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[des bouteilles s'entrechoquent]

[liquide versé]

[micro-ondes allumé]

[chant d'oiseau]

Allez, debout, mon amour.
Il faut se lever, c'est l'heure.

Debout, chéri. Debout.

Tiens, bois ton lait, mon amour.
Mon petit chéri.

[elle soupire]

[elle murmure] Pff, c'est pas possible.

- [bruit d'œuf cassé]
- Oh merde !

Mercredi, papa, mercredi !

Qu'est-ce que tu fais là ? Va te laver !

- [elle] Jacob, t'as fait pipi ?
- Non.

[elle] T'as pas fait pipi ?

Vise bien avec ton zizi,
sinon t'asperges partout.

D'accord, ça veut dire quoi, asperger ?

Oh là là ! Ouf !

Attends, vas-y. On va dans la baignoire.
Vite, vite !

Va dans la baignoire… Enlève ton T-shirt.

Enlève ton T-shirt.

Voilà. Attention à la tête.

Allez, c'est parti. Oups !

Je vais chercher vos affaires, je reviens.

[ils rient]

[elle parle toute seule]
Alors… Ça, c'est là… je prends ça…

[voix indistinctes des enfants
et bruit de l'eau]

Qu'est-ce qui se passe ?

- [enfant] Tu prends toute la place !
- [elle] Qu'est-ce qui se passe ?

Tiens, habille-toi, chéri.
Jérémy, tu sors du bain.

Ouh ! Plus rapide que l'éclair !

Hé, c'est mon T-shirt Pokémon !

- C'est pas grave.
- Non. c'est le mien.

Enlève-le. On va lui rendre
et je vais en chercher un autre.

Voilà !

Enlève mon T-shirt.

Arrêtez de vous disputer.
Allez vous habiller dans la chambre.

Jacob, tu sors du bain.
Allez vous habiller dans la chambre.

Sors du bain, chéri.

Poum !

Voilà.

[enfant] Attends que je t'attrape !

Allez…

Hop, tu mets ton T-shirt.

Maman, où t'as mis mes chaussettes ?

[elle] Je sais pas, regarde
si elles sont dans le coin.

- Espèce de nain de jardin !
- Maman !

[en zézayant légèrement] Constantin
m'a dit que j'étais un nain de jardin.

C'est quoi un nain de jardin ?

Un affreux petit bonhomme avec un T-shirt
rouge et un pantalon bleu qui bouffe.

Qui bouffe !
[rire]

- Je veux pas ce pantalon !
- Espèce de nain de jardin !

On va le changer tout à l'heure.

- [père] C'est prêt !
- [mère] On arrive !

- Nain de jardin Pokémon !
- [père] On se dépêche.

Arrêtez ou j'en prends un
pour taper sur l'autre.

- J'avais pas envie d'œuf.
- Œuf pourri toi-même.

Qu'est-ce que t'as sur ton T-shirt ?

Quoi, qu'est-ce que j'ai ?

Gros tas de morve a atterri
sur le T-shirt de papa.

Pokémon gros tas de morve
attaque puanteur !

[rires]

T'as bien dormi ?

Oui, et toi ?

[rires des enfants]

Dépêche ! Je vais aller
beaucoup plus vite comme ça.

Allez, Constantin, passe devant.

Attendez-moi pour traverser.
C'est bon, on y va. Allez !

[en zézayant]
Maman, j'ai pas envie d'aller à l'école.

T'as pas envie d'aller à l'école…

[klaxons et bruit de mobylette]

T'aime biens quand on court ?

Bonjour. Ça va ?

[voix d'enfants]

[institutrice] On dit au revoir à maman
et on rentre. Dépêchez-vous.

[musique tragique, violons]

[elle soupire]

[l'ascenseur s'arrête]

[bruit de clés]

[la musique tragique continue]

Le citron, c'est pour la gueule de bois ?

Tu veux pas qu'on prenne un petit-déjeuner
tranquille pour une fois ?

Je pose une question, c'est tout.

Ben non, c'est pas pour la gueule de bois.

Je croyais que tu préférais le lait
dans ton thé.

Tu continues à m'agresser ?

Je t'agresse pas ! Je voudrais comprendre
pourquoi tu mets du citron dans ton thé.

C'est pas une agression.

J'ai pas envie,
tous les matins de me faire engueuler.

Et j'ai pas envie de me faire chier tous
les soirs avec un putain d'alcoolique !

C'est la vulgarité de mademoiselle
qui reprend le dessus.

Tu t'entends là ?

Et toi, tu t'es vu ?
T'es pas vulgaire quand t'es bourré ?

Bourré, putain ! On a les pieds sur terre
dans la famille prolo, hein ?

Tu lâches ma famille,
elle vaut autant que la tienne.

Pourquoi tu me tournes le dos ?
C'est pas vulgaire ?

Non, c'est digne.

Les gens bien élevés parlent
et ne hurlent pas.

L'honneur et la dignité pour toi
et les autres, on les couvre de merde !

Voilà ce qu'on est devenus, de la merde !

Toi, moi, nous.

On a des sentiments de merde,
des mots de merde, des rapports de merde !

Mais c'est nul, tout ça !

C'est pitoyable, c'est merdeux !

[en sanglotant] C'est nul.

[Richard] Tu as raison.

Pardon, pardon, pardon.

On fera ce que tu voudras.

Tu travailles pas ?

Non, j'ai envie d'écouter
un peu de musique.

Le matin ? En plus,
il y a un baffle qui marche plus.

C'est pas possible
d'écouter de la musique comme ça.

Il y a pas un walkman quelque part ?

Ah bon.

- Quoi ?
- Rien.

[musique : tango argentin]

[sonnerie du téléphone
couverte par la musique]

[sonnerie du téléphone plus forte]

[femme de ménage] … monsieur.

Allô ? Oui, ne quittez pas.

Je comprends pourquoi ma traduction
n'avance pas. C'est ta mère.

