maintenant,
je veux être tienne.

- Cette nuit, j'ai fait un rêve.
- Quel rêve ?

Je courrais nue,
une meute de chien derrière moi.

quand ils m'ont rejointe,
je me suis réveillée.

J'ai alors compris
que nous étions seuls au monde.

Donne-moi ta bouche.

Ta bouche adorée.

Où veux-tu aller ?

Chez toi. Viens.

Gertrud. Oses-tu ?

Je veux dire ...

Erland - je t'aime, Erland,

Et si tu me demandes si j'ose,

je te réponds,
Oui Erland.

J'ose car je crois en toi.

M'aimes-tu assez ?

Il m'est impossible
d'en aimer un autre.

Je ne pourrais continuer à vivre
sans t'avoir appartenu.

Etrange femme.

Qui es-tu réellement ?

- Je suis beaucoup de choses.
- Par exemple ?

Je suis le rosée qui s'égoutte
des feuilles d'arbre

et le nuage blanc qui passe
pour aller Dieu sait où.

Quoi d'autre ?

La lune. Le ciel.

Autre chose ?

Oui. Des lèvres.

Des lèvres qui cherchent
d'autres lèvres.

Ca ressemble à un rêve.

C'est un rêve.
La vie est un rêve.

- La vie ?
- Oui.

La vie est une longue suite
de rêves,

qui se mèlent les uns aux autres.

- Et les lèvres dont tu parlais ?
- Un rêve.

Et les lèvres que tu cherchais ?

Un rêve aussi.

Joue.

- Que désires-tu ?
- Un nocturne.

De Debussy ?

De toi.

En rentrant du syndicat,
j'ai beaucoup réfléchi.

Il y a des personnes qui passent
leur vie à rêver,

alors que d'autres
sont débordantes d'activité.

Lentement et inévitablement,
la vie nous échappe.

de toute façon.

Je me demandais comment ce que
j'ai le plus cher au monde

était sur le point de m'échapper

sans que je sache pourquoi

ça s'était produit.

Ceci m'a fait penser
à ces vers :

"Garde bien le trésor que
Dieu t'a envoyé

Afin qu'il ne t'échappe pas."

On ne veille jamais trop
sur son bien,

sur ce qu'on ne voudrait
pas perdre.

J'ai eu envie de voir ma femme,

de me promener à nouveau
dans les rues

avec elle à mon bras,

comme nous le faisions
si souvent,

au temps de nos nuits heureuses.

J'ai eu l'idée d'aller la chercher
à l'opéra.

Je peux vous être utile ?

Ma femme a du partir
avant la fin.

Elle n'est pas venue ce soir.

- Vous êtes sûr ?
- J'étais ici toute la soirée.

- Vous le connaissez ?
- Mme Kanning a chanté ici.

Oh, Erland

Ici, chez toi, je revis enfin.

Si tu savais
comme je suis heureuse.

- Tu es redevenue toi-même.
- Oui.

Maintenant,
nous vivrons ensemble.

Crois-tu que nous le pourrons ?

Je t'aime.

Mon amour n'attend plus que toi.

Gertrud.

Erland.

Tu ne vas pas aller chez
Constance ?

Au Florabakken.

Cher Gabriel Lidman,

Nous sommes ici au nom des
étudiants et de la jeunesse

Pour acclamer
le grand poète de l'amour.

Aujourd'hui, les jeunes sont élevés
par des parents

dont la vie n'est faite
que d'habitudes

qui n'ont rien à voir
avec l'amour.

L'ancienne génération à tendance
à considérer l'amour

comme quelque chose de
bas et laid.

Vous ne partagez pas
cette opinion.

Dans votre esprit, l'amour
n'est véritablement l'amour

que lorsqu'il y a union
des coeurs et des sens.

Dans votre hymne à l'amour,
vous avez si bien décrit

ces deux êtres qui
se sont donné l'un à l'autre.

Leur amour est si grand qu'il
donne à leur union intime

une chaleur divine.

Je me permets de citer
quelques lignes :

" Lèvres contre lèvres

" Ils s'abiment de plus en plus
l'un en l'autre

" Lui avait l'impression de se
mouvoir dans l'espace

" Dans un brouillard blanc,
une étoile lui apparut

" Tout d'abord sans éclat,
Prête à s'éteindre

" Ensuite plus lumineuse
et plus proche, elle grandit

" Et se transforma en un fleuve
de feu étincelant

" Il brulait sans douleur
et ce feu lui rafraichissait

la langue comme un vin léger."

