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Fondé en 1967, le Montreux Jazz Festival
est l'un des festivals du genre

le plus vieux et le plus respecté.

Le Festival et la Fondation Claude Nobs
nous ont donné accès

aux archives pour réaliser cette série.
Ce trésor abrite

plus de 5 000 heures d'enregistrement
des musiciens

les plus iconiques
de l'histoire musicale moderne.

Montreux a accueilli des musiciens
du monde entier,

quels que soient leur genre et leur origine.
Claude Nobs, le fondateur,

incarnait ces valeurs
d'inclusion et de diversité.

Voici son histoire.

Je considère le Festival de Jazz de Montreux
comme la Rolls Royce

de tous les festivals du monde.

La Rolls Royce.

C'est ce joyau doré, caché.

C'est vraiment un lieu de liberté musicale.

C'est pour les gens qui aiment la musique,
se réunir. Ça part de là.

La fête vient après la musique.

Quand je vais à Montreux,
tout le monde s'en fout

que tel ou tel ait vendu
100 000 albums.

On s'en fout de ça.

À Montreux, on est dépouillé de tout,

et la seule chose qui te fait rayonner,
c'est ton talent brut.

Le Festival de Jazz de Montreux
est une remise de diplômes.

Un endroit spécial pour
les musiciens qui montent sur ce plateau.

Ça m'a vraiment étonné
d'être accepté là-bas.

Ce festival est le festival de prestige original.

Toutes ces performances vont sortir,

et les gens verront
qu'on fait quelque chose d'important.

C'est un honneur de jouer sur la même scène

qu'Aretha, que Nina Simone, que Prince.

La seule et unique
Etta James !

Nina Simone !
Gilberto Gil ! Herbie Hancock !

Marvin Gaye !
David Bowie !

Dizzy Gillespie !
Oscar Peterson !

Miles Davis !
Carlos Santana !

ZZ Top !

Excusez-moi.

Combien de chansons il a fait, vous savez ?

C'est le deuxième morceau.

Vous savez combien il va en faire ?

- Il va faire sa demi-heure.
- Une demi-heure ?

Je vais aller vérifier.

Ouais, je ferais mieux de mettre ma robe.

La dame de la soul, Aretha Franklin !

La personne qui se trouve
au cœur de ce grand festival

était un fou nommé Claude Nobs.

Il était le père fondateur du festival.

Yeah, ouah !

Ce festival devrait s'appeler

Claude Nobs -
Festival de Jazz de Montreux.

Bobby McFerrin !

Il a transformé ce village endormi

de Montreux en Suisse,
en un terrain de jeu miraculeux

pour la grande musique.

De nombreuses personnes,
considérées comme des stars aujourd'hui,

ont fait leurs premiers pas en Suisse,
enregistrés par Claude Nobs.

On va passer un bon moment ce soir.

Je suis très content
que vous soyez venus ici ce soir.

Il a apporté un niveau d'amour si élevé

que cela ressemblait presque
à une histoire d'amour.

Une histoire d'amour
à travers la création de l'art.

Il était comme
une encyclopédie vivante du jazz et blues.

C'est comme ça que j'ai fait
connaissance avec Claude.

Tout ce qu'il voulait savoir,
c'était à quel point tu t'impliquais.

À quel point aimes-tu la musique ?

À quel point aimes-tu ta vie ?

Et je crois que tout le monde, au bout du compte,
veut la même chose.

Nous voulons tous l'amour,
nous voulons tous ce sentiment de passion,

parce que c'est ce qui nous maintient en vie.

C'est l'histoire étonnante de Claude.

Il a fait de sa passion et de son amour une réalité.

Claude, comment ça va ?

Semble-t-il que ça va bien, non ?

Un peu mal peigné.
J'ai besoin d'aller chez le coiffeur.

Qu'est-ce que je suis mal peigné !

J'ai un peu chaud, parce qu'il y a
le soleil dehors, c'est le printemps.

Mais ça va bien, même très bien.

Quel est notre rêve ultime ?

C'est le même rêve que j'ai eu toute ma vie.

On essaie de rendre les gens heureux

et de partager ce qu'on a.

Au fond, on aurait voulu être un artiste ?

Oui. La première chose,
c'était le piano.

Mes parents m'ont donné deux leçons de piano,

parce qu'après la deuxième,

je ne comprenais pas qu'il fallait
tourner les mains,

faire des exercices acrobatiques
pour faire des gammes.

Je voulais être tout de suite Oscar Peterson,
donc j'ai abandonné.

Avec des hauts et des bas,
mais les deux, on est bien, non ?

On a fait du chemin.
On a vu beaucoup de gens.