- Bonjour, Justine.
- Bonjour, Carole.

Merci.

Allô, maman ?

Non, non, ça va.

Non, ça va, je t'assure.

[Richard] On va pas rester longtemps.

[Justine] Attends on
n'est pas encore arrivés.

Attention le feu !

[freinage brusque et choc de voitures]

- C'est de notre faute.
- Pourquoi ?

Derrière, ils se sont rentré dedans
quand t'as pilé.

[klaxons]

Tout tombe.

[klaxons]

Allez, viens. On va pas rester là
toute la nuit.

C'est la semaine prochaine,
j'en suis sûre maintenant.

J'avais des doutes, mais…

Désolée, Jean m'a dit qu'il revenait
du Kazakhstan la semaine dernière.

Ce soir, c'est le 24.

À moins qu'il ait changé d'hôtel
pour aller ailleurs.

Non, mais viens. C'est pas grave.

Bon, on rentre. De toute façon,
je le sentais pas.

[elle frissonne]

- Tu veux pas qu'on aille danser ?
- Quoi ?

Non, je plaisante.

Non, mais vas-y, je t'en prie.

Je vas te déposer,
tu me dis où tu connais, moi…

- Je connais pas plus que toi.
- Ça, je sais pas.

- Si, tu sais.
- Non, je sais pas.

Tu te souviens comme je dansais
tout le temps avant à la maison ?

Et pourquoi, tu danses plus ?

- Non, t'avais pas remarqué ?
- Non.

Ah bon.

[vrombissement du moteur]

[musique classique triste]

[bruit de jouet]

[à voix basse] Ils dorment.

- Bonjour, Justine
- Bonjour, Hubert.

Entrez, entrez. C'est un peu le fouillis
aujourd'hui, désolée.

Qu'est-ce qui se passe ?
Vous célébrez vos 20 ans ?

Non, ça fait pas encore 20 ans
qu'on est ensemble. Presque, mais…

- Je veux dire les vôtres.
- C'est gentil.

Non, non… Tenez, asseyez-vous.

- Voilà.
- Merci.

- Non, c'est anniversaire du petit.
- Lequel ?

Jérémy. Il a six ans aujourd'hui.

- Si j'avais su, j'aurais apporté…
- Non, je vous en prie.

Vous voulez un petit café ?

Si vous en avez de fait.

Même si j'en n'avais pas de fait.

- Bonjour, Hubert. Comment ça va ?
- Salut, Richard.

T'aurais peut-être préféré
qu'on travaille un autre jour ?

Non, je dois rendre le script
cet après-midi, ils m'attendent.

Faut finir aujourd'hui.

[sifflement de la cafetière]

Tu vas voir, ça résout tous nos problèmes
pour la scène 24.

- Écoute…
- Excusez-moi. Tenez.

Je suis embêtée pour la musique,
ça ne marche plus. Comment on va faire ?

- Ils n'ont pas besoin de musique.
- Si, un peu, quand même.

Ils vont regarder des livres, la télé…
T'inquiète pas.

J'aimais bien danser à six ans.

J'emballais pas mal, même.
Surtout en dansant le rock…

n'roll.

[il chante un vieux tube de rock'n'roll]

[Richard rit]

[elle continue à chanter la chanson]

[cri]

[musique : le morceau original,
"Bop-A-Lena" de Ronnie Self]

[cris des enfants]

Ça va pas ?

C'est insupportable, ce bruit.
Je m'entends plus penser.

- T'aimes pas danser ?
- C'est ridicule, je déteste ça !

Viens, on va aller faire un tour.

[musique d'harmonica]

[enfant] Viens, on va l'attraper.

[enfant] Allez, Julien, allez !

Dis-moi.

Dis-moi les choses, Constantin.

Sinon je peux pas savoir.

Constantin.

Dis-moi.

Papa m'a dit que tu préfères
un autre homme que lui.

Regarde-moi.

Regarde mes yeux, Constantin.

Et vois si je mens.

Je ne préfère
pas un autre homme que ton papa,

et c'est la vérité.

Et la vérité aussi, c'est que ton papa
et ta maman ne sont plus heureux ensemble,

et ça, tu le sais.
Tu le vois tous les jours.

Mais il est question de personne d'autre
que de ton papa et de moi.

Et quoi qu'il arrive entre nous,

ça changera rien parce qu'on vous aime,
et c'est la seule chose qui compte.

Tu comprends ?

Oui, je comprends.

- Ça va ?
- Ça va.

- Tu me demandes pas ?
- Alors ?

Dis mille euros.

C'est bien.

Oui, je vais pouvoir respirer un peu.

Et retaper mon roman.

Ils m'ont parlé d'un autre projet aussi.

Je vois le metteur en scène
la semaine prochaine.

- Et vous, ça s'est bien passé ?
- Oui, enfin, presque.

- C'est-à-dire ?
- C'est Constantin.

Il m'a demandé si c'était vrai
que je préférais un autre homme que toi.

Tu lui as dit la vérité ?

Quelle vérité ?

Tous tes mecs, qu'est-ce que j'en sais ?

Ben si, tu sais pourquoi il y en a eu,
et qu'aujourd'hui, il n'y en a plus.

Quand il y en a eu, il y en aura.

Même quand il y en avait pas,
tu disais la même chose.

J'avais pas tort, la preuve.

C'est facile !

Pour toi effectivement,
ça n'a pas l'air trop difficile.

Il suffit de pas assumer un moment
pour que mademoiselle se trouve un mec.

C'était pas un moment,
et pas tout de suite.

Ça faisait trois ans
que tu ne m'avais pas touchée.

Que tu répétais que j'étais indésirable,
inintéressante.

- Ça recommence.
- Évidemment, quand ça t'arrange pas…

Qu'est-ce qui m'arrange pas ?
Que tu te fasses sauter par des connards ?

Des mecs qui sont entrés en toi
par devant et par derrière !

Tu vas me faire croire que
t'es malheureuse d'avoir pris ton pied ?

