All language subtitles for Code.Haneke.2022.FRENCH.1080i.Arte.H264.AC3

Ressac.

l'enfant émet quelques sons.

-Regarde-moi.

Tu me vois ?

-"Car moi, le Seigneur, ton Dieu,

"je suis un dieu jaloux

"qui punit la faute des pères
sur les fils

"jusqu'à la troisième
et quatrième génération."

-Des films puissants,
un regard au scalpel.

Bris de verre.

Des scènes fortes…

-Pardon.

-Qui bousculent et qui s'impriment
dans nos mémoires.

-Vous voulez…
Vous voulez quoi ?

-Je veux voir ton vrai visage.

Pas tes mensonges ni tes trucs,
une expression vraie…

-Mais qu'est-ce que je dois faire ?

-Des visages qui semblent
nous regarder, nous interroger.

-Il y avait un panneau.

-Un questionnement
sur les illusions des images

et le pouvoir du cinéma.

Réalisateur autrichien,
Michael Haneke s'inscrit

parmi les derniers
grands cinéastes.

-3/1, sixième.

-Au même titre qu'Antonioni,
Bergman, Bresson, Tarkovski.

Malgré sa reconnaissance
internationale,

ses Palmes d'or,

ses innombrables prix,

les films
de Michael Haneke divisent,

car son cinéma est trop exigeant
pour faire l'unanimité.

Brouhaha.

Respiration haletante.

Observateur infaillible,

Michael Haneke gratte
inlassablement là où ça fait mal.

Il traque la vérité
derrière le jeu des apparences.

Il ausculte ce que le joug
de la société cherche à cadenasser.

Il fouille
dans nos tréfonds intérieurs,

à l'endroit douloureux
de nos contradictions

et de nos compromissions.

C'est un cinéaste

dont le regard distancié,
implacable,

nous bouscule intimement.

Un regard qui s'innerve
au plus profond de nos chairs.

Musique classique.

À travers les récits
qu'il nous raconte

et par le prisme des personnages
qui portent ses films

et qui nous ressemblent
étrangement,

Michael Haneke nous livre surtout
sa vision du monde.

Il nous interroge
sur ce qui nous constitue,

ce qui nous lie
et ce qui nous sépare.

Il nous invite à l'introspection.

Il nous enjoint
à remettre en cause nos certitudes.

C'est le cinéaste du questionnement
et de l'interrogation pure.

-L'art travaille à déstabiliser
et non à sécuriser.

La sécurisation
vient des politiciens

qui disent :
"C'est pas grave,

"sois tranquille,
je m'en charge pour toi."

l'artiste dit : "Personne
ne s'en charge à ta place,

"tu as le devoir d'agir."

-C'est en 1989 que Michael Haneke
fait son apparition à Cannes

avec "Le Septième Continent",
un premier film coup de poing

qui sidère la Croisette.

Inspiré d'un fait divers,
le film décompose,

à travers la répétition
de gestes invariables,

le récit annoncé du suicide
d'une famille

enlisée
dans la société de consommation.

-Ce fut
une expérience extraordinaire.

Je n'avais vu aucun
de ses téléfilms.

"Le Septième Continent" est
le 1er de ses films que j'ai vu.

C'était à Cannes
lors de la première mondiale.

J'étais un jeune critique

et j'ai été submergé
comme jamais auparavant

par deux sentiments
extrêmement forts.

D'un côté, c'était
comme un direct à l'estomac.

J'ai ressenti
physiquement la nausée

dont parle le film.

En même temps,
je jubilais intérieurement

parce que j'étais
tout simplement enthousiasmé.

-Un premier geste
cinématographique fort :

Michael Haneke y évacue
toute forme d'explication,

tout pathos, tout jugement.

Jamais un jeune cinéaste
n'a été aussi loin,

mettant à sac à travers les gestes
et les actions de ses personnages,

ce qui constitue le coeur
de notre identité sociale

et individuelle.

Nous sommes à la veille
de la chute du Mur

qui va libérer
l'hydre du capitalisme,

posant Haneke
comme penseur visionnaire

d'une société déshumanisée,
dominée par le pouvoir de l'argent.

-Et donc arrive
ce premier film autrichien…

Et ceux qui vont le voir
vont faire le buzz

sur la Croisette,

c'est-à-dire : "On a vu ce film

"qui s'appelle
'Le Septième Continent',

"qui ne ressemble à rien
de ce qu'on a vu avant."

-Dernière question à Haneke :

est-ce un film déprimant ?

-J'espère que non : cette histoire
n'est certes pas très gaie,

mais quand on la raconte
de façon aussi radicale,

je crois qu'elle doit
créer chez le spectateur le besoin

d'imaginer des alternatives

pour ne pas se retrouver
dans des situations similaires,

au niveau émotionnel,
dans la salle ou sa vie privée.

-Radicalité dans la manière
de mener son récit,

à travers ses partis pris formels,

radicalité de son regard

qui nous prend
littéralement à la gorge

et qui sera désormais
la marque de son cinéma.

