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Le 11 septembre 1973, au Chili,

un coup d'état militaire
dirigé parle général Pinochet

renversa le président socialiste
Salvador Allende.

Ce coup d'état fut suivi
d'une répression acharnée

contre toute forme de résistance,
particulièrement contre le MIR,

Mouvement de la Gauche
Révolutionnaire.

Cette répression brutale s'étendra
de différentes manières

jusqu'à la fin de la dictature
en 1990.

Les services secrets de l'armée

les carabiniers et la police secrète

ont mené une opération
ce jour à 13h30

dans la maison
du 725 de la rue Santa Fe,

commune de San Miguel.

lls ont rencontré
une forte résistance

avec des mitraillettes.

A 15h30, les hommes
ont pu pénétrer dans les lieux,

trouvant le corps
du dirigeant du MIR, Miguel Enriquez

et Carmen Castillo
grièvement blessée,

emmenée dans un hôpital
de la capitale,

où elle a été internée.

5 OCTOBRE 1974

RUE SANTA FE

Vous vous souvenez de ce jour ?

Oui, beaucoup de gens sont venus.

Je n'arrête pas de le raconter.

Nous avons tout vu.

Vous pouvez me le raconter à moi ?
J'étais là.

- Quand ?
- C'est la femme de Miguel.

- Celle qui est partie...
- En France.

Vous faisiez vos courses
au magasin, à l'angle ?

Vous vous rappelez ma femme ?

Venez avec moi.

Je ne suis pas revenue, mais...

- Vous attendiez un enfant quand...
- Oui.

Un bébé.

Vous portiez un petit sac noir...

A côté, ils ne parlent
même pas aux voisins.

C'est notre voisine
tu te souviens ?

Celle qui vivait ici
avec Miguel Enriquez.

Je me souviens.

Carmen ?

Quel plaisir de vous revoir.

Tant d'années ont passé.

Et on se retrouve.

Madame Gonzáles habite
au 727 de la rue Santa Fe

à côté de la cache des extrémistes.

Une fois, ils vous ont laissé les
clés pour vous occuper du chien ?

Oui, il y a 2 semaines.

Elle m'a dit
que son mari avait mal à l'estomac,

qu'il était malade des reins.

lls ont donc laissé la clé
vers 1 1h du soir.

- Vous étiez dans la maison ?
- Dans le jardin.

- Vous n'avez rien vu de bizarre ?
- Y avait du bazar.

Une grande table, les vélos
des filles et un vieux vélo à lui.

SANTIAGO, 1987
Premier retour

Je suis heureuse d'être là
à l'appel de mon père.

Je ne suis pas venue
pour répondre à des questions.

Je suis très émue de me retrouver
dans mon pays et auprès des miens

et je voudrais
pendant ces 15 jours...

Je sais que la réunion de la famille
a un fort contenu symbolique,

mais je voudrais,
pendant ces 15 jours,

rester avec mon père
et ne pas m'occuper de symboles.

MIGUEL ENRIQUEZ
Secrétaire général du MIR

Le chemin, long et difficile,

de la révolution ouvrière
et paysanne n'en est qu'à son début.

Tant de livres, mais peu sur nous.

Notre histoire n'est pas racontée.

Tu as du matériel historique ?
Très peu, non ?

Peu d'archives à nous
quelques vieux ''El Rebelde''.

Quand ils m'ont arrêté
Ia police m'a tout saisi.

En prison, tu travaillais avec quoi ?

Les souvenirs, les entretiens

certains livres
qui passaient malgré tout.

Mais l'histoire du parti, du MIR,
c'est surtout la mémoire.

La reconstruction de la mémoire
est basée sur les discussions.

ll y a eu une émission...

Hier à la télé...

Sur quoi ?

Sur le Chili, sur un libraire

qui vend des livres de Pablo Neruda.

Vous n'avez rien de Neruda ?

Et sur la période 70-73,
sur les sans-logis ?

J'ai tout vendu.

La meilleure période
pour les ventes,

c'était celle de l'Unité Populaire.

Avec le coup d'Etat,
qu'avez-vous fait des livres ?

J'ai eu beaucoup de peine

mais mon père a dû tout brûler.

Brûler ?

Les militaires
ont perquisitionné chez nous

et nous les avons brûlés
avec douleur.

SANTIAGO
octobre 1973

C'est quoi, ces livres ?

Des livres politiques.

Ho Chi Minh, Lénine, tout ça.

Des disques de Fidel Castro,
Che Guevara...

Ne perturbez pas cette opération !

Beaucoup de vendeurs des Puces

ont trouvé refuge ici
après le coup d'Etat

et sont devenus libraires
pendant la dictature.

Cela explique l'aspect de ce marché.

C'est ton monde, ici
entre Franklin et la Vega ?

C'est mon monde d'origine,

celui dans lequel je suis né.

De nombreux camarades

se sont installés
dans les quartiers pauvres.

La majorité d'entre nous,
nous étions fils de paysans.

Nous avions pour seul privilège
d'être scolarisés.

Quand nous sommes venus
à la politique,

il y avait une forte demande
des pauvres

des villes et des campagnes
pour s'organiser

car nous n'étions pas représentés.

On venait d'un monde violent.

Dans ce pays, on dit souvent _.

''Je condamne toute violence.''

Celle que j'ai connue
venait des classes dominantes

paysans expulsés,
femmes abandonnées

écoles pauvres
où on mourait de froid.

La faim.

Quand naît le MIR
quand vient Miguel,

nous avons découvert des gens
qui vivaient comme ils parlaient.

Ça a été fondamental.

Mais on dit que le MIR,

c'était des étudiants
des jeunes...

Les pauvres de Nueva La Habana,
Ies paysans de Ñuble,

les sans-terre
ce sont eux, le MIR.

Le MIR est surtout
une force populaire,

des gens les plus pauvres.
C'est mon vécu.

Chez nous
on aurait tous été alcooliques.

Notre horizon
ne dépassait pas notre rue.

La politique
nous a apporté la dignité.

Le MIR fut notre école
notre université

non pour devenir terroriste,

comme ils disent à droite

mais dans un sens
de dignité absolue.

Peut-être les classes moyennes
ne l'ont-elles pas vécu comme nous.

Je n'avais pas de droit
à l'existence

jusqu'à ce que je m'engage.

- Campement Camillo Torres !
- Présent !

- Que voulons-nous ?
- La terre !

- Plus fort !
- MIR !

ARAUCO, 1971
Occupation de terre

Avec le MIR !

- Que voulons-nous ?
- La terre !

La terre ou la mort !

Vive la révolution agraire !

MIGUEL ENRIQUEZ, 1969

Certains dirigeants
Ies plus connus du MIR

sont liés à de riches familles

ou à des parlementaires.

Certains pensent que militent au MIR

des enfants de ''bourges'',
qui jouent à la révolution.

Qu'en pensez-vous ?

Je ne connais pas de riches au MIR,

ni même liés à des riches.

Je connais quelques anciens
étudiants dirigeants du MIR.

De plus, je ne définis pas
Ies gens par leur origine,

mais en fonction
de ce qu'ils réalisent eux-mêmes.

Che Guevara était bien médecin

et Fidel Castro
fils de propriétaires terriens.

L'histoire des révolutions
et des mouvements de masse

montre que souvent
Ies hommes rejettent leur classe

pour servir d'autres causes.

Ce qui définit vraiment
un révolutionnaire

c'est la cause qu'il sert.

Ce n'est pas notre maison,

mais Miguel serait mort ici.

Bonjour.

Peut-on vous parler un peu ?

Pourquoi ?

Vous habitez là, non ?

Nous reconstituons
ce qu'il s'est passé ici.

C'est ma femme qui était là.

On peut lui parler ?

Bonjour, Madame.

Nous sommes venues voir le lieu
où est mort Miguel Enriquez.

Là où il est tombé ?

C'est sa compagne.

Sa femme ?
Je ne me souviens pas.

- Vous étiez petite ?
- Oui.

Vous étiez là ce jour-là ?

Vous vous souvenez ?
Vous pouvez nous raconter ?

Ce n'était pas comme ça,
Ie sol était en terre.

Là, il y avait un bac en bois.

ll s'est appuyé et il est tombé.

ll y avait du sang partout.

On avait des plantes en ce temps-là.

Qu'avez-vous ressenti ?

ll y avait des tirs de partout,

du toit, de partout...

On était là quand ils l'ont emmené.

lls ont tiré et on s'est jetés
par terre vers la porte.

Moi, curieuse, je regardais.
Il y avait un homme ensanglanté.

On m'a dit
que c'était le monsieur d'à côté.

Le voisin.

On montait sur le mur
et on jouait avec vos filles.

Avec les filles ?

Oui.

Vous vous en souvenez ?

Je les voyais par-dessus le mur.

Je me souviens
que vous étiez enceinte.

Je voyais tout d'ici.

- Que voyiez-vous ?
- Une vie normale.

Des jeunes gens avec des enfants,
une famille.

Ce sont des choses
qu'on n'oublie pas,

car elles vous marquent, enfant.

C'est une famille spéciale.

Elle a des liens invisibles

des fils

qui s'étirent à l'infini
sans se rompre.

Vous êtes plus dépendants

que quand vous aviez 10 ans !

Non, mais la famille vit
toutes les contradictions.

On se réunit en fonction
de ces contradictions.

Papa, et surtout toi maman,

vous croyez que notre choix,
à Cristián et à moi

notre choix de militer au MIR
a brisé la famille ?

Le MIR est-il responsable de ça ?