Mais ils sont toujours là, ces mecs.
Ils sont en toi, pour toujours.

Qu'est-ce que je fais de tout ça ?

Je vis avec eux ?
On couche à trois dans le même lit ?

Alors t'as le droit de me délaisser ?

De décider de ma vie ?
Tu t'en fous si je suis heureuse.

Le bonheur, le plaisir !

Les grands mots d'aujourd'hui.

Mais allez-y, soyez heureux,
faites-vous plaisir !

De quoi tu te plains ?
Regarde autour de toi !

T'es malade ? T'as vu Hubert ?
Comment peux-tu te plaindre du bonheur ?

Me voir pleurer tous les jours,
c'est supportable ?

Qu'il existe des connes comme moi
qui se saignent pour les autres.

- Et toi, tu te saignes pour les autres ?
- Non, les autres me font saigner.

Qui tu aimes, toi ?

C'est toi que j'aime
et pourtant, je devrais te haïr.

Tu sais plus dire "je t'aime".

On n'y arrivera jamais, jamais plus.

Fallait pas faire ce que tu as fait.

OK, d'accord…

- Alors on fait quoi ?
- On vit avec.

Ah oui ? Comme ça, t'auras tout le loisir
pendant 20 ans de me le faire payer !

T'auras une bonne raison de boire
et moi de m'écraser.

Si seulement tu pouvais t'écraser !
Ce serait tellement plus féminin.

Je suis une femme
alors je m'écrase, j'ai rien à dire ?

Toi l'homme, t'as tous les droits ?

Quel droit ?
De vivre avec une femme adultère ?

Et toi t'as fait quoi
pendant ces trois années ?

J'ai demandé si t'avais baisé
avec quelqu'un d'autre ?

J'ai écrit mes livres.
Où ils sont, les tiens ?

[serrure] Maman !

- Pourquoi t'as les yeux rouges, maman ?
- Non.

Vous vous êtes encore disputés ?

Un petit peu, c'est pas grave.
Maman pleure pour un rien.

Allez. 20 minutes de télé et au bain.

Demain, il y a école,
on va pas se coucher tard.

- Tu m'aides à faire mes devoirs ?
- [Justine] OK, j'arrive.

[enfant] Ouais, je veux être
avec Tentacool et Tentacruel !

[Richard] Ça suffit les Pokémon.

Oui, papa, ça suffit les Pokémon.

[bavardage des enfants]

[sonnerie du téléphone]

[baby-sitter] Les enfants, à demain.

Allô ? Salut, Amélie.
Ne quitte pas, je te la passe.

- Allô ?
- [Amélie] Salut, ma cocotte.

Je te dérange pas longtemps.

Demain, j'ai une vente aux enchères
pas mal du tout.

Si tu veux, on y va ensemble.

Et puis comme ça,
tu rencontrerais Dimitri,

tu lui dirais
des choses gentilles sur moi.

Demain, c'est jeudi…

C'est pas possible, je dois prendre
les petits à l'école. Attends.

- Tu fais quoi demain après-midi ?
- Je pars pour Londres.

Ça ne fait que deux semaines
qu'on en parle.

Pardon, j'avais oublié.

Non, laisse tomber, c'est pas possible.

Je dois déposer Richard à l'aéroport
et récupérer les enfants à l'école.

Une autre fois.

- Alors t'es seule demain soir ?
- [Justine] Ouais.

Pourquoi on fait pas
notre dîner de filles ?

Ben ouais.

On pourrait faire ça demain.

Christine,
c'est week-end obligatoire en Normandie.

Quant à Josée, je sais qu'elle fout rien.
Je m'en occupe ?

C'est bon, j'appelle ?

OK, on se rappelle. Je t'embrasse.

[bruit de fond de la télé]

Qu'est-ce qu'elle voulait ?

Elle a une vente aux enchères demain,
mais c'est pas possible.

Et quoi d'autre ?

Rien.

Enfin, si. Elle veut faire un dîner
chez elle demain soir.

Avec qui ?

Avec moi.

Tu me prends pour un imbécile ?

Avec des filles, rien que des filles.
Ça te va ?

Tu me parles mal et non, ça me va pas !

- Tu fais quoi des petits ?
- Je vais demander à Carole de rester.

Ah oui, pendant que madame s'amuse.

Je vais pas m'amuser. C'est
à trois étages d'ici. Faut pas exagérer !

Si c'est pas pour t'amuser,
on se demande ce que tu vas y faire.

Pourquoi je pourrais pas m'amuser ?

C'est toi qui dis que t'y vas pas
pour t'amuser. Pourquoi t'y vas ?

- C'est pas possible !
- Tu l'as déjà dit.

- T'es vraiment…
- Qu'est-ce que je suis encore ?

Pourquoi tu pleures, maman ?

Mais vous allez arrêter de vous disputer !

[klaxons]

Heureusement qu'on est partis plus tôt.

Qu'est-ce qui se passe ?

C'est pas normal.
Il doit y avoir un accident.

Faut pas que je rate cet avion.

Pour Londres, t'en as un
presque toutes les heures.

Et avec les grèves,
t'es même pas sûr de décoller.

Ah ben regarde.

Ça va se déboucher.

Ou pas.

Comme tu dis, oui.

[sirènes d'ambulances]

Ça a l'air plus grave qu'on pense.

Regarde, ça bouge. Ça va aller.

C'est sympa.

- Quoi ?
- Quand t'es optimiste !

En fait, c'est une question
de bonne volonté.

J'ai rien dit.

N'oublie pas t'appeler ton frère,
ça lui fera plaisir de te voir.

Ce soir, je pensais inviter
mon éditeur à dîner.

Demain on a une grosse journée.

Je t'appellerai, je te dirai.
Tu seras où ?

À la maison, où veux-tu que je sois ?

Je veux rien, moi.