On a eu des larmes aussi.
Des fois, c'était un peu la catastrophe.

Et maintenant, il fait beau.
Le festival est bientôt là.

On a surtout les copains.

Ce qui était assez unique avec Claude,
c'est qu'il est né ici.

Claude est un garçon de Montreux,
il est lié à cette région.

C'était comme un endroit magique,
des jeux et du plaisir.

Mais je ne me souciais pas vraiment de l'école
et des devoirs.

Tout cela semblait très inutile,

Je pensais pouvoir apprendre par moi-même

et que tout ce que j'avais à faire,

c'était de faire ce que j'aimais faire.

Travailler dur, vivre proprement,

c'était le sens de la vie.

Quand Claude était dissipé à l'école,

son père lui disait : "Ça suffit."

Quand j'ai raté un examen,
je devais avoir 17 ans, au gymnase à Lausanne.

C'est là que mon père a décidé
de se débarrasser de moi et m'a dit :

"Tu es trop paresseux.
Demain, tu décides ce que tu veux faire."

Et j'ai décidé d'être cuisinier.

Alors il m'a mis en contact avec un vieux chef,
et il m'a dit :

"J'ai une place pour toi à Bâle."

Le chef, à Bâle,
avait travaillé au Grand Hôtel de Territet,

et c'était un chef merveilleux pour moi.

Nous cuisinions à l'ancienne.

Pas de machines,
tout devait être épluché à la main.

J'ai beaucoup appris et la cuisine m'a intéressé
au point de finir

avec la meilleure note de toute la Suisse,
avec 1,1.

Ma grande compagne était ma radio.

J'écoutais EuropeOne,
qui était la première radio libre.

Le studio était à Paris,
mais la tour d'émission était au Luxembourg,

une terre étrangère, tu sais,
comme une partie libre de l'Europe.

J'ai découvert une émission nocturne,
"Pour ceux qui aiment le jazz".

J'étais jeune, j'avais 17 ans,

donc c'est comme ça que je me suis formé
au jazz,

parce qu'ils expliquaient le jazz, le R&B.

C'est sur cette station
que j'ai entendu le premier Ray Charles,

le premier John Coltrane,
tous les premiers trucs contemporains,

et le premier enregistrement d'Atlantic.

C'est vraiment là que,
soudain, mon label préféré est devenu Atlantic.

C'était une libération, une ouverture,
une fenêtre sur le monde,

et ça m'a mis en contact
avec toutes sortes d'autres personnes.

J'aurais pu continuer à être chef,
peut-être un assez bon chef,

mais je voulais voyager,
entrer dans l'industrie hôtelière.

Voici la Riviera suisse :
un magnifique terrain de jeu

et havre de paix pour des millions de personnes

depuis la découverte de ses merveilles
scéniques et climatiques.

Un panorama de montagnes à couper le souffle

fait face à la paisible station de Montreux,

où les avantages d'une ville moderne

se mêlent aux plaisirs
d'un lieu de vacances tranquille.

Voici la Riviera suisse :
une heureuse maison de vacances.

Quand il est revenu à Montreux,
il a rencontré un homme, Raymond Jaussi,

à qui il faut accorder un certain crédit,

parce que c'est l'homme
qui a fait la renaissance de Montreux.

Il a fait une carrière militaire
dans l'armée suisse,

puis il est devenu membre
de l'office du tourisme de Montreux.

Monsieur Jaussi a vu ce que je faisais
et il m'a demandé :

"C'est ce que vous voulez faire de votre vie ?

Vous avez une formation en gestion hôtelière,

et maintenant vous connaissez
le système bancaire."

Il m'a dit que je pouvais être le comptable
de l'office du tourisme.

À Montreux.

Il avait cet instinct,

et Claude était vraiment
très reconnaissant envers lui

de lui avoir donné cette chance.

Le mentor de Claude, vraiment.

Quand il a commencé ici, les gens pensaient :

"Montreux, magnifique,
mais tellement ennuyeuse."

C'était l'époque des vieilles dames anglaises

qui venaient passer leur retraite ici.

C'était très calme,
donc il voulait secouer cet endroit.

Montreux, vous savez, c'est une drôle de ville,

mais je pense que c'est peut-être
pour ça que Claude

a brillé ainsi, parce qu'il était, pour moi,

une île de culture,
dans un endroit assez stérile.

Je pensais qu'il serait devenu trop grand,

ou qu'il aurait voulu grandir,
mais il l'a fait grandir autour de lui.

Claude pensait
qu'on devait faire quelque chose avec le jazz.

Il pensait qu'on devait faire
un festival de jazz.