Dans cette extase érotique,

nous assistons à la rencontre
de l'infini et de l'éternité.

Voilà ce qui fait la grandeur
de votre conception de l'amour.

C'est un amour sans limite.

C'est l'amour pour lequel
l'homme a été créé.

Pour moi, il existe deux choses
qui ont toujours été

et sont encore
d'une importance primordiale.

Ces deux choses sont l'amour
et la pensée.

L'amour, on vient d'en parler.

En ce qui concerne la pensée,
il nous faut beaucoup de courage

pour oser penser juste.

Ce sont les pensées justes
qui nous mènent à la vérité.

Cette vérité dont la valeur
est inestimable.

Ce qui importe le plus est
la pensée

qui nous mène à la vérité pure
et sans réserve.

Dans cette recherche
continuelle,

Il convient de rester
fidèle à soi-même,

de ne faire aucune
concession.

Ayons le courage de
penser juste.

Souvenons-nous de ce qu'un
philosophe à dit :

" Une âme loyale n'a point
à cacher ses pensées."

Merci.

Honorable recteur,
Mesdames, Messieurs.

C'est pour moi un grand honneur
de parler ce soir

De mon vieil ami Gabriel Lidman.

Gabriel Lidman l'aristocrate
de nos poètes.

Le trait fondamental de
son caractère est la franchise.

Il est franc
envers et contre tout.

Il désaprouve le médiocre,
même si celui-ci se cache

sous de plus nobles apparences.

Il y a dans sa nature
quelque chose d'étrange

qui le fait paraitre
infiniment modéré.

Lorsqu'il parle,
il le fait d'un ton si doux

que l'on ne peut s'empêcher
de l'écouter.

Ca ne va pas ?

Ca doit être la chaleur.

Il est parfois ironique,
mais jamais

d'une ironie mordante.

Il aime le silence.

il s'en inspire en tant
qu'écrivain.

Ca ne va pas mieux ?

Chacune de ses phrases
est choisie

et aussi souple
que la lame d'une épée.

Les expressions vagues
la sentimentalité,

et le mensonge
lui déplaisent infiniment.

Ici, vous ne serez pas dérangée.

Dois-je fermer la porte ?

S'il vous plait.

Maître Nygren voudrait
parler à madame.

- C'est toi, Axel ?
- Oui.

Je te croyais à Paris.

Je suis revenu pour quelques jours
J'ai vu Lindman.

C'est gentil d'être venu.

Il parait que tu as très
mal à la tête.

Tiens, voilà
des pillules sensationnelles.

- Vraiment ?
- Je t'assure.

- De Paris ?
- Toutes les vedettes les connaissent.

Puis-je avoir un verre d'eau ?

Oui. Tout de suite.

Maintenant, vous pouvez
retourner à la fête.

Si vous le pensez,
madame.

Oui, et merci mille fois.

Ca a été un plaisir pour moi.

Alors ?

Je me sens déjà mieux.

Axel, comme je suis contente
de te revoir.

Tu n'as pas changé.

Toi non plus.
Toujours aussi rayonnante.

Tu écrivais un livre,
il me semble ?

Oui, sur le libre arbitre.

Je vois que tu crois toujours
au libre arbitre.

Mon père était fataliste.

Il nous a appris que tout
était prédestiné.

Je t'ai souvent entendu dire :
"Vouloir, c'est choisir."

Lui nous disait :
"On ne choisit pas.

On ne choisit ni sa femme
ni ses enfants.

Ils nous sont donnés sans
qu'on les ait choisis."

La destinée décide de tout.

Tu sais à quoi t'en tenir.

Je préfère choisir mes maris
moi-même.

- Tes maris ?
- Tu reviens de paris ?

- Que fais-tu là-bas ?
- J'étudie.

- La psychologie ?
- Et la psychiatrie.

C'est un vaste sujet.

- C'est intéressant.
- Oui.

Nous sommes 5 ou 6 à
travailler ensemble.

- Comment ?
- Nous hypnotisons,

Nous faisons des expériences.

