All language subtitles for Corner.Office.2023.720p.AMZN.WEB-DL.DDP5.1.H.264-FLUX

Le jour des premières neiges,

je me gare dans le parking
et j'entre avec mes affaires.

On dirait le jour de la rentrée.

Je suis anxieux, bien sûr,
mais aussi plein d'espoir.

Je peux voir le monde
comme une menace imminente

ou je peux choisir la lumière.

Je choisis la lumière.

La réceptionniste me sourit.

Quelque chose me plaît chez elle.

Je comprends alors
que je suis au bon endroit.

L'AUTORITÉ SARL

L'ascenseur est à droite.

Je m'étais habitué au rôle de leader
à mon poste précédent.

Je n'étais ni manager,
ni directeur d'équipe,

mais je montrais parfois aux autres
ce qu'il fallait faire.

Et je compte atteindre le même statut
dans mon nouvel emploi

aussitôt que possible.

Enfin, je pourrai réaliser
mon plein potentiel...

et devenir la personne que je rêve d'être.

Une personne importante.

Je dois établir ma propre plateforme

et montrer mes compétences
au patron dès le début.

Je partage un bureau avec Rakesh

qui m'explique certains détails pratiques.

Voilà comment la cafetière fonctionne.

Ces pauses ne sont pas désagréables.

Il trouve toujours des choses
que je devrais savoir.

Les élastiques.

Voilà les trombones.

Et voici le tiroir à crayons.

On ouvre les stores ainsi.

J'arrive 15 minutes en avance chaque matin

et je suis mon propre programme
durant la journée.

Cinquante-cinq minutes de travail,
puis une pause de cinq minutes.

Je suis sûr que je m'adapterai
et que je réussirai vite à m'imposer.

Doucement, mais sûrement, j'établis
le profil des collègues environnants,

de leur caractère
à leur place dans la hiérarchie.

Shannon est plus ancienne que Rakesh,

mais Carol est encore
plus ancienne qu'elle.

Carol semble compétente,

mais on dirait qu'elle croit tout savoir

et adore avoir raison.

Shannon, tu vois ce qui est marqué ici,
n'est-ce pas ?

Shannon rit à tout propos,

même quand on lui dit une chose...

- Oui, bien sûr.
- ...pas drôle du tout.

C'est marqué ici. Compris.

Tu peux m'expliquer quand même ?

Ils s'adressent tous à Carol
quand ils n'osent pas parler au patron.

Mitchell est assis en face de Carol.

- Ouvre. Doucement.
- C'est l'employé le plus ancien.

- Mais sa résilience...
- Ouvre doucement,

- et à droite, tu trouveras...
- ...me surprend.

Oui, le parapluie.

Carol a posé un dessin d'enfant
près de son ordinateur.

C'est un soleil qui se couche dans la mer,
mais le dessin est erroné.

Il y a une île sous le soleil,
et une autre au-dessus.

C'est impossible, bien sûr.

Je me demande si elle a conscience
de cette inexactitude évidente.

Vous désirez ?

Ses émotions l'empêchent peut-être
de voir le problème.

En tout cas, peu importe,

l'enfant devrait pouvoir
réaliser son erreur

afin de ne plus la commettre à nouveau.

Je te ramène une tasse de café ?

Malgré son ancienneté,
Mitchell manque de confiance en lui-même.

Il semble constamment terrifié.

On parle de licenciements.

Je m'en tiens à mon programme

et je refuse qu'on me dérange
en pleine séance de travail

avec une conversation ou une pause-café.

Parfois, j'ai envie d'aller aux WC
après cinq minutes,

mais je fais alors en sorte de me retenir
pendant toute la séance.

Ça forge le caractère, et bien sûr,
le soulagement est, au bout du compte,

d'autant plus intense.

SORTIE

C'est justement en allant aux WC
que je découvre la pièce.

Je sens une odeur de renfermé,

mais je ne nourris pas
de pensée particulière.

Oh...

une pièce.

En fin de journée, j'ai déjà oublié

avoir jeté un œil
dans cette salle supplémentaire.

Quelque jours plus tard,
je cherche du papier imprimante.

Malgré tous les appels m'enjoignant
de poser des questions,

je refuse de m'exposer
à l'humiliation et à la dérision

en montrant mes lacunes
sur le plan de l'organisation du bureau.

Là où je travaillais avant,
l'utilisation des fournitures était

strictement réglementée.

Je me dis que le papier pourrait
être caché quelque part

pour éviter le gaspillage.

Au début, je ne trouve pas l'interrupteur.

Je tâtonne de chaque côté de la porte,
puis j'abandonne.

Quel lieu étrange pour un interrupteur.

Je comprends très vite
qu'il n'y a pas de papier ici,

mais malgré tout, je sens tout de suite

que cet endroit est spécial.

Je ressors,

je ferme la porte...

et j'éteins la lumière.

Je rouvre la porte

pour vérifier
que la lumière est bien éteinte.

Tout le monde a une petite cloison

qui sépare les bureaux...

à part nous.

J'en ai demandé une,
mais ils ont réduit les dépenses.

Peu importe.

On n'a rien à cacher.

On essaie de penser au plancher.

PENSEZ AU PLANCHER

Bien sûr.

Naturellement.

Ça m'agace de ne pas avoir songé
aux patins moi-même.

Bien entendu, je n'ai pas le temps
de penser à ça.

À cause d'Andrew, je me sens
stupide et décontenancé,

alors qu'en fait, je suis
plus intelligent que les autres.

Il ne pouvait pas adoucir sa remarque
en la ponctuant d'une blague

ou d'un petit sourire ?

Et puis, c'est malpoli de s'en aller
dédaigneusement ainsi.

Cette séance de 55 minutes est gâchée
de toute façon.

Je botte en touche
et j'attends la suivante.

Ce serait si simple
de retirer le tube détraqué

et de le remplacer.

Je n'arrive pas à croire
que personne n'ait résolu ce problème.

Avec ses rouflaquettes et ses yeux cernés,

la veste de Rakesh lui donne
un air dépenaillé.

