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Numéro inconnu

Oui, c'est moi, Marco Carrera.

d'après le roman de Sandro Veronesi

Luisa ? J'ai la voiture.
Je passe te prendre.

Tu sors ?
- Je vais faire un tour.

Tu manges pas ?
- J'ai pas faim.

Toi, tu fais quoi ?

Je reste comme ça jusqu'à la fin de l'été.

Ça fait chier !

Je t'aide ?
- Tu sais mettre des boucles d'oreilles ?

Letizia, on est en retard.

Titti met 45 minutes
pour venir au restaurant.

Titti !

Elle fête son anniversaire,
tu y vas pour ton ami Aldino

mais moi je sais,
vu qu'on vit ensemble depuis 30 ans...

Irene ?

Qu'est-ce que t'as ?

Ce sera ta soirée, pas celle de Titti.

Tu y vas pour te vanter.

Moi aussi, je te connais.

Je sais que tu veux me pousser à bout

et dire "Je viens pas".

Mais ça marche pas, tu viens.

Et dépêche-toi.

J'y vais, salut.

Je viens aussi.
- Oublie.

Marco, t'as vu les clés de voiture ?

J'ai celles de la Coccinelle, je la prends.

T'as vu Irène ?
- Vous êtes tendus.

Il reste des pâtes au frigo.

D'avant-hier.
- Finies.

Disparues ?
- Mangées.

Voilà pourquoi t'as pas faim.

On dirait maman.
- Pas de problème,

je reste vous faire à manger.

Pas question, tu viens avec moi.

Regarde où elles étaient, les clés.

Les revoilà !
Quelqu'un avait dû les cacher.

Si je voulais, tu les retrouverais jamais.

Je sors, salut !
- Où ?

Je t'emmerde.
- Vous ferez à dîner ?

Ah, Irene.

Tu feras à manger pour toi et ton frère ?

On les a bien eus, les Capulet
et les Montaigu.

S'ils apprennent, ils nous tuent.

J'ai calculé la vitesse de la moto

celle du bout d'hélicoptère qui s'est détaché
et la probabilité d'impact.

Tu sais ce que j'ai découvert ?
- Quoi ?

Si le crochet s'était cassé
un dixième de seconde plus tard...

C'est quoi, un dixième de seconde
dans une vie ?

...il serait tombé à 2,5 mètres d'Aldino.

Il aurait eu peur, c'est tout.

T'as beau calculer,
ça le ressuscitera pas.

Il l'aurait fait pour moi.

Merde...

Giacomo, tu veux quoi ?
- Bonsoir, madame.

Quelle idée de venir ici.

Si mon mari descend, ça va barder.

Je voulais parler à Luisa.

Elle est sortie...

Sortie ?
Elle m'a dit qu'elle restait.

Va-t'en, tu es soûl.
- Elle est partie où ?

Je t'en prie...
- Je l'avais invitée à dîner !

Rentre chez toi, va dormir.
- Elle est où ?

Tu sais depuis quand j'attends cette soirée ?

Depuis que je t'ai vu lire
Le Docteur Jivago à la plage

allongée sur le sable.

C'était pour me faire remarquer.

Je savais que c'est ton livre préféré.

Qui te l'a dit ?
- Ta sœur.

Elle avait dû s'apercevoir que...

Quoi ?

Irene sait toujours tout avant tout le monde.

Chaque fois que tu arrivais à la plage

ou que quelqu'un prononçait ton nom...

mon cœur explosait.

Et maintenant ?

Même Letizia a aimé.

J'ai passé une excellente soirée.

Par ici.

On va où ?

Voir si on est encore capables.

Attends, Luisa. Attends.

On a le temps, maintenant.

Dr Carrera, s'il vous plaît.

Deuxième étage.
- Merci.

De rien.

On se revoit dans trois semaines.

Merci beaucoup, docteur.

À vous.

Bonjour.

Je suis Daniele Carradori.

Mon nom ne vous dit rien ?

C'est le nom du psychanalyste de ma femme.
- C'est ça.

Pardon, je ne pensais pas
vous rencontrer un jour.

Que puis-je faire pour vous ?

M'écouter, Dr Carrera.

Ce que je vais vous dire

est interdit dans ma profession.

Je me suis décidé car je pense
que vous courez un grave danger.

Un grave danger ?
- Oui.

Carrément.

Dites-moi.
- J'ai quelques questions à vous poser.

Lesquelles ?
- J'aimerais m'assurer

que je n'ai pas été induit en erreur,

vous comprenez ?

Bien. Pour mes questions,
j'ai apporté mes notes.

Vous êtes le fils de Letizia Calabró
et Probo Carrera

tous deux architectes retraités
habitant à Florence ?

Oui. Mon père est en fait ingénieur...

Frère de Giacomo,

un peu plus jeune que vous
qui vit maintenant en Amérique

et frère...

pardonnez-moi, d'Irene

morte à 24 ans ?

Marié à Marina Molitor

slovène, ancienne hôtesse
sur Balkan Air ?

Oui, votre patiente...
- Bien sûr.

On vous surnommait le colibri.

Ma mère m'appelait comme ça.

J'étais plus petit que les autres.

À 14 ans, votre père
vous a emmené à Milan

pour vous faire faire
une cure d'hormones

et vous avez grandi de 16 cm en un an.

En 8 mois, pour être précis.

C'est vrai que votre mère était contre ?
- Oui.

C'est vrai que vous emmener à Milan

a été le seul geste d'autorité
de votre père ?

Parce que lui, dans votre famille...

on me l'a dit ainsi, "on s'en tape".

Non, c'est faux, même si Marina pense...

C'est faux que votre mère était contre ?
Ou...

C'est faux qu'on s'en tape, de mon père.

Venez-en au fait, docteur.

Encore quelques questions,
un peu plus intimes.

Répondez-moi sincèrement,
si vous voulez bien.

Oui.

C'est vrai que vous avez toujours été amoureux
de Luisa Lattes ?

Qui a dit ça ?

Comment ça, qui l'a dit ?

Marina n'a pas pu vous dire ça.
- Soyez sincère, s'il vous plaît.

Écoutez, docteur, ça devient ridicule.

Je ne suis pas là pour vous juger,
je suis très inquiet.

Donc ce n'est pas vrai
que vous avez une liaison avec elle ?

Oui. C'est-à-dire... non.

C'est faux ?
- C'est faux.

Donc vous ne vous écrivez pas
depuis des années, avec Luisa Lattes ?

Non.

Des lettres d'amour.
- Non.

Je vous repose la question:
vous êtes sincère ?

Bien sûr que je suis sincère !

Alors excusez-moi.

Je n'aurais pas dû venir.
- Où allez-vous ?