Nous avons trouvé une femme
qui a un sixième sens.

Nous discutons
et nous nous disputons.

- A quel sujet ?
- A propos de tout.

Psychoses et névroses.
Rêves et symboles.

Comme je t'envie.

Viens à Paris, ça t'amuserait.

Je n'en doute pas mais ...

J'ai fait ce rêve cette nuit.

Maitre Kanning
a terminé son discours.

Il va bientôt être là.

Ca m'a fait plaisir
de te revoir.

Quel dommage
que tu repartes déjà.

Gertrud,
tu n'es plus malade.

Je me sens mieux maintenant.

C'est grâce aux pillules d'Axel.

- Merci.
- Il n'y a pas de quoi.

- Au revoir et meilleure santé.
- Au revoir, Axel.

J'espère vous revoir bientôt.

il faut que je te parle.

Hier soir,
ta porte était fermée.

- Je dormais.
- C'est impossible.

Pourquoi ?

Je suis rentré de l'opéra
en voiture.

Tu étais à l'opéra ?

Ce n'est pas ce que
tu voulais dire.

Tu veux savoir si j'étais
aussi à l'opéra.

Tu ne dis rien.
Sais-tu pourquoi ?

Tu ne veux pas mentir.

Tu n'étais ni à l'opéra
ni à la maison.

A quoi bon parler de ça ?

Je veux que tu saches

que je ne suis pas allé à
l'opéra pour t'espionner.

Je désirais te voir.

Tu me quittais,
j'en étais malade.

Je t'en prie, n'en parlons plus.

Réponds-moi, Gertrud.
Où étais-tu hier ?

Gustav,
Après notre conversation d'hier,

cette question n'a aucun sens.

Je suis ton mari, Gertrud.

Je suis encore ton mari.

Je ne te reconnais plus.
Est-ce toi qui parles ainsi ?

En me faisant croire que
tu allais à l'opéra,

tu savais ce que tu voulais.

Oui.
Je savais ce que je voulais.

Je n'ai menti
que pour te ménager,

et non par hypocrisie
ou lâcheté.

Tu sais que je suis franche.

Oui, hélas.

Il n'y a pas plus franc que toi.

Mais je ne te lacherais pas,
sois-en sûre.

Tu veux m'enfermer ?
Sois raisonnable.

Tu resteras avec moi cette nuit.
Une dernière nuit.

Après tu pourras aller
où tu voudras.

Tu pourras même te laisser tomber
dans le déshonneur,

si c'est ce que tu veux.

Tu ne sais plus ce que tu dis.
Je vais me reposer un peu.

Ah, te voilà !
Comment va Gertrud ?

Son malaise est passé
maintenant.

Parlons un peu de toi.

Comment te sens-tu depuis
ton retour au pays ?

La terre natale est bonne.

J'ai bien dit la terre :

l'air, les champs et les bois.
Mais les gens,

Kanning, les gens !

Hier je me suis retrouvé
par hasard dans une société,

une société très mélangée.

J'étais là pour m'amuser,
alors le mieux,

est encore d'en rire.

De quoi parlions-nous ?
Ah, oui.

Je vais retourner à Rome.

Tu vas devenir ministre,
parait-il ?

Il semblerait,
si on en croit les journaux.

Mais oui. Il faut bien croire
en quelque chose.

Maitre Kanning,
le recteur voudrait vous parler.

J'arrive.

Viens t'asseoir.

Tu es encore jeune et pure,
comme une mariée.

La lumière me fait mal.

Tu n'as pas l'air content.

Hier, j'étais en mauvaise compagnie.
C'est ma propre faute.

Tout n'est qu'un passage.

Le monde n'est rien.

Autrefois,
tu attendais tout de la vie.

Tu es devenu célèbre,
et maintenant

tu dis que le monde n'est rien.

Que se passe t'il, Gabriel ?

Je me sens vieux.

Je me demande pourquoi
je suis revenu.

J'allais te poser
la même question.

J'avais un peu le mal du pays.
Il y avait surtout une rue

à laquelle je pensais souvent.

Un jour, en plein soleil,
j'ai pleuré dans cette rue.

Moi aussi, j'ai souvent pleuré.

Je ne trouve pas
que se soit pénible

Ca soulage.

Parlons de choses agréables.