Honnêtement, sa veste m'horripile

depuis le tout début,

même avant l'incident absurde des patins.

Je n'aime vraiment pas cette veste.

Je dois me changer les idées.

Et là, j'entre dans la pièce
pour la troisième fois.

Mon costume est plus seyant
que je ne l'imaginais.

D'une certaine façon, il donne

à mon corps un aspect plus viril.

J'ai l'air incroyablement détendu,

et en même temps, alerte et assuré.

Je ne me suis jamais trouvé séduisant,

mais je réalise soudain
que c'est important...

parce que mon regard est remarquable.

C'est un nouvel atout.

Des yeux qui peuvent tout demander.

Et tout obtenir.

Rakesh fait son travail
avec son je-m'en-foutisme habituel

comme tous les autres.

Il utilise le téléphone et fait des pauses
comme bon lui semble.

Il passe des heures
le regard perdu dans le vide

sans même faire semblant de travailler.

Ici et là, il essaie même de me parler.

- Ça va ?
- Je le rabroue,

gentiment, mais fermement,

souvent d'un simple geste de la main.

Et ça fonctionne.

Rakesh a cette manie agaçante
de balancer ses papiers sur son bureau

à chaque fois qu'il commence
un nouveau truc, et c'est évident,

peut-être pas tout de suite,
mais un de ces jours,

son bureau finira par déborder.

- Quoi ?
- Tu as une minute ?

- Oui, bien sûr.
- Regarde autour de toi.

Que vois-tu ?

- Je ne sais pas.
- Il faut régler ça tout de suite.

Régler quoi ?

Faudrait pas dépasser les bornes.
Écoute-moi.

Je suis sûr que tu comprendras.

Allons faire un tour.

- D'accord.
- Allons faire un tour.

Mieux vaut en parler en privé.

J'ai remarqué un truc.

Quoi ?

Tu ne ranges pas tes dossiers,
quand tu en sors un nouveau.

Pardon ?

Tu laisses tous tes dossiers

envahir ton bureau.

Bientôt, ils finiront chez moi,

et c'est mon bureau qu'ils envahiront.

Tu comprendras sûrement

que j'aimerais utiliser l'intégralité
de mon plan de travail.

C'est déjà pénible de devoir travailler

les uns sur les autres.

Ce serait si simple
d'installer une cloison.

Exact.

Mais t'en fais pas pour ça.
C'est pas ton problème.

Je te demande juste d'adopter
de nouvelles habitudes

pour éviter de perturber mon travail.

Tu comprends ?

Super.

Formidable.

Je suggère qu'on retourne au travail.

Si tout se passe bien,

on n'aura plus jamais besoin d'en parler.

Rakesh me fixe
pendant un long moment

après notre retour au bureau,

sans pour autant s'occuper
de ses dossiers.

Je laisse faire.

On n'a jamais dû rectifier ses erreurs

d'une façon aussi nette et efficace.

Ne prends pas ça comme une réprimande.

C'est juste une remarque.

PENSEZ AU PLANCHER

Dans la pièce, un certain calme règne.

On se sent studieux
comme au petit matin à l'école.

C'est un mélange de détente
et de liberté limitée.

La pièce fleure bon la tradition.

L'atmosphère est légèrement surannée.

Chaque ligne semble parfaitement connectée
à la suivante.

Le désordre
et les détails déconcertants ont disparu.

La précision est de retour.

Un moine ressent-il la même chose
en arpentant les couloirs d'un monastère ?

Rakesh n'a pas résolu son problème
de dossiers, mais ça ne me dérange pas.

Il ne veut sans doute pas modifier
soudain son comportement

sur commande.

Je dois prendre son orgueil en compte.

Mais s'il fait obstruction exprès,

et que la situation ne s'améliore pas
d'ici une semaine,

je devrai ramener ça sur le tapis.

Je peux te demander un truc ?

Oui, vas-y.

Qu'est-ce que tu fabriques ?

Comment ça ?

Quand tu restes debout ainsi ?

Qu'est-ce que tu racontes ?

Bon, on en reparlera...

Non. Qu'est-ce que...

Je fais quoi ?

Tu restes debout là, absolument immobile.

Vraiment ?

Oui, et tu sembles complètement absent.

Et je dis quelque chose ?

On dirait que tu n'es plus là.

Comme si tu étais hors de portée.

Tu ne bouges pas du tout.

Tu ne m'entends pas.
Tu sembles être ailleurs.

Et...

je fais ça quand ?

Tu as fait ça ce matin.

Et l'autre jour, quand on a fait un tour.

Tu es resté debout là sans bouger.

Et je reste sans bouger combien de temps ?

Ça dépend. L'autre jour,
ça a duré cinq minutes.

D'autres collègues m'ont vu aussi ?

Tout le monde.

SORTIE

Mitchell.

Tu vas devoir être honnête avec moi.

Tu en es capable ?

- Très bien.
- Je suis très sérieux.

Ça peut paraître bizarre,
mais tu dois me dire la vérité.

Quoi ?

À quoi sert cette pièce ?

Quelle pièce ?

Cette pièce-là.

Eh bien...

il y a l'ascenseur et les WC.

No, je parle de cette pièce.

C'est juste un mur.

C'est tout ?

Pourquoi ce mur te fascine-t-il autant ?

Ne me mêle pas à ça.

Je réalise alors que Mitchell n'est
qu'un pauvre subordonné.

Il ne veut pas d'ennuis.

Le responsable de cette supercherie occupe
un rang plus élevé dans la hiérarchie.

Le plus élevé sans doute.

Qu'est-ce que cela signifie ?

- C'est très étrange.
- Il déraille complètement.

Je l'ai vu faire ça jeudi dernier.

Perdant patience,
je décide de convoquer l'équipe.

Toute la division est là avec moi,
à part Andrew

qui est en réunion toute la journée.

J'aimerais tous vous remercier
d'être ici aujourd'hui.

J'ai enfin compris
votre petite plaisanterie.

J'ignore qui est derrière tout ça, mais...

J'en sais assez

pour vous dire que là-bas,

vous pouvez faire
comme si cette pièce n'existait pas,

mais ici, impossible de faire semblant.