Je ne sais pas...
Bien au contraire

j'aurais aimé être
de votre génération

et participer à tout cela.

Pas du tout...

Bien sûr
on n'était pas tranquilles.

Ce n'était pas normal
dans mon milieu

dans ma classe sociale
pour mes amies.

Mais au fond

ça me réjouissait,
j'étais très fière de ça,

que mes enfants soient différents.

Le fait de militer au MIR

n'était pas une cause de séparation.

Cette situation a entraîné

une union familiale plus forte,

une plus grande affection.

Après le coup d'Etat,

le rapprochement est devenu
plus important.

Cette impression de protection,

tu as dû la ressentir comme moi.

Les parents étaient là
pour nous protéger.

lls le faisaient avant même
de partir en Angleterre.

La famille a permis aussi
notre libération.

Vous nous avez protégés
durant l'exil.

Votre appartenance au MIR
n'a rien à voir

avec notre relation familiale.

Mais pourtant, entre nous,
il y a eu l'exil.

Mais ça c'est à cause
du coup d'Etat !

C'est à cause de Pinochet.

Le coupable n'est pas le MIR,
mais Pinochet.

J'ai toujours senti la famille unie,

malgré les différences idéologiques
avec papa,

à l'époque de Allende ou de Frei.

Nous étions plus proches,
très heureux.

Après, ce fut la mort de Javier,
Ie coup d'Etat

et la douleur.
La douleur nous a disloqués.

Je me souviens
quand nous nous sommes séparés

dans la rue Portugal,

tu m'as laissé à l'Université
et tu as continué.

Nous nous sommes séparés.
Tu es passé à la clandestinité.

C'était le jour du coup d'Etat.

Personne ne savait où aller
ni ce qui allait se passer.

Chacun devait remplir sa mission.

Toi, à l'Université
et moi, je ne sais plus où.

Mais c'était
une séparation douloureuse.

Je me souviens...

quand Carmen a été arrêtée.
Et vous deux...

Nous n'étions pas préparés
pour un nouveau coup.

C'est comme si l'énergie...

Ta douleur, papa qui te soutenait...

Souvent les hommes
sont plus faibles,

mais là, toi, tu étais brisée.

SANTIAGO
1 1 septembre 1973

Les nombreux journalistes
étrangers et chiliens

attendent la suite des événements.

Nous sommes nerveux.
Personne ne sait ce qu'il se passe.

En ce moment même...

Les tirs continuent...

La Moneda est bombardée...

Pour le 11 septembre, j'ai
des souvenirs comme des flashes.

Je n'ai pas la séquence,
mais comme...

des photos.

Je me souviens...

du premier communiqué,
des gens dans la rue.

Les gens marchent.

Moi, je vais vers le lieu
de notre réunion.

Dans la rue du 10 Juillet
où il y a de nombreux ateliers,

les ouvriers sont collés à la radio.

Tout le monde se regarde,
un regard qui parle.

Un temps comme figé,

la respiration retenue.

Et puis une situation plus dure
après 15 heures.

Je me souviens des hélicoptères
bombardant Lucchetti...

l'usine de pâtes.

Je me souviens...

Nous sommes arrivés
avec ma compagne, la Rucia,

à la maison
d'un militant communiste.

C'est le premier qui me dit :
''lls ont tué Allende.''

Nous téléphonons à Bauchi
qui nous dit :

''ll faut passer à la clandestinité.''

Mais c'était impossible,
Ies gens étaient dans la rue.

ll y a des groupes de militants
de l'Unité Populaire,

du MIR, des inorganisés,
qui montent des barricades.

C'est une résistance très dispersée,
très désorganisée.

Et le 12, l'étau
se referme sur la ville

les quartiers ouvriers.

Le 12 à 10 heures du matin
il n'y avait plus personne.

Ce sont les souvenirs que je garde,
et le bruit des poubelles.

C'est étonnant le nombre
de poubelles dans une ville.

Les éboueurs n'étant pas passés,

le lendemain
il y avait beaucoup de! chiens.

lls sautaient sur les poubelles,
qui se renversaient.

Ça donnait un bruit de balles,
de poubelles, et le silence humain.

L'humain, c'était un murmure.

Le son des balles
s'imposait sur la scène.

lci, c'était une zone de résistance

sociale, politique,

et militaire aussi
avec des miliciens!

contre les troupes putschistes.

lls n'ont pu contrôler cette zone
que vers 5 h de l'après-midi.

Le soir, arrive l'ordre de Miguel
de se replier,

mais tard le soir

vers 10 heures.

L'ordre de Miguel,

c'était avant
mais il nous est arrivé! très tard.

Nous sommes passés
à la clandestinité.

Nous avons coupé nos cheveux,

rasé les moustaches
enlevé les jeans.

Surtout les femmes...

On a mis les habits d'avant

datant de deux générations,
passés de mode,

des chemises orange
qu'on ne portait plus,

mais on n'en avait pas d'autres.

D'où sortait-on ces habits ?

Des placards des amis
et des valises d'urgence

que nous tenions prêtes.

Les cravates apparaissent.

Et sur les visages,
apparaissent des marques blanches,

là où on avait rasé nos moustaches

des endroits qui n'avaient pas vu
Ie soleil depuis des années.

Donc le 12 au matin, je me suis rasé

et la Rucia m'a teint les cheveux.

Un vrai désastre
car ils étaient couleur carotte.

On ne savait pas...

ll a fallu me teindre à nouveau.

Tout le monde se tourne par là !

Où tu travailles ?

J'étudie.

- Où ça ?
- Au collège municipal.

Nous sommes
dans le quartier de Quinta Bella.

lci, une grande opération militaire
a commencé très tôt.

On essaie de venir à bout

de ceux que les militaires nomment
Ia ''mauvaise graine'',

des gens dangereux.

L'escadron se compose
de 3 jeeps, 2 camions,

8 bus et environ 240 hommes

sous les ordres
du commandant Marcelo Moren.

Le doute persiste

sur nos rapports avec Allende.

J'ai travaillé avec lui à la Moneda
et avec sa fille.

Je faisais partie du MIR.

Allende le savait.

J'ai du mal à expliquer

ce lien affectif
et aussi politique entre nous...

Le premier moment

qui peut illustrer cette relation,

c'est la campagne électorale
d'Allende, en 1970.

On voyait déjà que la candidature
d'Allende se renforçait.

Miguel s'en rendait compte.

Alors il lui a dit : ''Docteur...''
il l'appelait comme ça,

''nous allons arrêter nos actions

''mais nous sommes très inquiets

''pour votre sécurité.''

Nous avions
un travail d'infiltration

et de bons renseignements
sur la droite.

ll se préparait
des attentats contre Allende.

Nous lui avons suggéré
d'avoir une protection personnelle.

ll nous a dit :
''Prenez donc en charge vous-mêmes

''ma sécurité personnelle.''

C'était intelligent, car ainsi
il nous engageait auprès de lui.

Nous avons donc créé
son premier groupe de sécurité.

ll était formé principalement
de ''miristes'', armés.

Luciano était son chauffeur.

Luciano...

Max Marambio...

En pleine campagne électorale...

Certains camarades
étaient recherchés par la police.

Un jour,
un journaliste lui demande :

''Qui sont ces gens armés,
ils ne sont pas de la police ?''

Allende dit :
''Un groupe d'amis personnels.''

Après sa victoire aux élections,

il décrète l'amnistie pour le MIR

et nous retournons dans la légalité.

Nous apportons un appui critique
au gouvernement

et l'engagement de lutter ensemble

contre la droite
et les tentatives putschistes.

On avait des discussions ensemble.

Moi, j'ai demandé
à ne plus assister à ces réunions,

suite à celle sur la politique
concernant l'armée

politique dont j'étais en charge.

Lors de mon intervention
sur les militaires

Allende me dit :
''De quoi tu te mêles ?

''Tu es mon neveu
gosse de merde,

''tu dois le respect à ton oncle.''

Donc je me suis tu.
Mais j'ai dit à Miguel :

''Je n'irai plus
aux réunions du MIR avec Allende.''

Allende était malin
et profitait de la situation.

En même temps,
Ies débats étaient durs

mais aussi très amicaux.

Le jour même du coup d'Etat,

nous nous sommes réunis
avec les socialistes

les communistes ne sont pas venus,

avec la volonté
d'unifier nos forces

et marcher sur la Moneda
pour sauver Allende.

Miguel appelle la Tati,
qui était notre contact...

Sa fille Beatriz...

Elle transmet à Allende
Ie message de Miguel :

''Ne restez pas à la Moneda,

''nous allons vous faire sortir

''et vous emmener
dans un quartier populaire,

''là où on pourra résister.''

Mais Allende
était conscient des symboles.

ll voyait ça clairement,

il ne voulait pas quitter la Moneda.

ll avait déjà décidé de mourir
s'il le fallait.

ll savait qu'il allait mourir.

ll ne voulait pas se rendre.

ll a fait transmettre à Miguel
par la Tati ce message :

''Maintenant, c'est à toi
de continuer cette lutte.''

Cela montre
combien ils étaient proches

et la confiance
que manifestait Allende

en Miguel et dans les miristes.

Entretien de Salvador Allende
avec Régis Debray, 1971

Pourquoi avez-vous eu recours,
en tant que président,

à une garde personnelle politique ?

Ce n'est pas une ''garde'',

mais un groupe de camarades.

J'ai eu recours à eux
j'ai travaillé avec eux

car je n'avais pas confiance
dans la sécurité de Frei.