-Que ce soit aux États-Unis,
en France, en Italie,

en Allemagne, en Angleterre,

"Le Septième Continent" a suscité

une très intense activité critique.

Il était vu
comme un objet surgissant…

Pour ainsi dire de nulle part,

signé par un homme de 47 ans

qui présentait
son premier film de cinéma.

-Le parcours de Michael Haneke
tient de sa personnalité,

qui conjugue ambition,
pragmatisme et exigence,

ainsi qu'une force de travail
hors du commun.

Né en 1942 à Munich,
de parents comédiens,

Michael Haneke a grandi
et s'est forgé avec le théâtre.

Lecteur érudit,
c'est avant tout un homme de texte,

attaché à la langue
et à la dramaturgie.

Entre 1960 et la fin des années 90,

il a mis en scène
les grands auteurs germanophones,

Bruckner, Goethe, Kleist,

avant d'arriver progressivement,
au milieu des années 70,

à la réalisation de films

pour la télévision
allemande et autrichienne.

-Tu m'aimes ?

-Pourquoi tu me demandes ça ?

-Pourquoi tu ne réponds pas ?

-Ça te fait du bien
de te faire mal…

-On se sent exister.

Ça a du bon.

-Enfant, j'avais un prof
que nous détestions tous.

Il était très autoritaire
et nous avions peur de lui.

Mais…

Il avait un truc
pour qu'on reste attentifs.

Il racontait des histoires
extrêmement palpitantes.

-Je crois pouvoir dire
que la télévision européenne,

dans les années 60 à 90,

représentait
une véritable puissance culturelle.

Et j’oserais également affirmer
que les téléfilms d'Haneke

comptent parmi les œuvres

les plus importantes
de cette époque

dans le domaine de la fiction.

-"Lemmings" est un des seuls
scénarios inspirés

de ses années d'adolescence
révoltée à Wiener Neustadt,

petite ville à 50 km de Vienne.

*Musique langoureuse américaine.

Ce film retrace, en deux volets,

le passage à l'âge adulte
d'une bande de copains

juste avant les années 60

et explore ce qu'ils sont devenus
15 ans plus tard,

après la libération sexuelle.

-Sois gentil, Siggi.
Dégage !

-Portrait
d'une bourgeoisie moribonde

qui ne laisse
aucune chance à sa jeunesse,

et où l'on retrouve
les interrogations

et les thèmes
qui traverseront son cinéma.

-Tu as remarqué ?

Tu avances, et moi je recule.

-C'est juste
une illusion d'optique.

-Espérons-le.

-Et lui, son école de cinéma,
ça aura été le théâtre

où il a mis en scène,
la radio et la télévision.

-Je défie le funeste gosier

Le funeste gosier

Je défie la peur qu'il inspire

-"Benny's Video",
son deuxième film,

raconte comment la culpabilité
d'un couple les enjoint

à dissimuler
le crime de leur fils, Benny,

adolescent solitaire

dont l'unique activité consiste
à filmer tout ce qui l'entoure.

*-Je vais t'aider, viens.
*Cris.

-Par son dispositif
de mise en abyme du récit,

le film explore
comment les images interfèrent

avec notre rapport
à la réalité,

nous rendant
spectateurs de nos vies,

thème qui traverse
la filmographie du cinéaste.

-Il appartient à une génération
d'artistes et d'intellectuels

qui ont compris qu'il fallait
chercher le coeur des ténèbres,

si l'on peut désigner cela ainsi,

au sein même

de notre société.

Il faut regarder
son propre environnement,

sa propre classe.

C'est déjà une très haute exigence.

Ne pas chercher d'échappatoire,

ne pas esquiver
ce coeur des ténèbres.

On ne se fait pas aimer de tous

quand on le fait
avec autant de sérieux

que Michael Haneke.

-Si Benny n'en a vraiment
parlé à personne,

et je crois ce qu'il dit,

et s'il n'y a aucun témoin,

ici ou au lycée,

qui pourrait le soupçonner ?

-C'est un regard qui est à la fois

plein d'humanité et sans concession,

c'est-à-dire
qu'il ne fait pas de cadeau,

mais jamais
il ne condamne les gens

et il laisse toujours au spectateur
le soin de se positionner.

Musique nostalgique.

-À travers le comportement glaçant
du père de ce film,

Michael Haneke confronte l'Autriche
de manière détournée

à ses non-dits
et à son passé honteux.

-L'Autriche,
c'est quand même le pays

champion du monde
pour le déni.

Ce qui gêne, on s'empresse
de le cacher sous le tapis.

Après la première
de "Benny's Video",

à la Viennale,
il y a quelques années,

il y a eu un débat
autour d'un tas de choses,

autour du rôle des médias etc…
,

Mais sur la dissimulation
de la culpabilité,

qui est un thème central
dans le film,

pas un mot.

J'ai abordé le sujet,

mais on l'a ignoré
pour continuer sur les médias…

Sur cette terrible
tradition autrichienne

où on escamote tout,

y compris en politique,
silence total.