Cette pièce existe.

La voilà. On est dedans.

Alors, inutile de continuer ce petit jeu.

Et maintenant qu'on a discuté, j'aimerais

qu'on arrête les vexations

et qu'on se remette au travail.

D'accord ?

Formidable.

Très vite, toute la division est convoquée
dans le bureau d'Andrew.

Les uns sur les autres.

- Entrez.
- Rakesh porte une veste plus foncée

que je préfère de loin.

La coupe est classique.

Il semble plus à sa place parmi nous.

C'est rare qu'on se réunisse...

tous ensemble
sans l'ombre d'un préavis, mais...

Carol aimerait dire quelque chose.

Ce n'est pas juste moi.
Tout le monde est d'accord.

On estime tous que ça va trop loin.

- Quoi ?
- Non, laissez Carol finir.

Je comptais bien sûr la laisser finir,
mais soudain,

maintenant qu'il me soupçonne
de l'avoir interrompue,

on dirait qu'il a raison.

En fait, on est tous inquiets à ton sujet.

Pourquoi êtes-vous inquiets ?

Tu restes debout sans bouger.

Je vous ai déjà dit
qu'il était inutile de livrer

une guerre psychologique contre moi.

Vous ne me briserez pas.

Que voulez-vous dire, Orson ?

Pour moi, tout cela vient du fait

que certains d'entre vous ont remarqué
ici et là,

que je me mets à l'écart,
pour me ressourcer

et que je me repose
dans la petite pièce près de l'ascenseur.

Je comprends
que cela puisse ennuyer certains.

On a tous du travail et on ne peut pas
sans cesse faire des pauses.

Mais je vous assure
que je ferai toujours en sorte

de récupérer
le temps perdu efficacement...

Et si vous cachez
quelque secret là-dedans

que vous ne voulez pas me montrer,

je vous invite à en parler maintenant.

Je vous écoute.

Vous pouvez disposer.

Je vais gérer ça avec Orson.

- C'est quoi, ce délire ?
- Encore un plan bizarre.

Ça ne va pas, Orson ?

Vous réalisez que vous ne pouvez pas
vous comporter ainsi ?

C'est inadmissible.

Vous m'entendez ?

Vous ne pouvez pas leur intimer
de sortir de mon bureau.

Cette pièce...

dans le couloir ?

Après l'ascenseur, dans le couloir,
un peu avant les toilettes.

Décrivez cet endroit.

Il semble inoccupé depuis longtemps.

Je n'y ai rien pris.
Je n'ai pas laissé de désordre.

S'il y a un truc louche,
je ne suis pas au courant.

J'y suis juste allé...

quelques fois, c'est tout.

- Et que faites-vous ?
- Dans la pièce ?

J'y passe un moment.

Mais vous y faites quoi exactement ?

Rien du tout, mais je comprends
que les autres soient jaloux et inquiets.

Ne vous occupez pas des autres.

Orson, pourquoi ressentez-vous
le besoin de passer du temps là-dedans ?

Ça me fait du bien.

La pièce n'existe pas, Orson.

Elle existe. Juste derrière...

Écoutez-moi bien, Orson.

Il n'y a pas de pièce près de l'ascenseur.

Il n'y en a jamais eu.

Vous avez dû la créer... dans votre tête.

C'est votre imagination...

Soit. Si vous insinuez...

Écoutez-moi bien, Orson.

J'insiste. Je vous interdit d'y retourner.

Vous n'entrerez plus dans cette pièce.

Quand vous me dites
que cette pièce n'existe pas,

c'est comme si je vous disais
que cette chaise n'existe pas.

Cette chaise existe bel et bien.

Sur ce point, on est d'accord.

Bien sûr,
la situation n'est plus du tout la même.

On vous savait complexe,

mais personne n'a jamais dit
que vous étiez aussi...

particulier.

Vous n'irez plus dans cette pièce.

Sinon, on devra envisager
une autre solution.

C'est bien compris ?

Ça me semble injuste, honnêtement.

Pourquoi Andrew aurait
une pièce, et pas moi ?

Et vous allez devoir consulter
un psychiatre.

Voilà pourquoi je suis là.

Et cette... pièce...

elle ressemble à quoi ?

C'est un bureau.

Où est-elle située ?

Entre les toilettes et l'ascenseur.

Et vous entrez dedans ?

Oui, mais pour eux, c'est impossible.

Vous désirez un arrêt maladie ?

Pourquoi vous interdit-il d'y retourner ?

Il dit qu'elle n'existe pas.

Mais elle existe ?

Pouvez-vous la décrire ?

Tout est exactement au bon endroit.

C'est joli, mais pas tape-à-l'œil.

C'est confortable, mais pas vétuste.

Les fauteuils sont moelleux
tout en restant fermes.

Le design, les détails
et les motifs sont...

singuliers et harmonieux.

La lumière est douce et chaude.

Elle éclaire votre visage
juste comme il faut

sans jamais vous aveugler.

Même les disques et les livres
sur les étagères...

semblent merveilleusement choisis
par une personne très attentionnée.

Ça semble être un lieu charmant.

Mais cette pièce parfaite...

existe-t-elle aux yeux d'un autre ?

Je ne sais pas. Ils nient son existence.

Mais pour vous, elle existe.

C'est terminé ?

Désirez-vous mentionner autre chose ?

Un truc qui vous stresse ?

Je ne vois pas le rapport.

On est là pour parler d'Orson.

Savez-vous qui c'est ?

C'est réglé.

Orson et moi,
on s'est débarrassé de la pièce.

Autrement dit, il va rester ?

C'est une situation dangereuse.

Pas du tout.

S'il peut rester debout ainsi,

laissez-moi faire du reiki
dans la salle de repos.

On n'est pas censés tourner
à plein régime ?

Admettez que c'est complètement dingue.

Elle m'a déclaré sain d'esprit.

Je suis parfaitement apte
à continuer mon travail,

et Andrew est au courant.

Il est parfaitement apte.

J'ai lu le rapport.

Je suis plutôt d'accord.