Ma vie était en danger,
avec deux attentats déjà.

Ce ne sont pas des ''gorilles'',
mais mes camarades

mes compagnons d'idées, de travail,

mes compagnons d'amitié.

L'ennemi a des raisons
de tenter de vous éliminer.

Que se passerait-il alors ?

S'ils me tuent
Ie peuple suivra son chemin.

Les choses seront sûrement
plus dures, plus violentes.

Cela deviendra alors très clair

que rien n'arrête ces gens.

J'ai envisagé
Ia possibilité de ma mort.

Je ne leur faciliterai pas
Ie travail

mais je ne vis pas
avec cette préoccupation.

Bonjour, ça va ?

Et la santé ?

C'est bon de revoir
des gens qu'on a connus.

Vous êtes toujours là...

Toujours là.
On est vieux maintenant.

C'est difficile, mais on continue.

ll faut lutter et tenir.

Je me souviens de vous
car vous achetiez des ''Viceroy''.

On se souvient toujours
des cigarettes.

Vous étiez les seuls clients
à acheter celles-là.

Nous étions clandestins
et faisions des choses singulières !

Vous étiez de très bons clients.

Je me souviens...

Je ne sais pas
si ça correspond à la réalité.

lls m'ont traînée
Ie long du trottoir

au coin de la rue, là...

au coin de la maison.

Une ambulance de l'hôpital
Barros Luco est arrivée.

Je pensais que la voisine Gladys
avait téléphoné

pour demander cette ambulance,

car j'étais blessée.

Et je n'ai jamais su
qui avait prévenu l'hôpital.

C'est Manuel Díaz.

ll habite à côté de la boulangerie,
c'est lui.

ll est handicapé d'une jambe.

ll a dit _.
''ll faut appeler les secours !

''lls doivent venir la chercher.

''Cette femme va mal
il faut l'emmener !''

Et ils sont venus.

J'aimerais retrouver ce monsieur.

J'ai toujours cru, jusque-là,

que c'était la voisine
qui avait appelé,

mais j'ai appris
qu'elle n'était pas là.

Elle était la seule
à avoir le téléphone.

Donc c'est une autre personne
qui a appelé.

C'est le début d'une longue chaîne
de gens qui m'ont aidée.

C'est l'histoire du mort...

Une histoire triste.

Juste pour avoir eu
des idées différentes.

Mort du fugitif Miguel Enriquez
dans un affrontement avec la police.

Carmen Castillo
est partie hier pour Paris.

Je me souviens
Bautista disait toujours

qu'être médecin
était si important pour lui

que de tous les renoncements

exigés par son engagement,

le plus dur
était de ne pas avoir le temps

ni la possibilité
d'exercer sa profession.

ll ressentait cela comme un manque,

un manque qui le faisait souffrir.

Je crois que cette génération

était tellement engagée

qu'elle a dû renoncer
à de nombreux désirs

de nature personnelle.

Bautista par exemple
était un grand danseur.

ll dansait le rock'n'roll

comme aucun autre miriste.

ll adorait danser.

Mais je pense que,,
dans sa courte vie

il n'a pas dû danser
plus de 10 fois.

Et ça aussi, c'était un manque.

C'est le seul miriste
qui s'habillait bien, je crois.

ll portait des cravates,

il aimait mettre des belles vestes.

Cela fait mal
qu'il n'ait vécu que 30 ans.

On peut penser _. ''lls n'étaient pas
heureux, ils ne s'amusaient pas.''

Mais on était heureux autrement
c'est tout.

Nous trouvions que nos actions,
notre vie, avaient du sens.

Je ne pourrai rien faire
de plus important,

dans le temps qu'il me reste à vivre
que ce militantisme-là.

BAUTISTA VAN SCHOWEN
Secrétaire national du MIR, 1973

On ne veut pas
d'une guerre civile.

Ça serait une situation dramatique
pour le peuple

de vivre une guerre civile.

Donc nous l'affirmons clairement _.

Le MIR ne cherche pas
Ia guerre civile.

ll ne cherche pas l'affrontement.

Mais au nom de cela

on ne peut pas renoncer,

le MIR ne renoncera pas,

ni à ses convictions ni à la lutte.

Tu es une femme

journaliste,

militante du MIR
publique et connue,

très recherchée

et tu décides de rester...

Je ne pouvais rien faire que
mon peuple n'aurait pas pu faire.

On ne pouvait pas mettre
tout le Chili dans une ambassade.

C'était donc
une honnêteté élémentaire pour moi.

Que ce soit bien clair _. pour moi.

Les autres avaient le droit

de faire d'autres choix.

Moi, je n'aurais pas pu partir
avec la conscience tranquille.

J'avais écrit des articles
en tant que journaliste...

J'avais parlé
dans différentes réunions

j'étais allée
dans des ''poblaciones'',

parler avec les habitants,

j'avais enseigné des choses.

Je ne pouvais pas dire _.
''Bon, tout ce que j'ai dit,

''maintenant vous le faites
et moi, je m'en vais.''

Notre frère a retrouvé une lettre

une lettre que tu as écrite à papa
dans la clandestinité

en 1974, au mois d'août.

''Papa chéri,
je suis ici, au Chili.

''Je crois à la victoire
des ouvriers

''des paysans et des pauvres.

''lls abattront cette dictature

''ils construiront
une société juste et équitable.

''lls le feront
envers et contre tout.

''Mais nous ne devons pas oublier

que nous vivons
un temps de répression

''de torture, de faim et de mort.

''Ce combat est notre tâche.

''Je te l'ai dit il y a 10 mois.
Je sais que tu as compris.

''Tu as très bien senti
cet engagement.

''Je ne peux pas abandonner ceux
avec qui j'ai travaillé et lutté.

''Avec tout mon amour, Cristián.''

Papa et nous sommes, partis
à ce moment-là

mais ces mots sont restés...

Est-ce que je dirais encore ça ?

J'avais trop d'assurance,

trop de certitudes.

Après les défaites,

les sentiments
ne sont plus les mêmes.

Qui pourrait dire
s'il fallait rester ou partir ?

Nous n'avions pas une idée claire

du sens de la mort.

Des camarades disparaissaient
chaque jour.

Mais nous ne pensions pas à cela.

Nous vivions une sorte d'épopée...

pour vaincre la dictature
et nous pensions en être capables.

Nous étions absolument sûrs
d'y arriver.

Ce fut le plus beau moment
de la résistance.

Puis la résistance est devenue
chaque jour plus réelle,

plus dure, plus solitaire.

Tu étais un des seuls à venir
à la maison de Santa Fe.

On en a très peu parlé...
Le 5 octobre, quand Miguel meurt...

Le 4 octobre, que s'est-il passé ?

Tu devais dormir chez nous...

Le 4 octobre, la veille...

C'est un peu ce qu'était Miguel

et ce que nous étions tous

à cette époque...

Miguel, au lieu de se soucier
de sa propre sécurité,

d'être conscient
de l'importance qu'il avait,

que sa vie avait...

ll est arrivé tard ce soir-là
il faisait déjà nuit...

ll est arrivé à la maison
où nous habitions.

ll avait su que, sous la torture,

certains camarades
avaient pu donner notre maison.

Cette maison était importante...

Qu'aviez-vous ? Des armes ?

Oui, une réserve d'armes

et des appareils de fabrication
de faux-papiers.

C'était fondamental pour nous.

Les papiers signifiaient
Ia possibilité de survivre.

On fabriquait des faux-papiers.

Nous avions un appareil en réserve
au cas où d'autres tomberaient.

C'était donc une planque importante,

mais pour Miguel, nous aussi,
nous étions importants.

Donc il nous dit que la maison
peut tomber, qu'il faut partir.

Le lendemain, très tôt

Humberto nous dépose dans une rue,
je ne sais plus où.

La Chica et moi
on commence à marcher.

Mais Humberto
ne revenait toujours pas.

A un moment, on entend une radio

derrière le mur d'une maison

qui disait.. on entendait mal _.
''Une maison est tombée.''

J'ai dit : ''Miguel avait raison,
notre planque est tombée.''

Je ne pensais pas...

Ce qui s'est passé
ce jour-là à la rue Santa Fe...

Je ne sais pas comment...

nous avons pu continuer à vivre
malgré tout cela.

Mais bon...

Tous ceux qui sont morts
étaient des êtres exceptionnels.

Le problème est d'être là
alors qu'ils ne sont plus.

Camarade Miguel Enriquez !

Présent !

- Aujourd'hui !
- Et pour toujours !

C'est vous
qui avez appelé l'ambulance ?

Vous pouvez lui parler ?

C'est lui.

ll a quelque chose à te dire.

Je suis content de vous avoir aidée.

Je ne savais pas qui vous étiez.

Vous étiez juste une voisine.

Vous étiez blessée là, non ?

Et vous êtes monté...
Asseyons-nous.

Vous êtes monté dans l'ambulance ?

Avec l'ambulancier
on vous a emmenée à l'hôpital.

Aux urgences,
on attendait de vos nouvelles.

Vous aviez besoin de soins.

Et puis tout un contingent militaire
est arrivé. Ils nous ont dit :

''C'est une extrémiste.
Partez ou vous aurez des ennuis.''

Nous avons été obligés de partir.

L'ambulance était là, derrière.

Vous étiez par terre
depuis longtemps.

J'ai pensé que vous perdiez
trop de sang

et j'ai dit à l'ambulancier _.
''Emmenons-la !''

ll a dit _. ''On peut pas,
on va se faire tirer dessus.''