Tu es revenu en triomphateur.

Triomphateur ? Ah oui ...

Nous ne parlons pas
la même langue.

J'ai perdu le seul combat
qui m'importait.

Pourquoi m'as-tu quitté ?

N'en parlons pas maintenant.

Hier,
j'étais en mauvaise compagnie.

Je devais dîner avec un camarade,
puis d'autres sont venus.

L'un deux nous a amené
à une fête

Chez son amie,
Constance.

- Au Florabakken.
- Comment le sais-tu ?

J'ai entendu parler d'elle.
La ville n'est pas grande.

Je suis donc allé avec eux.

m'asseoir à la table
de courtisanes.

Et que s'est-il passé ?
Tu m'as rendue curieuse.

Qu'est-ce qu'ils jouent
en ce moment ?

"Le chant de la nuit",
d'Erland Jansson.

Ah oui, je l'ai entendu à Rome.

J'ai été ému

quand j'ai su que le compositeur
était un de mes compatriotes.

C'est une bonne mélodie.

Oui, elle est belle.

Je croyais qu'Erland Jansson
devait jouer ici ce soir.

Il parait. Mais ça m'indiffère.
Il ne me plaît pas.

- Tu le connais ?
- Malheureusement.

J'aurais préféré
ne pas le connaître.

Où l'as-tu connu ?
Je le connais aussi.

Gertrud,
Pourquoi m'as-tu quitté ?

Nous nous éloignons
de ce que tu disais.

Tu voulais
me raconter cette fête.

Erland Jansson était là.

Il est arrivé dans la nuit.

Ca ne te déplaît pas
de t'amuser avec des coutisanes.

Il peut en faire autant.

Oui ...
mais je ne l'aime pas.

Il crie ce que l'on doit
garder pour soi.

- Quoi, par exemple ?
- Il se vante de ses maîtresses.

Ce n'est pas gentil de sa part.

Dans cette ambiance d'alcool,

de jeu et d'adultère,

il parle tout haut
de sa dernière conquête.

Il nous a dit son nom.
Son nom chèri.

Ai-je eu tort
de te raconter ça ?

Je ne sais pas.
Je ne comprends pas.

Je ne sais plus rien.

Je me sentais
obligé de te le dire.

Bien sûr. Il le fallait.

Aide-moi à comprendre !

Que dire ?
Je ne comprends vraiment

que ce que je fais moi-même.

J'ignore tout de ça.

Il devait être malade.

Il n'en avait pas l'air.
Mais il avait bu.

- De plus il est bien jeune.
- Oui. Il est très jeune.

Il n'est pas de notre milieu.

Tu vas rompre avec lui ?

Je l'aime. Je l'aime.

- C'est de la folie, Gertrud.
- Oui.

Personne ne peut te conseiller,
ni même t'aider.

Non. Je savais que c'était
de la folie.

Mais j'avais si peu à perdre,
Gabriel.

Il y avait un tel vide dans ma vie.
Je me sentais si seule.

Ma vie s'est brisée cette nuit.

Quand on voit
ce que l'on a aimé le plus au monde

être traîné dans la boue
par une nouvelle jeunesse.

On se sent subitement vieux.

Pourquoi nous sommes nous revus
de cette façon ?

Rien n'arrive comme
on se l'est imaginé.

Comment
te l'étais-tu représenté ?

Gabriel,

Gabriel, tu le prends trop à coeur.

Non. Ne me quitte pas ainsi.

Gertrud, le recteur m'a prié de te dire
qu'il avait espéré t'entendre.

Que lui as-tu répondu ?

Que je pensais
que tu allais chanter.

Mais je n'ai rien promis.

Si, je veux bien.
Où devrais-je chanter ?

Ici.

Et qui m'accompagnera ?

Monsieur Erland Jansson.

- Il n'y a pas de piano.
- Je m'en charge.

Je te pardonne
malgré mon coeur brisé

Au fond de ma douleur

Je vois que tu souffrais

Et je te pardonne
Et je te pardonne

Malgré ton front
rayonnant de jeunesse

J'imagine
combien ton coeur était lourd

Je le savais avant toi

Je te pardonne,
ami à jamais perdu.

- Tu m'as attendu longtemps ?
- Quelques minutes.

Je n'ai pas pu venir plus tôt.