Ne tenez pas compte de ma visite.

Vous ne pouvez pas me dire
que je suis en danger,

me questionner et partir !
Expliquez-moi.

Sinon, je vous dénonce à l'Ordre.

Je considère que Marina
est dans un état très grave.

Depuis qu'elle a arrêté ses séances, je...

Marina a arrêté ses séances ?
- Oui.

Depuis quand ?
- Plus d'un mois.

Vous ne le saviez pas ?
- Bien sûr que non.

Chaque mardi et jeudi à 16h
je dois prendre Adele à l'école à cause de ça.

Qu'elle vous mente,
ça ne me surprend pas.

Le problème,
c'est qu'elle m'a menti aussi.

Ça change beaucoup de choses.

C'est elle qui est en danger.

Mais quel danger ?
- Pardon, mais je ne dois plus vous parler.

Ce n'est pas une affabulation.

Quoi ?

C'est vrai.

On se voit, on s'écrit,
mais ce n'est pas une liaison.

Surtout, ce n'est pas
de l'infidélité conjugale, c'est...

une chose qui nous appartient,
indéfinissable.

Je ne comprends pas comment Marina l'a su.

Vous êtes encore amoureux d'elle ?

Ce n'est pas le problème.
- Pardon d'insister.

Vous êtes amoureux de Luisa Lattes ?

Oui.

Vous vous êtes vus plusieurs fois
cette année ?

Oui, mais...
- Mais vous avez fait vœu de chasteté.

De ne pas faire l'amour

alors que vous vous aimez,
vous vous désirez.

Dites-moi ce que vous êtes venu me dire.

Au milieu de tout ça,
il y a un couple, une fille.

Je regrette de devoir vous le dire,

mais votre couple est mort
depuis un moment.

Marina est hors de contrôle.

Qu'est-ce que tu fais ?
- Fous-moi la paix.

La bonne est arrivée.

Qu'est-ce que t'as fait ?
- T'étais où ?

Viens, mon cœur.
C'était un avion, c'est rien.

Viens, viens.

Marina.

Tu sais que, l'année de ta naissance

en 1959,

le nombre de passagers d'avion
a dépassé celui des passagers de bateau.

Très intéressant.

Pourquoi tu dis pas les chiffres,
tant que t'y es ?

Je peux les trouver.

J'y crois pas !
Il sort, laisse-le tranquille !

C'est juste pour dire que les avions
compteront dans sa vie.

Merci, papa.

Merci, maman.

Marco !

Je te l'ai déjà dit,
je veux pas le voir ici, vire-le.

Arrête avec ces conneries.

Marco.
Je t'en supplie, baisse !

Ça s'écoute fort, désolé.

Je m'en fous.
Ma tête va exploser !

Je t'en supplie.

Bon, on sort.

C'était beau, ce morceau.
Énergique.

Un groupe anglais ?
- Oui.

Tu fais semblant.

Elle veut paraître dans le coup.

Vous êtes prêts ?

On est prêts, oui.

Attends, je t'aide.

Tâche de pas tomber, plutôt.
- Arrête un peu.

T'es tout raide.

Dès que j'ai été malade,
elle a voulu son diagnostic aussi.

C'est une copieuse.

S'il meurt pas bientôt, je le tue.

Tu as parlé à Giacomo ?

Je lui ai écrit il y a une semaine,
il me répond pas.

Bonjour.

Dans une minute, il y aura une place.

J'accompagne papa en attendant.

Profitons-en pour reprendre rendez-vous.

Bonjour.

40.000.
40.000 ? D'où tu les sors ?

Je passe.

Pour voir. On comptera après, allez.

D'accord. Alors ?

À toi.
- Full.

Moi aussi.
- Putain...

Montre.

Dames.
Désolé, cette fois tu vas perdre.

Full aux rois !

On peut pas jouer avec toi !

C'est toujours pareil !

Du calme, vous faites trop de bruit.

Vous êtes deux bâtards.

Te fâche pas. Faut que leur frustration

s'exprime.
- Prends l'argent, toi.

Salut, les enfants !
- Je m'en fous du fric,

mais ce type porte la poisse !

T'es peut-être nul au poker.

Même dire son nom, c'est tabou.

Si tu veux rejouer avec nous,
viens sans lui.

Il a dit à Magnini:
"T'as l'air en forme".

Le lendemain, péritonite.

Je comprends pas
que vous croyiez à ces trucs-là.

Moi, je comprends pas que tu traînes avec lui.

C'est mon ami !

Y a encore ça.

On arrive à 500.000.

Ça devient sérieux.

Je vais plutôt y retourner...

Allez, Marco, viens.

Si ma mère me voit rentrer à 5h,

je suis foutu.
- Viens dormir chez moi.

Dans la chambre de ta sœur ?
- Déconne pas.

C'est malin de faire escale à Chypre !

Deux vols.
Chypre est au sud, Ljubljana au nord.

C'est cher.
- On s'en fout.

On va tout casser au casino de Ljubljana.

Duccio, tu fais chier.
Pise-Ljubljana direct, ça existe pas.

Va te faire foutre.
- Toi-même.

Je suis tendu, j'ai peur !

Pense à autre chose.
Sinon on n'ira jamais à Las Vegas.

Ça me plaît pas, les sièges sont vieux.
Pourquoi ils sont si vieux ?

Les gens sont laids, on dirait des morts.

Ils t'entendent.
- M'en fous, ils sont morts.

Détends-toi, arrête.
- C'est fini, oui ?

Calme-toi, allez.

Excusez-moi !
- Rassieds-toi.

Y a une célébrité dans cet avion ?

Footballeur, acteur,

quelqu'un à qui la vie sourit ?
- Du calme !

Qu'est-ce qui te prend ?

Vous êtes morts, vous voulez me tuer ?

Excusez-le.
Il a un peu peur, c'est tout.

Non, pas les scouts ! Faites-les descendre !

Ils vont nous virer.

Qu'y a-t-il ?
- Pas de scouts à bord.

J'appelle le commandant.

Foutez le camp !

T'arrêtes ou quoi ?

Où tu vas ? Barre-toi !

Pas les scouts !

Allez-vous-en !

Lâchez-moi !

Laissez-moi descendre !

Je suis médecin, laissez-le respirer.

C'est une crise d'épilepsie, faut l'évacuer.

Une panne du système de pressurisation

a dû causer l'évanouissement
des passagers par hypoxie.

L'avion, désormais incontrôlé

a volé en pilote automatique

jusqu'à épuisement du carburant.

À bord se trouvait aussi un groupe de scouts

âgés de 12 à...

Pourquoi t'éteins ?

Marco, je sais.

Quoi ?