J'ai dit _. ''Avancez l'ambulance

''on va la faire monter.''

On vous a conduite à l'hôpital
et on a attendu le médecin.

Grâce à ça, je suis encore là,

car ils m'ont fait une transfusion.

L'infirmière m'a aidée.

Vous étiez inconsciente

vous aviez les yeux révulsés,
tout blancs.

Vous ne pouviez plus rien voir.

J'avais envie de vous revoir.
Je vous croisais chez l'épicier.

Pour moi, vous étiez une voisine.

Comment avez-vous vécu depuis ?

Bien, la vie est dure. Je me bats.

Ma situation n'est pas très bonne,
mon pied me fait souffrir.

Cela m'empêche de travailler.

Je suis à mon compte.

Ce n'est pas facile pour moi,

mais au moins, je survis.

Je suis content de vous savoir bien.

J'ai su que vous aviez
perdu le bébé. C'est grave

de perdre son sang.

C'est pour ça que le bébé est mort.

Nous étions à la fin...

J'ai vu sortir Miguel Enriquez.
Il est passé par là,

puis il est revenu
à l'intérieur de la maison.

Vous étiez sûrement déjà blessée

après l'explosion des grenades.

ll est sorti par là,

il est allé jusqu'au coin,
et il est revenu.

ll y avait alors
très peu de militaires,

2 ou 3 militaires, je crois.

S'il avait voulu, il serait parti.

Puis toutes les troupes
sont arrivées.

Ce geste montre
qu'il ne vous a pas abandonnée.

ll ne vous a pas abandonnée.

Maintenant, je m'en vais.

Je vais m'isoler.

Très bien.

Merci.

Mon mari a disparu,
il avait 51 ans

ainsi que mon fils de 21 ans,

mon autre fils de 29 ans

dirigeant syndical universitaire,

et sa femme de 21 ans

enceinte de 3 mois
Iors de son arrestation.

Je cherche mon fils, ingénieur

et ex-directeur des chemins de fer

du dernier gouvernement.

Je suis sa mère et je le cherche.

Je cherche mon frère

disparu le 13 octobre 1973
dans la province de Linares.

Sa femme est devenue folle
à cause de cela.

Elle ne peut rien faire.

C'est donc moi qui continue
à faire les démarches.

Je cherche mon frère
professeur de musique!,

arrêté le 20 août 1974.

Je cherche ma soeur

disparue depuis 2 ans et deux mois.

Je cherche mon fils

disparu en 1975.

ll faisait son service militaire.

Je cherche mon frère.

ll a 30 ans...

Jusqu'ici,
Ies écrits sur la dictature

racontaient surtout l'horreur

qu'il n'est pas question de nier.

Mais cela ne montre qu'une partie

de l'histoire de ces années.

L'autre partie,

c'est la vie
de ceux qui ne sont plus là.

ll me fallait raconter
qui ils étaient, ce qu'ils ont fait,

comment ils ont lutté
dans quelles organisations sociales,

d'où ils venaient, leurs familles

qui étaient leurs frères,

leurs copines, fiancées ou femmes,

leurs compagnons, car
Ie groupe ''1 19'' comptait 19 femmes.

ll me fallait raconter
ces vies débutantes.

Je sentais cela comme une dette
vis-à-vis de ma génération,

en tant que journaliste
et ex-dirigeante du MIR,

pour faire le lien avec les jeunes,

pour les rapprocher,

pour qu'ils sachent

comment étaient les jeunes avant.

Non pour les copier,
mais pour ressentir cette époque.

Tu es la seule de mes amie, s
à être restée, clandestine

sans tomber
pendant toute la dictature...

Nous étions tenus
à la clandestinité.

Liés à la direction de parti,
nous recevions de l'argent,

pour manger, louer une maison,

et aussi assumer
Ies tâches militantes.

Souvent on préférait ne pas manger

pour sortir ''El Rebelde''.

Nous avons toujours publié
Ia presse du Parti.

Tu as une copie du numéro, là,

sur la mort de Miguel...

Je n'ai pas pu avoir l'original.

J'ai eu seulement la photocopie

grâce à des militants à l'étranger.

Les dessins étaient faits à la main
par celui qui pouvait le faire.

Malgré le choc de la mort de Miguel,
''El Rebelde'' a continué.

On a pu le publier.

Le Parti s'est réorganisé,
il s'est restructuré.

Ce sont des journaux
de la clandestinité.

lls étaient imprimés
sur des ronéos artisanales

les dessins étaient faits à la main.

ll fallait taper les stencils,

arriver à percer ces feuilles.

ll fallait taper à la machine,

le faire de jour et sans bruit,
car écrire était dangereux.

Là, nous décrivons
ce qu'ils ont fait à Lumi.

lls avaient jeté son corps
devant le mur de l'ambassade.

EDGARDO ENRIQUEZ
Clandestin, octobre 1974

Comme le disait Miguel,
dans un de ses derniers entretiens

dans ''El Rebelde''

le journal de notre parti,

il y a quelques semaines,

cette deuxième année de lutte

sera celle de la résistance active
contre la Junte.

Nous savons que
nous pouvons vaincre la Junte,

avec tout le peuple chilien.

lls paieront...

chacun de leurs crimes.

Et, je vous le redis,

le monde verra Pinochet
pendu sur la place de Santiago.

''Nous serons
dans la lutte et la douleur

''saluant la victoire
qui nous attend.

''Et si quelqu'un manque à l'appel,

''on s'en souviendra avec, fierté
car dans la liberté

''dans ce peuple qui sourit,

''dans son souvenir et dans l'espoir,

''nous serons prêts à repartir.''

Très ''Che Guevara''.

Nous étions vraiment sûrs de gagner,

nous étions sûrs d'avoir raison.

La clandestinité est une punition
pour un révolutionnaire.

Dans notre conception,
avant le coup d'Etat,

être révolutionnaire
c'est agir ensemble avec les gens.

La clandestinité t'interdit cela.

Tu dois juste assurer
Ies conditions de ta survie.

Tu comprends que
moins on te connaît

moins tu es visible aux autres

plus tu as de chances de survivre.

Mais ça te rend aussi invisible

à ceux avec qui tu dois travailler.

Tu dois construire l'Organisation,

mais tu restes isolé.

Tu te réunis et tu travailles

avec des groupes
chaque fois plus petits.

Presque tous les morts du MIR
datent de cette époque.

ll fallait construire
et reconstruire le Parti

avec ceux qui restaient.

Entre les années 73 et 77
c'était comme ça.

On se retrouvait à 5 un jour

et on n'était plus que 2
Ie lendemain.

ll fallait se réunir à nouveau
et former une autre cellule.

On était comme des survivants

avec toujours la même question _.

''Pourquoi tout le monde meurt
et pourquoi pas nous ?''

SANTIAGO
octobre 197!3

Aujourd'hui si l'histoire de ce pays
se répétait,

si se répétait une situation

de confrontation
de rapport de forces,

un nouveau coup d,'Etat,
une dictature

les nouvelles générations
seraient mieux préparées,

car ils savent
ce qu'est une dictature,

ils connaissent l'ennemi en face.
Nous ne le connaissions pas.

On savait qu'il fallait
passer à la clandestinité.

On avait reçu des manuels ''Comment
agir dans la clandestinité'',

mais nous ne l'avions pas vécue.

Mais on avait
un travail quotidien à faire,

pour tenir dans la clandestinité.

C'était un travail très dur.

On a tant d'éléments
à gérer et à maîtriser.

On doit être en alerte permanente.

C'est la seule façon de se maintenir
dans la clandestinité.

Si on viole certaines règles,
c'est terminé.

Les choses se font lentement

il faut tout vérifier.

A chaque pas,
il faut vérifier, tester.

ll faut détecter
Ies situations de danger,

voir d'où il peut venir.

Nous étions
dans les quartiers populaires,

ce fut une expérience forte.

Nous avions toujours
des gens qui nous cachaient,

des familles
qui nous servaient de couverture.

Petit à petit, j'avais tendance

à m'attacher
à l'endroit où je vivais.

Je ne voulais pas partir,

mais il le fallait.
Il fallait casser le lien et partir.

C'était terrible !
J'arrivais quelque part,

je commençais tout de suite
à décorer, à mettre des plantes.

C'est ce besoin de s'installer

de s'approprier l'espace.

Etre toujours obligé de quitter
Ia maison, ça faisait mal.

Cette petite chambre,
dans cette humble maison

c'est tout ce qu'on avait,
c'était notre foyer.

C'était douloureux de l'abandonner.

C'est ça, le piège,

le grand piège de la clandestinité,

le piège émotionnel.

Le besoin de tout être humain

d'avoir des amitiés
une maison, un endroit tranquille,

de l'affection.

Tout est différent.

Les murs étaient blancs.

Là, c'était le bureau de Miguel.

C'est difficile de se rendre compte
avec toute cette camelote.

ll travaillait là.

Vous, vous couriez partout.

Là, c'était votre chambre

pareille, toute petite.

ll n'y avait pas de meubles,
juste deux petits lits.

Là, c'était notre chambre.

Tout ça n'existait pas.

Viens là !

Ta mère jouait ici.

- Le patio était pareil ?
- Pareil.

Et là, il y avait quoi ?

C'était un endroit
qui nous servait d'atelier

pour faire les microfilms.

On écrivait des documents
et on les tapait.

C'est comme si tout était différent
en même temps.

On sait que le carrelage est là,

mais on ne peut pas rentrer
dans le souvenir.