Alors il est allé voir Jaussi et lui a dit :
"Pourquoi ne pas faire ça ?"

Et Jaussi lui a dit : "Fin juin, début juillet,

on a de la place dans nos hôtels,

et on pourrait faire quelque chose.

Je te donne 10 000 francs suisses."

Claude est allé aux États-Unis,

parce qu'on savait
que l'Amérique avait un grand potentiel musical.

Claude Nobs,
c'est incroyable quand on y pense.

Il a décidé qu'il voulait un festival de jazz

dans cette toute petite ville, en Suisse.

Et il a pris un avion et a dû présenter
ce festival qu'il commençait.

Je ne sais pas comment il a fait.

Avec Claude, c'était peut-être naïf,
mais c'était le cœur qui parlait.

Tu agis comme tu ressens.
Tu n'expliques pas, tu fais, c'est tout.

Il est allé chez Atlantic Records,
et il a dit au secrétaire :

"Je dois voir M. Nesuhi Ertegun."

Et la secrétaire lui a répondu :

"Mais vous n'avez pas de rendez-vous,
je ne peux pas le déranger."

Et lui : "J'ai fait le voyage depuis la Suisse
pour le voir."

La porte d'Ertegun était ouverte,

il a entendu ce gentleman
parler ce français-anglais,

alors il est sorti et a dit "Grüezi",
"bonjour" en suisse allemand.

Nesuhi Ertegun était le fils
de l'ambassadeur de Turquie à Berne

et il parlait allemand.

La relation s'est donc nouée immédiatement.

Atlantic Records a commencé
à collaborer avec Montreux.

Ils adoraient Claude

et ils ont permis à leurs artistes d'y aller.

Nesuhi Ertegun était un visionnaire,

et il avait une manière merveilleuse
d'être avec les artistes.

Et Nesuhi a vu à Montreux
une extraordinaire plateforme européenne

pour les artistes.

Et quand on y pense,
je veux dire, il y avait ce gosse,

qui ne connaissait personne
dans ce business,

et qui a fait connaître cette ville.

C'est époustouflant quand on y pense.

Bravo, je dis.
La suite, on la connaît.

C'est une caméra qui se balance,
tu es un homme qui se balance.

- Oh non.
- J'ai une femme et des enfants.

Mesdames et messieurs,
j'aimerais saluer nos invités étrangers,

je voudrais dire bonjour à tous les musiciens,

et nous espérons entendre

le meilleur jazz que vous puissiez nous donner.

... dans le cadre de l'organisation,
de souligner les mérites

de mon collaborateur,
monsieur Nobs.

C'est monsieur Nobs, un enthousiaste du jazz,
qui, il y a quatre ans,

a eu l'idée de faire cette manifestation.

C'est à son enthousiasme,
à ses connaissances

et à son activité débordante

que nous devons dans une large mesure
le succès d'aujourd'hui.

Claude a dû surmonter tellement d'obstacles
que c'est un miracle

qu'il ait pu organiser un festival dans un endroit
comme Montreux.

C'était un jeune homme plutôt entreprenant

et il a compris ce qu'il y avait à faire.

Les musiciens de jazz aimaient aller en Europe,

ils aimaient aller à Montreux.

Au fil des ans,
l'Europe a développé une meilleure relation

avec les musiciens afro-américains.

Ils se sentaient très à l'aise en Europe.

L'Europe n'était pas parfaite à tous égards,

mais elle était certainement meilleure.

Tout le monde parlait à tout le monde
dans ce milieu.

Et ça s'est ébruité.

Monsieur Chaney, monsieur Chaney, Ken Chaney !

Près de moi, monsieur Claude Nobs,
de l'office du tourisme de Montreux.

On parle déjà d'un troisième festival de jazz.

Je crois que les dates sont fixées.

Le festival de cette année arrive
à un maximum

en ce qui concerne la vente des billets,
car tout est presque complet.

Et heureusement, pour l'an prochain,

nous aurons une salle
d'une capacité double.

Cette capacité double nous permettra,

tout en gardant des prix extrêmement modestes,

des prix populaires,
d'avoir des orchestres, des grands orchestres.

Je pense à des grands noms comme Ellington
ou Ella Fitzgerald,

et de donner au Festival ainsi
quelques lettres de noblesse en plus

avec des formations très connues
qui se produiront

en attraction, l'avant-dernier
ou le dernier soir.

C'est tout près, non ?

Merci beaucoup.
Merci d'être si généreux et si gentil.

Merci encore.

OK. C'est bon. Je le retiens.

OK. À plus tard, messieurs.
Vous pouvez aller manger maintenant.

Merci.

Merci. Merci beaucoup.