C'était l'avion que tu devais prendre
avec l'Innommable.

N'importe quoi. On allait à Barcelone,
pas à Chypre.

Vous alliez à Ljubjlana pour jouer.

Et cet avion faisait escale à Chypre.

Marco... Pourquoi ?

Tu peux me parler.

T'es folle.

T'a pris un truc ?

Rien à dire. Pour moi,
c'est la fille la plus canon de Florence.

Marco, t'étais où dimanche ?
Y avait une fête chez Bini.

J'étais avec Duccio.
- Dis pas son nom !

Il est arrivé un truc dingue.

On venait d'embarquer pour Ljubjlana.

Avec qui ?
- L'Innommable.

Il est devenu fou,
il hurlait qu'il voulait descendre.

"Vous êtes tous morts !

Vous voulez me tuer !"
- Il est dingue.

Vous êtes descendus ?
- Oui.

Et ?

L'avion s'est écrasé.

Celui en Grèce, là ?

Il m'a sauvé la vie.
- Il a tué 100 personnes.

C'est de la magie noire.

Les gars...

Marco, comment vas-tu ?

Je t'en prie, ne me traite pas de folle
ni d'hypocrite, ou pire

si je donne signe de vie tout à coup
comme si de rien n'était.

C'est que tu me manques.

J'ai rêvé de toi cette nuit,
voilà pourquoi je t'écris

trahissant la promesse
que je t'avais arrachée,

va savoir pourquoi
de ne plus m'écrire

à moi.

Bonsoir.
- Bonsoir. Papiers, s'il vous plaît.

Tenez.

Rangez-vous là.

Descends.

Descends, allez.

Un problème ?
- T'inquiète.

Où tu vas ?

Je vais... rejoindre quelqu'un à Paris.

Un instant.
- Bouge pas !

Je prends ma veste !

Je vous le répète, je vais à Paris.

Pourquoi ?

Quoi, pourquoi ?

J'allais à Paris, c'est tout.

On va pas à Paris comme ça.

Il a dû réserver un hôtel.

Un rendez-vous de travail.

Quelqu'un vous attend ?

Non, personne ne m'attend.
C'est moi qui cherche quelqu'un.

Son nom ?

Elle ne sait pas que je viens.

Je l'ai pas vue depuis des années.
J'ai même pas son numéro.

J'ai une adresse,
mais peut-être pas la bonne.

Me prends pas pour un con !
On devrait te croire ?

Vous faites erreur sur la personne,
c'est un homonyme.

On se fie pas au hasard,

mais à des renseignements internationaux.

D'après eux, vous êtes quoi ?

Un terroriste, en cavale depuis des années
qui rejoint ses amis à Paris.

Carrera.

Qui aurait imaginé que tu disais la vérité ?

Tu peux sortir.

L'accident a coûté la vie
à la totalité des 121 personnes à bord.

Marina, vous deviez faire partie

de l'équipage de ce vol Pise-Chypre

mais vous n'avez pas embarqué.

Pourquoi ?
Racontez-nous ce qui s'est passé.

Ma sœur Mateja

était atteinte de leucémie.

Et le seul espoir

était une greffe de moelle osseuse.

Alors j'ai proposé de donner la mienne

et par chance, elle était compatible.

Ensuite, que s'est-il passé ?

Ce matin-là, je ne travaillais pas

parce que je faisais des examens.

Je me suis fait remplacer par Tina,

Tina Dolec.

Mais ça n'a servi à rien.
Elles sont mortes toutes les deux.

Ma sœur, parce qu'elle a fait un rejet

qui a rendu la greffe inutile...

et Tina, à ma place.

Excusez-moi.

Pardon, c'est pour un renseignement.

Allez-y.
- Merci.

J'ai juste une question à poser.

Papiers et billet.
- Non, je ne pars pas.

Alors écartez-vous.
- Je ne peux pas.

J'ai vu l'émission de télé, hier.

Et alors ?

J'étais dans cet avion, il y a 10 ans.

Je suis descendu avant le décollage.

On est des survivants, vous et moi.

On a été sauvés une fois,
on se sauvera ensemble, toujours.

Pardon, mais...
- Un instant, ma vie est en jeu.

Tu manges avec moi ?

On se tutoie maintenant ?

Et si je ne peux pas déjeuner ?

Acceptez, sinon je rate mon avion.
- À quelle heure tu finis ?

15h.
- Je t'attends.

Il est 11h30.

Je t'attends.

Merci.

C'était un cas de force majeure, merci.

Papiers et billet.

Je sais, vous avez raison.
Merci.

Je reste ici. Je bouge pas.

Numéro inconnu

Oui, c'est moi, Marco Carrera.

Papa.

Tu avais le fil quand t'étais petit ?

Quel fil ?
- Celui qu'on a dans le dos.

J'ai pas compris, chérie.

J'ai un fil qui va jusqu'au mur.

Montre-moi.

Il se voit pas.

Je reste près du mur, sinon on s'emmêle.

Et quand tu es loin du mur ?

Je surveille. Si quelqu'un s'approche,
je fais le tour et je le libère.

Tous les enfants ont ce fil, Adele ?

Tes copines, elles l'ont ?

C'est pas un peu bizarre ?
- Si.

Tu leur as dit que t'avais ça ?

À la maison, comment tu fais
avec tes grands-parents, maman et moi ?

Tu passes jamais dans mon dos.

Qu'est-ce qu'il y a ?
- Rien.

J'y crois pas, ils sont encore là !

Allez-vous-en ! Dehors !

Probo, vire les chiens des Lattes.

Allez-vous-en !

Allez, les chiens !

Assez de télé, venez m'aider.

T'es vraiment tout petit.
- C'est ça, morpion.

Jambon et melon. Prends l'huile.

Qu'est-ce que tu fais là ?

Allez, on rentre.

Le libeccio s'est levé,
demain on aura la tempête.

Pourquoi tu pars plus ?
- Parce que.

Maman dit ça pour toi.

Si tu ne pars plus, faisons une fête ici.

Le bac, ça se fête.

Pourquoi vous parlez tout le temps de moi ?

Giacomo, aide-moi.
- Moi, je t'accompagne en Irlande.

Marco, je t'en prie.

Tu vas pas t'y mettre, toi aussi.

T'en as parlé au médecin ?
- Zaichen est en vacances.

Figure-toi que les psys rient, nagent

et mangent des pâtes aux palourdes,
comme toi.

Les Lattes ! Ce qu'ils sont arrogants.

Les restes d'un monde qui va disparaître,
heureusement.

"Après moi, le déluge."

Ils sont pas méchants, ces chiens.

Mais ils dérangent les chats.
Et moi.

Où tu vas ?
- C'est une obsession ?