Je ne me souviens presque pas.

Ça y est, c'est fini ?

On ne peut pas laisser cette maison,

il faut la vider et la récupérer.

Je voudrais racheter la maison.

On l'a déjà achetée une fois.

Je voudrais donc parler
à Mme Clotilde.

C'est moi, le propriétaire,
c'est pas Mme Clotilde.

Mais c'est à elle qu'on l'a achetée.

Avec quel argent ?

Avec l'argent du MIR, le nôtre.

C'est du passé.
Ça ne me concerne pas.

Allez la voir, mais...

Ne filme pas ça !

Je veux vendre la maison.

Ceux qui continuent avec le MIR,

ils viennent là tous les ans.

J'en peux plus de tout ça.

Ça fait des histoires avec ma femme.

Vous me payez le prix

que je demande pour la maison...

Et je fais les papiers
sans problème.

Camarade Miguel Enriquez !

Présent !

Camarade Bautista van Schowen !

Camarade Edgardo Enriquez !

Camarades frères Vergara !

Camarade Paulina Aguirre !

Camarade Mauricio Maigret !

- Maintenant !
- Et toujours !

lls ont lutté jusqu'à la victoire !

Ou la mort !

Manifestation
du 11 septembre 2005

Maintenant
Ie peuple s'organise et résiste.

Lutter, créer
Ie pouvoir populaire !

Où sont-ils ?

Peuple, conscience, fusil !
MIR !

- Unique solution !
- La révolution !

SANTIAGO
Stade National

Témoignage de Gladys Díaz

ll fut un temps où ce parc
vivait une dichotomie totale.

L'odeur douceâtre des rosiers
se mélangeait

aux effluves de chair brûlée

aux gémissements et aux pleurs.

Je ne peux pas parler
au nom des autres prisonniers,

chaque expérience est unique.

Elle est liée à la vie
de chaque être humain,

la vie d'avant.

L'ancrage dans le corps, la tête,

de cette situation où la mort
est parfois comme une libération,

est pour chacun différent.

Si nous avons tous
des filtres de mémoire

ils ne se ressemblent pas.

La veille de l'annonce de ma mort

les heures passaient,
et dans la lutte

entre la lumière et l'ombre
Ia lumière s'imposa.

Je n'avais plus peur de la mort.

J'ai su et pour toujours,
qu'ils peuvent t'emprisonner,

te briser le corps,

te rompre les os,
te casser les tympans,

t'ouvrir la chair, t'électrocuter...

lls peuvent tout,

mais pas t'enlever la liberté,
si tu le décides.

Mienne a été la décision
de chaque acte, de chaque geste.

J'ai décidé librement
de ne pas être vaincue

et j'ai pu ainsi avoir
un comportement victorieux.

VILLA GRIMALDl
Maison de torture entre 1974 et 1977

C'est la première fois
que je viens de nuit à la Villa.

Dans le silence et l'intimité
où nous sommes

on prend conscience

de tout ce que ce lieu signifie.

Au-delà des choses terribles
qui ont eu lieu ici,

c'est l'empreinte
que cette Villa a laissée

dans la vie de chacune de nous.

Je me souviens de ce juge
qui pousse la porte

et nous entrons tous.

La maison était encore là

et les chiens et le garde.

Et les carreaux de la salle de bain
et la cuisine.

La maison existait encore en 1988 ?

Elle était là jusqu'en 1990.

Après ils ont fait venir
un bulldozer...

Quand nous sommes venus...

ll y avait encore le trou.

Puis ils ont rasé
tout ce qui restait.

Je pense que les lieux
sont importants.

Nous devrions récupérer
tous les lieux.

Quand tu parles à quelqu'un
qui n'a pas connu cela,

quand il se trouve
à l'endroit réel, concret...

lci, ils ont tué Cedomil Lausic.

lci, ils ont tiré une balle
dans la tête de Isidro Arias.

Ceux qui sont passés
par la Tour,

presque tous sont des ''disparus''.

Alors, cela prend
une autre dimension.

Pour moi, ce fut très fort...

Je ne savais pas ce qu'était
un coup d'Etat, j'avais 16 ans.

Quand j'ai été confrontée à ça,
Villa Grimaldi...

lls utilisaient des petites
machines, et une radio pour masquer

les cris des torturés.

ll y avait des médecins,
à côté de nous

un sorcier
qui essayait de nous hypnotiser,

pour nous soutirer des informations.

lls avaient des méthodes
très perfectionnées

pour les interrogatoires

et la torture.

Jusqu'où est-on capable
de s'accrocher à la vie ?

Jusqu'à quel point
tu peux descendre

dans ton désir de survivre ?

C'est plus facile
de parler de la torture,

des chocs électriques,
des coups reçus...

De tout cela...

que de parler
des autres sentiments ou sensations

qu'on est forcément obligés de vivre

du fait de la durée

et de l'intensité de ces moments.

Ça a été dur
de commencer à en parler.

Pour moi, ce qui est important,

et c'est en rapport
avec l'éducation que j'ai reçue,

c'est ce que je voulais
Iaisser à mon fils.

J'appartiens à une génération
qui ne laissera rien,

financièrement parlant,
à ses enfants.

ll était donc important
de laisser à mon fils

un souvenir
dont il puisse se sentir fier _.

''Ma mère, dans cette situation

''a décidé
de ne pas perdre sa dignité.''

'
TORONTO
février 1975

Mobilisons-nous en défense
des prisonniers chiliens,

surtout ceux
qui ne sont pas reconnus,

dont la junte militaire
nie la détention.

Leur vie est en danger,

comme Gladys Díaz,

dirigeante de masse
au service de la révolution

détenue par les militaires
et soumise à la torture.

PARIS, 1982

Tu es à Paris quand on lance
Ia politique du Retour.

Tu décides avec ton compagnon
de revenir...

Nous voulions récupérer
ce que nous avions perdu.

Nous voulions récupérer
notre pays, notre vie,

notre droit à construire
une autre réalité.

Nous avions ce droit.

On l'avait perdu et c'était légitime
de vouloir le récupérer.

Mais tu avais déjà été détenue,

tu avais été torturée.

Tu étais une miriste
parmi les plus convaincues

qu'il faut rentrer au pays,
retourner à la lutte clandestine.

Tu savais
que tu retournais à la torture.

En réalité
je n'ai jamais pensé à la torture.

Le fait de savoir
qu'on risque la torture,

et tout ce que nous avons vécu,
même la mort

cela n'est pas déterminant
dans notre décision.

Le choix dépend surtout...

Je ne dirais même pas
du projet politique,

cela serait réducteur...

Ce choix est plutôt lié aux rêves,

à une conception de la vie.

C'était cela, le Retour

avec le prix à payer.

Je ne veux pas en faire
une analyse politique,

mais le voir
d'un point de vue affectif,

le désir de récupérer notre vie.

Et on était tous conviés
à en faire partie,

les hommes, mais aussi les femmes.

Mais comment est-il possible
alors d'avoir des enfants ?

Toi, tu as laissé ta fille...

Comment c'est possible...

Nous avons choisi la vie.

Avoir des enfants, c'est cela

se projeter dans l'avenir

et vivre
aller dans le sens! de la vie.

Dans le cas de ma fille

ça a été très douloureux,

ça a été difficile.

J'ai du mal à l'assumer
jusqu'à aujourd'hui.

C'est quelque chose...

Ce ne fut pas une décision...

Je n'en ai pas souffert
seulement à l'époque.

Le coût de cette décision...

c'est toujours vif maintenant.

Quelle décision ?

De laisser...
de ne pas vivre avec Macarena.

Je voulais construire
un monde meilleur pour mes enfants.

Ça me paraît justifié
encore aujourd'hui.

Nous les avons quittés
pour construire ce monde.

Nos enfants
l'ont certainement mal vécu.

Malgré le prix à payer,

malgré le manque qu'elle a ressenti,

je crois que ma fille Macarena
comprend cela.

L'opération Retour
est initiée par le MIR

à la fin des années 70.

Les parents devaient rentrer
et rester clandestins au Chili

et ils décident de créer un lieu
où laisser leurs enfants.

lls ne voulaient pas

de solutions familiales
ou individuelles

mais ils voulaient faire
de cette nécessité un projet,

un projet communautaire.

Mon documentaire raconte l'histoire

de ce projet ''Foyers''.

J'avais 9 ans
quand le projet a démarré.

J'y suis resté pendant 4 ans,

presque toute la durée du projet.

Je ne peux pas
en vouloir à mes parents.

J'apprécie énormément
Ia vie que j'ai eue.

Mais...

je crois que cette existence
est source

d'une grande douleur...

J'ai le sentiment

que les choses sont très éphémères.

Elles peuvent s'en aller très vite.

Avec le temps, cela m'a apporté

une grande sérénité,

plus que du calme, une sorte de...

C'est mieux comme ça,

c'est mieux que ça finisse un jour,

c'est mieux
que la mort vienne un jour.

Pourtant j'adore la vie,

mais on ne peut pas supporter
Ies choses éternellement.

Dans notre décision du Retour

de nous y engager,
nous, les femmes

encore une fois
Ie Parti n'a pas assuré.

Nous n'avons pas eu de cadre,

ni pour en discuter entre nous,

ni même pour pouvoir
pleurer ensemble.

Bien sûr
nous avons pleuré et pleuré,

mais nous avons pleuré seules,

bien que militantes d'un parti.

Quand j'ai vu
ton émotion et tes larmes

j'ai cru voir le visage de ma fille.
Elle me disait, en 1990 _.