-Quand on l'interroge sur
son enfance et son parcours intime,

au regard
de la noirceur de ses films,

Michael Haneke
déroule toujours la même phrase

où pointe certainement
une forme de provocation :

Michael Haneke a eu une enfance
normale, presque banale.

-C'est quelqu'un qui naît en 42,

c'est quand même un moment
un peu difficile,

et qui va être élevé
par sa tante

parce que son père
est à la guerre

et son père, étant allemand,
ne revient pas après la guerre.

Il quitte sa mère
et son enfant.

Et quant à sa mère,
elle est actrice,

donc elle est constamment
en représentation, à Vienne.

Elle a une carrière
d'actrice de théâtre,

et lui va être élevé par sa tante

dans un village
à 50 kilomètres de Vienne.

Musique de salon.

-En Autriche,
le milieu d'origine d'Haneke

serait décrit
comme une bourgeoisie cultivée.

En Allemagne aussi.

Ça ne désigne pas seulement
l'aisance matérielle,

mais aussi la très grande
importance accordée à la culture

et à la pratique
d'activités culturelles.

Cuivres.

-Garçon sensible, solitaire, tourné
vers la lecture et la musique,

Michael Haneke a été élevé
dans la culture protestante.

À 12 ans, révélation
avec "Le Messie" de Haendel.

Il veut devenir chef d'orchestre.

-Et son beau-père,
qui est chef de choeur et écrit…

De la musique,

va lui dire, très cash,
à l'adolescence :

"C'est très bien ce que tu fais…"

Parce que Michael
se met même à écrire,

il veut écrire un opéra,
il écrit des messes…

"C'est bien ce que tu fais,

"mais tu ne seras jamais
un grand compositeur

"ni un grand concertiste."

Et donc,
à partir de là, il abandonne.

C'est là où on voit déjà
le caractère d'Haneke.

Il ne peut pas
faire les choses en amateur.

S'il se lance dans une carrière,

c'est pour vraiment être au top.

-Il s'est présenté
au séminaire Max Reinhardt,

l'école de théâtre de Vienne,

pour devenir comédien,
mais ils ne l'ont pas pris.

-S'en suit une fugue
pleine de promesses à Paris

dont il revient désabusé.

Il entame ensuite
des études de philosophie

à la faculté de Vienne.

-Il fait des études de philosophie

parce qu'il espère des réponses

aux grandes questions
existentielles.

Et la seule réponse qu'il a,
c'est qu'il n'aura pas de réponses.

-4 années passées à lire
et à décortiquer la pensée pure,

tout en fréquentant
le ciné-club.

-Tu as vu "La source" ?

-Le dernier Bergman ?
Non.

Il passe déjà ?
-Oui, depuis hier.

-Et là, c'est la révélation,

avec le cinéma
de la Nouvelle Vague,

et surtout le réalisateur
Robert Bresson, qui restera,

avec Théodor Adorno, philosophe
issu de l'école de Francfort,

l'un de ses deux guides spirituels.

-Je crois qu'à partir du moment
où on cherche le vrai…

Je suis en effet, c'est vrai,
un maniaque du vrai.

Si on cherche le vrai,

rien ne touche le public
autant que le vrai.

-Chercher le vrai du langage,

chercher le vrai
à travers les images

constitueront
les bases de son cinéma.

Comme si le cinéma stylisé
de Bresson,

combiné au regard exigeant
d'Adorno,

lui permettait enfin de réunir
toutes ses questions pour dire,

mieux communiquer
et mieux exister.

-Ça…

C'est l'habileté
contre le hasard.

-"71 fragments
d'une chronologie du hasard"

ouvre le champ d'exploration
du cinéaste à la grande ville.

Écrit comme une partition
sans musique,

le film entrelace
les trajectoires de personnages

appelés à se retrouver
dans une banque

lors d'une tuerie de masse.

-Le monde qu'il y a !

-71 fragments qui recomposent
le puzzle hétérogène de la société.

Autant d'histoires individuelles
traduisant le mal-être occidental.

Ce nouveau film
est un constat sans appel

de la violence que la société
exerce sur les individus.

-À chaque fois, il va trouver
une forme à l'écriture.

S'il n'a pas trouvé comment
mettre en scène ce qu'il écrit,

il continue.
Il reste à la table.

C'est stupéfiant

comme ses scénarios
ressemblent à ses films.

-Dans ses scénarios
,

l'image, le son, la tonalité
des séquences sont décrits

de façon très détaillée.

Je n'ai jamais vu
de grande différence

entre ses scripts
et ses films achevés.

Il a un bon sens
du rythme, du timing,

et il écrit merveilleusement bien.

Ses scénarios se lisent
presque comme des romans.

Dès qu'on commence à les lire,
on voit le film à venir

de façon extrêmement concrète.

-Ce sera le troisième volet

de ce qu'Haneke intitulera,
à regret,

"La Trilogie
de la glaciation émotionnelle".

Trois opus ou trois variations
bressonniennes au scalpel,

manifeste cinématographique
du monde occidental,

qui clôturent un premier cycle
âpre et dérangeant

qui veut nous bousculer,

où l'on sent poindre
le désir du cinéaste

de saisir le désarroi vertigineux
de ses personnages.