Mais il est cinglé.

C'est évident.

On ne peut pas garder un crétin
qui scrute un mur

dès qu'on est débordés.

Même si on devrait avoir le droit

de faire ce qu'on veut durant nos pauses.

Je ne sais pas si c'est une bonne idée.

Mais il faudrait le virer.

Orson fait son travail
de façon impeccable.

On devrait le prendre en pitié.

Andrew a raison.

On n'a pas de raison de le virer.

Je me fous de ses aptitudes.

Il n'arrête pas de nous traîner là-bas.

Exactement.

C'est flippant de le voir

rester debout ainsi sans bouger.

Comme s'il n'était pas là.

Disons tout simplement...

qu'on s'accommodera d'Orson
tant qu'il n'ira pas dans la pièce.

- Je suis partant.
- Tu es sérieux ?

Ça me va.

Ça va aller.

Oui, ça ira.

Très bien.

Suivant l'exemple des autres,
je fais comme si la pièce n'existait pas.

Ça semble ridicule.

Quand ils partent déjeuner,

rien ne m'empêche d'aller
passer un moment dans la pièce.

Je t'ai vu.

Ne fais pas l'innocent, je t'ai vu.

Si je tu remets ça...

je raconterai tout.

Quand on me regarde,
je réponds avec un grand sourire.

Un sourire désarme l'adversaire
et le fait douter de son hostilité.

Ça va, Rakesh ?

- Oui, ça va.
- Très bien.

Aucun problème ?

Non, tout va bien.

Merveilleux.

Et vous, ça va ?

Que voulez-vous dire ?

Que faites-vous depuis quelques jours ?

Pourquoi cette question ?

Je suis votre patron.

Je peaufine les indicateurs des relations
avec la clientèle au sein de la division.

Je ne comprends pas.

Je veux mieux évaluer les prestations
que j'offre à mes clients.

J'ai donc élaboré
un questionnaire pour découvrir

ce que vous, mes clients,
pensez de mes services.

"Nous, vos clients" ?

- Je vous considère comme des clients.
- Mais pourquoi ?

Vous voulez vraiment savoir ?

Je veux vraiment savoir.

On optimise mieux son potentiel

quand on voit l'autre comme un client.

Veuillez donc remplir ce questionnaire.

Il suffit de cliquer sur ce lien.

Il y a cinq questions concernant
la qualité de nos services

et une autre portant
sur les services

qu'il faudrait ajouter.

Numéros de fixe et de portable,
non-obligatoires,

mais j'aimerais autant d'informations
que possible.

Ne deviez-vous pas compiler
une liste de numéros ?

Je me trompe ?

Toute mon énergie disparaît.

J'ai soudain du mal à me concentrer,

et mes épaules se raidissent.

JETEZ VOS PATINS USÉS ICI

Après trois jours sans la pièce,
je commence à me sentir mal à l'aise.

Je deviens irritable
et je transpire plus que d'habitude.

L'anxiété de l'abstinence commence
à s'atténuer,

mais la dépendance reste ancrée
dans mon corps.

Je dois sans cesse me retenir

en réalisant que mon corps se dirige
vers la pièce de son propre chef

tel un ancien fumeur qui cherche
en vain son paquet de cigarettes.

J'essaie de penser à autre chose,

et quand je ressens ce besoin impérieux,
je lance un compte à rebours.

Vingt, 19, 18, 17, 16...

Quinze, 14, 13, 12, 11...

Dix...

Neuf, huit, sept, six, cinq...

Quatre, trois, deux...

Un.

Je ne suis pas entré.

J'en suis sûr.

Le lendemain,
je songe à la pièce au réveil.

À gauche, et puis à droite...

J'essaie de l'oublier

en papotant
avec la réceptionniste sympathique.

Bonjour.

Vous dites ça à tout le monde.

Oui, c'est vrai.

Vous n'auriez pas les plans au sol,

par hasard ?

Les plans au sol ?

Oui, les plans de l'immeuble.

Non, mais je peux vous indiquer
n'importe quel recoin.

Ça va aller. Je vais me débrouiller.

Vous êtes sûr ? C'est mon travail.

Non, ça va aller.

Je monte au 4e étage, je sors
et j'arrive près de la porte.

Je me faufile jusqu'au lieu interdit
tel un gamin le matin de Noël

et je m'arrête devant

en savourant la proximité de la pièce.

Non, ce n'est pas ce que tu crois.

- Il était là-bas.
- Faux.

Je t'ai vu.

Tu étais encore debout là.

Non, j'étais juste debout.

Il était juste debout.

C'est bien ce que je dis.

Être debout, ce n'est pas un crime.

J'ai le droit de rester debout un moment.

Ça a duré combien de temps ?

Quelques minutes ? Quelques secondes ?

Je ne suis pas entré.

Il n'est pas entré.

Grâce à Carol,
la rumeur se répand comme un virus.

Durant la journée,
tout le monde passe par son bureau,

et avant de repartir,
tout le monde me lance un regard.

Je décide de rentrer chez moi
un peu plus tôt.

Je me sens un peu patraque.

Je m'aperçois que j'ai du mal

à retrouver ma voiture
dans le parking à cette heure,

car j'ai pris l'habitude
de partir plus tard

quand le parking est presque vide.

Je prends conscience
de mon comportement bizarre.

Je songe à tous mes actes stupides.

Et tout cela me donne un mal de crâne.

Si je veux arriver à mes fins,

je vais devoir adopter
une approche entièrement nouvelle.

Jusqu'où irai-je ?

Si je continue ainsi,
qui pourra m'arrêter ?

- Pourquoi ce retard ?
- J'ai raté mon réveil.

Je suis navré.
J'ai eu du mal à m'endormir.

Je suis resté allongé...

en songeant aux événements récents,

ce que j'ai dit, ce que j'ai fait,
ainsi de suite...

Je réalise que j'ai agi bizarrement

et j'aimerais tout faire...

pour résoudre les problèmes
que j'ai pu créer.

Orson...

Je sais que je vous ai causé des soucis

et j'aimerais vous demander pardon.

Je ne veux pas jouer les trublions.