''Maman, c'est pour cette merde
que tu m'as laissée ?''

Elle réglait ses comptes.

Je lui ai répondu _.
''Non. Nous avions d'autres rêves.''

Mais malgré l'échec
de notre projet politique,

je ne regrette pas du tout
mon choix.

Et j'assume la responsabilité

de ne pas avoir tenu compte de vous.

Nous avons une dette
envers votre génération.

J'en ai souffert vraiment
beaucoup et très longtemps.

J'ai détesté
ma mère et mon père pour ça.

Je n'ai jamais compris,

même aujourd'hui,
que ma mère nous laisse.

Je n'ai jamais pu lui pardonner.

Qu'as-tu compris de ta, mère
et de nous aussi

car on étaient nombreuses
dans ce cas, comme moi ?

Je ne peux toujours pas...

Maintenant je comprends...

Je comprends vraiment sa position,
ce qu'elle a voulu faire,

mais au fond de moi
je ne peux le dépasser.

Cela continue à me faire pleurer.

Quand je me dispute avec ma mère,
je lui balance toujours ça.

J'ai longtemps pensé que c'était
une grande erreur du MIR.

Mais c'est compliqué.
J'ai des souvenirs contradictoires.

Le projet ''Foyers''
était une belle expérience,

car nous étions une bande d'enfants

heureux d'être tous ensemble
et tout partager,

mais on avait aussi un grand, chagrin
d'être abandonnés

de se sentir toujours
relégués à la seconde place.

C'était toujours le Chili

et ce qui s'y passait.

Cela comptait plus que nous,
Ieurs enfants.

Pourtant j'ai toujours été fière
que mes parents

soient miristes
de leur foi dans la révolution.

Elle devait le fa,ire
et elle l'a fait

sans penser
qu'elle nous faisait du mal,

sans penser que nous le sentirions
comme un abandon

jusqu'à la fin de nos jours.

Tu continues à penser
que cela valait la peine ?

La vision que tu as du Chili,

vu de loin, de Paris

ce n'est pas notre réalité.

Un autre Chili existe

celui des oubliés, des exclus

où nos idées miristes persistent.

Comment ça ?

Nos idéaux de justice sociale,

de lutte pour la démocratie,

d'unité du peuple,

cela existe toujours.

Mais on ne le voit pas...

Si on ne veut pas le voir.

Si tu vas dans les quartiers,
tu le verras.

lls ne nous ont pas vaincus.

lls ne nous ont pas vaincus.

Nous sommes là.
La culture miriste

nos principes, nos valeurs
existent dans notre peuple.

POBLACION LA VICTORIA

Le jour du coup d'Etat,
Ies premiers réprimés,

c'était les comités de quartiers.

Le MIR, ici
ils nous ont complètement décapités.

Nous n'avons pas eu le choix,

il nous fallait
passer à la clandestinité.

Au moins, je savais
ce que j'avais à faire.

Dans une guerre civile,
tu ne peux pas hésiter,

car c'est au peuple
qu'ils vont s'en prendre,

pas aux enfants des riches

ou aux enfants des ministres.

C'est nous, le peuple,
qui serons dans la rue.

Nous devons être toujours préparés
à la guerre civile.

Et comment se préparer ?
En créant des dispensaires,

en organisant les gens
par quartiers.

Par exemple, dans cette maison,

on a commencé la soupe populaire,

dans cette cour, en octobre 1982.

Ensuite les carabiniers
l'ont recherchée

et ils l'ont trouvée.

On l'a donc déplacée
d'un lieu à l'autre.

On l'a transférée d'ici
dans une autre maison

puis encore une autre maison...

Je dois avouer qu'on avait peur,

surtout pour nos enfants.

- Ton mari était en prison ?
- Oui.

Vous preniez vraiment des risques.

Beaucoup de risques,

mais on n'avait pas le choix.
Il fallait veiller sur les jeunes,

ils étaient vraiment téméraires.

POBLAClÓN LA VICTORIA, 1984
Action de ''redistribution''

On affrontait la répression
de différentes façons,

en fonction de la situation.

Une fois, par exemple,

on a ouvert tous les robinets
de La Victoria.

L'eau a tout inondé.

Les tanks sont entrés quand même,
mais très difficilement.

Une autre fois, on a distribué
des ballons aux enfants

et ils jouaient
partout dans les rues.

Quand les militaires sont arrivés
tous les enfants jouaient au foot.

Alors ils ont dit _.
''Que se passe-t-il ici ?''

lls étaient en tenue de camouflage.

Ensuite ils partaient,

on reprenait les ballons
et la bagarre recommençait.

POBLAClÓN LA VICTORIA, 1983

Le peuple uni
ne sera jamais vaincu !

On le sent, Allende est présent !

Je suis encore debout
avec mes convictions

et personne ne pourra me dire :

''Tu as fait ça et ça
et ce n'est pas bien.''

Ce que j'ai fait,
je ne le regrette pas.

Si c'était à refaire
je le referais.

Même si je dois aller en prison,
si mon fils est arrêté

et toute ma famille, ça m'est égal.

Je le referais. Pourquoi ?

C'est mon idéal
on ne m'a pas obligée,

personne n'est responsable
à ma place.

Ce qui est arrivé, je l'ai voulu,

ce n'est pas
Ia faute de mes voisins.

Mes enfants ont les mêmes idées
et j'en suis fière.

Allons-y !

En avant vers la grève générale !

Avec le Front et le MIR
nous lutterons jusqu'au bout !

Camarades tombés dans la lutte !

Présents !

- Qui les a tués ?
- Le fascisme !

- Qui les vengera ?
- Le peuple en luttant !

Un jour, Pablo nous a dit :

''Je vais rentrer au MIR.''

On en a parlé
autour de cette table.

Ce fut un coup terrible.

Je savais que

s'engager dans le Mouvement
de la Gauche Révolutionnaire

pendant la dictature,

le seul fait d'adhérer
était un risque pour sa vie.

On en avait parlé à la maison.

Que fallait-il faire ?
Pleurer et supplier _.

''Ne rentre pas au ,M, IR,
je vais mourir.

Je ne pouvais pas faire ça.

De plus, il avait raison.

Ses arguments
étaient plus justes que les miens.

Les miens, c'était la peur _.

''ll va t'arriver quelque chose,
ils peuvent te tuer.''

Les siens, c'était la vie _.

''Je vais lutter
pour la vie de mon peuple.

''Avec ce parti,
je peux lutter efficacement.''

Son raisonnement
était donc plus logique.

ll va tomber !

Assassins !

Fais attention ! Ils tirent !

Le 29 mars, ils les ont tués
tous les deux.

Et Pablo en 1988.

Lui, c'est le Retour.

Oui, le Retour.

Les petits meurent ensemble.

Lui, c'est Rafael.

Et lui, Eduardo.

Mon Eduardo.

Et Pablo est ici.

lls sont là tous les trois.

Les deux qui sont morts
Ie même jour...

Eduardo est tué sur le coup,
Rafael est blessé.

ll continue à courir
car il était plus agile.

Mais il revient
quand il voit son frère tomber.

Et là, ils le tuent.

Mes enfants m'ont beaucoup appris.

Pablo surtout m'a aidée à mûrir

il était le plus mature
de la maison.

ll a été le premier
à militer au MIR

puis il a entraîné ses frères.

ll m'a appris aussi
ce qu'était le MIR.

Si les gens ont faim,
il faut des soupes populaires.

Si les gens ont disparu, ,
il faut les rechercher

il faut aider leurs femmes.

Pour les chômeurs
il faut créer des collectifs

pour les non scolarisés,
des centres d'éducation populaire.

Si les enfants ont faim
il faut faire des cantines!.

Bref, il faut travailler.

ll disait _. ''ll est légitime
que les militants

''soient armés pour nous défendre.

''Les riches ont une police
qui les défend.''

La police défend
Ies intérêts des riches.

Elle ne nous a jamais défendus,
nous, les pauvres.

Jamais.

Elle est là pour les arrêter.

Quand on défend le droit au travail
on nous envoie qui ? La police.

Contre les étudiants qui réclament
des bourses ? La police.

La police est avec eux.

Alors pourquoi les nôtres

ne pourraient-ils pas
nous défendre ?

J'avoue que j'ai encore très peur.

Ça m'a pris du temps...

Beaucoup de temps...

Ça fait 20 ans...

Maintenant
je suis une personne normale,

mais j'ai été une loque humaine,

j'ai été... rien.

Je suis morte avec eux.

J'ai du mal à me souvenir de ma vie

après la mort de mes fils.

Je n'ai pas de souvenir.

J'étais morte...

J'étais une loque.

J'étais sur le point d'en finir,
moi aussi.

C'est ce qu'ils voulaient,
nous liquider tous.

Ce que dit Luisa...

Comment avons-nous pu continuer,

à travailler et à aider les autres ?

ll se trouve que,
depuis la mort de nos enfants,

nous n'avons jamais été seuls.

La solidarité des voisins, des amis

cela nous fait du bien.

La dictature a tué nos enfants
et d'autres jeunes combattants,

elle les a tués

mais ils renaissent
en d'autres jeunes.

Cela nous donne
de la joie et de l'espoir.

Les idées d'un changement profond
de la société persistent.

Elles passent dans les familles,

dans les groupes.

Ça nous donne
l'énergie de continuer.

Nous discutons avec tous ces jeunes
qui se mobilisent.

Les idées du MIR

ou d'autres partis
révolutionnaires continuent.