Rentre à la maison, Marco.

Rentre à la maison, je te dis !

Colibri...

Viens.

Au revoir.

Tenez-moi au courant.

Quelle conne ! Hein ?

Un peu, mais...

Un TOC avec hallucinations !

C'est elle qui hallucine !
Adele va bien.

Elle est créative, imaginative.
L'autre est trop conne pour comprendre.

Mais peut-être...

"Diplômée en psychologie infantile".
Elle voit des pathologies partout.

Elle a raison, Marina.

Écoute-moi, s'il te plaît.

Adele a besoin de parler à quelqu'un.
Ce fil...

C'est quoi, le problème avec ce fil ?

Tu en as parlé à ton psychanalyste ?

Je peux pas te dire ce que je lui dis.

C'est vrai.

"Parents irresponsables."

Elle sait rien de nous !
De quel droit elle dit ça ?

On a pu faire des erreurs, non ?
- Si.

On sait pas toujours si on fait bien ou mal.

Pardon. Faire mal, toi ?
Toi, faire du mal ?

Si tu faisais du mal, tu mourrais.

Salut, ma puce.

Bonjour.

Les enfants, en classe, allez.

Tout le monde en classe.

Il est en quoi, ce fil ?

Je sais pas.

Il peut se casser ?

Papa, je sais pas.

C'est comme les escrimeurs.

Tu te rappelles,
les Jeux olympiques à la TV ?

Il y avait ces filles

tout en blanc, au fleuret.

Elles aussi, elles avaient
un fil dans le dos, pas vrai ?

On va étendre le linge ?

Si le fil est solide, on s'en servira.

Arrête-toi ! Tu vas tomber.

Passe la première.

Maman fait semblant.

Numéro inconnu

Oui, c'est moi, Marco Carrera.

Luisa ?

Marco.

Pourquoi t'as arrêté de m'écrire ?

Et de venir à la mer ?

J'ai essayé de me concentrer sur ma vie.

Ta présence m'embrouille.
- Moi, je...

je peux pas me passer de toi, je pense à toi
sans cesse, tous les jours.

Moi, non.

Je n'y arrive pas.

Je compare chaque homme
que je rencontre à toi.

Mais comme notre relation n'existe pas,
tu gagnes.

Tu gagnes toujours.

Bonne nuit, Marco.
- Toi aussi.

À demain.

Je devrais partir.
- Pourquoi ?

Je sais pas...

Ils sont tous avec leur maîtresse.
L'exception ici, c'est moi.

Luisa, on y va.

Quelle tragédie.

Ils disent tous "c'est le destin",
ce genre de conneries...

Je me suis engueulé avec Giacomo.

Je lui ai reproché
de ne pas avoir vu Irene sortir

alors que c'est moi qui l'ai laissée seule.

Je me suis enfui ma Luisa,

pas vraiment à moi, hélas,

mais du mauvais côté.

Ce n'était pas notre faute.

Aujourd'hui, je le sais.

Je suis malheureuse.

Tout ce que je touche, pourrit.

Ce n'est pas vrai.

C'est la tragédie qui nous a séparés.

Sinon, on aurait vieilli ensemble.

Maintenant...

Maintenant ?

Il y a toujours quelque chose qui te paralyse.

Tu penses vraiment
que ce sacrifice change quelque chose ?

Oui. Comme ça, je ne te perds pas.

Comme ça, ça peut durer toujours,
nous deux.

On se verra toujours.

Et personne ne souffre.

Et nous, alors ?

Tu sais que les Aztèques
pensaient se transformer en colibris

s'ils mouraient en héros ?

Adele me dit que tous les trajets d'école

sont avec vous, Marina.
- Oui.

À cette heure-là, je suis... Pardon.
- Je t'en prie, parle.

Le matin, je suis déjà à la faculté
et l'après-midi, au cabinet.

Vous devriez passer plus de temps
avec votre fille.

Moi ?

Le week-end...

Beaucoup plus de temps.

Voilà.

Pardon.

La théorie sur l'escrime...

Ne vous vexez pas, hein ?
C'est complètement infondé.

Le fil ne relie pas l'enfant aux murs,

mais...

au père.

C'est un lien fort et exclusif.

Mais j'ai quitté mon travail...
- Reprenez-le.

En ce moment, le papa devrait être
davantage avec l'enfant.

Adele !

Tu me tiens ça ?

Merci.

On l'a trouvée ici.

Papa.

Tu as peur de mourir, toi ?

Bien sûr. J'ai encore tellement
de crottes de nez à t'enlever...

J'ai pas de crottes.
- T'en as pas ?

Parce que je t'ai donné le bain.

Non. C'est toi qui en as.

T'as pas pris de bain.

J'en ai encore à t'enlever.

Non. Mais dis-moi,
t'as peur du noir après la mort ?

Pourquoi, y a du noir ?
- J'imagine ça comme ça.

Tout noir, avec plein de gens,
mais tu vois persaune.

Des gens gentils, qui bougent pas.

Tu les entends, ils respirent,
mais tu vois persaune.

On dit "Tu vois personne"
pas "Tu vois persaune".

Ça se dit pas.
Ça se dit seulement à Rome.

Je suis romaine.

Tu vis pas à Rome, t'es pas romaine.

Écoute-moi:

quand tu te retrouves dans le noir,
fais ça.

Essaye.

Tu dois mettre la bouche comme ça,
en cul de poule.

J'y arrive pas.

Mais on a le temps d'apprendre,

tout notre temps. Tu fais comme ça...

et je te réponds.

Marina !

Qu'est-ce que tu fais sans gants ?
Quelle idée ! Viens.

Va faire les exercices, allez.

Allez. Montre-lui, Filippo.

On en fait quatre.
Trois séries de quatre. Prête ?

Bien droite.

Ça te gêne pas, ces ongles ?

La taquine pas !

Arrête de rire, allez !

Salut.

Pardon.

T'es prête ?

Je le mets ici ?

C'est mortel, chez toi.

Mais t'es seule ?

Seule, seule ?

Allonge-toi.

Écarte les jambes.

Écarte-les. Bien.

Il s'aperçoit de rien, il soupçonne rien.

Il se fait duper trop facilement.

À force de simuler...

d'être sage, la brave petite femme,
je suis devenue aveugle.

Maintenant, je vois.

J'en suis sûre.

Il me trompe.

D'après ce que vous me dites,

c'est vous qui le trompez
continuellement.

Vous avez même une liaison stable,
maintenant.

Vous me croyez jamais quand je vous parle.

Vous ne restez pas allongée ?

Non, j'ai jamais aimé ça, vous le savez !

M'allonger, ça me ramollit !

On a déjà parlé de vos fantasmes.