"Donnez-moi la foi très humble
que je pleure

"Sur l'impropriété
de tant de mots soufferts

"Sur l'inutilité des grâces et sur l'heure

"Lâchement gaspillée
aux efforts que je perds"

- Quoi ?
- Rien.

[musique classique triste et solennelle]

[voix inaudibles sur talkies-walkies
des secouristes]

Fais attention à toi. Et amuse-toi.

Fais attention à toi.
Et amuse-toi aussi un peu.

Je t'aime, mon petit Justine.

Je t'aime.

[musique classique triste]

[musique du film de Fred Astaire,
"Cheek to cheek"]

[elle éteint]

Allô, maman ?

Je te réveille pas ?

Ouais…

Ben, comme ça.

Non, c'est les petits.
Ils me manquent un peu.

C'est la première fois qu'on va pas
peindre les œufs de Pâques ensemble.

Ils vont bien ?

Maman…

Non, je suis là, je t'écoute.

Oui, c'est tout ce que je voulais savoir.
Je vais aller me coucher.

Non, t'inquiète pas.

Tout va bien, je t'assure. T'inquiète pas.

Moi aussi, je t'aime.
Je vous embrasse tous.

D'accord. Au revoir.

[elle pleure]

[elle soupire]

[sonnerie du téléphone]

Allô ?

Ça va.

[en pleurant]
Non… les enfants, ça va, oui.

[sanglot] Ils me manquent.

Ah bon ?

[se racle la gorge]

[soupire] Pas vraiment.

Oui, toujours.

J'en sais rien, tu sais.
Je réfléchis pas, c'est comme ça.

Je cherche même pas à savoir.

J'apprends.

Oui, oui, je suis moi et toi, tu es toi.

Écoute, je suis fatiguée. Fatiguée.

[en pleurant] Fatiguée.

[elle sanglote]

J'en sais rien.

Quoi, t'en as plus besoin ?

T'en a plus besoin ?

T'as qu'à venir demain.
Tu veux venir les ramener demain ?

[en criant] Mais garde-les alors !
Garde-les, ses clés ! Garde-les !

Je t'ai rien demandé !

Je t'ai même pas demandé
de récupérer tes affaires

qui sont là depuis trois mois !

Merde ! D'accord.

À demain.

[porte qui claque]

Pardon.

Tu veux du thé ?

C'est ton thé ?

Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

C'est chez toi maintenant.

D'abord, c'est pas chez moi,
c'est chez nous.

- Ensuite, tu veux du thé ?
- Oui, je veux bien.

[vacarme de klaxons dehors]

J'ai vidé les lieux,
tu vas pouvoir t'installer.

Je te demande pardon.
C'est moi qui devrais partir.

Sans travail avec trois mômes ?

Je m'inquiète pour toi, Justine.

Tu te rends pas compte de ce que tu fais.

Tu casses notre famille, pourquoi ?
Pourquoi tout ça ?

Je peux pas croire ce qui nous arrive.
Pourquoi tu fais ça ?

Pour toi, pour moi, pour nous.

Il y a plus de nous,
il y a plus de famille !

Et les enfants ?

Je connais pas d'exemples d'enfants
qui n'aient souffert d'une telle cassure.

- Je connais pas d'exemples.
- Oui, c'est toi.

Tu sais qui tu es et ce que tu veux,
alors tu peux tout foutre en l'air.

Mais tu vas le payer cher.

Quoi ? Je vais le payer d'être moi,
de savoir qui je suis et ce que veux ?

C'est ça que tu me souhaites ?
Aimer, c'est pas ça.

Moi, je t'aime et toi, tu m'aimes plus.
On était un couple et on n'est plus rien.

Tout ça parce que tu veux être libre.
Sois libre et baise avec qui tu veux.

- Je baise pas. Et toi ?
- Comment il s'appelle ?

- Tu entends ce que je te dis ?
- Non.

Tu comprends pas
que c'est toi que je quitte ?

Comprendre les connards
qui vont se succéder dans mon lit, non.

- Tu deviens vulgaire.
- Moi, je deviens vulgaire ?

Ton lit, c'est le mien aussi.

Et justement, il s'agit de nous.

T'étais où pendant tout ce temps ?
Tu nous as aimés ? Non.

Moi, j'étais toute seule.
Toi, t'as fait quoi ?

Rien de tout ça.

Rien, j'en suis sûre.
De tout ça, je suis moins sûre.

- Tu te permets tout.
- Oui, parce que je t'ai tout donné.

Si j'avais su te donner plus,
sans te prendre…

[la porte claque]

Fait chier !

Mademoiselle…

C'est rien.

[déclic de l'ascenseur]

[musique dramatique]

Hello!

Y a quelqu'un ?

Te voilà ! Je viens d'arriver aussi.

Installe-toi, reste pas plantée là.

[la musique continue]

[fracas]

- Tu veux boire quelque chose ?
- Non, merci, ça va.

T'en es où de ta tournée ?

Les chevaux sont fatigués,
on reprend le spectacle à la rentrée.

Du coup demain, je pars en Camargue.

Ça va être cool,
j'ai tous mes potes d'enfance là-bas.

Souvent on part en forêt avec les chevaux
de mon père, pendant 3 jours, 3 nuits.

On dort à la belle étoile, on les regarde.

Comme je te regarde là.

C'est la première fois.

De quoi ?

Que je viens chez toi.

Ah ouais ?

Tiens.

[elle tousse]

Et Richard, comment ça va ?

Il aime toujours autant les chevaux.

De quoi il m'en veut exactement ?

D'aimer un petit peu trop sa femme,
par exemple.

C'est bizarre.

Pourtant j'y ai jamais touché à sa femme.

D'ailleurs c'est très bien comme ça.

Bon, tu m'en donnes un peu ?

Il est pas bon.

Comme quoi ?

Comme ça.

Toi, moi, tout ce qu'on se dit pas.

Tout ce dont… enfin, je sais pas,
je te comprends pas toujours.

T'es jeune.

C'est normal, à ton âge.

- Toi aussi, t'es jeune. C'est pas normal.
- Quoi ?