Je vous promets
que ça ne se reproduira plus.

Asseyez-vous.

Vous êtes un homme atypique.

Je suis ravi que vous ayez réfléchi.

Ça justifie sans doute votre retard.

Je vais bien sûr rattraper
le temps perdu.

Pas la peine.
Si ça vous a remis en selle,

ce petit contretemps est
tout à fait excusable.

Vous acceptez les règles ?

- Absolument.
- Et on peut oublier la...

Bien sûr.

Je suis ravi qu'on ait enfin trouvé

une solution à ce problème.

J'ai terminé la liste de numéros
que vous m'aviez demandée.

Très bien. Vous savez quoi ?

Demain...

pourriez-vous dresser une liste
des projets vérifiés ?

Ce serait bien d'avoir ça sur papier.

Ils se distinguent par...

Oui, je sais.

Il y a deux signatures en bas du rapport.

Je m'en occupe.

Formidable.

Vu mon retard,
je décide de travailler plus tard.

Une heure après,
je prends l'ascenseur

sans passer devant la pièce.

La menace de la fermeture hante
la division telle un démon maléfique.

Rakesh et Andrew se lancent
dans des discussions animées

qui finissent toujours
sur la cessation d'activité

de la société.

J'imagine que la direction veut
nous garder sur le qui-vive

et nous empêcher
de nous croire en sécurité.

- Si ça fonctionne...
- Je comprends pas...

Je ne peux pas concocter
un texte plus clair...

Bien sûr que si.

Avant le déjeuner, un nouveau document

atterrit dans le bureau d'Andrew.

Que puis-je faire ?

Je pourrais clarifier certains messages
ou certains textes.

Que voulez-vous dire ?

J'aimerais juste donner un coup de main.

Non, merci.

Ce n'est pas la peine. Ça va aller.

Mais vous pourriez...

vérifier qu'il y a suffisamment
de papier dans les imprimantes.

Je réalise que je vais devoir boire

le calice jusqu'à la lie.

Peu importe.

Ça fait partie du plan.

C'est une promotion ?

"Redéployée" ?

Faut pas qu'on sache
que je suis redéployée.

C'est sans doute
quand on t'attribue un poste

qui équivaut à...

Je fais en sorte de participer
à toutes les pauses café.

Je m'implique.

Je fais acte de présence parmi eux.

Comme je le disais,
les compressions nous tuent.

Ils s'habituent à moi.

Je prends le rôle du participant passif
que personne ne remarque,

mais qui est, par sa présence,

le fondement-même
des interactions sociales.

Excellente productivité.

C'est époustouflant.
Ce tube n'a toujours pas été remplacé.

Je la croyais en baisse.

Combien d'employés faut-il

pour remplacer un tube ?

Aussitôt revenu à mon poste,

je remarque que l'incident inévitable
et redouté a finalement eu lieu.

Les dossiers de Rakesh ont envahi
mon bureau.

Je repousse la pile de son côté,

et certains dossiers tombent
sur le plancher.

Quand Rakesh revient,
ma vieille intolérance refait surface,

telle un écho
de mon ancienne nervosité excessive

et naïve sur le plan tactique.

Je suis d'abord tenté
de répéter le processus

et de tout repousser un peu plus loin,

mais soudain, j'ai une idée...

C'est le moment que j'attendais.

Le destin me donne
un coup de main inattendu.

Un calme méditatif m'envahit.

Rakesh passe son après-midi

à chercher en vain le dossier manquant.

Il ne dit rien,
mais je sais qu'il le cherche.

DOSSIER 1636

C'est là que j'entre dans la pièce
pour la huitième fois.

Des formulations
difficilement compréhensibles affluent

dans ma conscience tout naturellement.

J'assimile tout d'un coup.

Ça semble évident.

J'ai l'impression de résoudre
des problèmes de maths de CE1.

Je formule quelques phrases simples
et limpides dans ma tête.

C'est comme si je nettoyais le document
pour en révéler les lignes épurées.

C'est exactement ce que je voulais dire.
Excellent travail.

C'est tout simplement génial, factuel
et concis, sans l'ombre d'un malentendu.

- Ce n'est pas moi.
- Quoi ?

Je n'ai pas écrit ça.

Comment ça ?

C'est quelqu'un d'autre.

Carol !

Mitchell ?

Si l'un deux décidait
d'usurper mon identité,

ce serait encore plus avantageux.

Cela donnerait plus de ressort
à mon trampoline, si j'ose dire.

Mais bien sûr,
aucun d'entre eux n'a cette audace.

Quand la journée se termine
et que tout le monde rentre,

mon cœur bat soudain la chamade.

J'ai l'impression de cambrioler Fort Knox.

Je me mets à travailler
sur le dossier 1842.

Le processus est
beaucoup plus rapide cette fois.

On dirait que j'ai compris
comment les choses s'emboîtent

et comment le temps
et l'espace interagissent.

Je trouve enfin
une structure qui me convient.

C'est votre dossier ?

Vous reconnaissez cette page ? Non ?

Le lendemain,
je remets ça avec le dossier 1199.

Je sens son regard
dès mon entrée dans le cube de verre.

Et quand Andrew arrive, elle se met
aussitôt à débiter ses bobards.

J'ai tout parfaitement minuté.

Apparemment, c'est vous
qui avez posé ça sur mon bureau.

Qui a écrit ceci ?

C'est moi.

Qui vous a confié cette tâche ?

J'ai cru que c'était à moi de le faire.

J'ai trouvé le dossier sur mon bureau.

Qui l'a posé là ?

Aucune idée.

Je me suis dit...

Suivez-moi.

Fermez la porte.

Que se passe-t-il ?

Je ne voulais pas causer des problèmes.

J'ignorais que c'était
le travail d'un autre.

Je croyais...

que j'étais censé le faire.
C'était sur mon bureau.

Qui a remanié les dossiers 1834 et 1636 ?

C'est moi.

Dites-moi la vérité.

C'est la vérité.

Le vice-président est...

absolument ravi.

Il dit qu'on a enfin trouvé le ton idéal.