Vous trompez Marco

depuis des mois.

Vous m'avez parlé de Hans,
un de vos collègues, pilote de ligne.

Ça, c'est vrai, non ?

Ce mois-ci, il est allé à deux congrès.

Toujours en France, toujours un week-end.

Il est venu,
m'a promis monts et merveilles.

On était des âmes sœurs,
des survivants de l'accident d'avion.

On avait subi la mort d'une sœur.

On avait essayé de la sauver.
Moi, avec la greffe...

C'est vous qui avez menti.

Nous le savons, nous, que
vous ne lui avez jamais donné votre moelle.

C'est comme si je l'avais fait.
- Vous n'étiez pas compatible.

Vous avez imaginé le faire.

Quand vous souffrez beaucoup,

quand la réalité est trop dure,

vous vous défendez par l'imagination.

J'ai pas envie d'en parler.

Ce que nous nous disons
ne sort pas de cette pièce, vous le savez.

Mais ici,

ici avec moi, vous devez accepter

le principe de réalité.

Oui.

Nous savons aussi
que vous n'êtes pas montée dans l'avion

tout simplement

parce que ce jour-là
vous étiez de repos.

Vous l'avez imaginé.

Si Marco mourait ?

Pardon ?

S'il mourait,

la petite et moi, on serait libres.

Ma vie changerait.

Il pourrait, je sais pas...

se noyer, non ?

S'il était drogué
ou empoisonné.

Il m'a jamais aimée.

Il m'a jamais aimée,
il a toujours aimé l'autre.

Le foie gras, non, je t'en prie.

Pauvres oies.
Tu sais comment on les gave ?

Je sais, tu as raison.

Pardon, j'en prendrai plus.
C'est juré.

J'ai pas l'habitude qu'on m'obéisse.

Non, tu dois m'envoyer me faire foutre
et en commander le double.

Ah oui ?

Ça se passe comme ça ?
- Plus ou moins.

Je lui ai dit que je te voyais.

Il a dit quoi ?

Il a compris.

C'est-à-dire ?

Que c'était pas une trahison.

Que c'est un...

Et Marina, elle le sait ?

J'aimerais bien lui en parler, mais...

il y a toujours quelque chose
de plus important.

Et puis,
elle a un tempérament plus balkanique,

pas franchement français, donc...

Mais tu refumes ?

J'ai plein de vices, je suis un monstre !

Mais tu m'as fait peur !

L'été à la mer, vous vous ignoriez,
vous vous parliez à peine

et pendant l'année,
vous vous voyiez pour baiser.

J'ai tout vérifié.

Tes cartes de crédit, tes mails...

Tout, putain ! Tu me dégoûtes.

Tu me dégoûtes.

On a jamais baisé.

C'est pire ! Pire !

J'ai tout trouvé du premier coup.

Dans l'urne des cendres de ta sœur !
Quelle originalité !

Non ! Un peu de respect, s'il te plaît.

Pardon, je te présente mes excuses.

Le problème ne vient pas que de moi.

Pardon de t'avoir menti, je voulais pas.
Je t'ai jamais trompée.

Moi, si.

Moi, je baise.

Et je veux te mentir.

Je t'ai jamais aimé.

J'ai jamais été heureuse avec toi.

Je t'ai jamais été fidèle.

Jamais.

Tu réalises qu'Adele ne peut pas
te voir comme ça en rentrant, hein ?

Et que tu ne vas pas bien ?

Oui, je vais mal, mal...

Je me suis forcée
à être quelqu'un d'autre.

Chaque matin,
je me levais de ce putain de lit

et j'étais confrontée
à ce faux bonheur que tu voulais.

Chaque jour, putain.

Mais...

Il fallait dire
que tu voulais qu'on se sépare.

On peut encore rester amis,
protéger Adele.

Mon Dieu, quelle belle personne !

Quel saint !

Tu sais rien de la vie, putain !
T'en sais rien.

Maman, papa, l'argent, la voiture...

Je t'ai toujours menti.
Mais toi, tu as fait pire.

Bien pire.

Tu m'as crue.

Vas-y, tu peux passer la seconde.

Vers moi.
- C'est ça, en bas à gauche.

Vas-y.

Ne regarde pas là, vers le bas.
Regarde loin.

Je regarde loin.

Enfin...
- Pas trop.

T'es bête, tu m'as fait peur !

On se voit ce soir ?

Non, je peux pas.
- Pourquoi ?

Pourquoi tu peux pas ?

Tes enfants pourraient venir voir le match.

On a le droit, maintenant.

Je dois rentrer.

Allez.

J'y vais.
- Je t'en prie. On peut, maintenant.

Non.
- Je t'en prie.

Moi, je t'en prie.
Je t'écrirai, je t'expliquerai.

Sors, mais pas tout de suite.

Papa !

T'es inquiet ?
- Non, je suis pas inquiet.

Je viens de réaliser
pourquoi j'aime la mer.

Tu veux essayer ?

Fais comme si j'avais dit oui.

Vite ! Ils sont tous déjà là,
même l'oncle Giacomo de Boston.

Quel honneur ! Je dis quoi ?
- Ce que tu veux, ça ira très bien.

Bonjour à tous.

Avec papa et papy, on a pensé que...

pour se souvenir de Letizia

il fallait éviter
la religion et les prêtres.

Elle nous aurait tués.

Je dis Letizia,
je ne l'ai jamais appelée mamie.

Pas parce qu'elle ne voulait pas...

ça ne m'était pas naturel.

C'était sa façon d'être.

On se retrouve après, à la maison.
Merci.

Qu'elle était belle, maman.

Il était plus gentil,
mais un peu ailleurs...

C'est moi qui conduis.
- C'est toi ?

T'es sûr ? D'après moi...

C'est ce que j'ai compris.

Ma petite-fille.

Je t'apporte à manger ?
- Non.

Ça va.

Condoléances.
- Merci.

Moi jamais, Amérique.

Amérique... jamais allé.

Vive l'Amérique.

J'aime Londres.

Je suis allé à Londres il y a 50 ans.
J'étais...

Magnifique, Londres.

Vive Londres !

Papa.

Tu devrais peut-être pas.

Vous saviez qu'en 52
à Londres, Aldino et moi

on a fait un séjour linguistique ?

Magnifique.

On logeait chez une famille

à Cavendish Square.

Je n'ai jamais été plus heureux
que pendant ce séjour à Marylebone.

Jamais ?

Vive Marylebone !

T'en as bu combien ?

Un.
- Arrête, s'il te plaît.

Elle part demain. Les filles ont école.

Moi, je peux rester quelques jours.

Vous reviendrez, hein ?

On en parlera plus tard, papa.

Répète jamais ça !