SANTIAGO, 1986
Enterrement de Jeckar Nedjme

Comment survivre à tous ces morts ?

Tous ces camarades
qui étaient sous tes ordres ?

Certains camarades m'ont dit _.

''Ces sacrifices
ne valaient pas la peine.''

Tous ces camarades...

Comme cette fille
qui travaillait avec toi...

La question est _.

''Avions-nous conscience que
notre action mènerait au désastre ?''

La réponse est simple,

je peux y répondre simplement.

La réponse est ''Non''.

Nous avons fait seulement ce que
nous savions et pouvions faire.

Nous ne savions que cela.

Le MIR est né en 1965.

En 1973, c'est le coup d'Etat,

un des plus sanglants
d'Amérique Latine.

Combien d'années d'existence
avions-nous alors ?

Que savions-nous
qu'avions-nous vécu' ?

Comment avons-nous pu demander
à un camarade

de mourir sous la torture
en chantant l'lnternationale

d'abandonner sa famille

pour accomplir les tâches du Parti
et celles du mouvement populaire ?

En fait, nous étions
juste au début de notre vie.

Beaucoup de gens croient que nous...

lls croient que Miguel
cherchait la mort.

Personne ne voulait la mort
nous voulions la victoire

nous voulions le changement social,

nous voulions la révolution.

La mort n'était qu'une éventualité.

Ce n'était pas notre but...

Si on devait mourir

comme cela est arrivé,
à certains camarades

d'une certaine manière
on courait tous ce risque.

Cela pouvait arriver à chacun.

Mais cela n'était pas l'essentiel,

seulement un risque inévitable.

C'est la vie que nous recherchions,

une vie décente pour tout le monde.

Tous les matins
quand nous arrivons,

nous rendons hommage
à notre camarade.

Nous faisons le cérémonial.

Devant Miguel.

On se souvient
qu'il faut ''forger le futur''.

Vous n'avez pas oublié cela...

PUDAHUEL
Maison de quartier

Nous sommes arrivés
à des aberrations

produites par la défaite.

Les défaites répétées...

nous ont conduits
à être horribles entre nous.

Nous avons aussi développé
des politiques erronées.

Nous avons pu être dogmatiques,

avoir des principes rigides
qui nous ont conduits

à être très sévères entre nous.

Une camarade ne voulait pas
retourner au pays

car elle était enceinte
alors il fallait l'exclure.

On a eu une politique
que je défends encore,

mais dans la pratique,
elle aurait dû être plus souple.

''Le Mir ne s'exile pas'',
''la Résistance active''...

''L'opération Retour''.

Cela veut dire beaucoup de morts...

Je crois que nous sommes...

responsables de notre propre destin.

Si on me dit ''le Mir ne
s'exile pas'', c'était incorrect...

Moi, je défends cette politique.

ll fallait rester.

Mais j'ai connu...

de nombreux camarades
qui ne savaient pas où dormir,

qui ne mangeaient pas
tous les jours.

La seule issue pour eux
était de quitter le pays.

Mais non
car ''le Mir ne s'exile pas''.

Et finalement, ils sont morts.

A cause de ces moments de défaite

nous sommes liés
par la grande quantité de morts.

Alors si tu dis _.

''José, responsable militaire,

''ou Coño Villabela
se sont trompés'',

cela devient compliqué.

Si la militarisation du MIR

à ce moment-là

était une politique erronée,
et allait contre le travail

fait par les camarades ailleurs,

alors ça veut dire
qu'ils sont morts pour rien.

C'est ça qui est compliqué...

La critique ou l'autocritique,
dans ce cas-là

qu'on fait de cette politique,

cela ne veut pas dire
qu'ils sont morts pour rien.

Mais c'est une démarche nécessaire

pour arriver à comprendre,
de se dire _.

''Merde, on s'est plantés.''

Ce qu'il y a aussi...

Pour nous
qui travaillons maintenant,

se dire
qu'ils ont tué les meilleurs...

Alors nous, qui avons survécu...

On ne peut pas s'épuiser avec ceux
qui interrogent l'histoire,

mais qui en réalité ne bougent pas.

ll faut continuer
avec ceux qui veulent agir.

Avons-nous bien fait ou non ?

L'histoire nous jugera !

Ça m'est sorti comme ça !

Ce sont des amis de Miguel,
des camarades du MIR.

Nous faisons...

On va lui donner le tract
ça va l'intéresser.

Nous expliquons pourquoi
nous voulons récupérer la maison.

C'est difficile.

ll est coriace

''l'ami'' d'à côté, le voisin.

Voilà un tract qui explique pourquoi

nous voulons récupérer la maison.

Vous vous souvenez du slogan
sur le mur ''Le MIR est vivant'' ?

Nous l'avons peint
avec des camarades.

En pleine dictature.

En pleine dictature.

Tu vivais en face ?
Tu as des souvenirs ?

Mon père arrivait du marché.

ll a dû faire le tour
à cause des militaires.

On explique ici
Ies raisons de notre action.

Tu sais que dans cette rue,
ils ont tué Miguel Enriquez,

il y a 30 ans, tu le sais ?

On explique ici qu'on veut
faire un centre culturel.

Si c'est pour le bien
de la collectivité

il faut la récupérer.

Miguel s'est battu pour ça !

Chaque fois que tu viens,

tu t'occupes de la maison
de Santa Fe.

L'achat, la vente

le trottoir, la peinture,
Ies voisins.

Je n'ai pas vécu ce que tu as vécu,

et qui t'a tant marquée.

Mais l'absence de Javier

est semblable
à celle de Miguel Enriquez.

ll faut apprendre à vivre avec,

imaginer qu'il ne s'est rien passé
ou que ça n'aurait pas dû se passer.

Je n'aime pas te voir
enfermée dans ce passé.

Tu fais des choses en cachette

sans rien dire
ni à moi ni à ta mère.

Tu vas dans les poblaciones,

pour y faire des actions politiques.

Tu y vas dans le but de défendre

l'organisation du MIR,

comme un pilier de ta vie
qui ne doit pas s'écrouler.

Mais le MIR n'existe plus !

ll existe. Il est là
chez moi, et à côté aussi.

ll ne reste qu'une volonté
de ne pas renoncer...

Les miristes vivent entre eux
en secret.

Votre rêve est de recruter
d'autres miristes.

Vous cherchez des gens
en marge de la société

susceptibles d'adhérer
à votre vision du monde

et vous n'écoutez pas
Ieur point de vue.

Mais si...

Je suis venue avec mon fils

rendre hommage
à son père assassiné il y a 13 mois.

ll a le droit de le faire.

Je ne traverserai pas,
c'est aussi mon pays.

C'est vous
qui commettez une erreur !

Ne touchez pas à mon fils !

Ne touchez pas à mon fils !

Je ne peux pas marcher
dans mon pays ?

On a assassiné mon mari

on a emprisonné mon père,

et je ne peux pas
marcher librement !

Toute ma vie
tout ce que je faisais,

c'était pour le Parti.

ll était ma vie, ma famille.

J'ai remplacé ma famille d'origine,

par la famille du Parti.

Fin 1984, nous sommes revenus
avec l'opération Retour.

Nous sommes arrivés dans ce quartier

et j'ai continué à y travailler.

Puis le temps a passé
et la crise est arrivée.

Un jour, c'était en 1989,

le camarade, qui était
mon responsable, me dit _.

''ll n'y a plus rien,,
tout va s'arrêter

''le Parti n'existe plus.

''ll faut attendre...

''qu'il renaisse.
Ça prendra des années.

''Alors je te conseille
de te marier, si tu ne l'es pas,

''d'avoir des enfants

''de faire des études.''

Je suis restée sous le choc...

Je n'étais pas revenue
pour m'insérer dans une vie normale,

non pas que je méprise cette vie,

mais j'avais une autre vision,
un autre engagement.

J'ai eu l'impression
de devenir soudain orpheline.

J'avais le sentiment
que tout était fini.

J'ai décidé
qu'il était nécessaire...

de ne plus vivre,
je voulais me suicider.

J'avais cette idée.

ll n'y avait plus rien.

Plus de Parti, plus de famille.
J'étais seule.

Pourtant j'avais déjà un enfant
et un compagnon.

Je pensais que mon enfant
pourrait rester avec mon compagnon,

mais moi, j'étais incapable
de continuer.

Je n'avais plus de raison de vivre.

Toute ma famille était morte.

Qu'allais-je faire
seule dans ce monde ?

A ce moment-là je me suis dit _.
''Mais tu es malade.''

Alors j'ai appelé
un camarade psychiatre,

un camarade du Parti.

Je lui ai dit _. ''Je veux mourir.''

Alors on a parlé pendant 3 heures

et il m'a aidée à m'en sortir.

ll m'a aidée
car il faisait partie de la famille.

C'était un camarade.
A la fin, on pleurait tous les deux.

Je me suis souvenue
de ces moments...

de cette envie de vivre qu'on avait.

On était tous ensemble
et on était heureux.

NUEVA LA HABANA, 1971
Occupation de terrain par le MIR

- Peuple, conscience, fusil !
- MIR !

Nous continuons le spectacle
avec le camarade Luis.

Je suis Juan Soto, étudiant.

Je veux m'inscrire
pour faire la révolution,

du lundi au vendredi

mais pas jeudi, je fais du tennis.

Pas non plus quand il pleut,
je suis sujet aux rhumes.

Comment ?

Un examen...

ll faut passer un examen ?
J'arrive.

- Patrie ou mort.
- Nous vaincrons !