Ces textes doivent servir de modèles
pour toute décision future.

Je...

Je ne savais pas.

Je pourrais exploiter mon statut modeste
pour accentuer ce revirement

et enfoncer le clou,
mais c'est déjà pas mal.

Au moins, il réalise
qu'il m'a sous-estimé,

et c'est déjà bien
qu'il soit assez intelligent

pour reconnaître mon talent.

Vous êtes surprenant.

J'aimerais vous confier...

davantage de dossiers.

J'aimerais beaucoup vous aider,

mais vu ma charge de travail,

trouver le temps
de gérer les imprimantes, ce sera...

Vous ne vous occuperez plus de ça.

L'assurance qualité, c'est...

Navré, Orson. Je vous ai sous-estimé.

C'est parfois difficile de noter
le talent d'un collègue,

surtout quand...

Toutes mes excuses.

Savoir se taire au bon moment,
c'est tout un art.

Je suis débordé en ce moment.

Je pourrais facilement
faire durer le plaisir.

J'accepte vos excuses.

Merci.

Peu de temps après,
j'ai le plaisir de caresser

la couverture de la nouvelle édition
de l'ouvrage de référence de la société.

Bonjour. Que désirez-vous ?

J'aimerais consulter la révision 16-C.

Un moment, je vous prie.

D'après son regard,
je devine qu'elle a aperçu

le nom de l'auteur sur la tranche.

Elle semble adéquatement impressionnée.

Excusez-moi.

Ça ne me regarde pas,
mais vous avez écrit ça ?

Oui, c'est moi.

Félicitations.

C'est le cadre de fonctionnement
pour toutes les décisions de la société.

C'est très gratifiant.

Je suis arrivé ici très récemment.

Il m'a fallu un moment
pour me mettre dans le bain, mais...

Oui, je me rappelle vos débuts.

Vous arrivez toujours très tôt.

J'aime la ponctualité.

Eh bien, ça a l'air de marcher pour vous.

C'est quoi, votre secret ?

J'ai effectivement un petit secret.
Vous voulez savoir ce que c'est ?

Je ne sais pas.

Allons. Vous devez me le dire.

Ne me laissez pas sur ma faim.

Vous n'en parlerez à personne ?

Très bien, c'est promis.

Je travaille dans une pièce secrète,
et là-dedans, rien ne m'arrête.

Une pièce secrète ?

- Dans cet immeuble ?
- Au 4e étage.

Le passage est caché
derrière une bibliothèque ?

Non, c'est une porte normale.

Mais la plupart des gens ne la voient pas.

Les gens ne sont pas attentifs.

C'est comment à l'intérieur ?

C'est confortable.

Peut-être un peu vieillot.

Ça l'air bien.

La nouvelle de ma réussite fait vite
le tour de la division.

Comment peut-il être aussi doué ?

Et il a toujours eu ces aptitudes ?

C'est peut-être un savant.

Comment se fait-il que tu peux soudain...

On n'avait aucune idée...

Le travail. Aristote disait :
"L'excellence est une habitude."

Mais comment fais-tu exactement ?

Chaque individu a différentes façons
de prendre une décision.

Certains trouvent ça pénible ou étrange.

Pour moi, c'est très facile.
Comme une seconde nature.

Tu comprendras sûrement
que je ne peux pas révéler ma méthode.

Ce serait à la fois impossible
et indésirable.

Le mieux, pour la société et toi,

ce serait que tu établisses
ta propre façon de raisonner.

Tu cachais ton jeu longtemps ?

Tu trouves ça drôle
de jouer les types instables

tout ça pour mieux dévoiler ensuite
tes talents d'acrobate ?

Quand as-tu volé ces dossiers ?

Tu ne comptes pas changer de chemise ?

Bientôt, le bureau s'emplit

de conversations à rallonge et décousues

sur la fête de Noël.

Shannon va-t-elle refaire
son immonde punch tropical ?

Je fais tout mon possible
pour esquiver le débat.

Et si tu préparais le punch ?

- J'ai besoin d'aide.
- Avec plaisir.

Orson, tu ne m'as pas répondu
au sujet de la fête de Noël.

Tu viendras ?

J'utilise la technique de Carol.
Je l'ignore en continuant mon travail.

Avec toute cette animation,
impossible d'entrer dans la pièce

sans se faire remarquer.

Je préfère rester raisonnable
et je m'en vais.

Personne ne semble respecter

les règles
concernant les chaussures ce soir.

Regardez qui est là après tout.

On va te trouver une assiette.

Ils sont tous
plus détendus que d'habitude.

Je te préviens. Il faut en boire six

pour sentir l'alcool, alors ne lésine pas.

Tu aimes le punch ?
Il contient de la goyave.

Je ne sens pas la goyave.

Il y en a pourtant.

Je ne la sens pas.

Je suis d'accord avec Rakesh.
Difficile de détecter la goyave.

Je décide de boire mon verre doucement
pour rester lucide.

C'est une fête d'entreprise après tout.

Oh, félicitations.

C'est génial de te voir réussir.

Merci, Mitchell.

Désolé pour ce que j'ai dit.

On est parfois stressés au travail.

Mais je suis ravi
que tu te sois remis en selle.

Je tenais à te le dire.
Même le vice-président est ravi.

Les gens font des efforts affligeants
pour me parler.

Tu réussiras peut-être
à sauver nos emplois.

Évidemment, ces efforts sont inutiles.

Dehors, la neige tombe toujours.

Je décide de partir, mais soudain...

Je ne pensais pas vous voir ici.

On m'invite à toutes les fêtes.

Les gens se disent
que je n'ai pas de division.

Voyons un peu. Il doit y avoir...

- Vingt-huit divisions.
- Vingt-neuf, en fait.

Le service entretien en a une aussi.

Les gens l'oublient.

Ils m'invitent également.

Ce n'est pas juste.

Vous prêtez attention aux détails.

C'est vraiment admirable.

Savez-vous
combien d'employés travaillent ici ?

- Il y a vous et moi...
- 1 647.

C'est un nombre conséquent.

Je m'appelle Alyssa, au fait.