T'aurais pu l'arrêter !

Tu l'as vue sortir et tu l'as pas arrêtée !

Je te tuerai, connard !

T'es là ! Je te cherchais.

T'as faim ?
- Non.

Tu fais quoi ?
- Ça se voit pas ?

Rien.
- Rien.

Putain, 30 ans ont passé !

Je t'ai demandé pardon.
Je te demande pardon de t'avoir accusé.

On était tous dingues, à ce moment-là.
- Accordé.

Entre frères, on se fâche pour l'héritage.

Et si nous, on se réconciliait plutôt ?

On en est déjà à l'héritage ?

Pourquoi ? Que disent les médecins ?

Il doit faire la dernière chimio,

mais depuis que maman...

Est morte.

Ses globules blancs sont en chute libre.

Ils ont jamais été heureux ensemble,

ils meurent ensemble.

On en fait quoi, de ça ?

Je l'accompagnerai à la chimio.

À quelle heure est ton vol ?
- À 17h.

Je prends le même que Luisa,
je fais escale à Paris.

Tu lui as parlé ?

Tu lui as parlé ?
- Oui !

Pardon, papa.

Qu'est-ce qu'il a dit ?

Rien. Un truc entre nous.
- Viens, viens.

Reste un peu avec moi.

Qu'est-ce qu'il y a ?

Emmène-moi loin d'ici.

Emmène-moi loin d'ici, Marco.

Papa ! Ça descend.

Je lâche.

Doucement, les gars !

Attention, ne la faites pas tanguer.

Comme ça, c'est bien.

Attention !

Ça balance trop, ralentissez.

Doucement, doucement !

Quelle merveille !

On est modélistes aussi.

J'ai toujours voulu voir
les maquettes de votre papa.

Mais l'ingénieur, qu'il repose en paix,
il m'a toujours un peu intimidé.

Te relève pas.

Qu'est-ce qu'il y a ?
- Ton frère est là.

On s'en fout.

Arrête.

Il nous voit pas.

Pourquoi tu me dis ça maintenant ?

Giacomo m'en veut depuis 30 ans.
J'ai cherché la cause.

J'ai pensé à la mort d'Irene,

ou à nos parents ou à la maison,
ou à une maladie, ou à l'argent...

En fait, c'était toi !
- Non.

Comment, non ?
-Tout se mélange,

c'est pas si net.

Vous vous êtes écrit,
quand il était en Amérique ?

Oui, quelques fois.

C'est toi qui fais du surplace.

Tu es vraiment un colibri.

Tu dépenses toute ton énergie
à rester au même endroit.

Donc il sait tout, pour nous ?
Pour le pacte aussi ?

Oui, mais... Avec Giacomo,
c'est facile de parler.

On le fait rire.
Toi et moi, on est ridicules.

Revoilà ta psychanalyste !
C'est quoi son nom, Frittelli ?

"Madame, c'est vous la victime

traumatisée par la tragédie

de cette famille..."
- Ça suffit !

C'est moi qui le dis !

Ça fait 40 ans que tu es ma première

et ma dernière pensée chaque jour.
40 ans.

Quel con d'avoir gâché ma vie...

La conne, c'est moi !

Ne parle pas français, tu m'emmerdes !

Au revoir !
- C'est moi qui le dis !

Pardon, ma chérie.

Ma mère était architecte.

Elle a appartenu au mouvement radical
dans les années 70.

Elle a fait surtout des photos,

mais jamais rien dessiné.

Tu sais que j'ai une petite banque

et une fondation très active.

Elle s'intéresse à la photo du 20e siècle.

Dis ton prix.

Mais enfin...

Ça me fait plaisir
si elles peuvent être consultées,

si elles sont utiles à quelqu'un,
je sais plus où les mettre.

Tu es sûr que...

tu veux te séparer d'une chose aussi intime ?

Tu plaisantes ?

C'est une folie !
Tu prends Marco pour un cobaye ?

La folie, c'est d'accepter

qu'il ne grandisse pas.
- Arrête !

Je vois pas où est le problème.

Il est trop petit,
plus petit que son frère cadet !

Ce pédiatre a eu d'excellents résultats

avec les hormones.
- Peu importe sa taille,

s'il est bien proportionné.

Il faut l'aider !

Pas seulement l'appeler le colibri.

C'est mal de contrarier la nature !

Il a 14 ans et il en fait 10.

T'as entendu ce que dit papa ?
- Arrête.

Tiens, lis ça.

Croissance et forme.
- L'architecture ! Les architectes !

Tu peux te le mettre au cul,
ce bouquin de merde.

Vous l'avez jamais lu, ni toi

ni tes professeurs de mes couilles.

J'en ai marre

de toi et de tes collègues architectes
qui traînent à la maison !

Va te faire foutre !
- Toi-même !

Qu'est-ce qui vous prend, putain ?

Pardon.

Excuse-nous.

Vous êtes malades !

Vous vous rendez pas compte.

Pardon.

Faut pas.
- Je m'en fous.

Faites la paix tout de suite.

Tout de suite.

Vous voyez pas le mal que vous lui faites ?

Je suis prêt.

Je le mets dans la valise.
- Magnifique.

N'est-ce pas ?

T'as tout pris ?
- Oui.

Il était maniaque, papy.

Il avait tous les numéros d'Urania,
de 52 à 81.

Et bien conservés, ils sont quasi neufs.

Il en manque 6.

Ça correspond... aux accidents.

Les morts, l'inondation de 66...

Le dernier, du 23 août 1981,
il l'a acheté 8 jours avant la mort

de ma sœur. Après, fini.

"Mesdames et messieurs,
je vais vous présenter

mademoiselle Giovanna

ou monsieur Giacomo, qui sait ?"

On naissait comme ça, à l'époque.

Le papa qui attendait dehors

en train de fumer.

Pas le papy dans la baignoire...

Je le savais !
- Tu le savais...

Et moi ?

Ma naissance, c'était comment ?

Tu te souviens de quoi ?

À part les pets de ta mère ?

Arrête. Pauvre maman.

Tu as des nouvelles ?
- Oui, je l'ai appelée.

Comme ça, pour savoir.

La durée, les contractions, le cordon...

Elle se souvient de rien.

Ils la bourrent de psychotropes.

Je crois, oui.

Bonjour.

Oui, c'est moi, Marco Carrera.

"Papy, n'y pense même pas.

Je suis là, moi.

Il faut que tu tiennes."

C'est comme si tu m'avais dit ça.

Tu étais allongée...

ici.

C'était l'appel
que tous les parents craignent

comme l'enfer.

Parce que c'est l'enfer.

Il n'y a pas de mot pour désigner
la mort d'un enfant.

"Shakoul" en hébreu.