Merci.

Un, deux, un, deux trois quatre.

Encore une fois, surtout la dernière,
ça doit être "bam" !

Un, deux, trois, quatre,
deux, deux, trois, quatre...

Encore une fois.

Un, deux, et un, deux, trois, quatre.

Un bon petit exercice de fait,
avant de retrouver

les nouveautés du Festival de jazz de cette année.

Tout d'abord,
ce mariage entre la pop et le jazz.

En effet, pour la première fois,

deux formations pop
viendront à Montreux cette année.

Et l'an prochain, d'ailleurs,
ce mariage sera encore plus important

puisque nous prévoyons même
des formations américaines de pop.

Mais du nouveau, il y en a beaucoup cette année.

Les jam sessions, bien sûr,
et surtout les nouveaux locaux du casino

qui permettent à chacun d'avoir plus de place,
de se retrouver

dans une ambiance, et d'une manière générale,

dans cet esprit de retrouvailles
des quatre coins de l'Europe,

des États-Unis, d'un peu partout,

des gens qui viennent se retrouver
sous le même emblème : celui du jazz.

À la fin des années 1960,

le rock éclipsait toutes les autres
formes de musique populaire.

En ouvrant le Festival aux groupes de rock,

en s'éloignant de la pureté du jazz,
une déclaration a été faite.

La musique grandit, elle évolue,
c'est un organisme vivant.

La bonne musique, c'est la bonne musique.

Claude n'avait pas peur d'inviter des gens

qui ne faisaient pas de jazz,
mais qui avaient une intégrité musicale

qui permettait à Claude de se dire

que ces gens avaient aussi leur place
sur cette scène.

L'essor de l'album rock,
la révolution des chaînes stéréo

et la prolifération de la radio FM

ont capté toute une génération
de nouveaux auditeurs.

Et le rock a pu se connecter avec cette génération.

Cela a vraiment aidé à élargir le public.

Je pense que beaucoup de gens,

beaucoup de fans qui sont allés
au Festival de Jazz de Montreux,

sont repartis avec une appréciation
plus grande de la musique,

une plus grande connaissance
du monde musical.

Les gens du jazz avaient des petites tables,
avec un verre de champagne,

à l'ancienne,

et Claude a donné aux jeunes
de cette génération ce qu'ils voulaient.

Et c'est ainsi que le Festival de Jazz
est devenu différent des autres.

Claude a invité Ten Years After,
et ce fut la révolution.

Quand j'ai commencé à promouvoir
des concerts de rock,

ma vision était totalement différente

que lorsque j'écoutais leur musique
avant de les voir en concert.

J'ai découvert très vite
que certains de ces gars étaient très doués

et ne copiaient pas juste
l'art populaire américain,

ou le blues ou la musique folk.

Ils faisaient vraiment leur propre truc.

Les gens comme Jethro Tull,
comme Pink Floyd,

ils avaient leur propre genre
et leur propre personnalité.

Je suis allé à Londres voir Peter Grant,
le manager de Led Zeppelin.

Et Peter avait la réputation
d'être un gars très dur, très dur.

On a donc parlé de Led Zeppelin,
et à quel point je les voulais,

et ils sont venus en 1971.

Ils se sont produits deux fois
et sont revenus en 1972.

C'était à guichets fermés,
le seul concert en Europe.

Et je n'ai jamais eu de contrat.

Peter m'a juste dit de m'assurer
que les gars soient contents.

Et ils ont adoré ça.
C'était vraiment génial.

Et lors du premier spectacle,

il y avait
tellement de gens sans tickets que Peter a dit :

"Mettons des haut-parleurs
près de la piscine et du casino

pour que les gens puissent
profiter du concert en direct."

Laissez-moi vous présenter
Led Zeppelin.

À la guitare, Jimmy Page.

Et moi-même, Robert Plant.

Soudain, Montreux est devenu la Mecque
de la pop et du rock en Suisse.

Tout à coup, nous avions des gens qui venaient
de Rome, de Berlin,

de Scandinavie,
parce que c'étaient des spectacles uniques,

c'était l'occasion de voir ces grands groupes
dans des petits milieux.

Et nous avions tous les hippies,

donc les gens de Montreux allaient au casino

et il y avait comme une grande barrière
autour de la piscine.

L'après-midi bien sûr,
tous ces hippies bronzaient et se baignaient.

Et ces gens de Montreux
regardaient à travers ces grilles,

comme s'ils étaient au zoo,
avec l'éléphant et le crocodile,

et ceci et cela.

Je me souviens que nous avions

des milliers de tentes dans le jardin,

où les gens venaient dormir.