- L'impérialisme.
- Un tigre en papier.

- La lutte.
- Plus de droit.

- Le pouvoir.
- Au bout du fusil.

Si on n'est pas né
révolutionnaire...

On doit mourir en chantant !

- Combien de livres avez-vous lus ?
- 478.

- Combien pèsent-ils ?
- 245 kilos.

- Des livres reliés ?
- Reliés.

Différence entre Marx et Engels ?

Engels était plus grand,
et Marx plus gros.

Montrez-nous
une pose révolutionnaire.

Vous avez passé
brillamment l'examen.

Bien dans la théorie

et bien
dans la pratique révolutionnaire.

Mais il y a un problème.

Vous n'avez pas de barbe.

ll n'y a pas
de mouvement révolutionnaire...

Sans poils révolutionnaires.

HYMNE DU MIR
créé en 1969

Les pauvres et la classe ouvrière
ont pour mission

De dire à l'ensemble du peuple

Qu'ils ont déjà pris leur décision

ll n'y aura
ni champs, ni rivières, ni portes

Que l'ouvrier ne pourra traverser

Conduit par une avant-garde

Pour arriver au pouvoir populaire

Le pouvoir aux travailleurs !

Dans la lutte et la fermeté
Ie peuple s'organise !

STADE VICTOR JARA, 2004
Hommage à Miguel Enriquez

C'était un mineur du Nord

Quand vint le coup d'Etat,
Ie Syndicat a résisté

lls l'ont fusillé on ne sait où

Ses derniers mots furent
''Víve les travailleurs !''

Je veux reprendre la maison, vide,

la vider de ses occupants.

Je veux récupérer
cette maison de Santa Fe

pour que la mémoire des vaincus

puisse renaître au Chili.

Je voudrais faire ça.

Cette idée de l'espace, du lieu...

Sans doute est-elle importante.

Mais un lieu pour faire quoi ?
Une affiche, une photo, pour quoi ?

Comment on l'utilise ?

Je dirais que pour nous,
Ies plus jeunes,

l'idée d'avoir cette maison

cette idée
ne nous motive pas plus que ça.

Mais pourquoi ?

Parce que nous considérons

que l'hommage à Miguel
et aux autres camarades

on le fait dans la pratique,
en agissant comme eux.

On se demande _.
''Qu'auraient-ils fait à notre place,

''dans le contexte actuel ?

''Où mettraient-ils les moyens,
que construiraient-ils ?''

Mais c'est une façon de dire _.
''Nous sommes encore là.''

Je vais le dire plus clairement.

De nombreux camarades

veulent rendre hommage
à ceux qui ne sont plus là

et faire vivre leur mémoire.

lls font des commémorations.

lls en font
des événements importants

pour rassembler du monde.

Nous sommes un peu fatigués de cela.

De plus, il arrive souvent

que certains camarades,
de l'ancienne génération,

viennent nous dire
ce que nous avons à faire.

ll ne s'agit pas de commémorer,

de considérer la mémoire
comme une chose statique

ou nostalgique.

Mais cependant, cette maison,

c'est le lieu où Miguel a vécu
pendant un an, clandestin

et où il a combattu.

D'une certaine manière
je crois que c'est pesant!.

Les histoires personnelles

font partie
de l'histoire collective

mais parfois il faut savoir
Ies oublier un peu

et agir pour le devenir collectif.

Ça fait si longtemps...
30 ans ont passé.

Tu étais très jeune.
Maintenant, tu es grande,

et tu restes toujours
avec le même tourment

avec la même angoisse.

Quand on a eu la chance de survivre

il faut revenir à la vie.

Tu n'es pas coupable
de la mort de Miguel.

Et une fois pour toutes,
tu dois...

t'en détacher.

Te détacher de cette mort

et de tous les autres morts.

Ce qui m'inquiète,
c'est que tu as en toi...

cette ''chose'', cette question
qui revient toujours _.

''Est-ce qu'on s'est tous trompés ?

''Est-ce que ça valait la peine ?''

Pour moi, tout ce qui est arrivé

vaut la peine,

mais je tourne la page.

Toi, tu continues
encore et toujours.

Je n'aime pas ça.

A notre époque, on s'organisait,

on était militant d'un parti.

C'était structuré, rigide...

C'était le concept d'organisation
à ce moment-là.

Aujourd'hui, l'organisation

est plus '' sociale '',

mais elle a aussi un contenu
politique profond,

de révolte et de résistance.

Certains sont plus structurés,
ils ont des projets,

mais à l'échelle locale
et non nationale.

Mais ils ont une ligne...

lls ont une ligne de travail

qui s'exprime
sous des formes diverses

mais toujours avec un contenu fort.

lls font appel à la mémoire...

C'est à notre mémoire
qu'ils font appel.

Bien sûr.

Pour toi, ils sont militants ?

Oui, militants politiques.

lls nous ont promis le bonheur

Mais ils nous ont mentis

lls nous oppriment chaque jour

Mais ils sont là
Ies fils de la révolte

Du peuple en action
vient la conscience

Notre école, c'est la réalité
théorie et pratique

Et notre organisation populaire

C'est pas si compliqué

Les puissants contre le peuple

Où tu te situes ?

Qu'en penses-tu ?

Nous sommes ensemble

Dans l'amour et l'unité

Les pauvres agissent

Pour lutter et changer nos vies

Luttons, créons

L'avenir nous attend

Nous ne faisons confiance
qu'au peuple

En luttant, nous avançons

Le peuple s'organise

Lutte, conscience, organisation

Pour la santé, le travail
l'éducation

Pour moi

récupérer la maison
n'est plus l'essentiel.

Mais je crois qu'il faut marquer ce
lieu d'une manière ou d'une autre.

RUE SANTA FE
octobre 2005

''Vivre, Miguel, mourir

''Croître comme des ombres rouges

''Qui errent, libres.
Messagères...''

Rosalia, c'est cette maison.
Elle était bleue.

L'impact des balles, encore...

''De défaite en défaite
jusqu'à atteindre l'humanité.

''A quel moment sommes-,nous
de toutes les défaites

''à quelle seconde exacte,

''à quelle saison de la douleur,

''à quelle minute
de la poussière mordue,

''à quelle surprise
de la longue embuscade ?

''Mais toute défaite

''a son ciel à gagner,

''car la lueur revient, inespérée,

''du jour où nous reprendrons
Ies rues et le territoire.

''Cette illusion nouvelle
et ancienne.

''Nous retrouverons
Ie souffle et le sourire.''

Je suis Carmen Castillo.
J'ai 29 ans.

Je suis professeur d'histoire.

Après le coup d'Etat,
j'ai vécu au Chili

la vie de nombreux mi,litants
de la résistance

aux côtés de Miguel Enriquez,
secrétaire général du MIR,

mon compagnon

et chef de la résistance
jusqu'à sa mort.

Nous avons vécu ensemble
et sommes tombés ensemble

le 5 octobre 1974.

Je sais que Miguel a combattu seul,
plus d'une heure.

ll est tombé
mortellement blessé à la poitrine.

Je le sais
par le témoignage des voisins.

CAMBRIDGE
novembre 1974

avec la participation de

militante du MIR

chargée des Droits de l'homme
entre 1973 et 199O

militante du MIR

arrêtée en 1974
torturée, expulsée en 1975

exilée en France

dirigeant du MIR

arrêté en 1974
torturé, sorti clandestin en 1977

retour en 1986

militant du MIR

emprisonné en 1994
libéré en 2005

dirigeant du MIR

emprisonné en 1978
torturé, expulsé en 1976

retours clandestins
à partir de 1983

dirigeant du MIR

Secrétaire Général
en 1974

expulsé en 1975

retours clandestins
à partir de 1983

dirigeante du MIR

clandestine
de 1973 à 1989

dirigeante du MIR

arrêtée en 1975
torturée, expulsée en 1977

retour en 1990

militant du MIR

arrêté en 1974, en 1980 torturé
expulsé en 1981

retour en 1991

Militant du MIR

arrêté en 198O

torturé
expulsé en 1987

arrêté au Brésil en 1989
transféré au Chili en 1999

retour en 1991

militante du MIR

arrêté en 1975

torturée
expulsée en 1976!

retour clandestin
en 198O

militante du MIR

arrêtée en 1974

torturée
expulsée en 1976

retour en 1985

militante du MIR

arrêtée en 1974
torturée, expulsée en 1976

restée clandestine

militante du MIR

arrêtée en 1974
torturée, expulsée en 1976

retour en 1983

militante du MIR

arrêtée en 1974

torturée
expulsée en 1975

retour clandestin
en 1983

militante du MIR
arrêtée en 1974

torturée
expulsée en 1975

retour clandestin en 1973
arrêté au Brésil en 1983

transférée au Chili en 1999
libérée en 200O

militant du MIR
arrêté en 1975

torturé
expulsé en 1975

retour en 2003

militante du MIR

dirigeante du MIR

Parents de militants du MIR

Rafael et Eduardo
morts en 1986

et Pablo, mort en 1988

dirigeant du MIR

clandestin au Chili
entre 1973 et 1992

emprisonné en Espagne
en 1992

expulsé en 200O

responsable du MIR

clandestine
entre 1973 et 199O

militante du MIR

sortie clandestine en 1978
retour clandestin en 1984

militant du MIR

arrêté en 1973

sorti clandestin en 1975
retour en 198O

fondateur du MIR

arrêté, torturé
disparu en Argentine en 1975

fondateur du MIR

mort sous la torture
en décembre 1973