-Avec l'esthétisation
de la violence

dans les films d'action

et dans les séries policières,

la violence est toujours
représentée de façon "consommable".

Je pense que la violence
n'est pas consommable

et qu'elle n'a pas
le droit de l'être.

Et je crois qu'il était nécessaire

d'exacerber cette situation

pour que le public
ressente vraiment

que la violence, ce sont
des blessures, des souffrances,

et non un aimable divertissement.

Coups de feu.

-Un autre jeu…

Une devinette.

Ça, c'est quoi ?

-Comme s'il n'en n'avait pas fini
avec la violence,

Michael Haneke avance un pion
supplémentaire avec "Funny Games"

et nous confronte, cette fois,
à notre fascination de spectateur

pour la violence
sous forme de divertissement.

Alliant une écriture sophistiquée

à une mise en scène
tendue et jubilatoire,

il nous implique
au coeur de son histoire.

-Froid !

Très froid !

-C'est un film qui demande pourquoi
vous allez voir des films de genre.

En quoi c'est intéressant
de voir des gens qui débarquent

et qui disent :
"On va vous torturer" ?

Généralement,
dans les films de "psycho killers",

on choisi le point de vue,
soit celui du tueur,

soit celui de la victime.

Et là, les deux tueurs
sont une abstraction.

Donc on ne peut être
qu'avec la victime.

Mais il dit aux comédiens
qui jouent les tueurs :

"Vous êtes dans une comédie.

"Rien n'a de sens.

"C'est une comédie absurde."

Et il dit aux 3 victimes :
"Vous, c'est un drame.

"Vous vous aimez,
on vient vous détruire…"

-Quoi ?

Vous pariez qu'à 9 h
vous serez en vie,

et nous,
que vous serez morts, OK ?

Qu'en pensez-vous ?
Ont-ils une chance de gagner ?

Vous êtes de leur côté, non ?

Vous misez sur qui ?

-Haneke y brouille
toutes les pistes :

dans ce jeu de massacre,

qui est la vraie victime
et qui est le véritable bourreau ?

Ne serions nous pas, spectateurs,
à la lisière des deux ?

Jugé comme son film
le plus provocateur,

"Funny Games" sera aussi
son film plus controversé.

-J'ai deux brèves questions
pour Michael Haneke :

pensez-vous être un cinéaste

ou un professeur ?

Et misez-vous vraiment sur
un public éclairé et responsable ?

Car je n'ai vraiment pas eu
ce sentiment en voyant le film.

-Je ne me considère sûrement pas
comme un professeur,

je n'en ai aucune envie !

Je ne crois pas
que le film soit professoral,

j'espère qu'il est troublant,

et qu'il laisse au spectateur
la responsabilité

de reconnaître ou non
certaines choses.

-Seul ?

-Une cachette ?

-J'ai regardé dans le week-end
trois films,

"Funny Games", "Benny's Video"
et "Le Septième Continent",

et le lundi, j'ai appelé Mathilde
et je lui ai dit : "Il est…

"C'est un grand, grand réalisateur.

"J'adorerais travailler avec lui."

Elle m'a dit : "Je te le passe."
Elle était avec lui,

en train, certainement,
de faire une promotion de film.

-J'étais à un festival,
et mon portable sonne :

"Ici Juliette Binoche".
Je dis : "Oui, très drôle !"

Et elle : "J'ai vu vos films,

"peut-on
faire quelque chose ensemble ?"

"Oui, mais je ne sais pas quoi.
On va voir !"

Je me suis trituré les méninges,

et ça a donné ce premier film.

-La carrière du cinéaste va prendre
une dimension internationale

avec "Code Inconnu".

Sorti en 2000,
le film est produit par la France,

qui devient rapidement
son pays d'adoption.

Film choral, au rythme cadencé,

"Code inconnu" inaugure
un vrai tournant

dans sa filmographie.

Construit sur le même principe
que "71 fragments",

le film déploie, autour
de la figure de Juliette Binoche,

qui y joue
le rôle d'une comédienne,

les trajectoires
de différents personnages,

individus perdus
dans l'anonymat de Paris,

sorte de Babel moderne
où plus personne ne s'entend,

ni ne se comprend

et où seul
le rapport de pouvoir subsiste.

Musique entraînante.

-Attends, tu trouves
que tu t'es bien comporté ?

-Quoi ?

-Tu trouves
ton comportement correct ?

-J'étais en 2e année
d'école de cinéma.

Quand j'ai commencé
les cours de mise en scène,

je n'avais pas encore trouvé
"mon" cinéaste,

celui qui m'inspirerait.

Un jour, je suis allé au cinéma
en face de l'école

pour voir "Code inconnu".

Et j'ai fait…

-Le regard est trop face caméra.

-La marque est tombée.

-Ce qui m'a époustouflé,

c'est de voir un cinéaste

qui fait entièrement confiance
à son public.

Il m'interpelle
et me fait confiance

pour appréhender
et évaluer ce que je regarde.