Ils pouvaient dormir dans le jardin,
personne ne les dérangeait,

ils partaient le matin
parce que le policier venait et disait :

"Si vous ne partez pas, les chiens
risquent de vous pisser dessus."

C'était notre génération

et nous étions certainement un peu fous,
peut-être un peu naïfs.

Tout le monde était assis, fumait sa dope,
et tout ce que vous voulez,

mais c'était le début.

C'était une sorte de brouhaha de gens
qui venaient de partout.

Nous venions juste de faire Woodstock,

et donc tout ce que nous avons vu à Woodstock
était la confirmation

que les humains peuvent coexister,
dans l'unité et l'harmonie.

En étant au Festival de Jazz de Montreux en 1970,

je ne pouvais pas croire
qu'il y avait autant de groupes différents.

Et se promener, regarder les montagnes
et le lac et tout,

c'était comme être dans un rêve éveillé.

Claude Nobs, ce Festival de Jazz

que vous organisez
depuis quelques années maintenant,

qu'est-ce que c'est vraiment, pour vous ?

Eh bien, pour moi,
c'est d'abord une grande fête,

la grande fête du jazz,
des musiciens, de tout le public,

de tous les amis du jazz
qui se réunissent non seulement

le soir pour écouter les concerts,
mais aussi comme cet après-midi,

près de la piscine,
où il y a des jam sessions.

Il y a le champion Jack Dupree,
il y a un tas de musiciens qui sont là,

qui viennent discuter, se reposer, se relaxer,

créer l'ambiance qui permet le soir
de vraiment...

... de donner à la soirée et au groupe
cet espèce de côté...

... d'enthousiasme qu'on ne trouve pas toujours

dans les autres concerts
qui sont faits en grande vitesse,

où l'on arrive les valises à la main,

prêts à monter sur scène à la dernière minute.

C'est un énorme travail.
Vous ne trouvez plus guère de plaisir ?

Oh si, pour moi, le plus grand plaisir,

c'est de savoir
que les autres sont heureux,

de voir que les musiciens sont heureux,
que le public est heureux.

Et puis d'avoir cette chance de pouvoir,
en quelques minutes,

me relaxer un peu, de venir ici prendre un bain,

peut-être de jouer un peu de blues avec Jack.

- Vous allez nous jouer quelque chose ?
- Bon, d'accord.

- Jack, prêt ?
- OK.

Un, deux.

Un, deux.

Je crois que c'est ça.

Claude aimait prendre des risques.

Et il avait un public
qui le soutenait.

Il voulait partager sa joie
et les aider à ressentir

ce qu'il a ressenti
toute sa vie pour cette musique.

Il vénérait la force de vie de l'artiste
qui fait cette musique.

Il a eu l'idée il y a un demi-siècle,

de mettre cette passion
dans un projet comme celui-là,

de rassembler les gens dans des situations

dans lesquelles ils ne se retrouveraient pas
en temps normal.

Je pense que si vous vous intéressez

et que vous êtes passionné de cette culture,
ça finit par marcher.

Nous sommes d'abord venus à Montreux
selon le schéma habituel.

Si vous faisiez une tournée en Europe,

il y avait de fortes chances
que vous jouiez au Casino de Montreux.

On détestait les studios à l'époque.

On n'aimait pas le son
que l'on obtenait dans les studios.

On cherchait un endroit pour jouer en direct

et on est tombés sur le casino
qui était disponible.

Claude Nobs a dit oui, qu'on pouvait l'avoir,
qu'il était dispo.

On était d'accord.

On avait le camion mobile des Rolling Stones.
On est arrivés ici.

Il a dit qu'il y avait encore un concert avant,

et c'était un concert de Frank Zappa,

qui avait lieu le lendemain à 15h,
une représentation en matinée.

Ce gars arrive juste
par-dessus mon épaule droite.

Deux fusées éclairantes
comme des chandelles romaines,

une fusée de détresse.

C'est entré par l'arrière du bâtiment.

Ça semblait s'éteindre,
mais ensuite ça a pris feu.

Ça y est, la salle avait brûlé.

Au feu !

Dirigez-vous calmement vers la sortie,
mesdames et messieurs.

Nous sommes allés au bord du lac,
à l'hôtel Eden Au Lac,

et nous avons regardé le vent venant des montagnes

qui soufflait les flammes et la fumée.

C'était incroyablement choquant
de voir tout cet endroit brûler.

C'était la vie de Claude qui partait en fumée.

Je me suis réveillé un matin à l'hôtel,

j'ai dit les mots à haute voix :
"Smoke on the water".

Écrivons l'histoire
de comment nous avons fait l'album.