Rien.

Tu connais la dernière sur les blondes ?

Non.

[elle tousse]

Tu sais ce que c'est, une mèche brune
sur une blonde ?

- Non.
- Une lueur d'espoir.

[elle rie]

Et tu sais pourquoi les blondes
sont coiffées comme ça ?

Je sais pas !

[elle rie]

Tu veux la musique ?

Non, faut que j'y aille.

Déjà ?

- Tu pars à quelle heure demain ?
- 14 h.

Bon ben, tu m'appelles, ou je t'appelle.

[grincement]

[voix des commerçants d'un marché]

Pardon.

[elle est essoufflée]

- Maman !
- Maman !

Ça va ?

[enfant] …et la flèche, elle est restée
coincée dans l'arbre.

- Ah bon ?
- Je suis allé chercher la flèche.

- Maman, on peut regarder la télé ?
- Si vous voulez.

Ouais !

C'est à toi et Richard d'être intelligents
pour les enfants.

- Il peut les voir quand il veut ?
- Oui, il a toujours une clé.

Ah bon ?

Oui, enfin, il appelle toujours avant.

De toute façon, j'ai rien à cacher.

Oui, enfin, tu fais ce que tu veux…

mais un jour, tu voudras peut-être
donner tes clés à un autre.

J'en ai aucune envie, merci.

Tu dis ça maintenant.

Justement, c'est de maintenant
dont j'ai besoin.

Et plus de ruminer
des choses qu'on ne peut pas changer

et qui te bousillent les seuls moments
qui te restent à vivre.

Je sais pas si je fais bien,

mais en tout cas, je ne mens pas
et je trompe personne.

Quand au mal…

on a tous mal.

[voix des enfants]

[sonnerie de téléphone]

Allô ? C'est toi, Hubert. Comment ça va ?

Oui.

Quitte pas, je vais le chercher.

Le lendemain de l'anniversaire
du petit, je crois.

Ouais.

Oui, oui.

Ben oui, c'est comme ça.

Non, je comprends pas.

J'ai loué un studio,
mais je crois que je vais partir.

Oui… oui, je m'en souviens.

Ah bon, il veut me voir ? Et quand ?

Demain à son bureau ?

Jeremy, on se lave les mains
après avoir fait pipi.

Et toi, mets tes chaussons.

Et ton travail, ma chérie ?

Raconte-moi.

Ça va. J'ai deux nouvelles traductions
de l'auteur dont je t'ai parlé.

Tu sais, cette femme indienne.

J'ai toujours pas fini celle de Richard,
mais bon…

Sinon, je vais chercher les enfants
à l'école le matin, et même l'après-midi.

Pour eux, ça change rien. Je m'en occupe
comme avant et je travaille.

C'est bien. J'ai arrêté de travailler
pendant six ans

pour vous élever, ton frère et toi.

Après, j'ai repris mon travail.
J'étais contente.

J'avais mes copines au magasin.
On se marrait bien.

J'avais ma vie, quoi.

Ça fait combien de temps
que vous êtes mariés, papa et toi ?

Je dis tout le temps que ça fait
35 ans moins trois.

Et pourquoi vous être remis ensemble ?

Oh, je sais pas.

- Tu sais pas ?
- Si. Ton père est revenu.

- Et toi ?
- Quoi, moi ?

Ben… t'avais envie de recommencer ?

Oui, on pensait
que les choses avaient changé.

Regarde maintenant,
ton père et moi, on est bien.

Oui…

mais pas à l'époque.

Je me souviens,
quand vous vous êtes remis ensemble…

Après, c'était l'enfer.

Vous vous engueuliez tous les jours?
Rien ne marchait.

Vous vous disiez des choses terribles.

Oui. Ça n'allait pas comme on voulait.

Ton père revenait de loin,
il avait tout perdu.

Et moi, j'étais amoureuse de lui.

Alors tu t'es redonnée à fond.
T'en as bavé.

Je me souviendrai toujours
de ce que m'avait dit un ami

à l'époque où ton père et moi
n'étions plus ensemble. Il m'avait dit…

"Faut jamais se remettre
avec quelqu'un qu'on a quitté."

J'y ai repensé, parfois.

Tu regrettes ?

Ah ! Si j'avais 20 ans…

- Tu ferais autrement ?
- Je m'intéressais à tellement de choses.

J'adorais les études, le cinéma,
la littérature… mais bon…

Le sort en a décidé autrement.
Et j'ai connu St-Germain,

boulevard Raspail, les petits cafés
le soir où on se réunissait pour parler.

C'était sympa, on était insouciants.

Mais t'as encore le temps.
Plus que jamais.

Mais c'est plus pareil, ma chérie.
On a vraiment…

Enfin, les temps aussi ont changé. Mais
on fait plein de choses, ton père et moi.

On est là pour s'occuper de toi.
Moi, ça va.

Alors, ton travail ?

- Maman, ça va ? J'ai envie de faire caca.
- T'as envie de faire caca ?

Tu vois, mon travail, ça va très bien.

Viens, chéri, on va aller faire caca.

[en anglais] Oui. Il est ici avec moi.

D'accord, nous vous rappellerons.

Le même numéro ? D'accord, au revoir.

- [en français] Alors ?
- Tu as pris ta décision ?

Oui, je pars.

Allez, viens.

On va fêter ça à la maison.

C'est la guerre du fric,
qu'est-ce que tu veux.

Les pauvres contre les riches.

Le monde s'est divisé en deux
et on veut toujours faire du fric.

[ami] Remarque,
quand la petite Julia Roberts

fait gagner 200 et quelques
millions de dollars

pour un film dont j'ai oublié le nom
et qui valait sûrement pas grand chose

sinon sa présence à elle, ça donne envie.

Et puis, pour vivre à Los Angeles,
faut bien payer ce prix-là.

- Tu connais Los Angeles ?
- Oui.

Ah… et t'en es revenu.

Hmm.