Il me fait également confiance

pour le suivre
dans ce qu'il essaie de dire.

C'est ce type de démarche

qui m'a tenu en haleine
durant tout le film.

-Le thème essentiel
qui traverse tout son cinéma

et aussi toute sa vie,

c'est la relation à l'autre,
au "tu".

Et le cercle s'élargit sans cesse.

La famille, l'environnement social,
la société dans son ensemble.

Jusqu'où peut-on être
véritablement proche de l'autre ?

Quand on y réfléchit aujourd'hui,
il faut intégrer,

mais Haneke l'a fait il y a 30 ans,

la question de la migration,
de l'exil,

la transformation des sociétés
d'Europe de l'Ouest.

C'est pourquoi
la question de l'altérité,

des cultures non-européennes,

n'a cessé de gagner en importance
dans ses films

depuis le début des années 90,

sans pour autant
en être le thème principal.

Mais bien entendu,

il ne propose pas de solution,

il n'a pas de réponse toute faite

à cette question essentielle.

-Rapport à l'étranger,
à celui qu'on appelle "le migrant",

qu'il interroge directement
en allant sur son terrain,

opérant ainsi un véritable
changement de regard,

donnant corps et voix
aux invisibles.

Thème brûlant qu'on retrouve
dans "Happy End", son dernier film.

-L'arrivée en France,

ça a été une nouvelle ampleur
pour son cinéma.

Il y a les films à partir
de "Code inconnu" et ceux d'avant.

En termes d'ampleur de propos

et d'ampleur d'ambition

et de forme cinématographique,
forcément.

-Puissance de sa mise en scène,

présence de plus en plus forte
des visages et des corps,

qui prend avec "La Pianiste"
une amplitude encore différente,

comme si chaque film était
l'occasion d'aller plus loin,

de déplacer sa zone de confort,

en étant au plus près
de sa protagoniste.

Piano.

-C'était tellement beau,
cette musique.

Mais ce qu'il y a de remarquable,

c'est à quel point
rien n'est jamais prévisible.

Comment expliquer ?

Il fait un cinéma à la fois
incroyablement violent…

Il dit toujours :

"Je voudrais que ça soit
tellement insupportable

"que les gens soient obligés
de baisser les yeux."

Il recherche vraiment ce qu'il peut
y avoir de plus troublant,

de plus…

Que la vision du film devienne
une vraie aventure physique,

une vraie expérience physique.

Qu'on soit troublé
au plus profond de sa chair

par ce qu'il nous montre.

-Librement inspiré d'un roman
autrichien d'Elfride Jelinek,

"La Pianiste" dresse le portrait
d'une sadomasochiste

en quête d'absolu,

sublimé par la musique révélatrice
de Schubert.

Piano.

-J'aime la manière
dont on s'est rencontrés,

la manière dont on a commencé
par ne pas faire de film ensemble.

J'ai toujours trouvé ça
très plaisant de sa part,

qui prouve une…

Une manière de ne pas mettre
de l'affect là où il n'en faut pas.

Ça m'a toujours plu chez lui.

Et c'est aussi quelque chose
que je retrouve dans ses films.

Parce que c'est un peu son mantra
de dire "pas de sentimentalisme".

S'il dit peu de choses,
il en dit une et c'est celle-là.

Il le répète souvent

avec la distance et l'humour
qu'il convient d'y mettre.

Mais il aime

le rappeler.

La froideur,
ça vous dit quelque chose ?

Ou peut-être
que vous vous en fichez.

Et la froideur, justement,
pour accéder…

Au fond, à la chaleur,
mais en passant par la froideur

et non pas en passant
ni par le sentimentalisme

ni par une chose…
qui dégoûte, au fond,

et qui rebute un petit peu,
beaucoup même, Michael Haneke.

Et je crois que ça,
ça définit complètement son cinéma,

une forme de froideur.

Mais le froid,
c'est tout près du chaud.

C'est comme en physique
ou comme en chimie.

Le moins est pas loin du plus.

-Oscillant entre
désir de perfection,

cruauté, perversion,

le personnage inoubliable
d'Erika Kohut est bouleversant.

-Le reproche de pornographie
est infondé :

le porno exploite les personnages

et les gens eux-mêmes.

L'obscénité c'est différent :
,

j'espère que mes films
sont obscènes,

d'une façon ou d'une autre.

Il y a une obscénité sexuelle,
une obscénité psychique.

Dès que la norme est transgressée,
ça devient obscène.

Ça devient insupportable,
gênant à regarder.

J'espère que l'art dramatique
fait toujours ça.

-Regardez-moi,
pas votre pénis.

-Un élément très important
dans son cinéma,

c'est le travail
avec les comédiens.

Il est pas impressionné
par les comédiens

parce qu'il a travaillé
avec eux sur scène.

Il sait diriger les comédiens

et où on retrouve la musique,

c'est qu'il dirige
ses comédiens à l'oreille.

Il lui arrive de ne pas regarder
ses acteurs,

d'avoir la tête baissée
pour mieux…

Il n'est pas au combo,
il est à côté de la caméra.