Un grand-père qui meurt, c'est naturel.

Mira...

Pas de ça.

Pardon.

Pardon, papy.

Ils arrivent.

Attends

Je vais bien.

Excuse-moi.

Je suis prête, je t'assure.

Même si c'est dur,

je te comprends.

Et je t'admire.

Assez pleurniché.
- Assez pleurniché.

Luisa Lattes.

Elle est la première.

Tu es content ?

Le Dr Carradore, s'il vous plaît.

Je suis Marco Carrera.

Non, vous ne me dérangez pas,
avec tout ce que vous traversez.

Vous êtes très important pour moi, Marco.

C'est aussi grâce à vous
que j'ai arrêté d'exercer.

Je sors un instant.

Après avoir enfreint les règles

en parlant d'une patiente, votre épouse,

je n'ai plus réussi à travailler.

Ces règles me paraissaient irréelles.

Mais c'est dommage, non ?
- Pas du tout !

En un sens, ça m'a libéré.

Mais parlez-moi de vous, Marco.
- Le problème pour lequel...

Pardon.

...pour lequel je vous appelle.

Le problème, docteur, c'est...

Je ne sais pas quoi faire avec Marina.

Maintenant, elle vit dans une clinique
à Munich

et elle n'est pas encore au courant pour...

pour Adele.
- Pourquoi une clinique ?

Elle s'est séparée du pilote de la Lufthansa,

vous le savez sans doute,

mais...

elle n'est pas en état de vivre seule.

Je pensais plutôt à...

un intermédiaire... un avocat...

Pardon de vous demander ça,
mais vous prenez des anxiolytiques ?

Oui, beaucoup.
- Je comprends.

Laissez-moi vous aider.

Je parlerai au confrère allemand
qui s'occupe de votre ex-femme.

Ensuite, j'essaierai de parler à Marina,
en personne.

Je ne peux pas vous demander ça.

Vous avez déjà votre travail...
- C'est ça, mon travail.

Je ne sais pas quoi dire.
- Alors ne dites rien.

Je le répète,
vous avez été important pour moi.

Toi, le surf ?
- Lui, la varappe.

Lui, l'escalade ?
- Moi, le deltaplane.

Moi, la mozzarella.

Anti-sportif, mais très japonais.
- Manga ?

Et Kurosawa, Murakami, shinto...

Aucun.
- Aucun quoi ?

Aucun n'est le père.

Je suis si transparent ?

Alors, celui-ci "mirai",

c'est l'avenir, la vie future.

C'est l'assemblage entre celui-ci,

"pas encore" et celui-ci "arrivé"

et "jin", c'est-à-dire l'homme, la personne.

Il s'appellera Mirai Jin, l'homme du futur.

J'ai tout compris, mais qui est le père ?

Écoute, tu te débarrasseras pas de moi
si facilement, tu vois ?

Ne pleure pas.

Hanmokku.
- Oui, c'est japonais.

Je l'ai acheté à l'aéroport.

Quand je l'ai vu,
j'ai tout de suite pensé à vous deux.

C'est censé me permettre
de voyager avec ma petite-fille ?

Me redonner l'envie de vivre ?

Ne pensez pas à l'envie de vivre.

L'important, c'est de vivre.

Vous vous souvenez, en avion

ce qu'on doit faire
en cas d'urgence

avec les masques à oxygène ?

S'équiper avant de s'occuper des enfants.

Voilà, exactement.

Maintenant, vous ne pouvez plus
vous laisser aller.

Vous devez penser à vous

au moyen de trouver la force

de vous lever chaque matin.

Il y a la petite, pour ça.

Mais si vous vous occupez
de votre petite-fille

avec un vide dans le cœur,
vous lui transmettez ce vide.

Si au contraire, vous essayez
de remplir ce vide,

peu importe que vous y arriviez ou non...

il suffit que vous essayiez de le remplir.

Alors, vous lui transmettrez cet effort.

Et cet effort, c'est tout simplement la vie.

D'accord.

J'essaierai.

Promis ?

Promis.

Une carte pour vous.

Une pour vous.

Madame ?
- Deux.

Deux pour madame.

Parole.

Madame ?
- Non.

Pour voir.

Plus que nous deux.

Montrez.

On a une couleur à pique, merci,

et un full aux neuf par les sept.

La couleur gagne.

Excusez-moi un instant.

Faites une donne sans moi.

Des images qu'on aurait jamais
voulu voir !

40-30.

Faute.

Jeu Soldati

qui mène 6-3, 3-1.

Au service, Bordini.

Un instant.

Quelqu'un me remplace ?

Ou vous vous débrouillez seuls ?
- Comment faire ?

Allez. Tu as perdu, de toute façon.

Bordini. Tu as perdu.

Bonsoir.

Merci, mais j'aurais attendu.

Moi, non. Que se passe-t-il ?

Chez vous, on m'a dit que vous passiez
vos journées ici.

C'est vrai. J'aime bien être là-haut.

Surplomber, dominer,

faire enrager les joueurs.

Allons nous asseoir, venez.

Vous n'êtes pas venu chercher un conseil.
- Non.

Vous avez beaucoup réfléchi.

Pas besoin de raisonnement très sophistiqué.

C'est le pancréas.
Il n'y a pas d'espoir.

Et j'ai vu ce que ça fait, de mourir

petit à petit,

jour après jour, cette douleur, ce supplice...

Je ne veux pas mourir comme ça.

Et votre petite-fille ?
- Justement.

Elle est très intelligente.

Elle comprendra que je le fais aussi
pour elle.

Ce n'est pas facile d'assister à une agonie.

Vous paraissez serein.

Assez, oui.

Ça me surprend moi-même.

Mais je dois trouver une solution.

Vous pensez pouvoir m'aider ?

Thiopental sodique.

J'y avais pensé, mais...

vous connaissez un organisme ?

Ou quelqu'un ?

Oui.

Bordini résiste.

Il est tenace.

Allons regarder,
il ira peut-être au 3e set.

Qu'est-ce que tu fais ?

Te penche pas, je te l'ai déjà dit.

Ça m'intéresse.

Un nom de code, c'est tout.

Je serai incognito ?

Comme tous les autres, pour toi.
Sauf moi.

En ville ?
- Non, un château à Vico Alto.

La police risque pas d'intervenir ?

Pardon, mais comme je viendrai
avec la petite...

Beaucoup de policiers seront
autour des tables.

Mise ?

20.000.

Je monte le hamac dans le bureau.

Merci, Manuel. Ils sont tous là ?

Tous. Ils attendent Ammoccu.

Pardon, je vais la coucher.

Dépêche-toi, ils attendent.

Excuse-moi auprès de Dragon.
La petite a un peu de fièvre.