Comme tu as mauvaise mine.

Je sais.
Mais j'ai à te parler.

Pourquoi t'es-tu trouvée mal
hier soir ?

J'étais excédée, je venais
d'avoir une scène avec mon mari.

- Il a été brutal ?
- Pourquoi dis-tu ça ?

Il t'aime et tu veux le quitter.

Il ne saurait être méchant.

C'est vrai que je l'ai trouvé
plutôt sympathique.

Que lui reproches-tu ?

Nous pourrions rester amis
sans que tu le quittes.

Erland, je voulais te voir.
je veux partir.

Tu es venue me dire adieu ?

- Ca dépend de toi.
- Que veux-tu dire ?

Erland, pars avec moi.

C'est impossible.

- Parce que tu n'as pas d'argent ?
- Je n'en ai pas.

J'en ai assez pour commencer.

Je devrais vivre de ton argent ?

Tu me mépriserais.

Alors, tu ne sais pas
ce qu'aimer veut dire.

Je me mépriserais aussi.

Ne le fais-tu pas déjà ?

Ca m'arrive.

Mais ce n'est pas parce que
je fais ce dont j'ai envie.

Au fait, je dois t'avouer que je suis
quand même allé

chez Constance.

- Il fallait que j'y aille.
- Oui, il le fallait.

Il le fallait.

Le mot clé pour tout.

C'est vraiment l'argent
qui t'empêche de partir ?

Il faut que je réfléchisse.

Tu disais que nous pourrions
nous aimer sans que je divorce.

Comme c'est laid.

Ca n'avait pourtant pas l'air
de te gêner avant-hier.

Erland - Parlerons-nous jamais
le même langage ?

Erland, pars avec moi.

Nous n'avons pas besoin
de nous marier.

Vivons ensemble.

Je t'aime.
Pars avec moi.

Tu me quitteras
quand te ne m'aimeras plus.

- Et après ?
- Après ...

Après, plus rien
n'aura aucune importance.

Je ne peux pas partir avec toi.
Je ne suis pas libre.

Tu as dit "pas libre" ?

Oui.
Elle est plus agée que moi.

Elle m'a aidé
quand j'étais dans le besoin.

De plus, elle attend un enfant.

Tu ne m'en as jamais parlé.

Je ne pensais pas qu'entre nous,
ce serait sérieux.

Que croyais-tu ?

Je croyais que tu cherchais
une aventure.

L'aventure est terminée.

Tu m'en veux ?

Je t'aime.

Mais je pars.
Et tu vas te marier.

Gertrud, viens avec moi.

- Où ?
- Chez moi.

Je t'aime,
mais tu ne m'aimes pas.

Je ne peux plus t'appartenir.

Très bien.

Non, je ne t'aime pas.

Si je t'aimais, je partirais.

Je rêve d'une femme,
mais tu n'es pas cette femme.

Celle dont je rêve est chaste
pure et obéissante.

Tu es trop fière.

Mais pas la fierté d'une dame.

C'est pire.
C'est ton âme qui est fière.

Laisse-moi, Erland.

Nous ne pouvons pas
nous quitter comme ça.

Pardonne-moi.

Te pardonner ?

Je voudrais croire en un dieu
pour lui demander de te protéger.

Tu ne crois pas en Dieu ?

- Et toi ?
- Je ne sais pas.

Il doit bien y avoir
un être supérieur

Il y a tant de choses étranges.

Va t'en maintenant.

On vous demande au téléphone.

Excuse-moi, veux-tu ?

Tu es là, Gabriel ?

Je suis venu
vous dire au revoir.

- Déjà ?
- Oui, et toi ?

- Tu restes ici ?
- Non.

Je vais partir aussi.
Je me sens désorientée ici.

Tu pars et je pars.

Pourquoi ne pas partir ensemble
et vivre ensemble ?

Ne dis pas de bétises.

La nuit, tu n'as jamais entendu
mon coeur t'appeler ?

Si j'avais la nostalgie du pays,
c'était à cause de toi.

C'était parce que je désirais
te revoir

et entendre ta voix.

Comme tout est étrange.

Je te savais mariée.

Mais peut-être y avait-il
un grand vide dans ta vie.

Rien ne se passe comme
on se l'imagine.

Non. Rien ne se passe jamais
comme on se l'imagine.