Mais pour mieux
se concentrer sur le jeu,

il lui arrive de baisser la tête,

et au son, il sait exactement
ce que font les comédiens,

s'ils sont justes
ou pas justes,

et s'ils peuvent lui donner
encore autre chose.

-Si tu veux me frapper, frappe-moi.

-Je vais quand même pas
me salir les mains.

-Mais déjà,
c'est une caméra dont on sent,

et c'est un sentiment
évidemment très agréable,

qu'elle sait s'attarder
sur un visage

et on sent

une caméra qui est là,
tout simplement, qui…

Qui vous aime aussi, qui est
intéressée par ce qu'on fait.

Gémissements.

-Scènes abruptes et crues

qui nous donnent envie
de détourner les yeux.

Comme si Michael Haneke
nous propulsait

au coeur de la psyché
de cette femme,

nous donnant à voir ce que
nous nous efforçons d'occulter,

nous délivrant
d'une forme de honte

devant le vertige insondable
de nos pulsions.

Elle renifle.

Gémissements.

Avec ce film magnifique et noir,

qui se veut aussi un film
sur l'incandescence de la musique,

Isabelle Huppert remporte,
avec Benoît Magimel,

le double prix d'interprétation

et Michael Haneke, le grand prix
du Jury, à Cannes, en 2001.

-Il y a des films qui font peur.

On croit qu'ils vont
tout vous prendre, on a tort.

Ils vous donnent tout.

Et alors ?

Il y a des gens dans notre maison,
ils ont tué Georges.

On a dû l'enterrer.

Ils ont pris notre voiture
et nos provisions.

-Je suis désolé.

Désolé pour vous.

-Mais c'est votre devoir
de nous aider.

-Vous connaissez bien la situation ?

-Le son tourne !
-47, 2e.

Clap !

Action !

C'est ça le sujet de mes films :

Les gens…
Nous tous, nous devenons

de plus en plus incapables

de solidarité, de sociabilité,
de relation au "tu".

Nous nous empêtrons
de plus en plus dans l'égoïsme.

On voit ça dans tous les domaines,

dans la sphère privée,

dans la cellule-mère, la famille,

ou dans le rapport de la société
à la nature,

c'est une société
d'accaparement et de pouvoir

où il devient
de plus en plus difficile

de changer le cours des choses.

-Il faut étendre les bâches !

-Il y a presque un plaisir
parfois enfantin.

Un partage très, très grand aussi

dans le travail
qu'il fait avec les techniciens,

avec les acteurs.

On n'a pas le sentiment
de quelqu'un

qui travaille à quelque chose
auquel on n'a pas accès.

Et c'est très agréable
parce que c'est inattendu

de trouver ça chez lui,

cette forme de pragmatisme
dans son travail.

Qui consiste à dire
à tout le monde

de venir regarder sur l'écran

parce que le cinéma,
c'est de la technique, pour lui.

-Porté par la reconnaissance
de "La Pianiste"

et comme s'il n'en avait pas fini
avec notre passé dominateur,

Michael Haneke aborde avec "Caché",
véritable thriller psychologique,

ce qui constitue le tabou ultime
en France : la guerre d'Algérie.

-C'est quoi, ça ?

-La maison de mon enfance.

-Suite à l'envoi
de cassettes vidéo,

Daniel Auteuil, journaliste en vue
et père de famille,

est amené à revivre
un épisode refoulé de son enfance.

-Qui connaît la maison
où tu as passé ton enfance ?

-Je sais pas.

-Enlisé dans le déni,

nous suivons l'inéluctable
chute du personnage,

tout en recomposant mentalement
une autre histoire.

-Le cinéma, c'est pas tout montrer,
c'est faire confiance à l'invisible,

et ça, c'est vraiment
quelque chose qu'il manie…

Spectaculairement, si je puis dire,
pour parler de l'invisible.

Mais c'est l'art
de la mise en scène,

l'art du hors-champ,

de faire croire qu'on voit
quelque chose alors que non.

-Ravages
de notre passé colonisateur

qui ruine la vie des hommes
et de ce père brisé,

interprété avec pudeur
par Maurice Bénichou.

-Qu'est-ce que tu dis là ?

-C'est pas vrai ?

Je crois que si.

Qu'est-ce qu'on ne ferait pas

pour ne rien perdre ?

-Nos culpabilités passées,

nos culpabilités
de génération en génération,

ce que nos parents,
nos grands-parents ont fait ou pas.

Les non-dits, on les porte tous.

Je crois qu'on ne peut pas
juste se couper du passé.

On est quelque part,

on doit se retrouver responsables
de ce que nos pères ont fait.

-C'est la question classique :

"Ne pourriez-vous pas
rendre vos films

"un peu plus gratifiants
pour le public ?"

Je crois qu'il n'y a pas
de compromis possible

entre commercial
et non-commercial.

Surtout au cinéma.

-Tu veux quoi ?
Que je demande pardon ?

-À qui ?

À moi ?

-Tu veux savoir quoi ?