- Et mon idée ?
- Géniale.

Écoute, j'ai tout de suite pensé à toi.

Quand le directeur
de l'opéra de Barcelone m'a appelé

pour me parler de cette création
d'un opéra moderne,

j'ai tout de suite appelé Hubert,
je savais que vous étiez amis.

Quand au compositeur, Hiroshi Masucho…

Non, c'est pas ça. Hiroshi…

Enfin, oui, quelque chose comme ça.

Quand il a su que c'était toi
qui allais écrire le livret,

il est devenu comme fou. Il m'a dit
qu'il avait lu tous tes livres en anglais.

- Tes livres sont sortis en Amérique ?
- Non, en Angleterre.

En tous les cas, vous
allez vous entendre, j'en suis sûr.

J'ai eu une idée de génie, non ?

Toi, ça te fera du bien de partir un peu.

Moi, ça me coûtera pas un rond.
Et on viendra te voir à Barcelone.

C'est pas loin.

Pas loin d'où ?

[au téléphone] Oui, chérie.
On arrive tout de suite.

Bisou, bisou.

[musique tragique]

[ami] Ça y est, on est arrives.

[bruit de portière]

[ami]Hello, hello!

[ami] Richard, tu viens ?

[klaxon et freinage brusque]

Espèce de connasse, tu peux pas regarder
où tu fous ton cul ! Pétasse !

[il démarre en faisant hurler ses pneus]

- Ma chérie.
- T'es déjà prête ?

- Oui, mamie nous attend.
- Ah bon.

Comment on fait ?
Tu prends la voiture de papa ?

[Amélie] Non,
je sais pas faire les créneaux.

J'aime mieux prendre le métro,
comme au bon vieux temps.

[Justine] Tu veux que je te dépose,
ça te va ?

- Non ?
- Tu viens pas embrasser ta grand-mère ?

J'ai rendez-vous chez mon éditeur à 9h30.

J'ai vraiment pas le temps,
je suis déjà en retard.

Tu pourrais l'appeler du travail.
Elle me dit que tu l'appelles jamais.

Oui, je vais y penser.

- Je vais y penser.
- Et tu te maquilles pas ?

J'ai tout dans mon sac,
mais j'ai vraiment pas le temps.

[musique de manège]

[à voix basse] Quitte pas.
Elle est pas là. Va voir Corinne.

[elle sanglote au téléphone]

[Justine] Bonjour.

Bonjour, Justine.

[en anglais] Attends, Chris.

[en français] Maguy est à l'hôpital,
elle s'est cassé le pied.

Voilà la traduction. Si tu peux la
regarder et me la rapporter au plus vite.

Comment on dit "se taper quelqu'un"
en anglais. Je veux dire, sexuellement.

- Mais… vulgairement ?
- Oui, vulgairement.

- To fuck around with.
- OK. Merci, excuse-moi.

[en anglais]
Oui, tu baises avec elle, je le sais.

- [en anglais] Baiser avec qui ?
- Personne.

- [sonnerie du téléphone]
- [en français] Excuse-moi.

[femme, en anglais] Écoute !

Allô ?

Bonjour, Richard.

Non, à déjeuner, je peux pas.

- [femme, en anglais] Salaud !
- [Justine] Quitte pas.

[femme au téléphone raccroche]
Salaud. Salaud !

Allô ? Excuse-moi,
je travaille, moi aussi.

C'est pas toujours quand tu veux.
Mais je m'énerve pas !

Écoute, va chercher les petits à l'école,
on se retrouve là-bas.

C'est plus simple comme ça, OK ? Salut.

Allez.

- [Justine] Mais quand ?
- Là, je pars avant les vacances.

Comment tu feras pour voir les enfants ?

Comme je fais maintenant, pas souvent.

Comment ça, pas souvent ?
Tu les vois quasiment tous les jours.

Je déteste être le papa
du dimanche et de la sortie de l'école.

J'ai plus rien à faire ici.

J'ai plus de femme, plus d'enfants,
plus de famille.

Tu peux me dire ce que je fous ici
comme un con, dans un meublé,

à attendre l'heure de la visite ?

Ça dépend que de toi.

Si ça dépendait de moi,
il y aurait toujours une famille.

Même quand ça dépend de toi,
ça veut pas dire que ça marche. La preuve.

T'as devenue dure, Justine. Très dure.

Tu crois que t'as raison
d'agir comme tu fais ?

Oui.

- Un café, s'il vous plaît.
- Je peux en avoir un aussi ?

Je crois que je pourrai plus t'aimer
après tout ça.

Trop d'humiliation. Manque de respect.

- Je croyais que tu détestais ce mot.
- C'est toi que je déteste.

Raison de plus pour partir.

[enfant] Vous allez arrêter
de vous disputer ?

- On dispute pas.
- On discute calmement, maman et moi.

On se dit des horreurs.

[musique "Parlez-moi d'amour",
Lucienne Boyer]

[cris et rires couverts par la musique]

- Il y a des canards.
- Je vais leur donner à manger.

[enfant] Il y a un canard…

Petit bout de pain visqueux.

Allez, oh là là.
Attention de ne pas tomber.

Tu me donnes la main, chéri.
Je n'ai pas de bottes.

Faudra prendre un bain.

[une cloche sonne]

[coup de fusil au loin]

Y a quelqu'un ?

Bonjour.

- Bonjour, Justine. Comment allez-vous ?
- Ça va.

- Il y a des œufs ?
- Oui, combien vous en faut-il ?

- Je sais pas, douze ?
- Oui, pas exemple.

D'accord. Très bien. Merci.

Dis donc ! Constantin,
qu'est-ce que tu fais ? Attends-moi !

[fermier] Henriette !

[meuglement de vache]

[voix basses des enfants]

[cris]

[les enfants chantonnent]

Gros cochon, gros cochon…

Cochon ! Viens que je te mange !

- Cochon !
- Pue du cul !

[musique classique]

[Justine] Il la mange ?
Fais gaffe à tes doigts.