Gertrud. As-tu aimé ton mari ?

Aimé ?
Je ne sais pas.

Te souviens-tu de
ta profession de foi ?

Que veux-tu dire ?

On ne se souvient pas
de tout ce qu'on a dit.

La voilà ta profession de foi :

"Je crois
aux plaisirs de la chair

Et à la solitude irrémédiable
de l'âme."

Oui, ça à l'air d'être de moi.

Je n'ai pas oublié.

Tu m'as dit ces mots
au moment ou je croyais

que notre bonheur
était une réalité.

Tu m'a arrachée ce rêve
et tout s'est terminé entre nous.

Je me noyais
dans les plaisirs de la chair.

Le résultat en fut mon mariage.

Je m'en doutais.
Gertrud. Viens avec moi.

Non, Gabriel - pour moi
il ne reste que la solitude.

Tu as quand même rompu
avec cet Erland Jansson ?

Je ne suis rien pour lui.

Gertrud. Pars avec moi.

Comment peux-tu croire
qu'il soit possible de revivre

ce qui est mort et enterré
depuis longtemps.

Viens,
asseyons-nous ici un moment,

comme nous le faisions jadis.

Ne crois pas que j'ai oublié
tout ce que je te dois.

Tu m'a fait connaître
l'étrange miracle de l'amour.

Tu as fait de moi une femme.

Tout mon coeur et tout mon être
t'appartenaient.

Nous ne faisions plus qu'un.

Et jamais de honte entre nous.

L'amour m'a purifiée
de tout ce qui était bas et laid

et m'a fait découvrir
ce qui était bon et beau.

J'avais trouvé en toi l'homme
près de qui passer ma vie.

Je me demandais si j'avais vraiment
mérité tant de bonheur.

Gertrud,
pourquoi m'as-tu quitté ?

Gabriel, crois-tu vraiment
que c'est moi qui t'ai quitté ?

Ne sais-tu pas que c'est toi
qui m'a repoussé ?

Petit à petit, doucement.

Je n'ai jamais aimé que toi.

Je te crois.
Autant que tu pouvais aimer.

Qu'étais-je pour toi ?
Tu étais las de mon amour.

Quand je l'ai compris,
je suis partie.

C'est peut-être vrai.

Le travail m'a éloigné de toi.
Mais jamais je n'ai voulu rompre.

Tu ne pouvais pas rompre.

Il valait mieux que ce soit moi.

C'est ton travail
qui nous a séparés.

Et l'honneur, la célebrité
l'argent, tout ça ...

Pour toi, l'amour était devenu
un fardeau.

Tu voulais les plaisirs de la chair,
et non l'amour.

C'est affreusement vrai.

J'en avais bien l'impression.

Je vais te dire
comment j'en ai eu la certitude.

C'est à une époque où,
depuis longtemps,

tu n'avais rien fait.

Un période difficile.
Pour moi aussi.

Un jour, je suis allée te voir.

Suivant mon habitude,
j'ai mis un peu d'ordre.

J'ai voulu t'écrire un mot.

Je savais que tu avais quelques
brouillons pour tes notes.

Sur l'un, il y avait mon profil

et des mots
qui ont tout brisé pour moi.

"L'amour de la femme et le
travail de l'homme sont ennemis."

Là, j'ai eu la certitude.

Est-ce ce misérable papier
qui a gaché ma vie ?

Gâché ? Tu as atteint le but
que tu t'étais fixé.

Ce qu'on a gagné n'est rien.

Non. Il faut choisir.

Et on s'aperçoit
que ce qu'on a perdu

était la seule chose qui comptait.

Toujours.

Quand la vérité m'est apparue,
j'ai senti mon coeur vieillir.

J'éprouvais la honte
et le dégoût d'être femme.

J'ai vu à quel point
l'homme qui devient célèbre

ne comprend rien à l'amour.

Il méprise l'amour.
Il dédaigne l'amour.

Tu es devenu pareil

et je ne t'aime pas.

Gertrud.

Ma vie n'a duré que trois ans
le temps de ton amour.

Et tu m'as quitté.
Comment as-tu pu ?

Comment as-tu pu ?

Je savais
que ça te ferait de la peine.

J'ai su, en lisant tes lettres,

que tu avais beaucoup souffert.