Elle a l'air d'attendre une réponse,

mais que pourrais-je donc dire
au sujet de son prénom ?

Elle s'appelle Alyssa.

"D'accord" ? "Très bien" ?

"Joli prénom" ?

J'aime pas trop les guirlandes de Noël.

C'est Shannon qui les a accrochées.

Vous savez beaucoup de choses.

Vous voulez un verre ?

J'ai fait la tournée des bars
avec un type une fois.

Il avait insisté pour qu'on boive
jusqu'à la fermeture.

J'ai été malade pendant une semaine.

Bon, la curiosité me ronge.

Vraiment ?

La pièce.

La fameuse pièce.

Vous allez me la montrer ?

Et voilà. Vous voyez la porte ?

Mais je veux la voir.

Eh bien...

Voici l'encadrement.

Posez ma main sur la poignée.

J'ai la main dessus ?

Allez-y, ouvrez la porte.

C'est parfait.

Ça vous plaît ?

C'est...

Eh bien...

Ça vous ressemble.

Comment ça ?

Vous n'êtes pas comme les autres.

Ça se voit.

Ils veulent tous réussir.

Moi aussi.

Oui, je sais, mais ce n'est pas
l'argent qui vous intéresse.

Je veux gagner de l'argent, bien sûr...

Mais il n'y a pas que l'argent.

Voici comment je vois les choses...

tout le monde a besoin de ça, non ?

Un lieu qui n'appartient qu'à vous.

Et cet endroit est à vous.

Ne voyez-vous pas ça comme un lieu
où vous pouvez être vous-même ?

Un espace intime à ne partager
qu'avec un être proche...

un être qui vous ressemble.

Je crois que je vous connais
de fond en comble.

Qu'en dites-vous ?

Ça va vous sembler fou,

mais toute la journée,

je souris à des gens

pour les mettre à l'aise.

Mais je n'ai pas besoin
de faire ça avec vous.

Je dois être aimable tout le temps,

mais je préfère être honnête.

Vous n'êtes peut-être pas le plus aimable,

mais je sais...

que vous êtes le plus honnête.

Elle me regarde pendant un long moment,

électrisée et changée

comme si je lui avais montré
un truc qu'elle n'était pas prête à voir.

Je crois qu'elle rentre
directement chez elle.

Bon sang. Vous m'avez fait peur.

Vraiment ? Je ne voulais pas.

Je me demande si je dois lui parler

des événements de la nuit précédente...

Vous arrivez tôt.

...mais je décide qu'il vaut mieux
s'en tenir aux impressions

qu'elle m'a laissées.

Je finis par dire...

Vous aussi, pas vrai ?

- Le service juridique ?
- Prenez l'ascenseur...

Elle semble ignorer
comment aborder le sujet

de notre expérience bouleversante.

Je décide de la laisser
rassembler ses pensées.

- Compris, merci.
- Alyssa.

- Bonjour.
- Vous désirez ?

Vous me prêtez 25 cents
pour la machine à café ?

J'ai rendez-vous avec M. Goring.

Juste 25 cents.

Je veux juste acheter un café.

Oui, une seconde.

Veuillez vous asseoir là-bas.

Je vais le prévenir de votre arrivée.

Allô. Meredith est ici, M. Goring.

Je décide de répondre à son agacement
d'une façon mûre et indulgente.

"Il n'y a pas que l'argent."

Le café est meilleur au rez-de-chaussée.

Je peux vous poser
une question personnelle ?

La nuit dernière...

aviez-vous pris de la drogue ?

Pourquoi cette question ?

Prend-elle de la drogue ?

Quel dommage.

Je l'aimais vraiment bien.

Soudain, j'ai mal partout.

Que voulez-vous dire ?

Je veux dire...

Eh bien...

Que faites-vous ici maintenant,
par exemple ?

On est au travail.

Je ne sais pas comment ça arrive,

mais je sens un truc chaud et mouillé
sur ma jambe.

Je suis tombé droit dans un piège.

Tous ces sourires, cet air optimiste...

Tout cela venait de la drogue.

Allez-y, il vous attend.

Se faire duper
par l'attitude artificielle d'une droguée,

c'est facile quand on est
une personne franche et honnête.

Un truc me chiffonne
à propos de la pièce,

je décide donc de faire mon enquête.

Bonjour !

Je descends au 3e étage.

Disposition identique, mais pas de pièce.

Je suis forcé d'admirer
le talent artistique

de la personne qui a créé
cet espace secret.

Comment un architecte a-t-il pu
cacher cette pièce

au nez et à la barbe
de tous les employés travaillant ici ?

Vous avez remanié
des dossiers à quatre chiffres

et quelques dossiers
à trois chiffres, mais...

pourriez-vous vous atteler au dossier 97 ?

C'est une requête
du vice-président exécutif.

Avec plaisir.

Ce sera votre premier dossier
à deux chiffres.

Je vous aiderai
à rassembler les documents.

Andrew marche à mes côtés
dans les couloirs du 5e étage.

Il porte un carton très lourd.

On dirait mon assistant.

Orson, on aurait dû prendre un diable.

Il compte chaque jour davantage sur moi.

Je trouve de plus en plus agaçant

de devoir dissimuler
mon véritable lieu de travail.

Et puis, j'en ai assez de devoir attendre
le départ des autres chaque soir

avant de commencer.

Je songe à tout cela
en passant devant Alyssa.

Elle m'ignore depuis des jours

et m'empêche ainsi
de lui montrer convenablement

que je garde mes distances.

Je me suis permis d'acheter,
au frais de la société,

un petit cadeau...

pour votre adoption
des nouveaux protocoles

et montrer que je suis fier de vous.

Merci beaucoup, Andrew.
J'apprécie votre geste.

Mais j'aimerais aborder
un sujet plus important.

Bien sûr, je n'exige rien...

mais ce serait plus facile pour moi
de vous rester fidèle

si jamais
une autre opportunité se présentait.

Vous songez à nous quitter ?

Je n'irai pas jusque là.

De quoi voulez-vous parler ?

Je ne veux pas donner de nom, mais...

un de nos employés prend de la drogue.