-En fait, plus rien.
Je voulais savoir comment on se sent

quand on a un homme
sur la conscience.

-Avec sa fin ambiguë,

comme le sont
les fins de tous ses films,

Michael Haneke
nous pousse à nous questionner.

Où se cache la vérité ?

N'y aurait-il pas
plusieurs vérités ?

Ne serait-elle pas
une question de point de vue ?

4 ans après "La Pianiste",

"Caché" remporte le prix
de la mise en scène à Cannes,

le prix du jury
et du meilleur film européen.

Ce sera aussi le premier
vrai succès public du cinéaste.

-Haneke n'a aucune envie
de délivrer des vérités

qui mettent
tout le monde d'accord

Il veut ajouter quelque chose.

Dans ce sens, il joue
un rôle essentiel pour moi

quand je me demande
quel cinéaste je veux être.

-NOTRE PÈRE QUI ES AUX CIEUX,

QUE TON NOM SOIT SANCTIFIÉ
,

QUE TON RÈGNE VIENNE
,

QUE TA VOLONTÉ SOIT FAITE

SUR LA TERRE COMME AU CIEL.

DONNE-NOUS AUJOURD'HUI
NOTRE PAIN DE CE JOUR

ET PARDONNE-NOUS NOS OFFENSES,

COMME NOUS PARDONNONS
À CEUX QUI NOUS OFFENSÉS.

NE NOUS SOUMETS PAS À LA TENTATION,
MAIS DÉLIVRE-NOUS DU MAL

CAR C'EST À TOI QU'APPARTIENNENT
LE RÈGNE, LA PUISSANCE ET LA GLOIRE

POUR LES SIÈCLES DES SIÈCLES.

AMEN.

-Chef-d'œuvre formel
et récit d'une extrême précision,

"Le Ruban blanc" constitue
un condensé de sa vision du cinéma.

Fenêtre sur le monde
dont la beauté nous échappe,

où la vérité se glisse
entre les interstices des images.

-Salut, Anni !

-Que t'ai-je fait ?

-Mais enfin, rien !

Tu es laide, négligée,

tu as la peau flasque
et l'haleine fétide. Ça ira ?

-Successions de tableaux
sur la nature humaine,

écrasée sous les diktats
du protestantisme…

Qui mène à la violence pure.

Omnipotence des pères
et du patriarcat

qui transforme ses enfants
en anges exterminateurs.

-Donne-moi le sifflet !
-Pardon ?

-Le sifflet !

-Quel sifflet ?

-Donne-le-moi !

-Quel sifflet ?

-Aujourd'hui encore,
c'est souvent l'évidence :

ceux qui sont tout en bas
de la hiérarchie,

les enfants et les animaux
,

subissent une violence

dont les auteurs
ne sont pas inquiétés.

Puis il y a les femmes
et en haut, les hommes.

Cela reste flagrant
dans de nombreuses sociétés.

Chez nous, c'est un peu adouci,

mais c'est un fait
historique avéré.

Voilà la scène :
là-bas…

Elle est au piano.

Ici se tient le flûtiste, il joue.

Et le gamin est là où est Hanush.

Sur le piano,
il y a deux chandelles,

à gauche et à droite,

et lui en a une aussi
sur son lutrin.

-Chéri, si la musique te plaît,
viens tourner les pages.

Si tu t'ennuies va te coucher
,

ou sors de mon champ visuel,
tu t'agites

et ça me gêne.

Quelle heure est-il ?

Où est la nurse ?

-Avec les jumeaux, je suppose.

-Ce que ses films déclenchent
chez le spectateur

n'est jamais prédéterminé
ou univoque.

Beaucoup de gens me l'ont dit
et je l'ai observé chez moi.

Ses films
font naître des sentiments

extrêmement riches et variés.

À cette séquence magnifique

avec l'instituteur
et la jeune fille,

cela relève de ce que l'histoire
de la civilisation occidentale

peut offrir de plus beau
en matière de lyrisme amoureux.

J'ai l'air de donner

dans le pathos,
mais j'en suis vraiment persuadé

-La Palme d'or est attribuée

au "Ruban blanc" de Michael Haneke.

Applaudissements.

-C'est un aboutissement esthétique
et une consécration.

Il a la Palme d'or
et le film marche,

donc c'est un succès absolu.

Donc c'est terrifiant,

parce que
qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

Et donc il profite
d'être comme ça, au top,

pour faire le contraire,

mais ce qui lui tient
tout autant à coeur.

Cette fois-ci,
on va rester dans un appartement,

on va être avec deux personnages
et non une multitude,

et on prend quelque chose

qui est au coeur de ça,
on revient à sa vie à lui.

"Amour" naît de la relation

qu'il a eue
avec cette tante qui l'a élevé

et qui, à la fin de sa vie,
lui a dit : "Aide-moi à mourir."

-Ça tourne.

-35/1, deuxième.

(-Clap.)

-Cadré.

-Action.

-Mais…

Tu es trempée.

-Comment ça ?