Tu es devenu célèbre.

Mais pour moi, tu es froid
comme la pierre.

J'ai besoin
d'un amour passionné.

La célébrité m'indiffère.

La célébrité n'est rien.

La nuit est profonde.
L'espace, immense, infini.

Mais la terre est petite.
Les gens, minuscules.

Ce que je me rappelle de ma vie,
c'est mon amour pour toi.

Tu m'as appris
que l'amour était tout.

On ne doit pas être seul.

J'ai vécu trop longtemps seul.

Il n'est pas nécessaire
d'etre nombreux,

deux suffisent.

Nous allons bien ensemble.

Oui, il faut être deux.

Maintenant, tu t'en rends compte,
alors qu'il est trop tard.

Il n'est pas trop tard.
Tu peux encore me suivre.

Nous vivrons près de la mer.
Rien, ni personne

ne pourra nous séparer.
Rien, sauf la mort.

Il n'existe pas de bonheur
en amour.

L'amour, c'est de la souffrance.

L'amour, c'est le malheur.

Mon coeur est mort,
complètement brisé.

Je ne peux rien faire pour toi.

Ne me demande rien.

Trop tard et en vain.

Voilà la définition de ma vie.
En vain.

Je m'excuse de t'avoir
fait attendre.

Gertrud,
comment te sens-tu ?

Je me sens très bien. Merci.

C'était le président du conseil.

Il faut que je m'en aille.

Prenons une coupe de champagne.

Le 374.

Je voudrais parler
à Axel Nygren.

C'est toi Axel ?
C'est Gertrud.

Tu sais, je pense aller à Paris.

Pourras-tu me faire inscrire
à tes cours ?

Dans ton groupe si possible ?

Oui, je t'écrirai.
Quelle est ton adresse ?

Numéro 72. Merci.

Au revir Axel. A bientôt.

Tiens Gertrud.
Tu arrives au bon moment.

- Du Champagne ?
- Oui.

J'ai accepté d'entrer
au ministère.

- Mes félicitations.
- Merci.

- Et les miennes.
- Merci Gertrud.

Tu as mauvaise mine.
Et tu dis que tu te sens mieux ?

Je me sens simplement fatiguée.
Je vais me reposer.

- Tu n'as rien mangé.
- Je n'ai pas faim.

Comme tu veux.

Mais tu es femme de ministre.

Il ne me reste plus qu'à être
heureuse de ce grand honneur

qui ne durera pas longtemps

Gabriel sait
que nous nous quittons.

- Tu lui as dit ?
- Oui.

Nous partons chacun de notre côté.

Permettez-moi
de vous dire au revoir.

- Au revoir Kanning.
- Au revoir Lidman.

Nous reverrons-nous un jour ?

Je ne sais pas.

Au revoir, Gertrud.

Au revoir, Gabriel.

Bonne nuit, Gustav.

Je vais me coucher.
Je suis fatiguée.

Gertrud, j'ai réfléchi.

Je crois avoir trouvé une solution.
Réponds-moi.

Est-ce fait,
ce dont nous avons parlé hier ?

- Tu le sais bien.
- Oui, je le sais.

Mais Gertrud, ne me quitte pas.

Reste près de moi.

Garde ton nouvel amour,
puisqu'il a tant d'importance.

Mais reste auprès de moi.

Vivons en amis.
Je ne te demande que ça.

Tu me demandes de rester
parce que tu espères

et tu crois que le lien qui est rompu
pourrait se renouer.

- N'est-ce pas vrai ?
- Oui.

Je pars.

- Avec ton nouvel amour ?
- Non, seule.

Le nouvel amour
ne veut pas de moi.

Grand Dieu !

Un homme que tu aimes et qui
n'est pas heureux de cet amour !

Ce n'est pas lui que je fuis

mais je veux être seule.

Voilà pourquoi je pars.

Bonne nuit, Gustav.
Je suis si fatiguée.

Dis-moi que tu m'as aimé.

Pourquoi me tourmentes-tu ainsi ?

Quand nous nous sommes rencontrés,
mon amour était déjà mort.

Mais mes sens vivaient encore
et la nature réclamait son dû.

Il y eut entre nous quelque chose
qui ressemblait à de l'amour.

Quelque chose
qui ressemblait à ...