J'arrive tout de suite.

Viens, mon cœur.
- J'ai envie de faire caca.

Tu veux ton lapin ?

Allez, on se lave les dents.
Enfin, celles qui te restent.

Mon Dieu, Dracula !

Il m'en manque qu'une.
- Non, deux.

Regarde, seulement celle-là.

Et l'autre, alors ?

Tiens, mon cœur.

Duccio !

Ici, c'est Blizzard.
Ils doivent pas savoir qu'on se connaît.

Mais que tu es... beau !

Papy, j'ai fini.
- Tu es sûre, mon cœur ?

Mais dis-moi...

C'est toi, Ammoccu ?
- Oui.

C'est quoi, ce nom à la con ?

Hanmokku
c'est hamac en japonais.

Tout le monde a ce nom à la bouche à Florence.

Dans les tournois de poker,
les congrès, les clubs de tennis...

T'es toujours avec la petite.

Je vais la coucher.

Viens, mon cœur.

Tu sais que ma mère
me parle toujours de toi ?

Elle a eu de la peine pour toi.

Elle est encore en vie ?
- Oui, elle a 92 ans.

Je la vois peu.

Il y a deux cousins
qui la courtisent pour l'héritage.

S'ils savaient qu'elle m'a déshérité,
ils la tueraient.

Je couche la petite,
on se retrouve à la table.

Je t'attends ici.

Je t'attends ici, je dois te parler.

Écoute, Duccio.

Non, n'allume pas.

Restons dans le noir, je préfère.

Je voulais m'excuser.

Ce que j'ai dit à tout le monde...

sur l'accident d'avion, je regrette.

Tu t'excuses de quoi ?

Ça a été ma chance !
- Comment ça ?

Marco, écoute-moi bien.

Toi, ce soir, tu dois prendre la petite
et partir. Crois-moi.

Tu as peur ? Pourquoi ?

C'est pas ça.
Je peux pas rester longtemps.

Ce soir, il ne faut pas que tu joues.

Tu dois partir. Suis mon conseil.

Je viens jouer ici toutes les semaines.

Saute celle-ci !

Crois-moi.
- Pourquoi ?

Tu sais quel métier je fais ?

Je porte la poisse.
Je suis payé pour ça.

Tu ne devrais pas rire.
Ne ris pas.

Ce soir, j'ai été engagé

pour porter la poisse à Ammoccu,
par ton ami.

Quel ami ?

Le maître de maison.
- Luigi ?

C'est impossible.

On est amis,
on joue au tennis ensemble.

Comment te dire ?

Tu sais où j'habite maintenant ?
À Naples.

Comme un torero à Séville.

Je suis le numéro 1 dans mon boulot.
Extrêmement demandé.

Ce matin, j'ai pris l'avion
pour venir coller la poisse à Ammoccu.

Dragon m'a payé cher pour ça.

Tu sais ce qu'il m'a dit aussi ?
C'est pas tout.

"Fais-le pleurer, fais-lui mal".

"Fais-lui mal, fais-le pleurer",
voilà ce qu'il m'a dit.

Me faire pleurer, pourquoi ?

Va-t'en, sauve-toi.

Arrête ça, Duccio !

Je pars pas.
J'ai jamais cru que tu portais malheur.

J'y crois pas, Duccio.

C'est tout.

Je relance de 1.500.

Trois.

Deux.

Qu'y a-t-il ?
- J'étouffe.

Zorro !

Qu'y a-t-il, Mandrake ?
Calme-toi, regarde-moi.

C'est une crise de panique.
- Deux cartes.

De l'eau ?

On sort ?

J'étouffe !

Allons prendre l'air.

Bougez pas, je reviens.

Je relance de 5.000.

On arrête, Dragon ?

Il est 4h, Desperado. Arrêtons.

D'accord. Arrêtons.

Une dernière, nous deux.

Un stud. On double la mise.

Tu n'as rien à miser.

C'est prêt ?
- Pas vraiment.

Donne.

On signe où ?
- Ici.

T'abandonnes ?

Je vais voir ma petite-fille.

Blizzard, qu'est-ce qui se passe ?

C'est sa petite-fille, elle le protège.

Je peux rien contre elle.
Elle est trop forte, elle me bat.

Dragon,

tu devrais abandonner.

À monsieur de jouer.

Misez, merci.

Salut. Je m'appelle Blizzard, et toi ?

L'oncle Giacomo ?

Tu es très belle.

Où est-il ?

À l'intérieur.

En ma présence, Giulio Maranghi, notaire.

Dragon, dont l'identité m'est connue,

reconnaît avoir une dette envers Ammoccu,

dont l'identité m'est connue,

de 840.000 euros

payable au moyen d'un chèque
non transférable.

Non, excusez-moi.

Cette nuit a été incroyable, mais je...

je me suis rendu compte que...

plus je gagnais, plus ma vie...

celle que je vis au quotidien
devenait,

comment dire, de plus en plus pauvre.

Vous comprenez ?

Mamie

Bonjour.

On y va ?

Au-delà de 200.000, j'ai pensé
voyages...

Maldives... Pourquoi ?

Ça m'a jamais tenté.
Moi, j'aime rentrer chez moi.

J'aime la mer Tyrrhénienne.

À 400.000, j'ai pensé
nounous, chefs, domestiques...

Mais encore, pourquoi ?
J'aime m'occuper de ma petite-fille.

Ça me procure une joie infinie.

Nous venons ici

pour mépriser notre vie.

On espère la changer en gagnant.

À 600.000,
j'ai pensé à arrêter de travailler.

Vous comprenez ? Mon travail...

que je fais depuis 35 ans

je l'aime. Alors pourquoi ?

En gagnant, j'avais cette joie

de l'abandonner,
comme s'il me dégoûtait.

Jeudi prochain, je te les regagne.

Mais j'en veux pas, de cet argent.

On sait tous
que l'argent gagné au jeu

fait souffrir bien plus

que l'argent perdu.

Il nous dégoûte de notre vie.

J'ai pas envie de ça, moi.
Malgré tout...

j'aime ma vie.

Je la garde telle quelle.

Je te rachète les archives de ma mère

avec la totalité des 840.000 euros
que j'ai gagnés.

Les photos de ma mère,

son passage sur cette terre, j'ai honte

de m'en être séparé comme ça.

Viens.

Bonne nuit,

mes amis.

Qu'est-ce qu'on dit ?

En bas de l'escalier, je te pose.

D'accord ?

Tu vas voir. Oh, tu tombes !

Papy.

Écoute. Si...

Allez... Assez pleurniché.

Ça suffit.

Ne sois pas triste.

Promets-moi.

Merci.

J'y arrive pas.