- Regarde qui est là.
- Papy ! Attends-nous !

Papy, papy, attends-nous !

C'est parti, mon kiki !

Papy, emmène-nous à la mare aux canards !

Constantin, range ton truc.

[Jacob] Mamie, j'aime bien le tracteur.

- À manger ! À manger !
- [Justine] Tu vas en avoir. Chut !

Arrête avec ton hélicoptère.
Tu veux une petite goutte ?

[Justine] À manger, y en a là, regarde.
Constantin, range ton truc.

- Le sel.
- [Justine] C'est bon, j'y vais.

[Justine] Je me sers en premier.

[Jérémy] Moi, la cuisse !

[grand-père] Tu joueras avec après.

[musique de la télévision]

[télévision]
L'été nous réserve encore du soleil.

Préparez votre ventilateur
car les températures seront fortes.

Demain, la moitié ouest du pays
sera sous de belles éclaircies.

Les averses rafraîchiront les Pyrénées
jusqu'à la Loire…

La sieste sera bien agréable.
On continue de suer à grosses gouttes.

Malgré les orages,
les températures restent étouffantes.

Il fera 24 degrés à Brest, 31 à Nice,
32 à Biarritz, 33 à Paris…

[musique douce]

- [père] Ça va, ma chérie ?
- [Justine] Ça va, papa.

[père] Ça faisait longtemps
que ça ne nous était pas arrivé.

Ouais.

[père] T'avais jamais le visage
de quelqu'un d'heureux.

Peut-être que je sais pas être heureuse.

[père] C'est vrai, t'as toujours été
un peu triste, même petite.

Mais pas comme ça.

Je t'ai connue enjouée, riante,
déconnante.

Un peu comme aujourd'hui, quoi.

Ça fait du bien de te voir comme ça,
ça me fait plaisir.

- C'est gentil de me dire ça.
- Non, c'est pas gentil, c'est normal.

J'aime ma fille.

Je t'aime.

- Excuse-moi si j'ai pas su.
- Quoi ?

Faire que tout le monde s'entende.

[père] On change pas les gens, tu sais.

Non.

Pourtant moi, j'ai changé.

Il m'a fait changer.

Il m'a appris tellement de choses.

Je refuse de lui en vouloir.

Je vais pas cracher sur le passé,
ça sert à rien.

Pourtant tu pourras pas t'en empêcher,
ça reviendra tout seul.

Faut jamais oublier les raisons
pour lesquelles on est parti.

Parce qu'elle n'oublient jamais.

Je sais. Je voudrais tellement
que ça sorte, tout ça.

Mais j'y arrive pas.

Nier toute ma vie.

Et comment sortir la vie de soi ?

Moi, j'ai connu que celle-là.

Je suis faite de ça maintenant.

C'est comme si j'étais coupée en deux.

- Et j'ai peur.
- [père] Peur de quoi ?

Des autres.

De moi.

[père] Tu es toi, Justine.

Et arrête de penser que c'est pas bien.

Je sais pas qui je suis.

[père] Moi, je sais.

Une petite fille
sensible au malheur des autres.

Avec un papa absent qui n'a pas su
lui parler et lui dire combien il l'aime.

Une petite fille qui comprenait tout

et ne disait jamais
pourquoi elle pleurait tout le temps.

Une petite fille qui aurait voulu
qu'on la comprenne,

mais on n'avait pas le temps.

Alors cette petite fille
s'est cherché un autre papa,

plus présent, celui-là.

Elle s'est laissé dire
tout ce qu'on voulait d'elle.

Complètement… aveuglément…

Entièrement.

Par manque ou par amour, je sais pas.

Richard a fait ce que je n'ai pas su faire

mais il y a une chose qu'il a oubliée,

c'est que tu n'étais pas de lui et ça,
il ne te le pardonnera jamais.

C'est plus fort que lui, tu es sa chose.

Il voudra jamais te perdre.

De moins en moins.

Mais les hommes sont des lâches,
comme moi j'ai été.

Ou des égoïstes qui s'approprient
la liberté des autres.

Pourquoi c'est seulement maintenant
que tu me dis tout ça ?

Parce que je veux bien être coupable
de quelque chose.

Et je te demande pardon.

Papa ?

T'es où ?

Papa ?

Papa ?

[des chiens aboient au loin]

[cris de mouettes]

[musique classique triste]

[voix d'homme parlant espagnol]

[serveuse, en espagnol]
Votre repas, monsieur.

Bonjour Richard, ça va ?

Eusebi a quelques minutes de retard
pour son rendez-vous.

Il est désolé. Je m'excuse.

- Tu veux boire quelque chose ?
- Non, merci. Tout va bien.

Tu veux quelque chose que je fais per tu ?

- Merci, tout va bien.
- D'accord.

Je reviens te chercher deux minutes.

D'accord.

[voix de la guide, en espagnol]

[reprise de la musique]

[femme] Richard ?

Richard.

J'en avais assez de faire de la politique.

Ça fait 300 ans que ça dure
entre la Catalogne et l'Espagne.

Moi, je suis fatigué.

Puisque les politiciens m'ont viré,

moi et mon programme, je m'en vais.

Je n'ai pas le choix.

Mais notre opéra, il n'est pas perdu.

Il existe !

Et je suis sûr, qu'un jour ou l'autre…

Un jour ou l'autre, tout disparaît.

Je crois que ce qui a existé…

existe pour toujours.

J'organise une réception à la maison
avec des amis

et aussi cette violoniste, Elsa Luchetti,

que vous devez rencontrer absolument.

Bon, elle a du mal à tenir debout
sur ses talons, mais…

quelle habileté des doigts !
Quand elle joue sur son violon,

c'est un prodige !

À 25 ans,

jouer le thème principal d'un opéra
contemporain à Barcelone,

c'était fantastique pour sa carrière.

Mais tout est fini.

[homme] … magnifique, mais ça passe.