Mais il y a plus important.

C'est évident, dans notre division,

je suis celui qui contribue le plus,

et il me semble que je devrais pouvoir
disposer d'un endroit à moi,

un bureau, si vous préférez,
où je pourrais travailler.

J'ai donc une proposition à faire.

Je pourrais travailler dans la pièce.

La fameuse "pièce" ?

Non, arrêtez. La question était réglée.

Eh bien, je la remets sur le tapis.

Résoudre cette situation
convenablement est crucial.

Pour toute la société.

Ne prenons pas de décisions hâtives.

Bien sûr, mes décisions ne concernent
personne d'autre...

- Exactement.
- ...que moi.

Alors permettez-moi
de travailler dans la pièce.

Je comprends sa position.

Les créatifs rencontrent
toujours des résistances.

C'est parfaitement naturel
pour des individus moyens

de se méfier des personnes talentueuses.

Mais j'en ai assez d'être aimable.

Merci pour les pantoufles.

On en est peut-être au point
où la pièce signifie quelque chose,

et d'un certain point de vue,
elle existe donc.

Les cinglés reçoivent des pantoufles ?

Que se passe-t-il ?

Andrew parle au vice-président.

Pour quoi ?

Lui poser la question.

Quelle question ?

Au sujet de la pièce.
On est tombés d'accord.

C'est au vice-président de décider.

Vous avez sans doute raison.

Que veux-tu exactement ?

Je veux juste faire mon travail.

Et nous, on fait quoi d'après toi ?

Je ne peux pas le dire avec certitude.

C'est un projet si grandiose,
si minutieux...

et si ingénieusement malveillant.

Je dois admettre que ça me fascine un peu.

Mais j'ai hâte d'entendre

la réponse du vice-président.

Là-dessus, j'endosse mon manteau
et je pars déjeuner plus tôt.

Orson ! On m'a demandé
de vous attraper dès votre arrivée.

Andrew veut vous voir dans son bureau.

Il vous demande de l'y attendre.

Andrew va bientôt entrer,
implorer mon pardon,

et je l'espère,
m'expliquer raisonnablement

tout ce qui se trame.

J'admettrai que j'utilise la pièce
pour toutes sortes d'activités.

J'y ai fait la plupart...

et il devra excuser ma hardiesse...

de mon travail "très fructueux"

durant diverses soirées.

Et je compte effectivement continuer.

Mais je n'oublierai pas
les trahisons d'Andrew.

Je ne resterai ici que s'il s'en va.

Pendant cinq, six, peut-être sept minutes,
je reste seul dans un silence intense.

Bonjour, Orson.

Je viens de parler au vice-président.

C'est pas trop tôt.

On a longtemps discuté.

Enfin, bref...

J'ai expliqué votre cas en détail,

de vos accomplissements extraordinaires

à vos méthodes de travail étranges,

sans oublier votre requête concernant...

la pièce.

Il a très sérieusement considéré
la situation.

Il m'a montré

les plans de l'immeuble.

Orson, on les a examinés ensemble.

Et il a émis sans aucun doute...

comment dire...

des arguments très persuasifs.

Au quatrième étage,
entre l'ascenseur et les WC,

il n'y a absolument
aucune pièce supplémentaire.

Et je suis navré, Orson,
mais sa décision est finale.

On va vous licencier.

- Andrew a peur de moi.
- Allez.

Il voulait engager un robot incapable

de rivaliser
avec ses compétences modestes.

Allons vider votre bureau.

Quand il a réalisé
que j'étais plus compétent que lui,

je suis naturellement devenu son ennemi.

Vous faites une terrible erreur.

Désolé, Orson. j'ai tenté de vous avertir.

Ça va, Andrew, je ne vous en veux pas.

Les petites gens essaient toujours

de discréditer
ceux qui leur font de l'ombre.

Mais vous pouvez tous
être très fiers de vous.

Vous m'impressionnez.

Vous planifiez tout ça
depuis combien de temps ?

Avant même mon arrivée ?

Étais-je une victime désignée
dès le départ ?

Parlez donc. Vous avez gagné.

Personne ?

Comme vous voudrez.

Vous pouvez retourner
à vos phrases bancales,

à vos banales obsessions météorologiques

et à vos rituels absurdes.

Pendant ce temps-là, les vice-présidents

les PDG, les VIP
et tous les autres continueront de gérer

leurs obligations adossées à des actifs,
ventes à découvert et positions longues,

tout ça derrière votre dos.

- Ça vous dépasse !
- Orson...

Ils se fichent de vous.

Pour eux, vous êtes un nombre
dans une colonne.

Vous êtes du bétail dans un enclos,
mais au lieu de vous abattre,

ils vous parlent de productivité

pour vous inciter au suicide.

Et vous...

Vous espérez obtenir d'eux

le même travail que moi...

Ils sont incapables de voir une porte.

Mais vous comptez sur eux.

Et ce dessin est absurde.

C'est facile de se laisser séduire
par de nouvelles connaissances.

On leur prête toutes sortes de qualités,

car on ne les connaît pas.

Mais en fin de compte,
on est presque toujours déçu.

Tôt ou tard, on arrive à un certain point

où on découvre leur vraie nature.

Pour résoudre le problème,
il suffit de toujours s'attendre au pire.

Il faut réaliser qu'on n'est pas
aussi remarquables qu'on le pense.

On veut gagner plein d'argent, bien manger

et prendre du bon temps.

Nous sommes des créatures assez simples.

Au fond de nous,
on veut une vie paisible et tranquille.

Mais les gens ordinaires refusent
de voir le monde tel qu'il est.

Ils ne voient pas les nuances,
les petites différences.

Il faut leur montrer leurs lacunes
et leurs carences.

Arrêtez !

Attrapez-le !

Je peux enfin à nouveau respirer

et penser plus ou moins clairement.

Ça sent la mer...

les lilas...

et un parc à cinq heures du matin
à la fin du mois de mai.

On ne me trouvera jamais ici.

BASÉ SUR LE ROMAN "LA PIÈCE"
DE JONAS KARLSSON