-Attends…

-Aboutissement ultime

et point d'orgue de ses films
précédents avec "Amour",

son plus grand succès

et certainement
son film le plus personnel.

Michael Haneke remporte
sa deuxième Palme d'or.

-26/1, troisième,
clap de fin, merci.

-Film d'amour sur l'amour ultime

avec le couple le plus émouvant
de l'histoire du cinéma :

Emmanuelle Riva
et Jean-Louis Trintignant.

Ils rient.

-OK, on y va.

-C'est bien pour les deux caméras,
la position ?

-Caméra tourne.

-Cadré.

-Cadré ?
-Oui.

-Action.

-Allez, ouvre la bouche.
Allez, Anne.

Ouvre la bouche…

Allez !

Arrête ça.

Si tu bois pas,
tu vas mourir.

-Mmh…

-C'est ça que tu veux ?

-Cela faisait au moins 10 ans

qu'il voulait faire un film
sur le grand âge.

Il voulait s'attaquer à un sujet

dont il est convenu de dire
qu'aucun producteur,

aucun distributeur et aucun public
n'a envie de s'y confronter.

Quand il a pu réaliser ce film,

il était dans la position idéale

parce que sa carrière
ne pouvait plus en pâtir.

Il avait reçu
tous les prix importants,

il avait lui-même avancé en âge,

il avait 70 ans
quand "Amour" est sorti.

C'est sans doute pour cela

que ce film est empreint
d'une telle liberté.

C'est très gratifiant
et très libérateur

de voir un cinéaste
dans cette situation

s'emparer de ce sujet
avec un tel sérieux.

-Que reste-t-il d'une vie ?

Que fait-on face à l'inéluctable
,

quand on risque, justement,
de perdre l'autre ?

Avec ses scènes bouleversantes,

habitées par la grâce
et traversées par la musique,

Michael Haneke nous confronte
à notre propre finitude.

Fin de vie où les gestes
et l'espace se réduisent,

où présent et passé se confondent,

où l'angoisse
nous assaille brutalement.

Il crie.

-Qu'est-ce qu'il y a ?

-Dans l'œuvre
des grands cinéastes,

le film oscarisé
et acclamé dans le monde entier

est rarement le plus abouti
sur le plan artistique,

celui qui représente au mieux

les caractéristiques
de leur travail.

Le plus souvent,
c'est dans d'autres films

que ces cinéastes
donnent le meilleur d'eux-mêmes.

Avec "Amour", on a l'exemple
très rare d'un cinéaste

dont le film oscarisé
et le plus vu dans le monde

est, à mes yeux, le meilleur
de ce qu'il a produit depuis 50 ans

en tant qu'artiste.

Un sommet
dans l'œuvre de Michael Haneke.

-Papa…

Tu aimes Anaïs ?

-Bien sûr que j'aime Anaïs.
C'est ma femme.

-Maman aussi, c'était ta femme.

-C'est vrai.

T'es précoce, toi.

-"Happy End" est, à ce jour,
le dernier film du cinéaste.

Portrait grinçant d'une famille
bourgeoise de Calais

obsédée
par son prochain effondrement,

ce film ausculte
avec jubilation nos névroses.

La crise migratoire
en toile de fond

fait de Michael Haneke
un cinéaste en prise permanente

avec son époque.

-Il en va de même

pour tous les films
et tous les livres :

jusqu'où suis-je prêt,
ou jusqu'où ce livre est-il capable

de m'atteindre à un endroit

où je me sens concerné,
mais aussi reconnu,

et compris, ou peut-être critiqué,
que sais-je encore.

C'est ça qui constitue le dialogue
entre l'œuvre et son public.

-Baisser les yeux,
refuser de voir, occulter la honte.

Le regard constitue le coeur
du cinéma de Michael Haneke.

Dire, ne pas dire, mentir.

Tout comme ces enfants
qui cherchent à se comprendre,

son cinéma nous enjoint à ouvrir
les yeux et à écouter l'autre.

-Êtres humains.

Toi : être humain.
Moi : être humain.

Là : êtres humains.
-Êtres humains.

-Il nous rend ce que la société
cherche à nous faire oublier :

notre responsabilité
et le pouvoir de changer nos vies.

Cinéaste intransigeant,

Michael Haneke préfère
laisser parler ses films,

car il fait confiance
à notre intelligence.

Ce regard implacable
qu'il nous porte

est le reflet du regard implacable
qu'il porte sur lui-même.

Tout comme ses films
nous consolent de nos inaptitudes

et nous encouragent,

les films de Michael Haneke
lui ressemblent

et parlent pour cet homme

qui a choisi le cinéma
comme espace de langage…

Construisant mot après mot,

phrase après phrase,
film après film,

une œuvre humaniste, révélatrice,

traversée par la noirceur

et la grâce.

-De donner
une telle responsabilité à ça,

comment dire les choses

et choisir vraiment de les dire
d'une certaine manière

avec autant de…

De…

D'honnêteté, finalement,

je trouve ça…

Très émouvant.

Adaptation : Bernard Mangiante

Sous-titrage SME : VECTRACOM