Va t'en !
Pars !

Je ne veux plus te voir.
Ni entendre parler de toi.

Maître Nygren
demande à vous voir.

Axel Nygren ?
Faites-le entrer.

Tu n'as pas oublié
mon anniversaire ?

Je suis venu t'offrir
mon dernier livre.

Il va bientôt paraître.

C'est un très beau livre.
Racine.

En souvenir de Paris.

Merci, Axel.
Assieds-toi.

Tu vois, je vis ici en hermite.
Oubliée, effacée.

Et ça me convient.

J'ai besoin de solitude.
de solitude et de liberté.

Voilà le journal.

Lavez la cuisine je vous prie.

Entendu.

Voilà toute mon aide ménagère.

Que fais-tu de tes journées ?

Je fais mon pain, je lave mes dessous
je racommode mes bas.

Tu as la radio ?

Oui, il faut vivre avec son temps,
savoir ce qui se passe.

Je t'ai écrit dernièrement.

Oui, ta lettre est là.
Regarde.

Tu aurais pu me répondre.

Non, Axel, a un vieil ami,
on ne peut écrire à la machine.

Tu as donc encore
un peu d'amitié pour moi ?

J'ai une grande affection

et j'ai encore beaucoup
de tendresse pour toi.

Come.

Ca fait combien de temps que
nous allions au cours ensemble ?

Ca doit faire 30 à 40 ans.

Et notre amitié a duré
tout ce temps.

Une amitié qui n'a
jamais été de l'amour.

Mais tu as été un grand ami.

Tu es encore jeune.

Ta peau est si blanche et si lisse.

J'aurai des rides
et ma peau jaunira.

- Sais-tu à quoi je pense ?
- Non.

Tu veux tes lettres ?

Une étrangère pourraient les avoir
et nul n'a besoin de lire ces mots

venus du fond de ton coeur.

Tiens.

Est-ce que je peux les brûler ?

Ces lettres sont à toi.
Fais-en ce que tu veux.

N'as-tu jamais écrit de poèmes ?

Si. En réalité,
j'ai écrit un poème, un seul.

Le voici.

Veux-tu que je te le lise ?
Il y a trois strophes.

Je t'écoute.

" Regarde-moi.
Suis-je jolie ?

Non, mais j'ai aimé.

Regarde-moi.
Suis-je jeune ?

Non, mais j'ai aimé.

Regarde-moi.
Suis-je en vie ?

Non, mais j'ai aimé."

La Gertrud de 16 ans,
a écrit mon évangile d'amour.

Te souviens-tu
de tes propre mots ?

" Dans la vie, une seule chose importe.
Aimer.

Et rien d'autre. Rien d'autre."

Es-tu toujours du même avis ?
Ne regrettes-tu rien ?

Non, je ne regrette rien,
et je maintiens ce que j'ai dit.

Il n'y a rien d'autre dans la vie
que la jeunesse et l'amour.

Une douceur infinie
et un bonheur paisible, Axel.

Un jour, aux portes du tombeau,
je me pencherai sur mon passé.

Je pourrai me dire :

" J'ai beaucoup souffert,
je me suis souvent trompée,

mais j'ai aimé."

Tu penses beaucoup à la mort ?

Oui.
J'ai déjà acheté ma sépulture.

Je sais que je serai enterrée
au pied d'un mûrier.

Hier, j'ai commandé
la pierre tombale.

J'ai même trouvé
une inscription.

- Ton nom, je suppose ?
- Non, deux mots seulement :

Amor Omnia

L'amour est tout.

Oui. L'amour est tout.

J'ai dit au jardinier de ne faire
pousser que de l'herbe.

Au printemps,
il y aura des anémones.

Si tu passes un jour par là,

cueille une anémone
et pense à moi.

Considère-la comme un mot d'amour

qui a éte pensé mais jamais prononcé.

Maintenant,
il vaut mieux que tu partes.

Nous pourrions encore
nous enfuir.

Un jour, ta visite ne sera plus
qu'un souvenir

parmi tous mes souvenirs.

De temps en temps,
je me perds dans mes souvenirs

et j'ai l'impression de regarder
un feu qui s'éteint.

Adieu, Axel.
Merci d'être venu me voir.

Merci pour ton livre.

Adieu, Gertrud.