[en espagnol] Salut ! Ça va ?
Comment allez-vous ?

- Bonsoir.
- [en français] Richard, bonsoir !

[en espagnol]
Je vais te présenter mes amis.

[brouhaha des invités]

[musique, quelques notes de piano]

[brouhaha]

[bruits de la nuit, grillons, crapauds]

[piano]

[elle rit légèrement]

Vous êtes Richard Turmel ?

Oui. Bonsoir. Elsa ?

Enchantée.

[piano]

- Bonsoir.
- Bonsoir.

- Je vous en prie.
- Merci.

[Elsa] Je suis heureuse
de vous rencontrer.

[Richard] Oui, enfin les circonstances
sont pas idéales.

[Elsa] Oh !

- J'ai un petit peu mal.
- Ça va ?

- Vous voulez que je vous tienne ?
- Merci.

- Vous n'avez pas froid ?
- Non, ça tient bien chaud.

Je préfère encore enlever mes chaussures.

Vous marchez souvent pieds nus
quand il fait froid ?

- Oui.
- C'est vrai ?

[elle rit]

- Et jamais malade ?
- Non.

[cris des mouettes]

[bruit des vagues]

[musique mélancolique]

[musique qui s'estompe, bruit des vagues]

[musique mélancolique]

Bonjour, toi.

[sonnette]

- Bonjour !
- Bonjour, Clémentine.

- Ils sont là, les garçons ?
- Oui, ils sont là.

- Salut Clémentine.
- Tu veux un bonbon ?

[sonnette]

[enfant jouant]
…nous arrêter. Ne bougez plus !

Clément !

Ça va, tu m'embrasses pas ?

Hé, écoute mon dindon.

[bruit de dindon, de vache]

[voix de petite fille]
♪ Coccinelle demoiselle ♪

♪ Bête à Bon Dieu ♪

♪ Coccinelle demoiselle ♪

♪ Vole jusqu'aux cieux ♪

♪ Petit point blanc, elle attend ♪

♪ Petit point rouge, elle bouge ♪

♪ Petit point noir… ♪

[voix d'enfants]

[enfant] Moi, j'aurais pas peur.

Moi, j'irais encore plus haut que toi.

[elle expire]

[expiration]

[fille]Fourmi, est-ce que tu
es allée voir mon père ?

Mon père va te donner
quelque chose à manger.

[expiration]

[bruit de moteur]

[expiration]

[respiration]

Tu diras à ta mère.

[respiration]

[voix dans la rue]

- Tu viens, tu montes ?
- Non, je peux pas.

Ma mère va bientôt rentrer du boulot.

- Allez viens, c'est pas loin.
- Où ?

- Chez moi.
- Ah ouais.

Je sais où c'est,
mais je peux pas quand même.

- Alors t'es venue que pour cinq minutes ?
- Ouais.

- D'ailleurs, ça fait 5 min. Je te laisse.
- Attends !

Tu vas me manquer.

Demain, si tu veux. Demain après-midi.

- Je termine à 5 h, je passe te chercher.
- Oui, si tu veux.

J'ai pas envie de le voir.
J'ai pas envie de le voir.

Pourquoi c'est jamais comme on croit ?

Maman !

Vous allez voir votre père ce week-end.

- Ah ouais. Où ça ?
- Il va venir vous chercher.

- Oui, mais pour aller où ?
- Je sais pas.

Il va peut-être vous emmener
chez papy et mamie.

Non ! Pas chez papy et mamie ! Non.

[expiration]

- Quand est-ce qu'on arrive ?
- Regarde dans ta poche.

Pardon ?

[elle pleure]

[porte qui claque]

[femme, en espagnol] Bonjour.

- Très bien, merci beaucoup.
- Merci, au revoir.

Merci beaucoup.

- Bon voyage.
- Au revoir.

[musique mélancolique]

[musique douce]

Allez, on y va !

[cris de joie des enfants]

C'est moi le premier !

Où on s'arrête, maman ? Où on va ?

- Regarde, maman !
- Jérémy !

- Ça va ?
- Oui.

- Oh là là, attention.
- Aïe.

[elle crie]

Ça va ?

- Tu t'es fait mal ?
- Un peu.

Où t'es-tu fait mal ?

Montre. Tu vas avoir un gros gros bleu.

Cascadeur !

Je t'aime !

Moi aussi je t'aime.

- Ça va ?
- Oui.

Tu penses à quoi ? À papa ?

Oui, parfois il me manque.

- C'est tout ?
- Après, je sais plus.

Après, ça ira.

- Maintenant, c'est un peu…
- Maintenant, c'est bien aussi.

Ouais, c'est bien.

- Alors on continue ?
- Ouais !

- Elle te ressemble.
- Tu trouves ?

Elle est belle.

Elle te ressemble beaucoup.

[carillon de cloches]

[sonnerie du téléphone]

Allô ?

Bonsoir, monsieur.

Non, non.

Oui, ils dorment.

Ça va, oui.

Non, elle est pas là.
Elle est allée dîner dehors.

D'accord.
Vous voulez que j'aille les voir ?

OK. Je lui dirai que vous avez appelé.

Merci. À vous aussi.

Bonsoir.

Vous faites quoi, les filles, pour Noël ?

Comme d'habitude. J'aurais pas ma fille.

Petit plateau dîner devant la télé.
Bisou, bisou, on va s'éclater.

- Et toi, Justine, tu fais quoi ?
- Pour une fois, je vais chez me parents.

Ça fait 10 ans qu'on n'a pas
fêté Noël ensemble.

Je suis pas la seule. Ça me rassure.

[elle éclate de rire]

Et toi, Josée ?

Oh ben moi…

Les parents, les enfants…
Enfin, comme d'habitude.

Et toi Amélie ?

Et bien moi, je vais m'éclater
avec Clint Eastwood.

Je vais me refaire tous lesDirty Harry.

Avec le…

Et si on parlait d'amour ?

[musique mélancolique]

[voix de gens qui se disputent]